Droit des obligations et des contrats

ATF 139 III 7 (f)

2012-2013

Art. 266m, 266n et 266o CO, art. 2 al. 2 CC

Fardeau de la preuve quant à l’existence d’un logement familial ; abus de droit à invoquer l’art. 266n CO. Il incombe à celui qui invoque les dispositions de protection du logement familial au sens de l’art. 169 CC et 266m CO de prouver que le logement loué était (encore) un logement familial au moment de la notification de la résiliation. Le but des art. 169 CC, 266m et 266n CO est de protéger l’époux non titulaire du bail en cas de conflit conjugal contre le risque de ne pas recevoir la notification et d’être ainsi privé de toute possibilité de s’opposer au congé ou de demander une prolongation du bail. L’épouse qui se prévaut de l’absence de notification du congé à son époux et invoque l’art. 266n CO alors qu’elle est seule titulaire du bail, que le congé lui a été notifié, que son époux a définitivement quitté le logement et qu’il se désintéresse de
la cause, commet un abus de droit.

Art. 269d CO, art. 2 al. 2 CC

Avis de majoration de loyer avec un fac-similé de signature au lieu d’une signature manuscrite ; abus de droit à invoquer ce vice de forme. Un avis de majoration de loyer sans signature manuscrite ne remplit pas les conditions de forme écrite qualifiée et est nul. Le but de la formule officielle est de renseigner le locataire sur les motifs de la hausse et les moyens de la contester. Pour atteindre ce but, la signature manuscrite n’est pas nécessaire. Le but de la signature manuscrite est d’éviter tout doute quant à l’identité de l’auteur de l’avis. Le locataire qui paye pendant six ans l’augmentation de
loyer avant d’invoquer la nullité de la hausse au motif que la formule n’avait pas été signée à la main mais seulement avec un fac-similé pour réclamer le remboursement de la différence, alors qu’il n’a jamais existé un doute sur l’identité
de l’auteur de l’avis et que les deux parties ont respecté la hausse sans discussion pendant ces six ans, commet un abus de droit.

ATF 139 III 13 (f)

2012-2013

Art. 269a et 270 CO

Répartition du fardeau de la preuve en cas de contestation du loyer initial lorsque l’examen porte sur les loyers comparatifs. L’abus de droit est un fait dirimant, dont la preuve incombe à la partie adverse du titulaire du droit. Dès lors, le fardeau de la preuve du caractère abusif du loyer initial incombe au locataire quand le bailleur s’est prévalu des loyers usuels dans la formule officielle, pour justifier la hausse du loyer par rapport au précédent (consid. 3.1.3.2). Lorsque l’augmentation du loyer initial ne saurait se justifier au vu de la conjoncture économique, le bailleur qui n’a pas la charge de la preuve doit cependant collaborer loyalement à l’administration des preuves en fournissant tous les éléments en sa possession et qui sont nécessaires à la vérification du motif invoqué par lui dans la formule officielle. Il lui incombe donc d’apporter les contre-preuves pour démontrer que malgré les apparences, il s’agit d’un cas exceptionnel et que le loyer initial n’est pas abusif. Dans l’hypothèse où le bailleur a augmenté le nouveau loyer de plus de 10% par rapport à l’ancien, ce devoir du bailleur de collaborer à l’administration des preuves trouve tout son sens (consid. 3.2).

Art. 255 et 266 al. 1 CO

Contrats de bail de durée déterminée en chaîne. L’enchaînement de baux de durée déterminée ne requiert pas de justification par des motifs particuliers et est en principe licite, sous réserve de fraude à la loi. Commet une telle fraude le bailleur qui, en soi, a l’intention de s’engager pour une durée indéfinie, mais opte pour un système de baux à durée déterminée aux seules fins de contourner des règles impératives de protection des locataires. Le fardeau de la preuve incombe au locataire, le bailleur n’a pas à établir un intérêt spécial à conclure des baux de durée déterminée. En l’espèce, l’enchaînement de plusieurs baux de durée déterminée, alors que la situation professionnelle des locataires venus d’Espagne pour travailler en Suisse, principalement avec des contrats de travail de durée déterminée, est restée longtemps indécise et qu’ils ont affirmé vouloir quitter la Suisse, ne s’explique pas que par le but de contourner les règles impératives de protection des locataires.

Art. 269a let. b CO, art. 14 OBLF

Libre choix du bailleur de la méthode de répercussion du coût des travaux à plus-value sur les loyers. Aucune disposition de droit fédéral ne prescrit comment répartir, entre les locataires, les coûts résultant de travaux à plus-value entre les appartements de l’immeuble entier. Il est admis que plusieurs méthodes peuvent entrer en ligne de compte : la ventilation peut ainsi s’opérer selon la clé de répartition applicable à la propriété par étages, selon la surface des appartements, selon leur volume, au prorata du nombre de pièces par logement ou encore en fonction du pourcentage que représente l’investissement à plus-value par rapport à l’état locatif avant la hausse. Etant donné qu’aucune clé de répartition ne s’impose a priori, il faut en déduire que le choix de la méthode appartient en premier lieu au bailleur. Il s’ensuit que le juge ne peut pas répartir entre les locataires les coûts liés à des prestations supplémentaires selon son bon vouloir. En particulier, il ne peut pas, comme en l’espèce, écarter sans autre le système appliqué par le bailleur (répartition au prorata
du nombre de pièces par logement) au profit d’une répartition en fonction des loyers avant la hausse, en arguant du « caractère plus équitable et plus favorable au locataire » de ce modèle.

Art. 262, 263 et 273b CO

Validité des avis de congé du contrat de sous-location signifiés tant par le premier locataire que par le second, alors que le bail principal avait auparavant été transféré du premier locataire au second. Le transfert de bail n’opère ses effets qu’entre les parties au contrat et n’a en principe pas d’effet sur les obligations que celles-ci ont à l’égard de tiers. Le contrat de sous-location n’est pas totalement indépendant du bail principal. Le sous-bailleur ne peut transférer
plus de droits qu’il n’a lui-même : dès que le droit d’usage ne lui est plus valablement cédé, il se trouve dans l’impossibilité de fournir sa prestation au sous-locataire. Le sous-locataire devrait alors restituer la chose au nouveau locataire, sous peine de faire l’objet d’une demande d’expulsion. Toutefois, lorsque les sous-locataires ne quittent pas les lieux malgré le transfert du bail principal, continuent de se comporter comme s’ils étaient titulaires du droit d’usage en payant régulièrement le loyer et que le nouveau locataire montre, en notifiant un avis de résiliation, qu’il se considère lié aux sous-locataires par un contrat de bail, qu’en plus, après avoir été sommés de le faire, les sous-locataires acceptent de payer le loyer en mains du nouveau locataire, il faut en déduire qu’un nouveau contrat de sous-location a été conclu entre les sous-locataires et le nouveau locataire principal. Dans ces circonstances, la résiliation donnée par le premier locataire, alors que le bail principal avait déjà été transféré de sorte qu’il ne pouvait plus céder l’usage de la chose, n’a aucun effet juridique sur le nouveau contrat conclu entre des tiers, à savoir le nouveau locataire principal et les sous-locataires. En revanche, le congé donné par le nouveau locataire principal qui avait, dès le transfert du bail principal, le droit d’usage sur la chose et pouvait donc la céder aux sous-locataires qui par ailleurs se sont toujours prévalus d’une cession d’usage en leur faveur, n’est affecté d’aucune cause de nullité.

Art. 298 CO, art. 9 OBLF

Résiliation d’un bail à ferme, nullité. Malgré sa note marginale, l’art. 9 OBLF ne s’applique pas seulement à la formule officielle pour donner le congé d’un bail à loyer selon l’art. 266l CO, mais également à celle prévue par l’art. 298 al. 2 CO pour la résiliation d’un bail à ferme. Un congé qui ne mentionne pas sur la formule agréée la date à laquelle il doit prendre effet est nul. Il ne suffit pas que cette date soit indiquée dans la lettre d’accompagnement.

Art. 270 CO, art. 2 al. 2 CC

Conditions de l’abus de droit à invoquer la nullité du loyer initial. L’abus manifeste d’un droit n’est pas protégé par la loi. S’agissant de la nullité du loyer initial, l’abus de droit peut entrer en considération lorsque la partie a eu conscience d’emblée du vice de forme et qu’elle s’est abstenue intentionnellement de le faire valoir sur-le-champ afin d’en tirer avantage par la suite, situation qui a été niée en l’occurrence (consid. 2 non publié dans l’ATF 139 III 249).

Art. 271 al. 1 CO

Résiliation contraire à la bonne foi, comportement du bailleur après la résiliation. Congé donné en invoquant le besoin de loger sa propre fille, suite à quoi d’autres appartements se sont libérés dans les bâtiments appartenant au même bailleur. Le fait que le bailleur ait pu recouvrer l’usage de deux autres appartements après avoir donné un congé, au motif qu’il avait besoin de loger sa propre fille, n’exclut pas avec certitude qu’au moment du congé litigieux le bailleur eût effectivement l’intention de loger sa fille dans l’appartement concerné. Il n’est donc pas arbitraire de juger que le besoin de loger sa propre fille n’était pas un simple prétexte, mais bien le motif réel du congé.

Art. 418a CO

Distinction. Le critère essentiel de distinction entre le contrat d’agence (art. 418ss CO) et le contrat d’engagement des voyageurs de commerce (art. 347 ss CO), qui est un contrat de travail spécial, réside dans le fait qu’un agent est indépendant alors qu’un voyageur de commerce se trouve dans un rapport de subordination vis-à-vis de son
employeur (consid. 2.4). Lorsque le tribunal est amené à interpréter ou à qualifier un contrat, il doit essayer de déterminer la réelle intention des parties, sans s’arrêter aux dénominations et expressions utilisées par celles-ci (consid. 2.3 et 2.5).

Art. 46 LCA

Prescription des indemnités journalières. Le délai de prescription des indemnités journalières commence à courir au moment où l’incertitude concernant un devoir de prestation de la part d’un tiers disparaît (par ex. d’une assurance étatique). C’est uniquement à ce moment-là que tous les faits fondant la prétention à des indemnités journalières sont réunis (consid. 4.2.1).

Art. 61 LCA

L’obligation de réduire le dommage découlant de l’art. 61 al. 1 LCA peut conduire l’assuré à devoir changer d’activité professionnelle, si cela peut être raisonnablement exigé de lui et permet de réduire son incapacité de travail. Toutefois, une analyse médico-théorique ne permet pas à elle seule d’appliquer l’art. 61 al. 2 LCA. Celle-ci ne constitue qu’une étape du raisonnement. Il faut également tenir compte de l’état du marché du travail et des chances réelles de l’assuré de trouver un travail malgré son atteinte fonctionnelle. Ainsi, une analyse concrète de la situation doit être effectuée. En outre, le
tribunal doit examiner si en fonction de la formation, de l’expérience et de l’âge de l’assuré, un changement d’activité peut réellement être exigé de lui.

Art. 46 LCA

Prescription des créances dérivant du contrat d’assurance. Afin de connaître le « fait d’où naît l’obligation » et ainsi le point de départ de la prescription, il faut examiner le contrat d’assurance et établir quel est le sinistre assuré, respectivement quels éléments constitutifs doivent être réunis pour que l’assureur ait l’obligation d’indemniser l’assuré (consid. 1.2). Concernant les rentes pour incapacité de gain découlant du contrat d’assurance, le « fait d’où naît l’obligation » de l’assureur se répète constamment du fait que l’incapacité de gain, qui fonde le droit à la rente, est susceptible de varier ou de disparaître. Chacune de ces rentes est une prestation périodique qui se prescrit individuellement par deux ans (art. 46 al. 1 LCA ; art. 126 CO). Quant à la prescription du rapport de base, si l’art. 131 CO doit trouver application, l’on ne saurait lui appliquer le délai très court de l’art. 46 al. 1 LCA, mais plutôt celui de l’art. 127 CO (consid. 2.5).

Art. 436 al. 1, 437 CO et art. 8 CC

Commissionnaire se portant lui-même vendeur ou acheteur ; présomption. Lorsqu’une banque, en tant que commissionnaire, annonce avoir exécuté un ordre d’achat ou de vente de titres en bourses sans indiquer le nom de son cocontractant, elle est présumée les avoir elle-même achetés ou vendus (art. 437 CO). Cette présomption est liée à l’annonce communiquée par la banque et non au fait que la banque ait effectivement contracté avec elle-même. Cette présomption peut toutefois être renversée si la banque en apporte la preuve.

Art. 417 CO

Salaire excessif du courtier. Le caractère excessif du salaire est déterminé en fonction de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce. Sa détermination relève du pouvoir d’appréciation du tribunal (art. 4 CC). Toutefois, dans de pareilles circonstances, le TF ne revoit qu’avec réserve la décision prise par l’instance inférieure. De plus, en vertu de la liberté
contractuelle, l’art. 417 CO doit être interprété de manière restrictive. Concrètement, il faut alors effectuer une comparaison avec les commissions versées habituellement dans la région concernée. En matière immobilière, la
commission est généralement un pourcentage du prix de vente obtenu (consid. 3.1). Au regard de la jurisprudence, un taux de 3% est admissible pour une vente de CHF 3’800’000.-. L’activité déployée par le courtier n’est pas déterminante pour juger du caractère excessif de la commission convenue puisque celle-ci rémunère le succès du courtier et non son activité (consid. 3.2).

Art. 412 ss CO et art. 1 ss de la Loi sur les voyages à forfait

Pour être qualifié de contrat de courtage (art. 412 ss CO), un contrat doit être conclu à titre onéreux. De plus, il faut que le service procuré (indicateur et/ou négociateur) tende à la conclusion d’un contrat, quelle qu’en soit la nature. Les règles du mandat (art. 394 ss CO) lui étant subsidiairement applicables, le courtier a droit au remboursement des avances et des frais. En l’espèce, est bel et bien lié à un contrat de courtage celui qui est chargé de mettre en contact son client et le propriétaire d’un bateau ainsi que de négocier le contrat d’affrètement. La mise à disposition d’un bateau avec son
équipage et son équipement ne constitue pas une croisière en tant que telle. En effet, une croisière est en principe soumise à la Loi sur les voyages à forfait (RS 944.3) lorsqu’elle combine pour plusieurs jours le transport, l’hébergement et un programme, le tout présenté à un prix forfaitaire (consid. 2 ss).

Art. 400 al. 1 CO

Contrat de gestion de fortune ; obligation de restituer ; rétrocessions. Le mandataire doit restituer à son mandant aussi bien les valeurs qu’il a reçues directement de ce dernier que les avantages indirects, obtenus de tiers, présentant un lien intrinsèque avec l’exécution du mandat. Ces avantages indirects peuvent notamment prendre la forme de rétrocessions. Un lien intrinsèque est admis lorsqu’il existe un risque que les rétrocessions accordées au mandataire conduisent celui-ci à ne pas prendre suffisamment en compte les intérêts du mandant (risque de conflits d’intérêts). En l’espèce, un tel risque est présent lorsqu’une banque procède elle-même à des investissements pour le compte de son client dans le cadre d’un mandat de gestion de fortune et qu’elle perçoit, pour ce faire, une rémunération sous la forme de commissions d’état. L’obligation de restituer n’est toutefois pas impérative, le mandant peut y renoncer s’il a été dûment informé.

Art. 394 ss, 472 ss et 482 CO

Contrat de surveillance. Un contrat ayant pour objet de réceptionner de la marchandise, d’en contrôler la quantité et la
qualité ainsi que de veiller à ce qu’elle soit stockée correctement et en lieu sûr, constitue un contrat de surveillance soumis aux règles du mandat (art. 394 ss CO). Une distinction entre un contrat de surveillance, un contrat d’entrepôt (art. 482 CO) et un contrat de dépôt (art. 472 ss CO), s’effectue par l’analyse des caractéristiques essentielles de chaque contrat. En effet, l’on peut être en présence d’un contrat d’entrepôt uniquement lorsqu’il ressort du but social de l’entrepositaire ou d’une annonce publiée par celui-ci, qu’il offre de recevoir des marchandises en dépôt. Ainsi, sans offre publique un contrat d’entrepôt est exclu. A propos du contrat de dépôt, l’obligation de restituer est essentielle. Un contrat de dépôt est alors envisageable, si le débiteur s’est engagé à restituer lui-même la marchandise.

Art. 394 al. 3 CO

Modération des honoraires d’avocat. Les honoraires d’avocats sont en premier lieu fixés par convention. Lorsque rien n’a été convenu entre les parties et qu’il n’existe pas de disposition cantonale applicable, le montant des honoraires doit être fixé par l’usage (art. 394 al. 3 CO). A défaut d’usage, le juge prend en considération toutes les circonstances pertinentes,
étant souligné que la rémunération doit être proportionnée aux services rendus (ATF 135 III 259 consid. 2.2 et 2.4).

Art. 3 et 28 al. 4 LCC

Application de la LCC. Un prêt ayant pour but le financement des études n’est pas soumis à la LCC. Ce type de crédit ne
correspond pas à un crédit à la consommation classique suivant la formule « acheter aujourd’hui, payer demain ». En effet, un prêt aux études est planifié sur plusieurs années et est orienté sur la future activité professionnelle de l’étudiant. Dès lors, l’étudiant ne semble pas prendre une décision précipitée lorsqu’il souhaite contracter un tel crédit. De plus, ces
crédits sont souvent accompagnés de conditions avantageuses. En vertu de la LCC, le consommateur doit être en mesure d’amortir son crédit en l’espace de 36 mois (art. 28 al. 4 LCC). Vu la durée moyenne des études, cette condition ne
semble pouvoir être remplie que dans la minorité des cas. En outre, au regard du but de l’emprunt, celui-ci apparaît plutôt comme lié à l’activité professionnelle (art. 3 LCC).

Art. 197 et 199 CO

Une clause excluant la garantie, en dérogation à l’art. 197 CO, est nulle lorsque les défauts sont frauduleusement dissimulés par le vendeur à l’acheteur (art. 199 CO). En d’autres termes, il faut que le vendeur omette intentionnellement de communiquer le défaut à l’acheteur tout en sachant qu’il s’agit d’un fait important pour ce dernier. Un dol éventuel
est suffisant (consid. 3.2).

Etant donné que le contrat d’architecte n’a pas toujours le même contenu, on ne saurait le qualifier d’une façon générale. Dès lors, il convient de prendre en considération les prestations qui ont été convenues. Il apparaît ainsi que le contrat global d’architecte est un contrat mixte pour lequel les règles du mandat (art. 394 ss CO) ou du contrat d’entreprise (art. 363 ss CO) sont applicables selon les circonstances. En l’occurrence, l’établissement d’un plan relève du contrat d’entreprise (consid. 3).

Art. 16 al. 1 CO

Forme (écrite) réservée ; contrat d’architecte. Le contrat d’architecte n’est pas soumis à une forme particulière. Selon l’art. 16 al. 1 CO, les parties qui ont convenu de donner une forme spéciale à un contrat pour lequel la loi n’en exige point, sont réputées n’avoir entendu se lier que dès l’accomplissement de cette forme. L’art. 16 CO présume donc que la forme réservée est une condition de la validité du contrat. Cette présomption peut être détruite par la preuve que la forme volontaire ne vise qu’à faciliter l’administration des preuves ou que les parties y ont renoncé subséquemment. Lorsque
la forme réservée est seulement probatoire, le contrat est valablement conclu même si la forme en question n’a pas été respectée.

Art. 18 al. 1 CO

Conditions générales, règle dite de l’insolite. La validité de conditions générales est limitée par la règle dite de l’insolite. Selon cette règle, toutes les clauses insolites auxquelles la partie plus faible ou inexpérimentée n’a pas été rendue spécialement attentive sont exceptées de l’acceptation globale de conditions générales. Selon le principe de la confiance, l’auteur de conditions générales doit s’attendre à ce qu’un partenaire contractuel inexpérimenté n’accepte pas une clause insolite. La question de savoir si une clause est insolite s’évalue du point de vue de l’acceptant au moment de la conclusion du contrat. Des clauses usuelles dans une branche peuvent donc être subjectivement insolites pour une personne étrangère à cette branche. La règle dite de l’insolite ne s’applique toutefois que si la clause en question est également objectivement insolite. Cela est le cas lorsqu’elle modifie de manière essentielle le caractère du contrat ou s’il s’éloigne de manière importante du cadre légal du type de contrat en question. En l’espèce, une clause prévoyant que les indemnités journalières (d’une assurance d’indemnités journalières selon la LCA) dues pour cause de maladie sont réduites de moitié
en cas de maladie psychique est objectivement insolite. On ne saurait dénier à une telle clause son caractère subjectivement insolite, en se fondant sur l’expérience générale de la vie, au motif que l’assuré dispose d’une formation de médecin et de médecin-dentiste.

ž Art. 21 al. 1 CO

Manifestation de volonté par actes concluants. La partie qui s’estime victime d’une lésion doit manifester sa volonté d’invalider le contrat dans le délai d’un an dès sa conclusion. Une opposition non motivée à un commandement de payer ne constitue pas une manifestation de volonté au sens de l’art. 21 al. 1 CO.

ATF 138 III 29 (d)

2012-2013

žArt. 20 al. 2 CO

Interprétation et complètement d’une clause arbitrale au contenu partiellement impossible. Il y a impossibilité initiale dans la mesure où, déjà au moment de la conclusion de la convention arbitrale, les institutions désignées ne pouvaient fonctionner comme tribunal arbitral. Il faut dès lors en premier lieu se demander si les parties, connaissant l’impossibilité, auraient néanmoins conclu une convention d’arbitrage (volonté hypothétique). Si, lors de la détermination de la volonté hypothétique des parties, le juge conserve un doute quant à l’étendue de la nullité (partielle ou totale), il doit préférer la nullité partielle à la nullité totale, en application des principes généraux du droit des contrats (consid. 2.3.2 in fine). S’il retient la nullité partielle, le juge doit alors compléter le contrat, toujours selon la volonté hypothétique des parties (consid. 2.3.3). En l’occurrence, les parties voulaient visiblement exclure la juridiction étatique au profit d’une juridiction arbitrale en soumettant leur litige à une instance spécialisée en matière de transfert de joueurs de football et ayant son siège en Suisse. Le TAS est l’autorité de recours contre les décisions des commissions, non compétentes, désignées par les parties. Dans ces circonstances, il faut partir de l’idée que les parties auraient désigné le TAS si elles avaient eu conscience de l’incompétence des commissions désignées par elles au moment de la conclusion de la convention.

Art. 163 al. 3 CO

Nature juridique de la réduction d’une peine conventionnelle ; intérêts moratoires. La réduction d’une peine conventionnelle est une concrétisation dans la loi de l’interdiction de l’abus de droit selon l’art. 2 CC. Le juge qui réduit une peine conventionnelle ne rend donc pas un jugement formateur créant une nouvelle obligation. Il se borne à constater dans quelle mesure la peine conventionnelle est compatible avec les règles du droit et de l’équité de sorte que dès son exigibilité, seule la part admissible de la peine est due. Lorsque la peine conventionnelle prévue contractuellement consistait en la perte d’une créance mais que celle-ci subsiste partiellement dans la mesure où le juge réduit la peine, les intérêts moratoires de cette créance ne sont pas dus seulement à partir du jugement sur l’ampleur de la réduction.

Art. 163 al. 3 CO

Réduction d’une peine conventionnelle. Le juge doit réduire les peines qu’il estime excessives, question qui doit être examinée d’office. Il incombe néanmoins au débiteur d’apporter les éléments permettant de constater que la peine convenue est excessive. La réduction d’une peine conventionnelle est une question d’appréciation. Les parties étant en principe libres d’en fixer le montant, le juge doit s’astreindre à une certaine réserve et n’intervenir que lorsque la somme convenue est si élevée qu’elle n’est plus compatible avec le droit et l’équité. La peine conventionnelle a un rôle à la
fois préventif et punitif, il est donc légitime qu’elle soit fixée à un niveau propre à dissuader le débiteur de violer son obligation contractuelle. Le dommage effectivement subi n’est à lui seul pas déterminant pour évaluer si le montant convenu est excessif ou pas, il faut l’apprécier de manière concrète au moment de la violation de l’obligation contractuelle en tenant compte de la nature et de la durée du contrat, de la gravité de la violation et de la faute commise, de l’intérêt économique du créancier au respect de l’obligation ainsi que de la situation respective des parties.

Art. 67 al. 1 CO

Délai de prescription ; enrichissement illégitime. Les prétentions en restitution peuvent prendre naissance par contrat, acte illicite ou par enrichissement illégitime. Elles se prescrivent par des termes différents selon leur origine. La pratique actuelle tend à privilégier l’aspect contractuel et donc à restreindre le champ d’application de l’enrichissement
illégitime. La prestation réalisée dans l’exécution d’un contrat, qui en constitue donc le fondement juridique, ne peut pas être constitutive d’enrichissement illégitime. Toutefois, le simple fait que la prestation soit faite dans le cadre
d’un contrat ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit également de son fondement. Le TF a conclu que la restitution de prestations effectuées en vertu d’un contrat nul, pour un vice de volonté ou de forme ou à cause d’une condition suspensive non réalisée, se fonde sur les règles de l’enrichissement illégitime. En revanche, si le contrat est valablement conclu, mais qu’il est invalidé par la suite, p.ex. par une résolution pour non-exécution, la restitution des
prétentions est régie par les règles contractuelles. En l’espèce, le TF a estimé que les faits n’étaient pas suffisamment déterminés et ne lui permettaient pas d’appliquer le droit fédéral, à savoir d’établir si la prestation litigieuse se prescrit selon l’enrichissement illégitime ou les règles contractuelles.

Art. 67 al. 1 CO

Abus de droit à invoquer la prescription ; enrichissement illégitime. Selon l’art. 67 al. 1 CO, l’action pour cause d’enrichissement illégitime se prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance de son droit de répétition. Le lésé est tenu pour informé de son droit dès le moment où il connaît approximativement l’ampleur de son
appauvrissement, l’inexistence de la cause de déplacement patrimonial et l’identité de l’enrichi. Alors même que la prescription est a priori acquise au débiteur, le juge doit rejeter l’exception correspondante lorsque ledit débiteur a
astucieusement détourné le créancier d’agir en temps utile. L’exception doit également être rejetée lorsque le débiteur, sans intention maligne, a par son comportement incité le créancier à ne pas entreprendre de démarches juridiques
pendant le délai de prescription. Le comportement du débiteur doit se trouver en relation de causalité avec le retard à agir du créancier, et ce retard doit apparaître compréhensible à l’issue d’une appréciation raisonnable et fondée sur des critères objectifs. En l’espèce, les négociations sur une créance n’entraînent pas de suspension de la prescription.

Art. 49 CO

Indemnité pour tort moral octroyée à une société. La fixation de l’indemnité pour tort moral est une question d’application du droit fédéral que le TF examine librement. Toutefois, dans la mesure où celle-ci relève de l’appréciation des circonstances, le TF intervient avec retenue. Il le fait notamment si l’autorité cantonale a mésusé de son pouvoir d’appréciation. Comme il s’agit d’une question d’équité, le TF examine librement si la somme allouée est disproportionnée ou au contraire insuffisante. A propos du montant alloué en réparation du tort moral, une comparaison avec d’autres affaires ne doit intervenir qu’avec circonspection puisque le tort moral ressenti dépend des circonstances du cas d’espèce. Néanmoins, une comparaison peut se révéler un élément utile d’orientation. En tenant compte de l’ensemble des
circonstances (atteinte brève mais diffusée sur Internet) et de la jurisprudence, la somme de CHF 25’000.- apparaît comme inéquitable et disproportionnée et doit ainsi être réduite à CHF 10’000.-.

Art. 61 al. 2 CO, art. 72 al. 2 et 75 al. 2 LTF

Responsabilité de l’État pour les activités médicales. Les soins dispensés dans les hôpitaux publics relèvent de l’exécution d’une tâche publique (art. 61 al. 2 CO). Les cantons peuvent ainsi soumettre au droit public cantonal la responsabilité des
médecins engagés dans un hôpital public (consid. 1.3). Toutefois, afin de garantir une application uniforme du droit, les causes de responsabilité médicale, qu’elles relèvent du droit public ou privé, doivent être soumises à la même voie de recours ainsi qu’à la même Cour au niveau du TF. Par conséquent, au regard de l’art. 72 al. 2 let. b LTF, un recours en matière civile ou un recours constitutionnel subsidiaire sont les uniques voies de recours ouvertes dans ces causes. Les cantons doivent ainsi faire en sorte que la décision rendue en première instance puisse faire l’objet d’un recours auprès
d’un tribunal cantonal supérieur (art. 75 al. 2 LTF).

Art. 58 al. 1 CO

Responsabilité du propriétaire d’ouvrage. Lorsque les standards de sécurité d’un ouvrage deviennent plus élevés, cela ne signifie pas que les vieux bâtiments, qui ne correspondent pas aux nouveaux standards, doivent être impérativement et immédiatement modernisés. Il s’agit alors, au regard des circonstances concrètes, d’examiner si l’ouvrage offre toujours une sécurité suffisante ou si le fait de procéder aux améliorations permettrait d’écarter le danger lorsque le coût des travaux est en proportion avec le danger (consid. 3.2).

La responsabilité fondée sur la confiance se situe entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle. Il s’agit de la responsabilité du tiers qui suscite une confiance digne de protection puis la trahit d’une manière déloyale. Toutefois, la victime n’est pas protégée de sa propre imprudence, de sa crédulité ou encore du risque inhérent à toute affaire commerciale (ATF 133 III 449 consid. 4.1). De plus, la responsabilité fondée sur la confiance n’offre pas une protection contre des dangers inhabituels. Ainsi, le devoir de protection d’une banque envers son client s’arrête là où le
danger devient atypique (consid. 2.1).

Art. 58 ss LCR et art. 46 CO

Responsabilité du détenteur de véhicule automobile ; atteinte à l’avenir économique. Lorsque plusieurs détenteurs sont impliqués dans un accident, la répartition du dommage s’effectue en proportion de la faute de chaque détenteur, à moins que des circonstances spéciales justifient une autre répartition. Le risque inhérent à l’emploi d’un véhicule fait notamment partie de ces circonstances spéciales. Il s’agit alors de déterminer si le risque à l’emploi d’un véhicule dépasse de manière
marquante celui d’un autre. Un tel risque doit être établi en tenant compte du risque concret (vitesse, poids, stabilité du véhicule) et non abstrait (catégories de véhicule différentes). Ainsi, sauf circonstances particulières, le risque inhérent d’un motocycle n’est pas plus grand que celui d’une voiture. Concernant l’atteinte à l’avenir économique d’une victime, une très faible invalidité médico-théorique (taux inférieur à 10%) ne provoque, en principe, pas une telle atteinte.

Art. 97 al. 1 CO

Action tendant au remboursement des frais d’un procès civil ; coordination des règles de la responsabilité civile avec celles de la procédure civile relatives aux dépens. Une action en dommages-intérêts séparée ou ultérieure est exclue pour tous les frais qui s’incorporent aux dépens d’un procès selon l’art. 95 al. 3 CPC. Les actions en dommages-intérêts accordées par le droit de la responsabilité civile, notamment par les art. 41 ou 97 CO, ne sont pas disponibles pour éluder les règles
spécifiques du droit de la procédure civile et procurer au plaideur victorieux, en dépit de ces règles, une réparation que le législateur compétent tient pour inappropriée ou contraire à des intérêts supérieurs. Le législateur genevois ayant spécialement prévu que la partie victorieuse n’obtiendrait pas de dépens dans les contestations en matière en bail à loyer de choses immobilières (art. 447 LPC gen.), l’art. 97 CO ne permet pas d’exiger des dommages-intérêts destinés à remplacer ces dépens.

ATF 139 III 60 (f)

2012-2013

Art. 112 CO

Clause d’égalité de traitement ; stipulation pour autrui. La clause d’égalité de traitement (ou d’extension) contenue dans une CCT s’analyse juridiquement comme une stipulation pour autrui en faveur des travailleurs non syndiqués. La stipulation pour autrui, au sens de l’art. 112 CO, est une convention par laquelle un sujet, le stipulant, se fait promettre par un autre, le promettant, une prestation en faveur d’un tiers, le bénéficiaire. L’art. 112 CO distingue la stipulation pour autrui imparfaite (al. 1) de la stipulation pour autrui parfaite (al. 2). Dans la première hypothèse, le bénéficiaire est
uniquement destinataire de la prestation et seul le stipulant peut agir contre le promettant. En revanche, dans la seconde, stipulant et promettant accordent au tiers le droit d’exiger directement la prestation et, le cas échéant, d’actionner
le promettant. Lorsque la clause d’extension figure dans une convention collective d’entreprise, le promettant n’est pas une association d’employeurs, mais bien l’employeur lui-même. Si la volonté des parties à la convention est d’accorder un droit propre au travailleur non syndiqué, rien n’empêche ce dernier d’agir directement contre l’employeur pour obtenir le respect de la CCT.