Droit des migrations

Art. 51 LAsi

Cet arrêt traite de « l’asile accordé aux familles » et plus précisément de la vraisemblance de l’union conjugale ainsi que de l’existence de « circonstance particulière » excluant le regroupement. Le TAF estime tout d’abord que le SEM a rejeté à tort la vraisemblance d’une union conjugale conclue en Erythrée. S’agissant des circonstances particulières, la question est de savoir si le fait que le regroupé potentiel soit déjà reconnu comme réfugié dans un autre Etat – en l’occurrence l’Italie – exclut l’octroi de l’asile familial ? Le TAF s’appuie sur le fait que l’art. 51 poursuit deux buts : d’une part, assurer le droit à la vie familiale et, d’autre part, offrir une protection aux membres de la famille de réfugiés. Il estime ensuite que le but de protection serait vidé de son sens si l’asile familial pouvait être accordé alors que la personne visée bénéficie déjà du statut de réfugié – et donc d’une protection – dans un Etat tiers. Dès lors, il existe donc bien une « circonstance particulière » excluant l’octroi de l’asile familial quand le membre de la famille pouvant en bénéficier est reconnu comme réfugié dans un Etat tiers.

Cet arrêt concerne une dénonciation au TF pour déni de justice de la part du TAF dans une affaire relevant du droit d’asile et plus précisément un cas Dublin pour lequel le TAF a un délai de traitement prévu à l’art. 109 LAsi. Cette affaire a cela de particulier qu’en cours de procédure, il a été demandé qu’elle soit traitée par un collège de cinq juges, ce qui a eu pour conséquences de prolonger sensiblement la durée de ladite procédure. Dans cet arrêt, le TF n’examine s’il y a déni de justice que dans la mesure où ce dernier serait illustratif d’un problème structurel de nature organisationnelle ou administrative. En l’espèce, un délai de 23 mois après clôture de la procédure d’instruction n’est pas convenable. Le TF invite donc le TAF à examiner comment des mécanismes de prise de décision rapide pourraient être mis en place dans les procédures pour lesquelles des périodes de court traitement légal (cf. art. 109 LAsi) s’appliquent. (NB : l’arrêt sur le fond de l’affaire, TAF D-4248/2015, a été rendu le 28 février 2018 et est résumé ci-dessus dans la partie sur Dublin).

Art. 31a LAsi, Règlement Dublin-III

Dans cet arrêt, il est question de la pertinence des exigences posées dans la jurisprudence Tarakhel de la CourEDH s’agissant de personnes particulièrement vulnérables autres que des familles avec enfant. En l’occurrence, le recourant est un ressortissant sri lankais sur la demande d’asile duquel le SEM n’est pas entré en matière en raison de la compétence de l’Italie (l’intéressé est entré dans ce pays au bénéfice d’un visa). Dans son analyse, le Tribunal relève notamment que, dans l’arrêt Tarakhel, la Cour a clairement montré que sa réflexion était intimement liée au respect de l’intérêt supérieur de l’enfant et à la situation dans laquelle se trouvent les familles. Il en déduit que les exigences posées par la Cour n’ont pas vocation à protéger d’autres personnes particulièrement vulnérables, telles que les personnes gravement malades.

ATAF 2017 VI/9 (d)

2017-2018

Règlement Dublin-III

Cet arrêt de principe élargit la portée de la jurisprudence du TAF relative au Règlement Dublin-III. Les recourants sont une famille originaire d’Irak contre laquelle une décision de non-entrée en matière a été prononcée en raison de la compétence d’un autre Etat membre Dublin pour traiter leur demande d’asile (art. 31a al. 1 let. b LAsi). Devant le TAF, la famille invoque une application erronée des critères prévus par le Règlement. La question qui se pose pour le Tribunal est donc de savoir si un tel argument est admissible ou si les critères ont uniquement vocation à régler une situation interétatique. Jusque-là, et contrairement à la pratique de la CJUE, le TAF distinguait entre les règles directement applicables qui consacraient des droits fondamentaux pour les requérants d’asile et celles ne pouvant être invoquées car jugées purement techniques. Suivant le principe d’uniformité d’application et d’interprétation du règlement Dublin-III, le TAF estime qu’il n’existe pas de motifs valables l’autorisant à ne pas suivre la jurisprudence européenne. Cet arrêt ouvre donc la porte à des recours pour application erronée de tous les critères du Règlement Dublin-III.

Art. 31a LAsi ; 9 Règlement Dublin-III

Cet arrêt concerne le recours d’une ressortissante irakienne contre une décision de non-entrée en matière sur sa demande d’asile. Le SEM estime que la France est responsable du traitement de sa demande d’asile car la recourante dispose d’un visa émis par ce pays. Elle, au contraire, estime que la Suisse est responsable en vertu de l’art. 9 Règlement Dublin-III car son mari, dont le renvoi est inexigible, dispose d’une autorisation de séjour en Suisse. La question que se pose le TAF est de savoir si cet article exige une relation conjugale réelle, stable et effectivement vécue. A ce sujet, le Tribunal retient, d’une part, que l’art. 2 let. g Dublin-III ne prévoit pour les conjoints pas d’autre condition que celle d’être mariés (contrairement aux partenaires non mariés) et, d’autre part, que l’art. 9 Dublin-III renonce expressément à exiger que le mariage ait été conclu dans le pays d’origine. Ainsi, le fait qu’en l’occurrence le mariage, conclu dans le pays d’origine, n’ait pas été directement suivi d’une vie conjugale durable ne peut pas être invoqué par le SEM. Pour le surplus, le Tribunal estime que l’art. 9 reste applicable lorsque les conditions ayant justifié l’octroi d’une admission provisoire existent toujours après que la personne concernée ait reçu une autorisation de séjour.

Art. 31a LAsi, Règlement Dublin-III

Cet arrêt s’intéresse à la situation de la Pologne vis-à-vis du système Dublin. En effet, la recourante invoque, d’une part, des défaillances systémiques dans le système d’asile polonais (art. 3 par. 2 Dublin-III) et, d’autre part, le devoir de la Suisse de faire usage de la clause humanitaire dans son cas. S’agissant du premier argument, le Tribunal estime qu’il n’existe aucune raison sérieuse d’admettre l’existence de défaillances systémiques en Pologne. Concernant ensuite la clause de souveraineté, le TAF estime que le SEM a correctement utilisé son pouvoir d’appréciation mais que l’un des éléments nouveaux invoqués dans le recours est à même de justifier l’application de la clause de souveraineté. Il s’agit du fait que, durant les nombreux séjours en hôpital rendus nécessaires par l’état de santé de la recourante, les filles de celle-ci seraient placées dans une structure d’accueil pour requérants d’asile mineurs non accompagnés.

Art. 83 LEtr

Cet autre arrêt de principe traite de la question de l’exigibilité du renvoi dans la région sri lankaise du Vanni. La dernière jurisprudence en la matière reconnaît l’exigibilité du renvoi dans le nord du pays mais laisse de côté la question de la région du Vanni. Dans sa décision, le TAF estime que la situation sécuritaire s’est améliorée depuis la fin de la guerre en 2009 et que l’armée, toujours présente, n’est plus vue comme une source d’insécurité. En outre, les infrastructures sont rétablies, même si certaines ne le sont qu’imparfaitement. Comme c’est le cas pour Kaboul, le TAF estime ici qu’une distinction est nécessaire entre, d’une part, les personnes qui disposent d’un soutien familial ou social sur place, qui sont donc à même de se loger et satisfaire leurs besoins à court terme et dont le renvoi est exigible et, d’autre part, les personnes les plus vulnérables à l’isolement et l’extrême pauvreté dont le renvoi doit toujours être considéré comme inexigible.

Art. 44 LAsi ; 83 LEtr

Cet arrêt est l’occasion pour le TAF d’une analyse très détaillée de la situation en Afghanistan et en particulier dans la ville de Kaboul. Pour rappel, jusque-là le TAF jugeait exigible un renvoi vers Kaboul, Mazar-i-Sharif et Herat mais inexigible dans le reste du pays en raison d’une situation de violence généralisée. Dans cet arrêt, le TAF arrive à la conclusion que la situation sécuritaire et humanitaire s’est considérablement dégradée depuis sa dernière analyse. Il estime donc qu’un renvoi vers cette ville n’est en principe pas exigible mais qu’il peut l’être dans des cas particuliers lorsque des facteurs favorables sont réunis. Ainsi, les jeunes hommes en bonne santé, ayant déjà vécu à Kaboul et y disposant d’un réseau social pouvant leur permettre de trouver un emploi et un hébergement présentent des profils pouvant permettre d’admettre l’exigibilité du renvoi.

Art. 83 LEtr

Cet arrêt analyse l’exigibilité du renvoi en Libye et plus précisément à Tripoli. Le TAF conclut à l’existence d’une situation de violence généralisée dans une grande partie du pays. La même chose vaut pour le renvoi à Tripoli, sauf en présence de facteurs favorables. Cette jurisprudence, tout comme celle concernant Kaboul résumée ci-dessus, est difficilement compréhensible dans la mesure où le TAF retient dans les deux cas une situation de violence généralisée et surtout visant de manière indifférenciée civils et belligérants puis estime que certains facteurs comme le fait d’être un jeune homme en bonne santé permettent toutefois de reconnaître l’exigibilité du renvoi.

Art. 4 CEDH ; 83 LEtr

Ce dernier arrêt examine la licéité et l’exigibilité du renvoi en Erythrée. Il vient à la suite de deux arrêts de référence rendus sur l’Erythrée respectivement en janvier et août 2017 et se penche en particulier sur la question restée ouverte jusqu’à ce jour des conditions du service national. Après un constat de la situation générale déplorable concernant les conditions et la durée du service national, le TAF examine si ce dernier viole l’interdiction de l’esclavage et du travail forcé prévus par l’art. 4 CEDH rendant ainsi l’exécution du renvoi illicite. Il arrive à la conclusion que même si les conditions de ce service national sont difficiles, les sources disponibles ne permettent pas de conclure à une violation systématique et flagrante de l’art. 4 CEDH. Le TAF reconnaît donc que les conditions de ce service sont problématiques mais pas suffisamment pour rendre de manière générale l’exécution du renvoi illicite ou inexigible.

ATAF 2017 VI/8 (d)

2017-2018

Art. 29 al. 3 Cst. ; 65 PA

Dans cet arrêt, le TAF rappelle qu’il est possible d’obtenir l’assistance judiciaire gratuite également en procédure non contentieuse sur la base des art. 29 al. 3 Cst. et 65 PA. Le TAF examine en particulier l’indigence du recourant ainsi que la nécessité de l’assistance judiciaire dans le cadre d’une procédure de révocation de l’asile et de retrait de la qualité de réfugié. Conditions remplies en l’espèce car dans cette procédure, le recourant ne se voit qu’accorder le droit d’être entendu par écrit de la part du SEM. En outre, ce dernier est professionnellement et socialement mal intégré, n’a pas de connaissance juridique et souffre de troubles psychiques. Dès lors, au vu des enjeux de la procédure, une assistance judiciaire lui est nécessaire. En outre, cet arrêt précise également que la requête d’assistance judiciaire doit être examinée lorsque le recourant obtient gain de cause car l’institution des dépens n’est pas connue en procédure d’asile non contentieuse.

Art. 29 Cst.

Cet arrêt partiel traite de questions purement procédurales et aborde en particulier la question de savoir si la partie a le droit de connaître qui a pris part à la décision qui a été rendue à son égard. Selon l’art. 29 Cst., toute personne a droit à ce que sa cause soit examinée par une autorité légalement composée, compétente et impartiale. Le seul moyen pour la personne concernée de savoir si ce droit est respecté est de connaître quels membres de l’autorité ont participé à l’élaboration de sa décision. Dès lors, la pratique du SEM ne donnant pas systématiquement le nom du fonctionnaire ayant travaillé sur la décision est contraire à la loi et doit être adaptée.

Art. 41a, 108a LAsi ; 83 let. d ch. 1 LTF

Cet arrêt s’intéresse au problème de la coordination entre procédures d’extradition et de renvoi. Un ressortissant moldave fait l’objet d’une décision négative sur l’asile assortie d’une décision de renvoi puis d’une demande d’extradition par son pays d’origine rejetée par l’OFJ faute de garanties suffisantes, il estime que son renvoi en Moldavie serait illicite car contraire au principe de non-refoulement (art. 3 CEDH). Saisi d’un recours fondé sur l’art. 83 let. d ch. 1 LTF, le TF accepte d’entrer en matière en raison du fait que la décision de refuser l’extradition est basée sur des motifs formels (absence de garantie) et pourrait dès lors être rouverte. Le recours se base sur les art. 41a et 108a LAsi qui exigent des autorités d’asile de prendre en compte le dossier relatif à la procédure d’extradition afin d’éviter que des décisions contradictoires soient rendues dans les deux domaines. En l’occurrence, la décision négative du TAF sur l’asile a été rendue avant celle relative à l’extradition et, dans la mesure où la coordination n’a pas eu lieu, le TF relève que le risque de contradiction est évident. Il admet le recours en exigeant des instances inférieures un examen sur les motivations et la portée du refus d’extradition.

Art. 50 al. 1 LTF

Dans ce très court arrêt, les juges fédéraux refusent de restituer un délai de recours à une ressortissante d’un Etat membre de l’ALCP. Cette décision se base sur le fait que l’intéressée a omis de signaler à l’autorité inférieure son changement de domicile survenu en cours de procédure. Or, se sachant partie à une procédure judiciaire, elle aurait dû indiquer à l’autorité concernée ce changement d’adresse. Ne l’ayant fait, elle est considérée comme fautive et réputée avoir eu connaissance de la notification à l’échéance du délai de garde du pli recommandé. Le délai ne lui est donc pas restitué et le recours adressé tardivement est irrecevable.

Art. 63 al. 1 LAsi ; 1 C ch. 1-6 CR

Cet arrêt s’intéresse au cas d’un Somalien qui, suite à son mariage avec une Somalienne reconnue comme réfugiée avec asile en Suisse, reçoit l’asile et le statut de réfugié à titre dérivé. Après qu’il se soit fait contrôler à l’aéroport de Zurich avec un billet d’avion pour Mogadiscio, le SEM lui accorde le droit d’être entendu puis lui retire l’asile et la qualité de réfugié pour s’être à nouveau placé sous la protection de son pays d’origine (art. 63 al. 1 let. b LAsi en lien avec l’art. 1 C ch. 1 CR). La question est de savoir si les personnes ayant reçu la qualité de réfugié et l’asile à titre dérivé doivent être traitées différemment que les réfugiés à titre originaire. Pour le TAF, l’art. 1 C CR ne fait pas de différence donc les trois conditions posées par la jurisprudence pour l’application de l’art. 1 C ch. 1 CR doivent être remplies. A savoir : 1) être entré en contact volontairement avec les autorités du pays d’origine ; 2) avoir eu pour but de demander la protection de ce pays ; 3) avoir effectivement reçu cette protection. Dans l’examen de la troisième condition, le fait que la personne n’ait reçu le statut de réfugié et l’asile qu’à titre dérivé et donc l’absence de persécution personnelle peut être pris en compte. En l’occurrence, le TAF estime qu’il est rentré volontairement dans son pays d’origine et qu’il est par conséquent considéré comme ayant cherché la protection de ce pays. Il n’existe de plus aucun indice que les autorités somaliennes lui aient refusé cette protection.