Droit des obligations et des contrats

TF 4A_398/2022 (d)

2022-2023

Compensation ; monnaie étrangère. Lorsqu’une créance en francs suisses est compensée avec une créance en monnaie étrangère, le moment déterminant pour la conversion en francs suisses de la créance en monnaie étrangère est fixé en application de l’art. 124 al. 2 CO. Si les parties n’ont rien prévu sur ce point, le taux de conversion déterminant est donc celui qui est applicable au moment où la créance compensante devient exigible et pas celui qui est applicable au moment de la déclaration de compensation. En outre, l’art. 84 al. 2 CO ne s’applique qu’à l’exécution des dettes par le paiement et pas aux autres modes d’extinction d’une dette ; cette disposition n’empêche donc pas a contrario l’invocation en compensation d’une créance en monnaie étrangère.

Procédure applicable aux litiges relatifs à l’annotation du bail au registre foncier. Les litiges relatifs à l’annotation de baux d’habitations ou de locaux commerciaux au registre foncier (art. 261b CO cum art. 959 CC) relèvent de la « protection contre les congés » au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC. Cette notion doit en effet être comprise dans une acception large et vise tous les cas dans lesquels le tribunal doit se prononcer sur la fin du bail en raison p.ex. d’un congé, de l’expiration d’un contrat de bail de durée déterminée ou de l’exercice d’un droit d’option. L’annotation du bail visant essentiellement à empêcher, en cas d’aliénation de la chose louée, une résiliation anticipée du bail par la nouvelle propriétaire sur la base de l’art. 261 al. 2 let. a CO (besoin propre et urgent), elle tombe sous le coup de l’art. 243 al. 2 let. c CPC. Ces litiges sont donc soumis à la procédure simplifiée et – la règlementation du type de procédure primant celle de la compétence matérielle – ne peuvent pas être portés devant un tribunal de commerce, dont la compétence exclut l’application de cette procédure (art. 243, al. 3 CPC)

TF 4A_153/2023 (d)

2022-2023

Conditions de validité d’une convention modifiant les modalités de perception et de paiement des frais accessoires. En vertu de l’art. 269d al. 3 CO, les modifications unilatérales (autres que les augmentations de loyer) du contrat au détriment de la locataire, telle que l’introduction de nouveaux frais accessoires, doivent respecter – sous peine de nullité – les conditions fixées par l’art. 269d al. 1 et 2 CO. Lorsque la modification est consensuelle, l’art. 269d al. 3 CO ne s’applique en principe pas ; toutefois, pour éviter que le but de protection de cette disposition légale ne soit éludé, la jurisprudence précise qu’une modification consensuelle n’est valable que s’il ressort des circonstances soit que l’initiative vient de la locataire soit que la locataire était suffisamment informée de son droit de contester la modification, a renoncé sciemment par avance à la contestation et n’a pas donné son accord sous pression (p.ex. menace d’une résiliation). Faute pour la bailleresse d’avoir établi en l’espèce l’un de ces deux cas de figure exceptionnels, l’avenant par lequel les parties avaient en substance convenu, à la suite d’une résiliation du bail par la locataire, que ce congé était retiré, que le loyer mensuel net était diminué et que le mode de perception des frais accessoires passait du paiement d’un forfait mensuel à celui d’un acompte mensuel plus élevé, est soumis aux exigences de l’art. 269d CO.

TF 4A_305/2022 (f)

2022-2023

Formes des conventions relatives aux frais accessoires et de consommation. Les frais accessoires, dus pour les prestations fournies en rapport avec l’usage de la chose, ne sont à la charge des locataires que si cela a été convenu spécialement (art. 257a CO), la convention y relative n’étant soumise à aucune forme (art. 257a al. 2 CO a contrario). Toutefois, si le contrat de bail a été conclu par écrit, la convention relative aux frais accessoires doit l’être également. On oppose aux frais accessoires les frais de consommation, générés exclusivement par les locataires pour leurs propres besoins et dont ils supportent en principe le coût, qui échappent à cette réglementation. Est donc valable une convention implicite, conclue en parallèle à un contrat de bail écrit muet au sujet des charges, disposant que les locataires – équipés d’un boiler et d’une chaudière générant des frais de gaz qui leur sont facturés directement par le fournisseur et qu’ils payent depuis plus de trente ans directement à celui-ci – s’acquittent eux-mêmes des frais liés au chauffage et à la production d’eau chaude dans leur appartement.

TF 4A_521/2021 (f)

2022-2023

Résiliation avec effet immédiat, distinction entre sous-location et hébergement de familiers. Lorsque le locataire sous-loue la chose sans demander l’autorisation de la bailleresse et que l’un des motifs de l’art. 262 al. 2 CO ou de l’art. 2 al. 2 CC est réalisé, la condition du caractère insupportable du maintien du contrat pour la bailleresse est réalisée de telle sorte qu’elle peut le résilier avec effet immédiat (art. 257f al. 3 CO). Lorsqu’un locataire accueille chez lui son enfant hors de toute obligation légale d’entretien, il convient de déterminer, en fonction des circonstances, s’il s’agit d’un hébergement de familiers – admis par le TF pour autant que cela ne provoque pas une sur-occupation des locaux – ou si les parties ont la volonté de conclure un contrat ; il y a nécessairement animus contrahendi, et donc sous-location (partielle), lorsque la fille du locataire s’installe avec son mari et leurs enfants après le décès de sa mère dans l’appartement loué par son père, qu’elle a convenu avec son père d’une répartition des chambres et qu’elle a accepté de prendre en charge les deux tiers du loyer.

TF 4A_263/2022 (f)

2022-2023

Droits des héritiers à la reddition de compte. En droit suisse, les héritiers, qu’ils soient réservataires ou non, disposent d’un droit matériel, de nature contractuelle, aux renseignements et documents concernant les avoirs du défunt au jour de son décès, en vertu de l’art. 400 al. 1 CO. Pour les transferts antérieurs au décès, seuls les héritiers réservataires, dont la réserve est lésée ou qui ont un droit au rapport à l’égard d’autres héritiers, peuvent exiger le nom des bénéficiaires de tels transferts. Le droit matériel aux renseignements doit faire l’objet d’une procédure permettant un examen complet, ne pouvant être invoqué ni par des mesures provisionnelles ni par une procédure de preuve à futur. De même, il ne peut être exercé via une intervention accessoire (art. 74 ss CPC), car cette dernière se base uniquement sur la vraisemblance de l’intérêt juridique et non sur un examen approfondi du droit matériel. Le TF a rejeté la demande d’intervention accessoire des héritiers d’un client, dont les avoirs auraient été détournés, dans une procédure en cours entre la banque et l’actuel détenteur des fonds. Il a été jugé que cette démarche représentait une utilisation détournée d’un mécanisme procédural pour exercer un droit à la reddition de compte, qui relève strictement du droit matériel. Il y a en effet une différence entre la demande en production de documents à des fins de preuve dans le cadre d’une procédure civile (Editionsbegehren zu Beweiszwecken) et une demande de production fondée sur un droit aux renseignements de nature matérielle (Editionsbegehren gestützt auf einen materiellrechtlichen Auskunftsanspruch).

TF 4A_421/2021 (i)

2022-2023

Mandat de conseil en placement, dommage. En cas d’exécution non conforme d’un mandat de conseil en placement, l’art. 398 al. 2, en relation avec l’art. 97 al. 1 CO, dispose que le créancier doit en principe se voir reconnaître un intérêt positif, le plaçant ainsi dans la position qui aurait été la sienne si le contrat avait été dûment exécuté. Exceptionnellement, une hypothèse passive peut entrer en ligne de compte si le mandant prouve, avec un degré de vraisemblance prépondérant, qu’il n’aurait pas effectué d’autres investissements s’il avait été correctement conseillé.

TF 4A_517/2022 (f)

2022-2023

Responsabilité de l’avocat. L’art. 398 al. 1 CO, renvoyant à l’art. 321e al. 1 CO, fonde la responsabilité de l’avocat en cas de dommage causé intentionnellement ou par négligence au mandant. Conformément à l’art. 97 CO, cette responsabilité est soumise à une violation des obligations contractuelles, à l’existence d’un dommage, à un lien de causalité entre la violation et le dommage, et à l’existence d’une faute. Alors que le mandant doit prouver les trois premières conditions selon l’art. 8 CC, l’avocat doit démontrer l’absence de faute. L’avocat ne viole pas son devoir de diligence, et n’est dès lors pas fautif, en omettant de traiter immédiatement une question soulevée par ses clients.

Vente aux enchères publiques. Les enchères publiques de l’art. 651 al. 2 CC ne sont pas assimilées à des ventes forcées au sens de la LP ou de l’ORFI. Par conséquent, la vente aux enchères publiques obéit aux normes de droit privé définies par le juge du partage, ainsi qu’aux dispositions cantonales complémentaires. Le tribunal peut ainsi fixer librement les conditions de la vente aux enchères, statuer sur les modalités litigieuses et se fonder sur les conventions des copropriétaires L’absence de véritable nature volontaire des enchères ne saurait conduire à la qualification de vente forcée au sens de l’art. 229 al. 1 CO.

TF 4A_189/2021 (i)

2022-2023

Défaut et action rédhibitoire. La garantie de pouvoir louer un bien immobilier, conformément à ce qui a été convenu dans l’acte de vente, est remise en cause suite à une décision de l’autorité communale, confirmée par le gouvernement cantonal. Conformément au contrat de vente, le transfert des risques se produit à la livraison du bien immobilier et non à la signature du contrat. Bien qu’une procédure soit en cours concernant la validité de la décision communale, un défaut est constaté à la livraison en raison de l’impossibilité de mettre en location le bien. On ne peut en effet exiger de l’acheteuse d’attendre l’issue d’une procédure administrative pouvant s’étendre sur des années. Les frais notariaux liés à la vente doivent être restitués, étant donné qu’ils sont considérés comme un préjudice direct au sens de l’art. 208 al. 2 CO. Les intérêts relatifs au montant de la vente sont également dus.

TF 4A_152/2021 (f)

2022-2023

Cession des droits de garanties pour les défauts affectant les parties communes d’un immeuble constitué en PPE. Les propriétaires d’étages détiennent individuellement les droits de garantie relatifs aux défauts des parties communes. Alors que le droit à la réduction de prix est divisible, celui à la réfection, visant une réparation complète des défauts affectant la partie commune, est indivisible. Dans le cadre d’une cession à des fins d’exécution (zahlungshalber ; art. 172 CO), par analogie avec l’art. 467 al. 2 CO, le cessionnaire est tenu d’exercer d’abord le droit cédé s’il possède les informations requises, la prestation due par le cédant restant en suspens entretemps. Le cessionnaire ne doit toutefois respecter cette obligation que s’il dispose des informations suffisantes pour agir contre les entrepreneurs concernés.

TF 4A_302/2022 (f)

2022-2023

Violation de la promesse de conclure un contrat d’entreprise. Lorsque le promettant se départit du précontrat, le dommage à indemniser est celui subi par son cocontractant en raison de la non-exécution du contrat principal, en l’occurrence, le contrat d’entreprise. Les dispositions des art. 97 CO en lien avec l’art. 377 CO sont applicables. Le maître d’ouvrage qui se départit du contrat sans motifs valables est tenu de verser l’intégralité des dommages-intérêts positifs. Le calcul se fait sur la base des devis préalablement soumis, ou du projet de contrat d’entreprise non signé.

TF 4A_361/2022 (f)

2022-2023

Normes SIA ; défauts. L’ouvrage doit répondre aux exigences techniques et à la destination que le maître lui réserve. Si le maître d’ouvrage prévoit une destination inhabituelle pour l’ouvrage, il se doit d’en informer l’entrepreneur. S’il s’agit d’une utilisation ordinaire, l’ouvrage doit au minimum satisfaire aux règles de l’art reconnues ou à un standard équivalent. Dans le cas d’espèce, un contrat d’entreprise avait été établi pour une installation de biogaz. L’acier sélectionné pour la partie supérieure du digesteur, supposé demeurer stable pendant dix ans, a montré des signes de corrosion après seulement trois ans. Un défaut n’a pas été retenu puisque le maître n’a pas clairement informé l’entrepreneur que l’ouvrage était destiné à une utilisation sortant de l’ordinaire.

TF 4A_422/2022 (f)

2022-2023

Clause pénale. La peine conventionnelle vise à protéger l’intérêt du créancier à l’exécution du contrat en offrant une incitation supplémentaire au débiteur pour honorer ses obligations contractuelles. La clause pénale allège la charge du créancier qui est dispensé de prouver son dommage. Selon l’art. 160 al. 2 CO, lorsque la peine a été stipulée en vue de l’inexécution du contrat au temps ou dans le lieu convenu, le créancier peut demander à la fois que le contrat soit exécuté et la peine acquittée, s’il ne renonce expressément à ce droit ou s’il n’accepte l’exécution sans réserve. En l’occurrence, après avoir signé le procès-verbal d’acceptation de l’ouvrage sans réserve, le maître a tacitement accepté le retard et a, de ce fait, renoncé à la clause pénale. La peine conventionnelle ne peut dès lors plus être invoquée dans une demande reconventionnelle lors d’une procédure en paiement engagée ultérieurement.

TF 4A_603/2021 (i)

2022-2023

Avis des défauts, expertise. Dans le cadre de contrats d’acquisition de parts de PPE entre un promoteur et des acquéreurs, une convention d’expertise-arbitrage est signée, visant à déterminer la présence de défauts et leurs implications financières. Dans les contrats mixtes (vente/entreprise) la garantie pour les défauts concernant les parties communes est régie par les règles du contrat d’entreprise. Un avis des défauts est valable lorsque les parties concluent une convention d’expertise-arbitrage qui indiquent clairement, dans son préambule, que les acquéreurs ont signalé au promoteur les défauts listés en détail dans des documents annexes. En signant une telle convention, le promoteur renonce à se prévaloir de l’invalidité et de la tardiveté de l’avis des défauts.

TF 4A_539/2022 (d)

2022-2023

Exception d’inexécution ; cession de créances. L’exception d’inexécution (art. 82 CO) suppose un rapport d’échange synallagmatique. Lorsque l’une des obligations est une obligation accessoire, un tel rapport d’échange synallagmatique n’est concevable que si l’obligation accessoire est d’une importance telle que son inexécution rend l’exécution de l’obligation principale sans valeur (rappel de jurisprudence). Ce critère restrictif n’est pas rempli s’agissant de l’obligation, forcément accessoire, par laquelle l’entreprise générale s’engage à céder au maître d’ouvrage les sûretés livrées par les sous-traitants à l’appui de la garantie pour les défauts de l’ouvrage. Dans le cas d’espèce, le maître de l’ouvrage ne pouvait donc pas retenir le paiement du prix de l’ouvrage pour obtenir la cession de ces sûretés, qui constituaient de toute manière des droits accessoires de la créance en garantie pour les défauts déjà cédée (art. 170 al. 1 CO).

TF 4A_553/2021 (d)

2022-2023

Imputation du paiement lorsqu’il y a plusieurs dettes. Le débiteur poursuivi en exécution de plusieurs dettes envers la même créancière doit prouver qu’il a effectué les paiements et que le montant total des paiements couvre l’ensemble des dettes. De son côté, la créancière qui fait valoir que les paiements n’ont pas éteint l’ensemble de la dette doit prouver que ces paiements s’imputent sur d’autres dettes en vertu d’une déclaration des parties (art. 86 CO). Si elle n’y parvient pas, les paiements s’imputent selon le système prévu par la loi (art. 87 CO) et le débiteur est libéré. Par ailleurs, lorsque le débiteur paie une dette qui s’avère inexistante, il ne peut demander la répétition du paiement (art. 63 CO) que s’il prouve qu’il a déclaré vouloir acquitter cette dette en particulier (art. 86, al. 1 CO). S’il n’y parvient pas ou si la créancière a désigné cette dette dans sa quittance sans que le débiteur ne s’y oppose immédiatement (art. 86, al. 2 CO), le paiement s’impute sur une autre dette exigible (art. 87 CO) sans que la répétition de l’indu n’entre en ligne de compte.

TF 4A_51/2023 (d)

2022-2023

Réserve de forme. Lorsque les parties stipulent une forme particulière pour toute modification du contrat, notamment la forme écrite accompagnée de la « signature juridiquement valable des deux parties », cette exigence est universelle et s’étend à toutes les modifications de commande, indépendamment de leur nature. Il est présumé que les parties n’ont pas voulu convenir d’une modification de la commande si cette forme n’a pas été respectée. Le fardeau de la preuve pour contester cette présomption incombe à la partie affirmant l’existence d’une modification tacite.

TF 4A_95/2022 (f)

2022-2023

Nature juridique du porte-fort. Une partie qui propose à l’autre de libérer un montant consigné en guise de garantie et de conclure à la place un porte-fort (art. 111 CO) fait une offre sujette à acceptation (art. 3 ss CO). Dès lors que cette offre n’a été acceptée ni expressément ni tacitement, les parties ne sont pas liées par un porte-fort. La question de savoir si le porte-fort est toujours un contrat dont la conclusion est soumise aux règles générales des art. 3 ss CO, comme le soutient la doctrine majoritaire, ou s’il peut s’agir d’une promesse unilatérale soumise à réception, comme le pense la doctrine minoritaire, est laissée ouverte.

TF 4A_219/2021 (f)

2022-2023

Interruption de la prescription ; action pénale. La réquisition de poursuite au sens de l’art. 67 LP est un acte interruptif de prescription selon l’art. 135 ch. 2 CO. Par ailleurs, la notification du commandement de payer est également constitutive d’un acte de poursuite selon la disposition précitée. Si l’acte interruptif de prescription intervient avant que l’action pénale ne soit prescrite, l’interruption déclenche un nouveau délai égal à la durée initiale selon le droit pénal.

TF 4A_22/2022 (f)

2022-2023

Prescription ; assurance ; diligence. La prétention en dommages-intérêts élevée contre un assureur protection juridique qui, donnant des conseils juridiques, viole son obligation de diligence et cause un préjudice à l’assuré se prescrit en vertu de l’art. 127 CO. Le délai plus court de l’art. 46 al. 1 LCA s’applique uniquement aux créances qui découlent de la survenance du risque couvert (en matière de protection juridique, la couverture financière du litige et la mise à disposition de conseils juridiques).

TF 4A_298/2021 (f)

2022-2023

Interruption de la prescription ; monnaie étrangère. La prescription d’une créance en monnaie étrangère est valablement interrompue par le dépôt d’une demande en paiement dont les conclusions sont libellées en francs suisses. Dès lors qu’une créance est suffisamment individualisée par son fondement, l’effet interruptif de la prescription au sens de l’art. 135 al. 2 CO se produit sans égard à la monnaie dans laquelle est exprimé le montant de cette créance.

TF 4A_601/2021 (d)

2022-2023

Prescription ; dies a quo ; mandat. Le dies a quo du délai de prescription décennal pour les demandes de renseignements découlant d’un contrat bancaire de type « execution only » commence au moment de l’exigibilité de la créance. Le TF confirme d’abord sa jurisprudence selon laquelle le dies a quo du délai de prescription débute le jour où le mandataire reçoit le montant à restituer. Il précise ensuite que chaque réception d’un montant à rétrocéder par le mandataire fait naitre une créance exigible en restitution. La naissance et l’exigibilité de telles créances ne peuvent être reportées à la fin du contrat sous peine de vider l’institution de son sens.

Responsabilité contractuelle et délictuelle, action civile par adhésion au procès pénal, acte interruptif de prescription. En cas de préjudice résultant d’un mandat conclu avec un médecin, deux actions s’offrent au lésé : la responsabilité contractuelle (art. 398 al. 2 et 97 ss CO) et/ou la responsabilité délictuelle (art. 41 ss CO). Cependant, seule l’action fondée sur la responsabilité délictuelle peut faire l’objet d’une action civile par adhésion au procès pénal. L’art. 122 CPP n’englobe pas toutes les prétentions de droit privé, mais seulement celles qui découlent d’infractions. Les prétentions contractuelles n’étant pas basées sur une infraction pénale, sont exclues de l’art. 122 al. 1 CPP et relèvent de la compétence exclusive des tribunaux civils. Pour interrompre la prescription, un acte interruptif doit être adressé au tribunal compétent. Par conséquent, toute prétention civile soumise dans le cadre d’une procédure pénale doit être basée sur les actions délictuelles pour être considérée comme interruptive selon l’art. 135 ch. 2 CO. Le délai de prescription d’une action purement contractuelle, qui ne peut pas être associée à une procédure pénale, n’est pas interrompu par le dépôt d’une plainte pénale.

Responsabilité civile extracontractuelle du constructeur automobile, dommage normatif. En principe, le dommage s’apprécie selon la théorie de la différence. La réparation d’un dommage normatif – non lié à une diminution du patrimoine – n’est accordée que dans deux cas de figure, à savoir le dommage ménager (Haushaltschaden) et le dommage de prise en charge (Pflegeschaden). La conclusion involontaire d’un contrat, dont l’objet est un véhicule touché par le « dieselgate », ne constitue pas un préjudice indemnisable au sens de la responsabilité civile extracontractuelle. La réparation d’un tort moral déguisée pour défaut matériel ne peut ainsi être accordée sur la base des art. 41 et 55 CO.

TF 4A_314/2022 (d)

2022-2023

Risque lié à l’emploi d’un véhicule. L’art. 58 al. 1 LCR implique une responsabilité lorsqu’un dommage est causé « par l’utilisation d’un véhicule à moteur ». La distinction entre l’utilisation et la non-utilisation d’un véhicule est déterminée selon les circonstances. L’incendie causé par la chaleur d’une camionnette garée sur une aire de battage et dont le catalyseur est encore chaud ne relève pas du risque d’exploitation spécifique à l’art. 58 al. 1 LCR. Le critère essentiel n’est pas la nature mécanique ou motorisée du véhicule, mais sa capacité à se déplacer rapidement et à causer de grands dommages. Dans le cas d’espèce, l’incendie n’était pas lié à cette nature de risque. En dépit de la chaleur du catalyseur, il n’y avait pas de lien suffisant avec le déplacement de la camionnette. Il s’agit plutôt d’un risque courant lié au stockage inadéquat d’objets chauds et non d’un risque spécifique à l’utilisation d’un véhicule.

Auxiliaire ; action en responsabilité ; mandat. Un client d’une banque genevoise dispose d’un contrat de type « execution only ». La banque procède à plusieurs opérations sans l’aval du client, lui causant un important dommage. Lorsque les parties sont liées par un contrat de conseil en placement ou un contrat de type « execution only », la banque répond du dommage qu’elle cause en effectuant des opérations bancaires sans l’accord du client (art. 97 CO). Il ne s’agit pas d’une action en exécution permettant au client de récupérer son argent mais bien d’une action en responsabilité visant la réparation du dommage. L’action en responsabilité permet notamment d’imputer une faute concomitante au lésé. La banque répond contractuellement des actes de ses auxiliaires selon l’art. 101 CO, dès lors que l’acte est causé dans le cadre général des attributions de l’auxiliaire en question (rapport fonctionnel). En l’espèce, un employé de banque qui effectue une douzaine d’opérations et de virements sans l’accord du client engage la responsabilité de la banque. Il s’agit d’une violation du devoir de diligence et de fidélité imputable à la banque en question. Le dommage s’établit selon les règles des art. 43 ss CO, conformément au renvoi de l’art. 99 al. 3 CO.