Droit des obligations et des contrats

Art. 257f CO

Le contrôle de l’admissibilité du loyer initial s’effectue à l’aide de la méthode absolue. Le critère du rendement net a la priorité sur celui des loyers usuels du quartier, sauf lorsque l’immeuble est ancien, la hiérarchie des critères absolus étant alors inversée : le critère des loyers du quartier prime celui du rendement net (consid. 2). Un immeuble est ancien lorsque sa construction ou sa dernière acquisition est de 30 ans au moins au moment du début du bail ; le délai commence à courir soit à la date de construction de l’immeuble, soit à celle de sa dernière acquisition, et doit être échu au moment du début du bail ; l’ancienneté de l’immeuble ne peut pas dépendre de la qualité du bailleur. L’obligation de tenir une comptabilité durant dix ans est indépendante du caractère abusif d’un loyer. Il convient en outre de garantir une égalité de traitement entre les locataires de différents immeubles.

Art. 269 CO

Selon la jurisprudence, le bailleur peut résilier le bail de manière ordinaire lorsque le loyer ne lui procure pas un revenu correspondant au rendement net admissible ou aux loyers du quartier. Le calcul du rendement net s’effectue selon la méthode absolue ; en principe, seul le rendement du logement ou du local commercial est déterminant ; dans la pratique toutefois, dans la mesure où les comptes sont établis pour tout l’immeuble, on commence par déterminer la situation financière de l’immeuble et, ensuite, on ventile le résultat appartement par appartement, selon une clé de répartition.

Art. 257f al. 3 CO

Un congé anticipé fondé sur l’art. 257f al. 3 CO suppose un manquement suffisamment grave, même persistant, du locataire, ce que le juge apprécie librement, en fonction des éléments du cas d’espèce et dans le cadre du droit et de l’équité. Si le locataire ne doit pas outrepasser le droit d’usage qu’il lui est conféré, l’utilisation d’un palier dont il n’a pas l’usage ne justifie pas en soit un congé anticipé. Il convient d’examiner en équité si l’obstination des locataires, la présence de meubles et objets sur le palier entraînent une perturbation à ce point nuisible dans le bâtiment qu’il se justifie de chasser à bref délai les locataires ou si un congé ordinaire assure une protection suffisante à la partie bailleresse car, au regard de l’art. 271 al. 1 CO, le motif consistant dans une violation persistante du devoir de diligence ne saurait être jugé contraire aux règles de la bonne foi. En l’espèce un congé ordinaire était suffisant.

 

Art. 257f al. 1 et 3 CO

Le bailleur peut légitimement s’opposer à la sous-location lorsque le locataire n’a aucune intention de réintégrer personnellement les locaux et que l’opération vise à empêcher le bailleur de conclure un nouveau bail avec un locataire et aux conditions de son choix. Le bailleur peut aussi résilier le bail lorsque le locataire viole de manière persistante les clauses convenues relatives à l’affectation des locaux loués ; tel est le cas en l’espèce, puisque la locataire sous-louait l’appartement litigieux à trois personnes qui y pratiquaient la prostitution.

Art. 257d al. 1 CO

Lorsque le locataire se trouve en demeure dans le paiement du loyer ou de frais accessoires, un paiement de sa part doit en principe être imputé sur la dette de loyer qui a donné en premier lieu à des poursuites ou, en l’absence de poursuites, sur la dette de loyer échue la première. Tel n’est pas le cas si le locataire indique qu’il entend éteindre une autre dette ou que le bailleur communique par écrit l’imputation du paiement sur la dette la plus récente ; l’avis comminatoire doit indiquer le montant à payer dans le délai de façon suffisamment claire et précise pour que le locataire puisse reconnaître quelles dettes il doit payer pour éviter un congé. Une erreur dans l’avis comminatoire n’entraine pas nécessairement l’inefficacité de celui-ci. Si le locataire constate une telle erreur, il doit la signaler au bailleur ; la jurisprudence admet à titre très exceptionnel que le congé fondé sur l’art. 257d CO puisse contrevenir aux règles de la bonne foi ; tel n’est pas le cas en l’espèce.

Art. 255 CO

La conclusion successive de baux à durée déterminée constitue une fraude à la loi lorsque le bailleur a l’intention de s’engager pour une durée indéfinie mais opte pour un système de baux à durée déterminée aux seules fins de mettre en échec des règles impératives. Le locataire doit en principe prouver la fraude à la loi, bien que le juge puisse se contenter d’une vraisemblance prépondérante. Le bailleur doit toutefois collaborer à la preuve en exposant les raisons pour lesquelles il a opté pour un bail de durée déterminée ; l’absence de motif plausible peut, dans le cadre d’une appréciation d’ensemble – notamment la pénurie de logements sur le marché locatif et une pratique systématique du bailleur – conduire à l’admission d’une fraude à la loi ; tel est le cas en l’espèce, le bail devant être requalifié en bail de durée indéterminée.

Art. 253 ss CO

La location d’un appartement sur une plateforme du type AirBnB ne constitue pas un rapport de bail ordinaire mais doit être considéré comme une utilisation parahôtelière. La durée d’une location AirBnB et son « loyer » se déterminent par nuitée ; la personne du locataire ne repose pas sur le libre choix total des parties mais dépend des critères de sélection et de disponibilité de la plateforme utilisée.

Art. 18 al. 1 CO

Assurances privées, conditions générales d’assurance, exclusion de couverture ; un courtier en assurance qui donne un conseil à un employé qui souhaite devenir indépendant et lui assure que sa prestation de libre-passage est garantie par le fonds de garantie LPP alors que cette dernière information est erronée manque à son devoir de diligence et viole ainsi le contrat. Dans une telle situation, si l’assureur RC – qui exclut, de manière insolite, la couverture d’assurance en cas de faillite dans ses conditions générales d’assurance – tombe en faillite, un grand nombre de personnes peuvent subir des pertes. Toutefois, les assureurs responsabilité civile ne seraient confrontés à un grand nombre de sinistres que si un grand nombre de personnes concernées étaient en mesure d’en faire la demande. Cependant, si l’insolvabilité du courtier en assurance à l’origine de la responsabilité ne constitue pas un manquement à son devoir de diligence, il n’y a pas lieu de craindre une telle accumulation des créances. Pour ce faire, il faudrait plutôt accumuler les manquements à l’obligation de diligence raisonnable donnant lieu à la responsabilité, car ils donnent lieu à des réclamations contre l’assurance-responsabilité. Il revient par conséquent à l’assurance RC d’assumer le manque de clarté de ses conditions générales.

Art. 413 al. 1, 417 CO

Droit au salaire, salaire excessif. Pour prétendre à son salaire, le courtier doit prouver que son intervention a été fructueuse de manière à démontrer le lien de causalité entre son activité et la conclusion du contrat principal. Dans un contrat de courtage de négociation, un tel lien de causalité peut se traduire par un lien psychologique entre les efforts du courtier et la décision du tiers, indépendamment du fait qu’un autre courtier soit intervenu. Dans un contrat de courtage d’indication, le lien de causalité se traduit par la manifestation du courtier au mandant d’une occasion de conclure le contrat principal qui n’était pas encore connue du mandant. Le salaire du courtier rémunère son succès et non l’étendue de ses activités. Pour déterminer si un tel salaire est excessif au sens de l’art. 417 CO, le tribunal compare les commissions versées habituellement dans la région concernée. Il faut cependant garder à l’esprit qu’une commission qui dépasse légèrement celles versées habituellement n’est pas nécessairement excessive. Dans le cas d’espèce, une commission s’élevant à CHF 100’000.- pour un bénéfice de CHF 900’000.- réalisé par le mandant n’est pas considérée comme excessive.

Art. 418r CO

Contrat innomé, résiliation pour justes motifs. La violation de l’obligation d’exclusivité convenue dans le cadre d’un contrat de distribution exclusive constitue un juste motif suffisant pour résilier celui-ci avec effets immédiats. Dès lors, la partie touchée par la violation contractuelle est légitimée à recevoir une indemnité correspondant au bénéfice qui aurait dû être réalisé si le contrat s’était poursuivi jusqu’à son terme.

Art. 402 al. 1 et 2 CO

Remboursement des dépenses, indemnisation pour faute du mandant. Si les parties à un contrat de mandat ne concluent pas d’accord quant à certaines dépenses effectuées par le mandataire, celles-ci ne peuvent être remboursées par le mandant au sens de l’art. 402 al. 1 CO que si elles correspondaient aux instructions du mandant ou si elles ont été objectivement nécessaires à l’exécution du mandat au regard des circonstances connues du mandataire ou qu’un mandataire diligent et de bonne foi aurait dû connaître. Si la dépense ne tire pas son origine dans l’exécution régulière du mandat, le mandant n’aura aucune obligation de la rembourser, indépendamment de l’utilité de cette dépense au mandat. Au sens de l’art. 402 al. 2 CO, le mandant n’est tenu d’indemniser le mandataire qu’en présence d’une violation contractuelle ayant contribué à la survenance d’un dommage.

Art. 398 al. 2, 97 CO

Violation du contrat de mandat. Contrairement à l’entrepreneur dans un contrat d’entreprise, le mandataire n’est responsable que de la bonne et fidèle exécution du mandat au sens de l’art. 398 al. 2 CO, et non simplement d’un résultat différent de celui désiré par le mandant. Pour pouvoir actionner le mandataire en mauvaise exécution du contrat au sens de l’art. 97 al. 1 CO, en plus du dommage, il faut une violation de l’obligation de diligence du mandataire, un lien de causalité naturelle et adéquate entre la violation du devoir de diligence et le dommage ainsi qu’une faute du mandataire. Ainsi, la cassure de l’archet d’un violon par un luthier archetier lors d’une tentative de réfection de celui-ci ne résulte pas à elle seule en une violation du contrat de mandat.

Art. 312, 313, 314 CO

Intérêt négatif ; qualification du contrat. Selon le principe de la liberté contractuelle, il est possible pour les parties de prévoir un intérêt basé sur un taux variable (p. ex. : LIBOR-CHF). Si le taux d’intérêt variable produit un intérêt négatif sans que les parties l’aient prévu dans le contrat, il s’agit d’interpréter le contrat selon les principes usuels pour déterminer si l’intérêt négatif s’applique au cas d’espèce. Etant donné qu’un taux d’intérêt négatif va à l’encontre du principe de rémunération du prêteur prévu pour le prêt de consommation, subsiste le doute de savoir si un tel intérêt est conciliable avec ce contrat ; si un tel cas se produit, le contrat pourrait être requalifié de contrat de prêt atypique ou de contrat innommé.

Art. 1, 3, 7 et 14 CVIM

Applicabilité de la CVIM. La CVIM s’applique aux contrats de ventes internationales de marchandises même si seul l’un des deux vendeurs a son établissement dans un état contractant différent de celui de l’acheteur. Par ailleurs, le moment déterminant pour juger de l’internationalité du contrat est le moment de la conclusion de celui-ci ; toute modification subséquente du contrat (p. ex. : entrée d’une nouvelle partie au contrat) ne change pas son internationalité ni l’applicabilité de la CVIM à celui-ci. Le fait de choisir le droit d’un Etat contractant comme droit applicable au contrat ne constitue pas en soi une exclusion de l’application de la CVIM ; pour l’exclure, il faut apporter des preuves concrètes suffisantes qui indiquent clairement la volonté des parties sur ce point.

ATF 145 III 8 (d)

2018-2019

Art. 368 al. 2 CO

Changement de jurisprudence ; indivisibilité du droit à la réparation. Dans une ancienne jurisprudence établie (ATF 114 II 239), le Tribunal fédéral avait considéré qu’un propriétaire d’étages dans une PPE pouvait demander la réparation pour un défaut de parties communes au sens de l’art. 368 al. 2 CO uniquement en proportion de sa quote-part, au risque pour le copropriétaire d’assumer les coûts au-delà de celle-ci. Par revirement de jurisprudence, le Tribunal fédéral a retenu que le droit à la réfection des parties communes ne dépend plus des quotes-parts, mais appartient indivisiblement à chaque copropriétaire.

Art. 367, 370 al. 1 et 3 CO

Validité de l’avis des défauts, défauts cachés. Un avis des défauts qui se limite à mentionner que les conclusions du rapport d’expertise sont claires et indiquent de graves défauts n’est pas considéré comme valable étant donné que l’entrepreneur n’est pas en mesure de déterminer la nature, l’emplacement et l’étendue du défaut. Par ailleurs, il est concevable qu’un avis des défauts soit considéré comme valable seulement pour une partie des défauts mentionnés. Un avis des défauts cachés établi 18 jours après la prise de connaissance de tous les éléments pertinents concernant le défaut caché est considéré comme tardif, d’autant plus si le maître soupçonnait l’existence du défaut depuis sept mois déjà.

Art. 60 al. 1, 67 al. 1, 23 et 24, 28 CO

Vices du consentement ; action en répétition de l’indu et en paiement de dommages-intérêts ; prescription. Les délais relatifs d’un an des art. 60 al. 1 et 67 CO commencent à courir dès que le lésé a connaissance de suffisamment d’éléments lui permettant de fonder et motiver une action en justice. Il doit avoir la connaissance effective du dommage (nature et traits essentiels), respectivement connaître la mesure approximative de l’atteinte à son patrimoine, l’absence de cause du déplacement et la personne de l’enrichi. Dans les deux cas, il peut être attendu du créancier qu’il se procure les informations nécessaires à l’ouverture d’une action. Le dol au sens de l’art. 28 CO est une notion moins exigeante que l’escroquerie pénale qui impose l’existence d’une tromperie astucieuse. Il n’y a donc pas lieu d’appliquer le délai de prescription plus long de l’action pénale à un dol civil (art. 60 al. 2 CO). L’existence d’une erreur essentielle (art. 23 et 24 CO) portant sur un fait futur est niée à l’égard de l’administratrice de la société acheteuse du terrain qui pensait obtenir une dérogation lui permettant de construire ; dans le cas d’espèce, aucune circonstance ne permettait de tenir ce fait pour certain. Le fait qu’une construction récente ait été possible dans le même secteur n’est d’aucun secours.

Art. 23 ss CO

Erreur essentielle. L’erreur permettant d’invalider un contrat doit être essentielle (art. 23 s. CO) ; tel est le cas si elle porte sur un fait objectivement essentiel à la conclusion du contrat et que ce fait était subjectivement essentiel dans la décision de conclure de la partie invoquant l’erreur ; l’erreur essentielle peut porter sur un fait futur dont la partie qui veut invalider le contrat croyait – au moment de conclure – qu’il se produirait certainement ; en cas de vice du consentement, le contrat est en principe invalide depuis le début (ex tunc) et les prestations effectuées doivent être restituées (art. 641 al. 2 CC ou art. 62 ss CO). Toutefois, les contrats de durée partiellement ou entièrement exécutés sont invalidés avec effet ex nunc, laissant ainsi l’accord des parties intact jusqu’à invalidation.

Art. 175 al. 1 CO

Reprise de dette. Lorsqu’un tiers promet au débiteur de le libérer de sa dette envers le créancier, on a affaire à une reprise de dette interne au sens de l’art. 175 al. 1 CO qui est soumise aux règles ordinaires de la formation du contrat (art. 1 ss CO). La libération du débiteur peut intervenir par l’exécution de la prestation, par une reprise de dette externe ou par tout autre moyen constituant un mode d’extinction de la dette reprise. En l’espèce, la cour cantonale ne tombe pas dans l’arbitraire en niant l’existence d’un contrat de reprise de dette interne sur la base d’échanges entre les parties ne permettant pas de retenir la conclusion d’un contrat entre elles.

Art. 42 CO

Notion de dépréciation mercantile, preuve et calcul du dommage. La dépréciation mercantile se définit comme une réduction de la valeur de marché d’un bien à la suite d’un événement dommageable, indépendamment de sa diminution technique ou fonctionnelle. Dans le cas de biens immobiliers, une telle dépréciation ne peut être indemnisée que si le demandeur prouve concrètement le dommage qui en résulte, p.ex. en démontrant que le bénéfice résultant de la vente dudit bien est moindre au regard du bénéfice hypothétique qui aurait été obtenu sans l’événement dommageable.

ATF 145 III 72 (d)

2018-2019

Art. 62 al. 1 let. a et b LDA ; 50 al. 1 CO

Responsabilité solidaire. Le fournisseur d’accès internet ne répond solidairement de la violation du droit d’auteur par des tiers qui rendent accessibles des films protégés sur internet que si son activité favorise la violation du droit d’auteur ou est de nature à la favoriser. Or, le simple fait de fournir un accès internet sans aucune référence au contenu transmis ne remplit pas cette condition. Par conséquent, le fournisseur d’accès internet n’a pas la qualité pour défendre à l’action en interdiction ou en cessation au sens de l’art. 62 al. 1 let. a et b LDA.

Art. 58 CO ; 37 al. 2 let. e OTConst

Responsabilité du propriétaire d’ouvrage, défaut d’un échafaudage. Lors d’un contrat d’échafaudage, même si les obligations d’entretien de l’échafaudage n’incombent plus depuis cinq mois à la société propriétaire de l’échafaudage du fait de l’exécution du contrat, celle-ci reste tout de même responsable au sens de l’art. 58 CO. Un échafaudage présente un défaut au sens de l’art. 58 CO lorsqu’un échafaud ne résiste pas à un saut de moins d’un demi-mètre d’un ouvrier, un tel saut correspondant à une utilisation conforme de l’ouvrage selon l’art. 37 al. 2 let. e OTConst.