Droit des personnes

Expertise et procédure. Les modalités d’exécution d’une expertise dépendent essentiellement du droit cantonal. En l’espèce, expertise ordonnée dans le cadre d’une procédure de mise sous curatelle, dans laquelle l’expert n’a pas été avisé de manière détaillée de ses devoirs et des conséquences pénales d’une fausse expertise. L’appréciation de l’expertise relève de l’établissement des faits, de sorte que seuls des griefs de violation des droits constitutionnels peuvent être soulevés devant le TF. Or, le recourant n’a pas respecté les exigences de motivation, de sorte que son recours est rejeté.

Curatelle procédurale. L’autorité doit examiner d’office si la représentation de la personne concernée s’avère nécessaire. Cas échéant, un×e curateur×trice doit être désigné×e si la personne est hors d’état de le requérir elle-même. Une telle représentation doit être la règle lorsque la personne concernée est incapable de discernement ou n’est pas en mesure de présenter des requêtes en procédure.

Curatelle de coopération disproportionnée. L’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour ordonner une mesure de protection de l’adulte, mais doit respecter le principe de proportionnalité. Avec la curatelle de coopération, l’exercice des droits civils est limité. Cette curatelle n’implique toutefois pas une représentation légale par le curateur, mais l’obligation d’obtenir son consentement (même postérieur) pour la conclusion du contrat concerné. La curatelle ne peut en principe pas porter sur des droits strictement personnels, mais comprend toute une série d’actes, même tous les actes d’après la doctrine. Afin d’éviter que les principes de proportionnalité et de subsidiarité ne soient pas respectés, l’autorité devrait en principe désigner de manière détaillée les actes ou les types d’actes concernés. Une délimitation à tous les actes juridiques dépassant un certain montant est admissible. En l’espèce, la curatelle de coopération litigieuse concerne la conclusion de « tout nouveau contrat », de sorte que l’étendue de la mesure prononcée est disproportionnée.

Désaccord des représentants s’agissant de la vaccination COVID. Une personne âgée souffrant de démence est placée sous curatelle de représentation. Les affaires médicales sont gérées par les trois filles de la personne concernée, qui sont en désaccord sur la vaccination contre le COVID. L’autorité de protection prend une décision autorisant la vaccination pour protéger l’intéressée des conséquences graves d’une éventuelle infection, en se fondant sur les directives sanitaires qui préconisaient une vaccination pour une personne de 78 ans vivant en EMS. Recours rejeté.

Destitution de la personne chargée de la curatelle pour conflit d’intérêts. Rappel de la jurisprudence concernant les motifs de destitution. Un manquement aux devoirs n’est pas nécessaire pour ne plus être apte à remplir les tâches confiées. Une mise en danger (abstraite) des intérêts de la personne concernée suffit. Pour les autres motifs de libération, il faut que les intérêts ou le bien de la personne concernée soient mis en péril en raison d’un acte ou d’une omission constitutive d’une violation grave du devoir de diligence (par ex. abus de pouvoir, violation des droits de la personnalité, confusion des rôles). En l’espèce, conflit d’intérêts évident de la curatrice, qui siégeait au conseil de fondation de l’entité à laquelle elle a transféré une part considérable de la fortune de la personne concernée (prétendument sur instructions) et a en outre procédé à plusieurs virements en faveur d’une société appartenant à son fils

Approbation de l’APEA pour liquider le ménage. Autorisation donnée au curateur de résilier le contrat de bail et de liquider le ménage de la personne concernée, notamment au motif d’une situation financière difficile et d’un loyer trop important compte tenu des circonstances. L’approbation comporte un devoir d’examen et un devoir d’appréciation de la part de l’autorité. Celle-ci doit effectuer une analyse complète de l’acte juridique envisagé, sous l’angle des intérêts de la personne concernée, ce qui implique une vision complète des circonstances. En l’espèce, le TF retient que plusieurs éléments manquent pour déterminer si l’autorité a outrepassé son pouvoir d’appréciation, en particulier s’agissant du montant d’un nouveau loyer qui serait jugé admissible ou des frais de déménagement. Or, l’autorité ne pouvait pas se dispenser d’établir avec précision ces montants, avant de confirmer l’autorisation.

ATF 148 III I (d)

2021-2022

Le droit à l’autodétermination du patient n’est pas absolu. L’ordre de placement à des fins d’assistance au sens de l’art. 426 CC est un acte de souveraineté de droit public qui entraîne une privation de liberté au sens de l’art. 5 ch. 1 CEDH. La notion de grave état d’abandon contenue dans l’art. 426 CC doit correspondre à un état incompatible avec la dignité humaine et auquel il ne peut être remédié que par le placement dans une institution. Elle exclut les actes dus à une déficience temporaire. Nécessité d’une expertise pour le placement médical. Confirmation de la jurisprudence selon laquelle la présence d’un juge professionnel ne dispense pas de devoir requérir une expertise externe dans le cadre du recours contre un placement médical pour trouble psychique ou de déficience mentale.

Rappel du but et des conditions de la curatelle de représentation et des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Protection de l’adulte et autonomie de gestion de l’argent. Une personne ne saurait être placée sous curatelle simplement parce qu’elle gère son argent d’une manière déraisonnable. Le droit de la protection de l’adulte protège la personne vulnérable, pas ses héritiers ni la collectivité publique. En l’espèce, les donations ont toutefois été faites pendant des épisodes délirants en l’absence de capacité de discernement.

Refus de validation d’un mandat pour cause d’inaptitude. L’autorité cantonale n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de valider le mandat pour cause d’inaptitude par lequel la personne concernée, souffrant désormais de démence sénile, a désigné son conjoint comme mandataire. En effet, ce dernier persiste à vouloir la faire rentrer à domicile, alors que c’est médicalement impossible et qu’elle souhaite rester dans le home ; il a également transféré CHF 100’000.- de comptes bancaires communs pour les mettre sur un compte personnel, puis il a prélevé la moitié de cette somme. L’autorité doit ainsi renoncer à valider la désignation lorsque les intérêts de la personne concernée risquent d’être compromis, en appréciant l’aptitude du mandataire sur des éléments objectifs.

Hospitalisation forcée avec placement en chambre d’isolement. Le recourant doit en règle générale justifier d’un intérêt actuel et pratique. Il y a lieu toutefois d’en faire abstraction lorsque la mesure attaquée soulève une question de principe. Il appartient au recourant de démontrer son intérêt digne de protection. Pour le PAFA, lorsqu’une personne placée a été libérée, elle n’a plus d’intérêt juridique actuel à recourir, mais le TF reconnaît un intérêt virtuel lorsque le recourant a dû être placé à plusieurs reprises en urgence par le passé et qu’il est à craindre que des placements soient nécessaires à l’avenir. Une action en dommages-intérêts et réparation du tort moral est envisageable dans ce cas. En l’espèce, le recourant n’a pas suffisamment motivé un intérêt virtuel.

Rappel des conditions matérielles du placement à des fins d’assistance et des limites à la liberté personnelle.

Indignité du légataire qui est curateur. Testament attribuant un legs d’un immeuble d’une valeur de près de CHF 780’000.- à l’infirmier qui s’est occupé pendant dix-sept ans de la personne concernée et qui a également été son curateur, son fondé de procuration ou son mandataire pour cause d’inaptitude, selon les époques. L’indignité successorale sanctionne le comportement qui, par dol, menace ou violence, induit le défunt à faire révoquer une disposition de dernière volonté ou qui l’en a empêché. En l’espèce, l’infirmier était rémunéré pour son travail et il était de son devoir d’informer le défunt – qui dépendait fortement de lui – que ses prestations étaient fournies en contrepartie de salaire, et non pas par amitié ou par amour. L’infirmier avait en outre déjà accepté une donation entre vifs de CHF 200’000.- alors qu’il était curateur et sans consentement de l’APEA, qu’il avait dû restituer après un procès. Au surplus, il avait également hérité d’une autre personne qu’il s’occupait dans les mêmes circonstances. Selon l’expérience générale de la vie, il faut admettre que la personne concernée aurait révoqué le legs litigieux si elle avait été dûment informée de la véritable nature des relations.