Procédure civile

Concurrence entre maxime inquisitoire pure et maxime des débats en droit de la famille. Les faits constatés, à l’aune de la maxime inquisitoire illimitée applicable pour l’entretien de l’enfant, doivent être pris en compte pour la contribution entre (ex‑)époux lorsque la décision concerne ces deux questions.

Responsabilité en droit des sociétés anonymes ; fardeau de la motivation de l’illicéité et du dommage. Le demandeur qui fait valoir que sept ordres de virements ont été effectués de manière illicite, parce qu’ils étaient destinés à des tiers non autorisés ou au défendeur lui-même, n’a pas besoin d’affirmer quoi que ce soit de plus. Il revient au défendeur de motiver sa contestation. Il suffit que le demandeur prétende avoir subi un dommage en raison d’une disposition illicite de son patrimoine par le biais d’un paiement à des personnes non autorisées. Il n’a pas à affirmer ni à prouver que les montants transférés ne pouvaient pas être récupérés (consid. 5-7).

Démonstration de l’impossibilité de chiffrer ; moment déterminant ; conséquence de l’échec de la démonstration. Si la partie demanderesse fait valoir une exception à l’obligation de chiffrer, elle doit démontrer dès la demande que les conditions de l’art. 85 al. 1 CPC pour une action en paiement non chiffrée sont remplies. A cet égard, une simple indication du manque d’informations ne suffit pas. La demanderesse doit au contraire exposer concrètement, dès la demande, les raisons pour lesquelles il lui est objectivement impossible ou du moins déraisonnable de chiffrer sa prétention. Dans le cas contraire, l’obligation de préciser les conclusions n’est pas respectée.

La portée d’un classement faute d’objet au sens de l’art. 242 CPC n’est pas des moindres, puisqu’il revient à refuser la protection juridique à laquelle le demandeur concluait. Une telle décision de classement est une décision finale au sens de l’art. 308 al. 2 CPC, si bien que l’appel est ouvert lorsque la valeur litigieuse utile est atteinte.

Grave conflit personnel ou forte inimitié entre un magistrat et un avocat. Un grave conflit personnel ou une forte inimitié entre un magistrat et un avocat constitue tant un motif de récusation du magistrat qu’un motif d’incapacité de postuler de l’avocat. Dans une telle situation, le TF a jugé en substance que le premier d’entre eux à œuvrer sur le dossier devait rester alors qu’il appartenait au second de renoncer à s’en saisir.

Procédure applicable devant l’autorité de conciliation ; décision de l’autorité. Sous réserve des particularités prévues par l’art. 212 CPC, la procédure simplifiée (et la procédure ordinaire, par renvoi de l’art. 219 CPC) trouve à s’appliquer. L’autorité n’a pas à procéder à une administration des preuves sur plusieurs audiences et ne peut ordonner un échange d’écriture (sous réserve des litiges visés par l’art. 200 CPC).

Procédure de décision de l’autorité de conciliation ; défaut du défendeur ; absence de contestation des faits. La production par le demandeur d’une décision de mainlevée dont résulte le désaccord du défendeur ne constitue pas une contestation du défendeur. Cette décision n’a pas à être prise en compte d’office par l’autorité de conciliation, la maxime des débats s’appliquant devant elle.

Conséquence du non-paiement de la provisio ad litem (divorce) ; notion d’acte de procédure. Faute de base légale correspondante, le défaut de paiement de la provisio ad litem ne peut être considéré comme l’absence d’une condition de recevabilité, ce même par le biais des dispositions sur le défaut. Il n’y a pas de raisons suffisantes pour retenir un motif d’irrecevabilité non écrit et de compléter la loi en ce sens.

Preuve du délai ; système de scan de MyPost24. Un courrier électronique d’un conseiller à la clientèle de La Poste Suisse puis une lettre signée par un collaborateur de La Poste Suisse, confirmant que, selon les informations provenant directement du système de scan de MyPost24, l’envoi litigieux avait bien été déposé le 26 avril 2021 à 23h59, attestent du fait que le mémoire de réponse a bel et bien été déposé en temps utile (consid. 2.3).

Action en modification ou suppression de l’entretien de l’enfant ; pas de légitimation passive de la collectivité publique qui prend en charge l’entretien (changement de jurisprudence). Ce n’est pas le droit à l’entretien (« Stammrecht »), mais uniquement les contributions d’entretien individuelles effectivement avancées qui sont transférées à la collectivité publique. Celle-ci ne doit pas être attraite dans le procès en modification ou suppression de l’entretien de l’enfant, qui concerne le droit à l’entretien lui-même.

ATF 148 III 30 (d)

2021-2022

Faculté de compenser dans un premier procès ; absence d’autorité de la chose jugée. Le simple fait qu’une partie défenderesse eut pu invoquer la compensation dans un premier procès, ne l’empêche pas de faire valoir sa prétention dans un nouveau procès.

Faits notoires ; cours des actions cotées ; taux de change. Contrairement aux inscriptions au registre du commerce (cf. art. 396b al. 1 CO), qui sont notoires, il n’existe aucune disposition légale selon laquelle les cours des actions cotées en bourse doivent être réputés connus. Contrairement à l’enquête sur la structure des salaires, qui est également notoire et qui est publiée uniquement par l’Office fédéral de la statistique, il existe de nombreuses sources pour les cours passés des actions des sociétés cotées en bourse, dont certaines présentent des valeurs qui diffèrent, même si c’est de manière minime. Quant à la jurisprudence fédérale en matière de taux de change des monnaies, il convient de relever qu’elle a été établie à l’égard de monnaies fréquemment négociées et qu’elle pourrait ne pas s’appliquer à des monnaies rarement négociées (consid. 3.6).

Le lieu de livraison au sens de l’art. 5 ch. 1 let. b CL est le lieu où le vendeur met la marchandise à disposition, indépendamment du fait que la marchandise y soit enlevée par l’acheteur lui-même ou par un tiers autorisé par celui-ci.

For de l’établissement ou de la succursale en cas de prorogation de for. La loi ne prévoit pas que le for institué par l’art. 12 CPC serait partiellement impératif, ou impératif (cf. art. 9 CPC). Il doit ainsi être considéré comme un for dispositif. L’art. 12 CPC n’est donc pas réservé par l’art. 17 al. 1 in initio CPC, de sorte que les parties peuvent convenir librement d’un autre for (cf. art. 17 et 18 CPC).

Sûretés en garantie des dépens en cas de consorité simple. Lorsque les demandeurs forment une consorité simple et réalisent tous l’une des conditions de l’art. 99 al. 1 CPC, le juge doit astreindre chaque consort à verser un montant de sûretés correspondant aux dépens qu’il risque de devoir payer à titre individuel si ses propres conclusions sont rejetées (consid. 4.3.2).

Sûretés en garantie des dépens ; débiteur de frais d’une procédure antérieure. L’expression « [le demandeur] est débiteur de frais d’une procédure antérieure », utilisée par l’art. 99 al. 1 let. c CPC, implique l’existence d’un jugement idoine entré en force de chose jugée et exécutoire. Une mise en demeure ultérieure du débiteur ne constitue pas une condition de cette disposition.

Répartition des frais judiciaires ; prise en compte de la valeur litigieuse de chaque conclusion. Si la valeur litigieuse de chaque conclusion peut être un critère, l’art. 106 al. 2 CPC n’exige pas de manière générale que le tribunal en tienne compte pour répartir les frais judiciaires. En justifiant de manière convaincante la répartition par le fait que le temps consacré à l’examen des conclusions 2 à 5 était négligeable, l’instance précédente a justifié objectivement le critère retenu.

Débours nécessaires de la partie non représentée en appel. Selon le Message du Conseil fédéral, l’art. 95 al. 3 lit. c CPC vise avant tout la perte de gain d’un indépendant. La jurisprudence a adopté ce point de vue. La doctrine suit également cette interprétation.

Apparence de prévention d’un juge suppléant du Tribunal fédéral des brevets ; suite de l’ATF 147 III 8. Compte tenu de la grande importance du droit à un tribunal indépendant et impartial selon l’art. 30 al. 1 Cst. pour la crédibilité de la justice, le seuil des motifs de récusation ne doit pas être fixé trop haut, même pour les activités administratives d’un juge suppléant au Tribunal fédéral des brevets.

Nomination d’un expert suspecté de partialité par l’une des parties. Le terme « tribunal » utilisé à l’art. 50 al. 1 CPC signifie simplement que les cantons doivent désigner une autorité judiciaire (pas nécessairement collégiale) dont la décision puisse être attaquée par un recours (consid. 4.3) La nomination d’un expert est une ordonnance d’instruction qui peut être rendue par un juge délégué, y compris lorsqu’elle écarte les motifs de récusation articulés par une partie (consid. 4.4). L’expert n’est pas forcément prévenu parce qu’il se rallie à une certaine école de pensée ou à une méthode scientifique, quand bien même l’école ou la méthode est controversée et peut avoir une incidence sur le résultat de l’expertise. Est récusable l’expert qui manque de l’objectivité nécessaire pour discuter de points de vue autres que le sien ou qui adopte un ton polémique laissant inférer qu’il se considère comme le gardien des intérêts d’une partie (consid. 5.2). Tel n’est pas le cas d’un architecte vice-président de l’Union internationale des architectes (UIA) et membre d’honneur de la Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA) (consid. 5.3). L’intéressé doit être invité à prendre position (consid. 5.4).

Intervention accessoire d’un héritier. Lorsqu’une hoirie détient une société, l’exécuteur testamentaire peut introduire une action pour carences dans l’organisation de dite société. Chaque héritier dispose d’un intérêt juridique individuel lui permettant d’intervenir au procès en qualité d’intervenant accessoire indépendant.

Préjudice irréparable en cas de risque de divulgation de secret d’affaires ; interdiction sous menace d’une sanction pénale limitée à la durée du procès ; informations contenues dans les allégués ; vraisemblance d’une menace effective. Il existe un risque de préjudice irréparable en cas de crainte de divulgation de secret d’affaires, alors même que les mesures requises ne visent pas à restreindre la procédure probatoire, mais à interdire la transmission à des tiers des informations transmises au cours du procès (consid. 1.2). Un mesure déclarée irrecevable, faute d’être suffisamment précise, n’est pas revêtue de l’autorité de la chose jugée (consid. 2). L’art. 156 CPC permet d’imposer à une partie de garder le secret, sous menace d’une sanction pénale. Cette obligation doit toutefois être appropriée, nécessaire et adéquate. Un caviardage des données sensibles suffira le plus souvent. Dans d’autres cas, il sera moins restrictif qu’un expert ou un juge spécialisé examine les moyens de preuve sensibles, et ne consigne dans son rapport à l’intention du tribunal et des parties que les informations nécessaires pour le procès (consid. 3.2.2). L’interdiction requise sur la base de l’art. 156 CPC ne vaut cependant que jusqu’à l’entrée en force de la décision au fond. Seul le droit matériel peut accorder une protection pour la période allant au-delà (consid. 3.2.4). Dans certains cas exceptionnels, l’art. 156 CPC peut s’étendre aux informations contenues dans les écritures. C’est le cas lorsque les pièces concernées par les mesures de protection sont citées textuellement ou détaillées. Il est également concevable qu’exceptionnellement, le contexte fasse apparaître des atteintes claires aux intérêts dignes de protection d’une partie ou de tiers, ce que la partie qui demande des mesures de protection doit démontrer de manière circonstanciée (consid. 3.3). La personnalité et ses éléments constitutifs font partie des intérêts dignes de protection selon l’art. 156 CPC. Une personne morale peut se prévaloir de la protection de la sphère privée ou secrète et a un intérêt digne de protection à ce que les documents relatifs à la formation interne de sa volonté (procès-verbaux du conseil d’administration, d’un comité du conseil d’administration et d’un comité d’audit) ne soient pas rendus publics (consid. 3.4.2). L’art. 156 CPC suppose que la partie requérante démontre une menace effective (et non pas uniquement théorique) à ses intérêts dignes de protection. La pesée des intérêts respectifs des parties intervient ensuite, dans le cadre de l’examen de la proportionnalité des mesures (consid. 3.5.1-3.5.2). La vraisemblance suffit (consid. 3.5.2.2). En l’espèce, la banque défenderesse rend vraisemblable le risque que des tiers utilisent contre elle les informations contenues dans les documents (p. ex. en engageant des procès en rapport avec son activité commerciale) ou que de telles informations se retrouvent dans les médias (consid. 3.5.3).

Preuve de lien de causalité naturelle ; distinction entre expertise judiciaire et privée conduite dans une autre procédure. Une expertise pluridisciplinaire confiée à une clinique par l’assureur-accidents obligatoire de la lésée dans le cadre d’une procédure de droit des assurances sociales et qui s’exprime sur le lien de causalité litigieux ne peut pas être considérée sans autre comme une expertise privée (consid. 3).

Nova en mesures protectrices en cas de procédure en divorce parallèle. Les faits et moyens de preuve nouveaux doivent être pris en compte dans la procédure des mesures protectrices de l’union conjugale, y compris au stade de la procédure d’appel devant l’instance cantonale supérieure, lorsqu’ils peuvent être admis en application des art. 229 ou 317 CPC. Peu importe que la procédure de divorce ou qu’une procédure en modification des mesures protectrices de l’union conjugale ait été introduite en parallèle.

Notion d’ouverture des débats principaux pour l’allégation de faits et moyens de preuve nouveaux. Lorsqu’il n’y a pas eu de second échange d’écritures ni de débats d’instruction, des faits nouveaux (qui comprennent également les contestations de faits) et les preuves doivent être introduits au procès avant les premières plaidoiries, conformément à l’art. 229 al. 2 CPC (consid. 2.3).

Maxime inquisitoire sociale ; prise en compte de faits non allégués résultant du dossier. En vertu de la maxime inquisitoire sociale prévue par l’art. 247 al. 2 CPC, il n’est pas interdit au tribunal de fonder sa décision sur des faits qui n’ont certes pas été allégués par les parties, mais qui sont parvenus à sa connaissance au cours de la procédure. Ces faits peuvent résulter, par exemple, des moyens de preuve invoqués.

Maxime des débats et procédure simplifiée. Les exigences en matière de motivation de l’allégation et de contestation valent aussi en procédure simplifiée. Le devoir de faire en sorte que, par des questions appropriées, les parties complètent leurs allégués incomplets et désignent les moyens de preuve (art. 247 al. 1 CPC), vise essentiellement à permettre aux parties inexpérimentées en matière de procédure de mener le procès de manière autonome. La recourante, représentée par un avocat, ne peut rien en tirer. Même si le tribunal devait établir les faits d’office (art. 247 al. 2 CPC), il devrait faire preuve de réserve à l’égard des parties représentées par un avocat, comme en procédure ordinaire.

Conversion d’un recours ; choix délibéré de la voie de droit. Selon la jurisprudence, on admet la conversion si les conditions de recevabilité de la voie de droit correcte sont réunies, si l’acte peut être converti dans son entier, si la conversion ne porte pas atteinte aux droits de la partie adverse et si l’erreur ne résulte pas d’un choix délibéré de la partie représentée par un avocat de ne pas suivre la voie de droit mentionnée au pied de la décision de première instance ou d’une erreur grossière (consid. 3.4.2).

Désignation d’un curateur de représentation dans une affaire de droit de la famille. La décision cantonale confirmant une ordonnance d’instruction rejetant la requête d’un enfant tendant à la désignation d’un curateur de représentation est une décision incidente qui cause un préjudice irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF. Le défaut d’un curateur de représentation est en effet susceptible d’influer sur le déroulement de la procédure au fond et sur son résultat, sans qu’il soit possible de remédier à d’éventuelles carences (par exemple de nature procédurale) par un recours contre la décision au fond, dans laquelle l’enfant n’est au demeurant pas partie (consid. 1.2). Ayant été rendu dans une procédure de mesures provisionnelles qui statuait sur l’attribution de la garde à la mère, les relations personnelles et l’entretien, à savoir une affaire civile de nature non pécuniaire dans son ensemble, l’arrêt cantonal peut être entrepris par la voie du recours en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) (consid. 1.3).