Procédure pénale

Art. 30 al. 3 LAVI ; 135 al. 4, 138 CPP

Remboursement de l’indemnité pour les frais de défense d’office, différence de traitement entre la victime bénéficiant de l’assistance judiciaire gratuite d’un avocat et celle défendue par un avocat dont les frais sont pris en charge dans le cadre de l’aide aux victimes d’infractions.

Afin de pallier à cette inégalité de traitement, l’art. 30 al. 3 LAVI a introduit la gratuité de la défense d’office, que l’assistance du défendeur soit financée par l’assistance judiciaire ou par l’aide aux victimes à titre d’aide immédiate ou à plus long terme. La définition de la victime au sens de la LAVI étant plus étroite que celle de lésé au sens du CPP, il se justifie qu’elle bénéficie de droits procéduraux plus étendus que ce dernier. Une interprétation conforme à la LAVI et à la Constitution de l’art. 138 al. 1 CPP amène également à considérer que la victime ne saurait se voir imposer une obligation de remboursement de l’indemnité pour les frais de sa défense d’office.

Art. 135 CPP ; 29 al. 3 Cst.

Légalité de l’indemnisation forfaitaire du défenseur d’office.

Le défenseur d’office dispose d’une créance de droit public contre l’Etat que l’on déduit de l’art. 29 al. 3 Cst. Celle-ci se détermine en fonction de la charge de travail du défenseur. Pour fixer cette créance, le canton dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Le Tribunal fédéral n’intervient que lorsque l’indemnisation est à un niveau tel qu’elle viole le sentiment de justice. À ce titre, une indemnisation de CHF 180.- par heure correspond à la moyenne suisse d’un défenseur d’office. En l’espèce, l’avocate d’office réclame des honoraires à hauteur de CHF 18’984.55, le tribunal ne retenant qu’un montant de CHF 12’094.10 correspondant à l’indemnisation forfaitaire maximale admissible dans le canton de Saint-Gall, calculée sur la base d’un barème qui tient compte de la difficulté du cas. Le Tribunal fédéral soutient que le forfait retenu correspond à la prestation du défenseur – qui n’a rédigé qu’un mémoire de dix pages et assisté à une audience d’environ trois heures dans une cause pas particulièrement complexe – et est conforme au droit. Une exception au barème n’a donc pas de raison d’être en l’espèce.

Art. 226 al. 5 CPP ; 10 al. 2 Cst.

Détention provisoire, annonce de recours tardive de la part du ministère public.

Selon l’art. 226 al. 5 CPP, si le Tribunal des mesures de contrainte n’ordonne pas la détention provisoire, le prévenu est immédiatement mis en liberté. Afin de garantir le droit de recours du ministère public contre une décision de libération prononcée par le Tribunal des mesures de contrainte, le procureur doit annoncer immédiatement son intention de recours auprès de ce dernier, à savoir dès qu’il a connaissance de la décision de libération. Il découle de ces exigences que le ministère public doit en principe comparaître personnellement à l’audience du Tribunal des mesures de contrainte et intervenir immédiatement, soit à l’issue de l’audience ou, s’il n’y comparaît pas, à la suite d’une information téléphonique relative à la décision de remise en liberté. En l’espèce, un courriel envoyé par le procureur 50 minutes après le rendu de sa décision par le Tribunal des mesures de contrainte n’est pas considéré comme une annonce immédiate, malgré le dépôt du recours dans le délai légal.

Art. 227 al. 7 et 237 al. 4 CPP

Examen des mesures de substitution en lieu et place d’une détention provisoire, droit d’être entendu.

Le renvoi général de l’art. 237 al. 4 CPP aux règles matérielles et formelles concernant la détention se justifie par le fait que les mesures de substitution sont ordonnées aux mêmes conditions que la détention provisoire (art. 221 CPP), conditions qui doivent faire l’objet d’une réévaluation périodique. Ainsi, le maintien de mesures de substitution « jusqu’à droit jugé», à savoir pour une période indéterminée, représente une atteinte considérable à la liberté personnelle du prévenu et ne saurait être admise. Les mesures de substitution prévues à l’art. 237 al. 2 CPP doivent donc être prononcées pour une durée déterminée et doivent faire l’objet d’un contrôle périodique.

Art. 431 al. 2 et 3 CPP ; 59 CP

Imputation d’une détention provisoire sur une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l’art. 59 CP.

Le Code pénal ne règle pas la question de l’imputation sur la détention provisoire d’une mesure privative de liberté au sens des art. 56 ss CP. A teneur de l’art. 431 al. 2 CPP, en présence d’une détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, le prévenu a droit à une indemnité ou à une réparation du tort moral lorsque la détention a excédé la durée autorisée et que la privation de liberté excessive ne peut être imputée sur les sanctions prononcées à raison d’autres infractions. Interprétant littéralement l’art. 59 CP, le Tribunal fédéral arrive à la conclusion que la mesure thérapeutique institutionnelle est une sanction au sens de l’art. 431 al. 2 CPP. Partant, il retient qu’il se justifie d’imputer la durée de la détention avant jugement sur la mesure thérapeutique institutionnelle. Le droit à une indemnisation pour détention provisoire et pour motifs de sûreté excessive (298 jours) est nié en l’espèce, en raison du fait que la détention provisoire et pour motifs de sûreté doit être imputée sur la mesure thérapeutique institutionnelle finalement ordonnée.

Art. 101 al. 3 CPP

« Affaire Mörgeli», droit pour des tiers de consulter le dossier.

Conformément à l’art. 101 al. 3 CPP, un tiers qui ne participe pas à une procédure pendante peut en consulter le dossier s’il fait valoir un intérêt scientifique ou un autre intérêt digne de protection et qu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose.

 

Art. 80 al. 1 et 2, 82 al. 2, 424 CPP ; 29a Cst., 6 et 13 CEDH

Arbitraire dans la fixation des frais de justice, principe d’équivalence et de couverture des frais.

Les frais de justice sont des taxes causales, qui doivent répondre aux principes d’équivalence et de couverture des frais. Même s’il est communément admis qu’une augmentation modérée des frais puisse intervenir en présence d’une motivation écrite du jugement, une augmentation des frais de justice de CHF 5’500.- à CHF 11’000.- constitue en l’espèce une violation du droit d’être entendu, en particulier celui d’obtenir une décision motivée, une entrave au droit d’accès à la justice (art. 29a Cst.) et n’est pas compatible avec les art. 80 al. 1 et 2 et 82 al. 2 CPP. Le fait que le procès se soit déroulé sur deux jours n’y change rien, en particulier car la motivation du jugement ne s’en trouve pas fondamentalement allongée.

Art. 259 et 261bis CP ; 273 CPP ; 12 al. 2 et 14 LSCPT ; 32 let. b de la Convention sur la cybercriminalité

Echange d’informations entre le ministère public du canton de Zürich et une société de médias sociaux basée aux Etats-Unis au sujet d’un utilisateur soupçonné d’avoir commis une infraction, accès direct aux informations sans passer par une procédure d’entraide judiciaire internationale. En l’espèce, propos racistes tenus par un individu – au profil anonyme - sur un réseau social. Afin d’éviter une procédure d’entraide judiciaire internationale longue et coûteuse, le ministère public prend directement contact avec la société de médias américaine pour obtenir les informations relatives au profil de l’individu soupçonné. A teneur de l’art. 32 let. b de la Convention internationale sur la cybercriminalité, la procédure d’entraide peut exceptionnellement être évitée lorsqu’une partie veut accéder ou recevoir des données informations stockées dans un autre Etat si la partie obtient le consentement de la personne légalement autorisée à lui divulguer ces données. Conditions d’application de l’article non remplies en l’espèce. En effet, un accès direct aux données informatiques d’une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction auprès d’un fournisseur de services étranger n’est pas possible en dehors d’une procédure formelle d’entraide judiciaire internationale, ne serait-ce qu’en vertu du principe de territorialité, mais également en raison de l’absence de base légale suffisante.

Art. 140 et 141 CPP ; 93 al. 1 let. a LTF

Présence au dossier d’un moyen de preuve dont la validité est contestée, notion de préjudice irréparable.

Le seul fait qu’un moyen de preuve dont la validité est contestée demeure au dossier ne constitue pas à lui seul un préjudice irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF, dès lors qu’il est possible de renouveler ce grief jusqu’à la clôture définitive de la procédure. La situation procédurale est différente lorsque, pendant la procédure préliminaire et contre l’avis du ministère public, l’autorité cantonale de recours reconnaît le caractère non exploitable des moyens de preuve et ordonne de les retirer du dossier (art. 141 al. 5 CPP). Le ministère public risque de subir un préjudice irréparable lorsque, sans ces moyens de preuve, l’accusation est entravée au point de rendre impossible ou particulièrement difficile la continuation de la procédure pénale. Tel n’est en particulier pas le cas si le ministère public dispose d’autres mesures d’instruction pour continuer la procédure et, cas échéant, rendre une ordonnance de mise en accusation.

Art. 323 CPP

Reprise de la procédure préliminaire close par une ordonnance de classement, découverte d’un moyen de preuve nouveau.

Le ministère public peut ordonner la reprise d’une procédure préliminaire close par une ordonnance de classement entrée en force s’il a connaissance de nouveaux moyens de preuve qui révèlent la responsabilité pénale du prévenu et ne ressortent pas du dossier antérieur (art. 323 al. 1 CPP). Un moyen de preuve est notamment nouveau lorsqu’il était inconnu des autorités lors de la procédure préliminaire.

En l’espèce, découverte d’un moyen de preuve (outil) ayant servi pour commettre un cambriolage, mais pas suffisamment d’autres preuves concrètes corroborant les soupçons de participation à l’infraction au stade de la procédure préliminaire pour permettre la condamnation du prévenu. Environ 20 jours après le classement de la procédure préliminaire, le procureur reçoit un rapport de police indiquant l’existence d’une trace ADN sur l’outil précité. Malgré l’existence de ce moyen de preuve au dossier pendant la procédure préliminaire et de facto de la possibilité pour le ministère public d’ordonner et d’attendre les résultats d’une analyse ADN, le Tribunal fédéral considère que la découverte d’une telle preuve après le classement de la procédure préliminaire est de nature à conduire à une appréciation des preuves sensiblement différente et est propre à constituer une nouvelle preuve au sens de l’art. 323 al. 1 CPP

Art. 410 ss CPP

Révision d’une ordonnance pénale, admission d’un abus de droit et violation du droit fédéral.

Une demande de révision d’une ordonnance pénale doit être qualifiée d’abusive lorsqu’elle repose sur des faits qui étaient connus du prévenu dès l’origine, que l’intéressé a tus sans motif digne de protection. En revanche, la révision d’une ordonnance pénale peut être envisagée à raison de faits ou de moyens de preuve importants que le prévenu ne connaissait pas au moment du prononcé de la décision considérée, qu’il était dans l’impossibilité de faire valoir à l’époque ou qu’il n’avait aucune raison d’avancer à ce moment.

Art. 101 al. 1 let. e et al. 3 CP ; 320 al. 4 et 323 al. 1 CPP

Prescription, conditions pour la reprise d’une procédure close par une ordonnance de classement.

Les effets d’une ordonnance de classement, rendue en application du droit cantonal de procédure, sont régis depuis le 1erjanvier 2011 par le Code de procédure pénale suisse. La modification avec effet rétroactif des délais de prescription ne permet pas la reprise d’une procédure close par une ordonnance de classement déjà entrée en force.

Art. 127 CPP ; 12 let. c LLCA

Absence de capacité de postuler d’un avocat représentant plusieurs prévenus dans la même procédure.

Les principes prévalant en matière de conflit d’intérêts dans le cadre de la représentation sont d’autant plus importants s’agissant de la défense des prévenus. En l’espèce, la représentation de six prévenus – dont certains syndicalistes et d’autres ex-employés d’une société partie à la procédure - par le même avocat est jugée contraire au devoir de celui-ci d’éviter les conflits d’intérêts. En effet, la ligne de défense ne saurait être la même pour tous ces prévenus puisque ces derniers ont joué des rôles différents dans la cause, avaient visiblement des motivations distinctes et une version divergente des faits.

Art. 410 CPP ; 119a LTF

Compétence pour statuer sur une demande de révision d’une ordonnance pénale rendue par le ministère public de la Confédération, lacune dans la loi.

Toute personne lésée par une ordonnance pénale peut en demander la révision auprès de la juridiction d’appel aux conditions de l’art. 410 CPP. Existence d’une lacune dans la loi s’agissant de la compétence pour statuer sur la demande de révision d’une ordonnance pénale rendue par le ministère public de la Confédération ; ni le CPP, ni la LOAP, ni la LTF, ni une autre loi fédérale ne réglant la question. En présence d’une lacune dans la loi – qui n’est pas le reflet d’un silence qualifié du législateur – le juge a le devoir de la combler. En l’espèce, application analogique de l’art. 119a LTF à la demande de révision d’une ordonnance pénale rendue par le ministère public de la Confédération dans le cas d’un automobiliste qui avait utilisé une fausse vignette autoroutière, article prévoyant la compétence du Tribunal fédéral et l’application du CPP s’agissant de la procédure de révision.