Validité et interprétation de conditions générales. Les conditions pour l’intégration globale de conditions générales, qui suppose que le destinataire ait pu raisonnablement prendre connaissance de leur contenu (règle de l’accessibilité) et que ce contenu ne soit pas subjectivement et objectivement inhabituel (règle de la clause insolite), sont données s’agissant d’une clause excluant les dommages découlant d’agents pathogènes pour lesquels les « phases de pandémie 5 ou 6 de l’OMS sont applicables » de la couverture d’une « Assurance commerce PME » comprenant notamment une couverture en cas d’épidémie.
Blaise Carron, Christoph Müller, Eileen Barson, Isaac Bergmann, Mathieu Singer
Notion de consommateur. Même si la question de la portée de la notion de « consommateur » utilisée à l’art. 8 LCD (qui sanctionne l’utilisation de conditions générales abusives) ne peut pas être tranchée dans le cas d’espèce, le TF constate, d’une part, que la doctrine unanime n’admet pas la qualité de consommateur s’agissant d’une personne morale dotée d’un but économique, et, d’autre part, que les arguments en faveur d’une interprétation large de la notion de consommateur, non limitée à la consommation courante, sont circonstanciés et convaincants.
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Survenance d’un cas d’assurance, degré de la preuve. En matière de contrat d’assurance, il revient à l’ayant droit de prouver les faits qui fondent sa prétention et l’étendue de celle-ci, dont notamment la survenance d’un cas d’assurance. La jurisprudence admet un allègement du degré de la preuve en matière d’assurance contre le vol, car il est très difficile d’apporter une preuve stricte qu’un objet a bel et bien été volé. Il en va autrement en matière d’incapacité de travail : celle-ci peut-être facilement prouvée par un certificat médical. Partant, le degré de preuve ordinaire s’applique à l’incapacité.
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Prétention frauduleuse, degré de la preuve. D’une manière générale, un allègement du degré de la preuve à la seule vraisemblance prépondérante suppose une difficulté particulière (Beweisnot). L’assurance qui entend se prévaloir de l’art. 40 LCA pour refuser des prestations doit prouver que les faits ont été présentés de manière contraire à la vérité, et ce avec l’intention de tromper. Comme l’intention de tromper relève de la psychologie interne, une vraisemblance prépondérante suffit. En revanche, sauf cas particulier, la présentation des faits contraire à la vérité est une condition objective, dont la preuve doit donc être apportée de manière stricte.
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Formule officielle et présomption d’ignorance du locataire, prescription de l’action en remboursement du trop-perçu de loyer. En cas de nullité, en raison de l’absence de formule officielle de notification d’un nouveau loyer, d’un loyer initial abusif, le délai de prescription relatif de l’action en répétition de l’indu, à laquelle l’art. 67 CO est applicable, court dès la connaissance effective par le locataire de son droit de répétition. Cette connaissance effective intervient lorsque le locataire sait que l’absence de cette formule entraîne la nullité du loyer initial, que le loyer qu’il a versé était trop élevé et qu’il était, partant, abusif. En principe, l’ignorance du locataire quant au caractère obligatoire de la formule officielle et aux conséquences attachées à l’absence de celle-ci est présumée. Toutefois, cette présomption d’ignorance tombe dans certaines circonstances, notamment si le locataire avait des connaissances spécifiques en droit du bail, s’il avait déjà loué un appartement pour lequel il avait reçu la formule officielle, ou s’il avait été impliqué dans une précédente procédure de contestation du loyer initial.
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Annulabilité de la résiliation pour cause de rénovation. La bailleresse est libre de notifier une résiliation ordinaire du bail pour effectuer des travaux de transformation (Umbauarbeiten), de rénovation (Renovationsarbeiten) ou d’assainissement (Sanierungsarbeiten), pour autant que ce congé ne contrevienne pas aux règles de la bonne foi. La motivation – respectivement l’absence ou le caractère lacunaire de celle-ci – du congé, qui n’est pas une condition de sa validité, peut constituer un indice de son caractère abusif. La résiliation notifiée par le bailleur pour effectuer des travaux de rénovation est notamment contraire aux règles de la bonne foi et, partant, annulable, lorsque, au moment de sa notification : (a) la bailleresse n’a pas véritablement l’intention de réaliser le projet qu’elle a envisagé et/ou fait étudier ; (b) le projet de rénovation de la bailleresse est manifestement incompatible avec les règles du droit public (ou objectivement impossible), au point qu’il est certain qu’il ne sera pas autorisé ; ou (c) la bailleresse ne dispose pas d’un projet suffisamment mûr et élaboré qui permette de constater concrètement qu’il est nécessaire que la locataire quitte les locaux.
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Résiliation du bail d’une locataire décédée, action en annulation du congé. En cas de décès de la locataire, la résiliation du bail doit être adressée à tous les héritiers (devenus cotitulaires du bail par succession universelle) sous peine de nullité, l’abus de droit étant réservé. Toutefois, seule la personne qui utilise effectivement le logement (p.ex. l’enfant adulte de la défunte qui faisait ménage commun avec elle et continue d’habiter ledit logement) dispose d’un intérêt digne de protection (art. 59 al. 2 let. a CPC, condition de recevabilité de l’action) à intenter l’action en annulation du congé. Du point de vue de la légitimation active (qui relève du droit matériel et dont le défaut conduit au rejet de l’action), les héritiers forment une consorité nécessaire, ce qui implique qu’ils doivent tous être parties au procès d’un côté ou de l’autre de la barre.
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Fixation judiciaire du loyer initial d’un immeuble ancien. Lorsque, dans le cadre de sa contestation, le loyer initial d’un immeuble ancien est présumé abusif – car augmenté massivement par rapport au précédent loyer, soit de beaucoup plus de 10 %, sans que cela ne s’explique par la variation du taux hypothécaire de référence ou de l’IPC et sans que la bailleresse ne soit parvenue à éveiller auprès du tribunal des doutes fondés quant à la véracité, dans le cas d’espèce, de la présomption du caractère abusif d’un tel loyer – et que les parties n’ont pas produit d’éléments permettant de fixer le loyer selon l’art. 11 OBLF, le tribunal doit procéder à la fixation judiciaire du loyer comme suit : (a) en l’absence de tout élément de preuve, il doit s’en tenir au loyer payé par le précédent locataire ; (b) s’il existe d’autres éléments, comme des statistiques cantonales ou communales, même si elles ne sont pas suffisamment différenciées au sens de l’art. 11 al. 4 OBLF, il y a lieu d’en tenir compte et de pondérer les chiffres qui en résultent en fonction des caractéristiques concrètes de l’appartement litigieux, du montant du loyer payé par le précédent locataire, ainsi que de la connaissance du marché local et de l’expérience des juges. Dans le second cas de figure, il n’est notamment pas contraire au droit fédéral d’utiliser comme base de calcul les statistiques de l’OFS relatives au « loyer moyen par m2 en francs selon le nombre de pièces, par canton ».
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Responsabilité de la banque, détermination du dommage. Lorsqu’un ordre d’achat d’actions n’a pas été exécuté par la banque en violation des obligations qui lui incombent, le dommage éventuel subi par la cliente est un gain manqué. Ce gain manqué doit être prouvé par la mandante et ne saurait être purement hypothétique. L’art. 42 al. 2 CO, permettant une preuve facilitée du dommage, n’est pas applicable dans ce contexte, car le cours des actions à une date donnée peut être déterminé avec certitude. Or, si la cliente n’a ni ordonné la revente des actions avant d’apprendre qu’elles n’avaient pas été achetées, ni ordonné à nouveau leur achat après avoir été informée du manquement, elle ne prouve aucun dommage certain.
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Mandat bancaire, étendue du devoir de rendre compte. Le devoir de rendre compte sert au contrôle du respect de l’obligation de diligence et de fidélité de la mandataire. Il porte sur toutes les informations pertinentes pour que le mandant puisse vérifier si l’activité exercée par la mandataire correspond à une bonne et fidèle exécution. Le droit à la reddition de compte est toutefois limité par les règles de la bonne foi et ne doit pas être exercé de manière chicanière. Peuvent ainsi être abusives les demandes portant sur des anciennes opérations à propos desquelles le mandant n’avait formulé aucune contestation ni réserve ; il en va de même des demandes qui exigent de la mandataire un travail disproportionné par rapport à l’intérêt du mandant.
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Devis de l’architecte. La limite des coûts de construction est une instruction du mandant à son architecte (art. 397 CO) tendant à ce que le coût des travaux ne dépasse absolument pas un certain montant. Il s’agit d’une déclaration de volonté unilatérale sujette à interprétation conformément à l’art. 18 al. 1 CO appliqué par analogie. Le mandant qui veut qu’un devis jugé trop élevé soit réduit doit donner des instructions claires et pertinentes dans ce sens, en indiquant à quels postes il faut renoncer, et en s’abstenant a fortiori de commander des travaux supplémentaires par la suite. Son comportement doit démontrer une volonté ferme, et pas un simple souhait, de limiter les coûts au montant annoncé.
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Vente d’entreprise, clause d’earn-out. En matière de transfert d’entreprise, un prix variable fondé sur le chiffre d’affaires de la partie reprenante (earn-out) doit logiquement se rapporter à une certaine période temporelle. Si le contrat ne contient qu’un prix maximum, mais ne précise pas la durée pendant laquelle le chiffre d’affaires doit être pris en compte pour déterminer le prix, il s’agit d’une lacune que le tribunal doit combler. Au vu de la doctrine et de diverses études qui font état d’une période généralement comprise entre un et trois ans, et malgré une tendance observée à la hausse du nombre de clauses fixant une durée plus longue, il n’était pas arbitraire de fixer à deux ans la période déterminante dans le cas d’espèce.
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Intégration et application de la Norme SIA-118. Les réglementations d’organisations privées n’ont pas la qualité de normes juridiques, mais lorsqu’elles sont intégrées globalement à un contrat, le tribunal peut les prendre en compte dans le cadre de son devoir d’appliquer le droit d’office ; le fait que les parties ne s’y soient pas référées spécifiquement en procédure ne joue pas de rôle. Dans le cas d’espèce, l’intégration de la Norme SIA-118 au contrat d’entreprise n’était pas contestée, de sorte que le tribunal pouvait en appliquer les dispositions sans violer la maxime des débats (art. 55 CPC) même si les parties ne s’étaient référées qu’au contrat principal.
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Exigibilité du prix de vente dans un contrat de vente immobilière, conditions d’application de l’art. 82 CO en procédure d’exécution forcée. La jurisprudence développée en matière de vente immobilière autour de la notion d’exigibilité de l’art. 82 CO vaut également en procédure d’exécution forcée. Le poursuivant-aliénateur demandant l’exécution du prix d’une vente immobilière peut ainsi écarter l’exception d’inexécution et obtenir la mainlevée provisoire de l’opposition en prouvant par titre qu’il a manifesté sa volonté de transférer la propriété de l’immeuble et fait tout ce qu’il fallait pour exécuter son obligation. En l’espèce, le fait de s’être rendu devant un notaire pour signer la réquisition de transfert au registre foncier conformément au contrat constitue une offre suffisante au sens de l’art. 82 CO et l’attestation du notaire qui le prouve vaut titre de mainlevée provisoire.
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Droit de rétention du véhicule de fonction. L’art. 82 CO est une modalité d’exécution du contrat et ne peut à ce titre pas être invoqué par une partie après la fin du contrat, alors qu’elle n’en poursuit plus l’exécution. Cette disposition ne permet donc pas à une employeuse de refuser l’exécution d’une créance salariale au motif qu’une chose lui appartenant – en l’espèce un véhicule de fonction – ne lui a pas été restituée par le travailleur. En revanche, le droit de rétention consacré à l’art. 895 al. 1 CC, applicable par renvoi de l’art. 339a al. 3 CO, permet au travailleur de retenir la chose tant que l’employeuse n’a pas versé les salaires exigibles.
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Instructions contradictoires de créanciers solidaires dans le cadre d’un compte joint. En application de l’art. 150 al. 3 CO, une banque recevant le même jour des instructions contradictoires de la part de deux titulaires d’un compte joint peut refuser de s’exécuter tant qu’elle n’a pas été « prévenue par des poursuites ». Le terme « poursuites » au sens de cette disposition ne doit toutefois pas être interprété restrictivement et englobe aussi bien les poursuites au sens strict que l’action en justice. Ainsi, dès que l’un des créanciers solidaires agit contre la débitrice, en l’espèce par le dépôt d’une requête de conciliation, celle-ci ne peut se libérer qu’en s’exécutant auprès de lui. Le premier des créanciers solidaires qui agit par des poursuites ou une action en justice empêche par ailleurs les autres de le faire à leur tour, la banque débitrice n’ayant pas à se préoccuper des rapports internes entre créanciers solidaires.
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Responsabilité de l’EPFL, prescription, faute concomitante. L’omission, par l’employeur, d’annoncer un rapport de travail à l’institution de prévoyance et de verser les cotisations sociales contrevient à différentes normes du droit de la prévoyance professionnelle (art. 10 al. 1 et 66 al. 2 LPP, art. 10 OPP-2). Ces normes ont pour but de protéger les intérêts patrimoniaux des employés et leur violation constitue un acte illicite. L’employé qui ne s’annonce pas spontanément auprès de l’institution de prévoyance après une première procédure confirmant l’existence d’un rapport de travail ne commet pas une faute concomitante qui justifierait de réduire le montant des dommages-intérêts.
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Interruption du lien de causalité. L’art. 40c LCdF, qui fixe les conditions auxquelles une entreprise ferroviaire peut être exonérée de sa responsabilité fondée sur le risque (cf. art. 40b LCdF), s’interprète à la lumière de la jurisprudence relative à l’interruption du lien de causalité. La réalisation du risque caractéristique doit être tellement secondaire par rapport à l’état de fait qu’elle n’apparaît plus que comme une cause insignifiante et juridiquement non pertinente du préjudice. En l’espèce, le piéton qui s’est engagé brusquement sur les voies du tramway, sans regarder autour de lui parce qu’il était absorbé par son téléphone portable, a adopté un comportement gravement négligent et contraire aux règles les plus élémentaires de prudence, à tel point qu’il s’agit de la cause principale de l’accident. Bien que la présence de piétons distraits par leur téléphone fasse aujourd’hui partie du paysage urbain quotidien, il n’est pas justifié de faire supporter le poids de telles imprudences aux entreprises ferroviaires.
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Relation entre droit civil et droit pénal. En vertu de l’art. 53 CO combiné à l’absence d’autre disposition sur cette question dans le CPC, le tribunal civil n’est pas lié par l’état de fait arrêté au pénal et se prononce librement sur l’illicéité. Il est vrai que dans un cas isolé, le TF avait reconnu une certaine autorité au jugement pénal, en s’inspirant de la jurisprudence relative au retrait administratif du permis de conduire qui tend à éviter les jugements contradictoires, mais on ne saurait en tirer un enseignement général. En l’espèce, la condamnation civile d’un employeur au paiement d’une indemnité pour tort moral à la victime d’un accident de chantier est confirmée, bien que l’employé fautif ait été acquitté dans la procédure pénale.
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