Droit des personnes

Maintien d’un retrait du droit de déterminer le lieu de résidence. Rappel des conditions légales.

Changement de terminologie et incidence sur la jurisprudence. Depuis le 1er juillet 2014, la notion de « droit de garde » a été abandonnée au profit de celle du « droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant ». Ce changement de terminologie a seulement touché le titre marginal de l’art. 310 CC, mais n’affecte pas la jurisprudence et la doctrine antérieures, qui conservent donc toute leur pertinence.

Rappel des principes de procédure (not. en mesures provisionnelles).

Enlèvement international d’enfants de Serbie vers la Suisse par la mère, à l’issue de vacances. Rappel de la jurisprudence sur le risque grave pour l’enfant comme possible empêchement au retour. En l’occurrence, la situation des enfants en Serbie n’est pas mise en danger, dès lors que le père travaille et assure leur subsistance (malgré une dépendance au jeu), que les grands-parents paternels vivant dans des conditions aisées apportent leur soutien, que les enfants en âge scolaire ont déjà entretenu des contacts réguliers avec eux et ne s’opposent pas au retour, qu’ils ont vécu l’essentiel de leur vie en Serbie et qu’un traitement de difficultés de marché commencé en Suisse pourrait être continué en Serbie si nécessaire. La baisse du niveau de vie et le fait que la mère n’entende pas retourner en Serbie ne sont pas des éléments pertinents.

Seuil des mesures de protection de l’enfant. Rappel des conditions à l’institution d’une curatelle de protection de l’enfant. Les mesures protectrices mentionnées à l’art. 307 al. 3 CC représentent une intervention étatique de bas seuil. Elles n’entrent en ligne de compte qu’aussi longtemps que la mise en danger peut être qualifiée de plutôt faible. Lorsque l’intervenant×e assume un rôle actif dans l’éducation (conseils, appui dans la prise en charge, directives, etc.), il y a lieu de mettre cette personne en charge de la curatelle selon l’art. 308 CC. Le choix entre l’une et l’autre de ces mesures dépendra de l’intensité de la mise en danger, du niveau d’intervention attendu, mais aussi du degré de coopération qui peut être attendu des personnes concernées. L’autorité compétente dispose à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation.

Mesure prévention de protection de l’enfant. Rappel des conditions pour instituer une mesure de protection de l’enfant, du principe de proportionnalité et du pouvoir d’appréciation de l’autorité. La protection de l’enfant exige en outre une action prévoyante de la part de l’autorité. Celle-ci est tenue d’écarter le plus tôt possible la mise en danger du bien de l’enfant constatée, si besoin par des mesures préventives. Pour qu’une mesure puisse être prise, il n’est en effet pas nécessaire qu’un problème de santé se soit déjà manifesté chez l’enfant.

Défaut de compétence racione loci de l’APEA. Rappel des règles de compétence à raison du lien en matière de protection de l’enfant. L’autorité examine d’office sa compétence. Les règles de for étant impératives et l’acceptation d’un for non compétent n’étant en principe pas envisageable, une décision prise par une autorité incompétente doit être annulée d’office. L’autorité de recours peut toutefois y renoncer, à condition que le défaut de compétence n’ait pas été invoqué et que le dossier permette de rendre une décision sur le fond.

Mesures protectrices, audition d’enfant, garde des enfants. Rappel des critères à prendre en compte pour déterminer si la garde alternée correspond à l’intérêt supérieur de l’enfant. Poids particulier du parent qui a eu la garde de l’enfant durant la procédure. Rappel des principes en matière d’audition des enfants (art. 298 al. 1 CC) et leur capacité de discernement, en principe admise dès 11-13 ans. Un·e enfant capable de discernement est en droit de s’attendre à ce que la décision du tribunal respecte sa personnalité et soit étayée, en part. si elle s’écarte de sa volonté.

Capacité de postuler de l’avocat, choix du mineur concernant sa représentation dans une procédure en retour vis-à-vis d’un curateur et d’un mandataire privé. Demande en retour après un déplacement de Hong Kong jusqu’en Suisse d’un père avec l’enfant et refus de revenir ; retrait provisoire du droit de déterminer le lieu de résidence et procédure de retour pendante. L’enfant mandate un avocat. L’autorité cantonale refuse la capacité de postuler de l’avocat pour représenter l’enfant. Le TF rappelle que dans le contexte d’une procédure relative à un enlèvement d’enfant, la représentation indépendante de l’enfant s’impose en raison des situations de conflit particulièrement aigües. L’autorité judiciaire doit (impérativement) nommer un représentant à l’enfant, qui le représente jusqu’à la fin de l’exécution du retour. Le représentant peut formuler des requêtes et déposer des recours, garantissant ainsi la participation de l’enfant qualité de partie. Le choix du curateur doit porter sur une personne expérimentée douée de plusieurs capacités (énumérées au consid. 6.2). Les mineurs capables de discernement peuvent en principe agir de manière indépendante ou par l’intermédiaire d’un représentant de leur choix en ce qui concerne les droits strictement personnels. Il est ainsi admis que, dans la cadre de la procédure de retour, l’enfant capable de discernement peut désigner lui-même son curateur. La possibilité de faire appel à un avocat de son choix, à côté du représentant officiel qui lui a été désigné, n’est retenue qu’à titre exceptionnel par la jurisprudence, dès lors que le curateur tend à assurer la réalisation de l’intérêt objectif de l’enfant. En l’espèce, l’autorité cantonale a considéré que plusieurs éléments donnaient à penser que le père de l’enfant avait été associé à la démarche de mandater un avocat, et qu’il y aurait donc un conflit d’intérêts interdit par la loi (art. 12 let. c LLCA). Dès lors que la jurisprudence admet (exceptionnellement) la désignation d’un mandataire privé en parallèle du curateur désigné, le TF estime que l’éventuel conflit d’intérêts n’est pas décisif dans cette affaire, mais bien la question de la capacité de discernement, qui n’a donc pas été examinée. Renvoi de la cause à l’instance cantonale.

Alimentation forcée d’une jeune adulte anorexique. Une jeune majeure souffrant d’anorexie depuis très jeune s’oppose à un traitement sans consentement (alimentation forcée) en établissement. Examen du principe de la proportionnalité, en particulier de l’adéquation et de la nécessité de la mesure. En l’espèce, la mesure est nécessaire pour empêcher la mort de l’intéressée et apparaît comme acceptable par rapport aux risques d’effets secondaires (infection, perforation, dislocation de la sonde, décompensation psychique).

Confirmation de l’ATF 146 III 313 sur la vaccination. L’autonomie parentale est respectée lorsque des divergences de vues au sujet de questions de santé importantes mettent potentiellement le bien de l’enfant en danger et que l’autorité doit par conséquent intervenir, même si le danger ne s’est pas encore concrétisé. La vaccination de l’enfant est une décision à prendre conjointement, qui n’est pas une décision courante ou urgente selon l’art. 301 al. 1bis ch. 1 CC. En l’espèce, confirmation de l’injonction de vacciner, préconisée par l’OFSP et pas contre-indiquée pour l’enfant, adressée à la mère.

Rappel détaillé des règles applicables pour l’audition de l’enfant et l’instruction d’une décision de placement.

Changement de curateur de protection de l’enfant. La demande de libération de mandat d’un curateur de protection de l’enfant se fonde par analogie sur les dispositions de protection de l’adulte (art. 422 et 423 CC). Le refus de changement du curateur désigné peut faire l’objet d’un recours au TF. En l’espèce, la curatrice a demandé sa libération au motif que le père l’avait lui-même requis et que la collaboration avec lui serait difficile, en particulier sur le sujet de la prise en charge médicale et des reproches de partialité, ce qui serait contraire au bien de l’enfant. Le TF retient que ces éléments ne constituent pas un juste motif de libération en l’espèce.

Composition de l’APEA pour rendre une décision de mesures provisionnelles relatives au retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et le placer. Remise en cause d’une réglementation cantonale jurassienne (art. 12 LOPEA/JU) – et par conséquent de toutes les autres réglementations des cantons latins, sauf Valais et Tessin – attribuant à un membre unique de l’APEA la compétence de prononcer de telles décisions de mesures provisionnelles. Or, selon le droit fédéral, l’autorité de protection prend en principe ses décisions en siégeant à trois membres au moins, sauf exception. Selon le TF, les interprétations de la loi appellent la compétence d’une autorité collégiale dans un tel cas, dès lors que le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et son placement s’inscrivent dans le domaine central du droit de la protection de l’enfant et que, même prononcées à titre provisionnel, de telles mesures portent généralement une atteinte grave aux droits fondamentaux de l’enfant, avec effet également pour les parents voire des tiers. Il faut donc accorder une importance particulière aux principes d’interdisciplinarité et de collégialité.

Récusation APEA. La récusation des membres de l’APEA n’est pas réglée par le Code civil. En l’espèce, récusation demandée d’un membre de l’APEA devant se prononcer sur une limitation de l’autorité parentale au motif que celui-ci avait par le passé rejeté le recours de la recourante contre une décision de PAFA. Rappel de la jurisprudence relative à l’apparence de partialité lorsqu’une personne a déjà eu à connaître une affaire ; elle s’applique également à l’APEA, qui est un tribunal au sens de la CEDH et de la Constitution. Grief admis en l’espèce.

En cas de décès d’un parent détenteur de l’autorité parentale conjointe, l’autorité parentale revient au survivant, y compris le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant. Afin de protéger le développement de l’enfant, l’autorité de protection de l’enfant, en dernier recours, retire l’enfant au parent et le place de façon appropriée. Pour déterminer si une mesure doit être prise, il est sans pertinence que les parents aient commis ou non une faute. En l’espèce, les seuls reproches adressés au père survivant figurent dans le testament de la mère décédée où elle allègue également une éducation stricte dans la famille paternelle. Selon le TF, il n’apparaît pas arbitraire de retenir que ces reproches sont insuffisants à établir que le bien-être de l’enfant serait compromis chez son père.

Changement de curateur. Le curateur ne saurait conditionner les relations personnelles à des consultations individuelles régulières avec le parent. Il s’agit du pouvoir de décision de l’APEA. Seule une personne physique, disposant des compétences personnelles et professionnelles et du temps nécessaire, peut être désignée à la fonction de curateur. Sous sa propre responsabilité, le curateur peut ensuite déléguer des tâches concrètes, qui ne sont pas directement liées à la prise en charge de l’enfant, à un tiers (par ex. amener l’enfant quelque part, être présent lors de la remise ou de la durée des visites).

Enlèvement international d’enfant et procédure de retour. Enfants vivant auprès de leur mère en Espagne et retenus en Suisse par le père à l’issue de vacances. Enlèvement illicite établi. Rappel des motifs de refus du retour et du cadre de l’opposition des enfants. En l’espèce, le premier enfant, âgé de 14 ans, n’a pas pu être entendu en raison de son handicap. Le second enfant, âgé de presque 13 ans, souffre d’un déficit de développement et a été longuement manipulé par le père, de sorte qu’il est retenu un manque de maturité nécessaire pour se former une volonté autonome et que son opposition ne peut être suivie telle qu’elle. Le TF s’interroge néanmoins sur le traumatisme (avec risque suicidaire) que pourrait engendrer un retour, mais il n’est pas possible de faire un pronostic sérieux à cet égard. Le bien des enfants serait de toute manière mis en danger en restant en Suisse : le père ne fait pas appel aux aides nécessaires pour surmonter les handicaps, le placement devrait être envisagé. Voir aussi : TF 5A_437/2021 du 8 septembre 2021 (d) ; TF 5A_954/2021 du 3 janvier 2022 (f).

Violation du devoir d’assistance ou d’éducation. L’infraction suppose un devoir d’assistance, soit de protection ou un devoir d’éducation, en assurant le développement sur le plan corporel, spirituel et psychique, du mineur. Cette obligation peut découler de la loi, d’une décision ou d’un contrait, voire d’une situation de fait. Le comportement délictueux peut consister en une action ou une omission.