Procédure pénale

Art. 14 par. 2 et 3 al. g Pacte ONU II, art. 6 par. 2 CEDH, art. 32 al. 1 Cst (BJP 1/2010, n° 701).

Présomption d’innocence.

Droit de garder le silence. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence, garantie par les art. 32 al. 1 CF, 6 § 2 CEDH et 14 § 2 Pacte ONU II, de rang constitutionnel, signifie que toute personne accusée d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de l'accusé. La présomption d'innocence est violée si le juge du fond condamne l'accusé au motif que son innocence n'est pas établie, s'il a tenu la culpabilité du prévenu pour établie uniquement parce que celui-ci n'a pas apporté les preuves qui auraient permis de lever les doutes quant à son innocence ou à sa culpabilité, ou encore s'il a condamné l'accusé au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. Il s'ensuit que le juge du fond ne peut pas conclure à la culpabilité d'un prévenu simplement parce que celui-ci choisit de garder le silence. C'est seulement lorsque l'accusé refuse sans raison plausible de fournir des explications rendues nécessaires par des preuves à charge, que son silence peut permettre, par un raisonnement de bon sens conduit dans le cadre de l'appréciation des preuves, de conclure qu'il n'existe pas d'explication à décharge et que l'accusé est coupable. La présomption selon laquelle un véhicule automobile est conduit par son détenteur ne constitue, au contraire de la présomption d'innocence, qu'une présomption de fait ou présomption de l'homme. Elle ne renverse ni n'allège le fardeau de la preuve, qui repose entièrement sur l'accusation. En l'espèce, la recourante a déclaré qu'elle n'était pas l'auteur de la contravention (stationnement sur une place payante sans enclencher le parcomètre), mais qu'elle ne voulait pas en dire plus, parce que le conducteur fautif était un membre de sa famille proche. L'utilisation d'un véhicule par plusieurs personnes, dans le cercle familial du détenteur ou de l'ayant droit, est une situation très courante et il est rare qu'en cas d'infraction commise par l'un de ses proches, le détenteur accepte de le dénoncer. Ainsi, en l'absence de preuves établissant que le conducteur ne pouvait être une personne appartenant à sa proche famille, la recourante avait une raison soutenable de ne pas vouloir fournir de plus amples renseignements sur l'identité de la personne à laquelle il est plausible qu'elle ait prêté son véhicule. Dans ces conditions, en déclarant la recourante coupable de la contravention au seul motif qu'elle a refusé de renverser la présomption selon laquelle le conducteur fautif est le détenteur, le jugement attaqué viole la présomption d'innocence.

ATF 136 II 23

2009-2010

Art. 112 LIFD, art. 105bis al. 2 PPF, art. 28 al. 1 let. a LTPF, art. 31 ss LTAF.

Voie de droit à l’encontre de la décision par laquelle le Ministère public de la Confédération statue sur une demande d’entraide de l’Administration fédérale des contributions.

La décision par laquelle le Ministère public de la Confédération statue sur une demande d’accès au dossier d’une procédure pénale, déposée par l’Administration fédérale des contributions et fondée sur l’art. 112 LIFD, ne peut faire l’objet d’une plainte au TPF. Elle peut en revanche être attaquée par la voie du recours au TAF.

TF 1B_194/2004

2009-2010

Art. 29 al. 3 Cst., 173 chif. 1 CP, 78 al. 1 et 93 al. 1 LTF

(BJP 1/2009, n° 699)

Atteinte à l’honneur dans le cadre d’un interrogatoire de police. Assistance juridique et caution judiciaire. Qualité pour agir. Droit d’être entendu.

Dans le cadre d’une procédure portant sur une atteinte à l’honneur, le plaignant est en principe tenu de garantir les frais de la procédure de recours et l’indemnité de procédure. S’il est insolvable et requiert l’assistance juridique ainsi que la nomination d’un avocat d’office, cette requête doit être rejetée lorsque le recours est dénué de chances de succès. Dans un tel cas, il est permis de lui accorder un délai adéquat pour fournir la caution judiciaire. La décision incidente relative à la fourniture d’une caution judiciaire peut faire l’objet d’un recours en matière pénale auprès du TF. En effet, le recourant nécessiteux risque de perdre le procès si l’entrée en matière sur son appel est conditionnée à l’existence d’une caution judiciaire qu’il n’est pas en mesure de fournir. Lorsque le tribunal de première instance clôt l’instruction à l’issue de l’audience de jugement, son jugement se fonde uniquement sur la conviction forgée lors desdits débats. Le tribunal ne peut plus tenir compte de moyens de preuves nouveaux qui lui seraient parvenus à la suite de la clôture de l’audience de jugement. Après la clôture de l’audience principale, il n’encourt ainsi pas d’obligation constitutionnelle d’expédier à la partie adverse, avant d’adopter son jugement, des pièces obtenues postérieurement à la clôture pour prise de connaissance et détermination. Celui qui est soumis à un interrogatoire de police à la suite d’une plainte pénale est en droit de mettre en doute la crédibilité du plaignant. Un antécédent pénal du plaignant pour escroquerie affaiblirait assurément ce crédit, si bien que le mis en cause a le droit de mentionner dans le cadre de sa déclaration devant la police que des tiers non spécifiés l’auraient rendu attentif à d’éventuels antécédents pénaux du plaignant. Ceci vaut en tous les cas lorsque le mis en cause souligne simultanément la véracité incertaine de l’information obtenue. Dans un tel cas, le tribunal chargé d’évaluer sommairement les perspectives d’un procès est en droit d’accorder un poids beaucoup plus élevé aux risques de succomber en appel qu’aux chances de succès.

Art. 6 par. 1 CEDH

(BJP 2/2010, n° 731)

Procès équitable, avocat de la première heure.

Il ressort de l’ACEDH Salduz c/ Turquie du 27.11.2008, que pour que le droit à un procès équitable consacré par CEDH 6 § 1 demeure suffisamment concret et effectif, il faut, en règle générale, que l’accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d’un suspect par la police. Il est, en principe, porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d’un interrogatoire de police subi sans assistance possible d’un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation. La Cour ne peut, en l’absence d’autres preuves ou indices suffisants, se fonder sur les seuls aveux de l’accusé consentis avant qu’il n’ait pu consulter un avocat, alors même que le CPP GE ne prévoit pas la faculté pour le prévenu d’être assisté par un avocat durant un interrogatoire de police.

TF 1B_85/2010

2009-2010

Art. 6 par. 3 lit. c CEDH

(BJP 2/2010, n° 732)

Avocat de la première heure. Procès équitable. Détention provisoire.

A la lumière de l’ACEDH Salduz c/ Turquie du 27.11.2008, il faut retenir que l’art. 6 § 3 lit. c CEDH confère à l'accusé le droit de bénéficier de l'assistance d'un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police. Entendu par la police hors la présence d’un avocat, le prévenu ne prétend pas qu'il aurait tenu des propos incriminants qu'il aurait ensuite réfutés et qui pourraient lui porter préjudice dans le cadre de la détention préventive ou du jugement au fond. Même si un droit à un avocat de la première heure doit être reconnu directement tiré de la CEDH et alors même que ce droit n'a pas été respecté, il ne s'ensuit pas pour autant que le mandat d'arrêt décerné à l’encontre du prévenu est entaché de nullité et qu'il doit être libéré immédiatement. Si une garantie procédurale n'a pas été respectée, il convient autant que possible de remettre la personne lésée dans la situation qui aurait été la sienne si l'exigence en cause n'avait pas été méconnue.

TF 1B_231/2009

2009-2010

Art. 29 al. 1 Cst.

(BJP 1/2010, n° 692).

Suspension de l’instruction pénale au profit du procès civil. Conditions.

Le principe de célérité garantit aux parties le droit d'obtenir que la procédure soit achevée dans un délai raisonnable. Il revêt une importance particulière en matière pénale et est notamment violé lorsque l'autorité ordonne la suspension d'une procédure sans motifs objectifs. Pareille mesure dépend d'une pesée des intérêts en présence et ne doit être admise qu'avec retenue, en particulier s'il convient d'attendre le prononcé d'une autre autorité compétente qui permettrait de trancher une question décisive. Dans les cas limites ou douteux, le principe de célérité prime. Ces principes s'appliquent également lorsqu'il s'agit d'examiner si un procès pénal doit être suspendu dans l'attente de l'issue d'un procès civil. De manière générale, le juge civil se contente d'une vérité relative; le juge pénal recherche la vérité matérielle; il joue donc un rôle actif dans le procès et dispose de moyens coercitifs et de pouvoirs étendus. En règle générale, ce sera donc le procès civil qu'il convient de suspendre pour permettre au juge pénal d'établir les faits. Le procès pénal ne sera qu'exceptionnellement suspendu au profit du procès civil, p. ex. si une expertise est requise dans le procès civil sur un fait pertinent pour le procès pénal. La preuve de la vérité ou de la bonne foi que l'intimé doit rapporter pour échapper à une sanction pénale (cf. art. 173 al. 2 CP) se confond avec la preuve des allégués contenant les propos jugés attentatoires à l'honneur et soumis à la Cour civile du Tribunal cantonal dans le cadre du conflit du droit du travail qui l'oppose à C. Il est tout aussi évident que le juge pénal et le juge civil sont tous deux compétents pour procéder ou faire procéder aux actes d'instruction nécessaires. Le fait que le juge civil ait déjà ordonné une expertise destinée à prouver ces allégués ne signifie cependant pas encore que le juge pénal doive suspendre la procédure pénale dans l'attente du résultat de cette mesure et de l'issue de l'instruction. Le principe de célérité ancré à l'art. 29 al. 1 Cst. et le risque de prescription de l'action pénale posent des limites à la suspension d'un procès pénal. Une telle mesure ne pourrait donc se justifier que si l'expertise ordonnée par le juge civil était susceptible d'aboutir rapidement et si l'instruction pouvait être close ensuite dans un délai raisonnable.

TF 6B_854/2009

2009-2010

Art. 117 CP, 182 CPP SG

(BJP 1/2010, n° 694).

Selon la jurisprudence du TF, la maxime in dubio pro reo relative à l’appréciation judiciaire des preuves ne s’applique pas à la décision portant sur la mise en accusation, resp. sur le non-lieu. Au contraire, il incombe, en cas de doute, d’élever l’accusation en vertu de la maxime in dubio pro duriore (en raison du délit plus grave). Lorsque la situation des preuves n’est pas univoque, il n’appartient pas aux autorités d’instruction ou de mise en accusation de se prononcer au sujet d’une charge, mais bien aux tribunaux compétents pour connaître du fond. Il ne résulte pas de la circonstance qu’il incombe de procéder à un classement lorsque une condamnation peut être exclue avec un taux de vraisemblance confinant à la certitude, qu’un tel classement ne serait possible que dans un cas de vraisemblance si élevé. Un tel étalon de mesures serait trop sévère et conduirait à fonder une obligation d’accusation même là où une condamnation paraîtrait peu vraisemblable. L’exigence d’accuser ou de renvoyer en jugement ne s’impose qu’en cas de doute. En tant que ligne de conduite pratique, l’on pourra retenir qu’il faut mettre en accusation lorsqu’une condamnation paraît plus vraisemblable qu’un acquittement. En la présence de délits commis par négligence et entraînant des conséquences graves, la jurisprudence cantonale requiert une retenue particulière. Il faut mettre en accusation si une appréciation provisoire du résultat conduit à retenir qu’une décision au fond pourrait potentiellement déboucher tant sur un acquittement que sur une condamnation. Une ordonnance de non-lieu doit être annulée et la cause pénale renvoyée à l’instruction si ladite instruction fait montre de lacunes essentielles, de sorte que demeurent ouvertes des questions dont la réponse peut être déterminante par rapport à un acquittement ou à une condamnation. Le premier juge cantonal qui justifie le prononcé d’une ordonnance de non-lieu par le fait que même des enquêtes additionnelles ne permettraient pas d’établir, du point de vue de la causalité adéquate et sans l’ombre d’un doute, la responsabilité des intimés pour le décès de l’ouvrier, applique à tort la maxime in dubio pro reo au lieu de la maxime in dubio pro duriore. Le premier juge aurait dû procéder à des clarifications additionnelles au sujet de la sécurisation du lieu de la chute et des responsabilités respectives et aurait ensuite dû décider s’il fallait, en vertu du principe in dubio pro duriore, mettre en accusation ou confirmer l’ordonnance de non-lieu.

Art. 47 al. 1 et 2 EIMP, 50 al. 3 et 4 PPF

(BJP 1/2010, n° 681)

Extradition de Roman Polanski vers les Etats-Unis. Détention extraditionnelle.

Relaxe grâce à des mesures de substitution. L’arrestation du prévenu durant l’intégralité de la procédure extraditionnelle constitue la règle. La révocation du mandat d’arrêt extraditionnel et l’élargissement se justifient exceptionnellement. Ceci peut notamment être le cas lorsqu’il apparaît que la personne poursuivie ne se soustraira pas à l’extradition et n’entravera pas l’instruction (art. 47 al. 1 lit. a EIMP), ou si d’autres motifs justifient l’adoption d’une mesure moins incisive (art. 47 al. 2 EIMP). Admission d’un risque de fuite élevé malgré l’âge avancé (76 ans) et d’une peine privative de liberté abstraite maximale de 2 ans par rapport au délit faisant l’objet de la demande d’extradition. Autant qu’on en puisse juger, des mesures de substitution sous forme d’une caution en argent liquide de plus de 4.5 mio CHF, du dépôt des pièces d’identité et d’arrêts domiciliaires sous surveillance électronique sont aptes à enrayer le risque de fuite élevé.

TF 6B_601/2009

2009-2010

Art. 117 CP

(BJP 1/2010, n° 695)

Enquête. Homicide par négligence. Chute d’une poutrelle en acier sur un ouvrier.

Dans son rapport d’accident, la SUVA est parvenue à la conclusion que les poutres en acier n’avaient pas été installées selon les règles de l’art ni par du personnel suffisamment qualifié et surveillé. En particulier, une situation dangereuse avait été créée déjà la veille de l’accident à la suite de la coupure des fers de relation et de la protection insuffisante des poutres en acier devant la construction. En raison de ce rapport d’expertise, il existe des indices forts signalant un comportement contraire au devoir de la part des personnes responsables pour les travaux. D’une part, la violation éventuelle des devoirs de diligence par les responsables, que corroborent à tout le moins – à la suite de ce qui précède – des indices concrets, était propre, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, à causer ou à favoriser un résultat du type de celui qui s’est produit. D’autre part, la faute concomitante de la victime ne conduit que très exceptionnellement à l’interruption du lien de causalité. A ce titre, il est essentiel que la poutre en acier non sécurisée se soit détachée et soit tombée sans l’intervention de la victime. Au vu d’un tel état de fait, l’enquête ne pouvait être interrompue sans autres. Au contraire, il fallait impérativement soumettre les questions liées à la responsabilité pénale au tribunal du fond en vertu de l’adage in dubio pro duriore.

ATF 136 IV 16

2009-2010

Art. 80m et 80n EIMP.

Délai de recours en cas de notification d’une décision de clôture à un établissement bancaire.

Le délai de recours part dès la notification à l’établissement bancaire. L’ordonnance de clôture peut être exécutée à l’échéance de ce délai ; il n’y a alors plus de recours possible.

ATF 136 IV 4

2009-2010

Art. 5 al. 1 let. c, art. 74a EIMP et art. 33a OEIMP.

Haïti, fonds Duvallier. Prescription selon le droit suisse. Qualité pour soulever le grief.

Lorsqu’il existe entre la Suisse et l’Etat requérant un traité de collaboration judiciaire qui ne prévoit pas la prise en compte de la prescription selon le droit suisse, cette réglementation, plus favorable à l’entraide, l’emporte sur l’EIMP. De même, si le traité laisse à l’Etat requis la possibilité de refuser l’entraide en raison de la prescription selon son propre droit, l’autorité suisse requise peut également y renoncer. En revanche, en l’espèce, les Etats requérant et requis ne sont pas liés par un traité d’entraide judiciaire, les motifs d’irrecevabilité de l’art. 5 EIMP ne peuvent être ignorés. La prescription est intervenue en 2001 pour l’infraction de participation à une organisation criminelle, de sorte que la demande d’entraide est irrecevable. Les autres agissements décrits (assassinats, crimes contre l’humanité) ne sont pas directement à l’origine des fonds. Nécessité d’adapter la loi dans ce domaine.

ATF 136 IV 44

2009-2010

Art. 120 LTF, art. 104ss. EIMP, art. 342 CP, art. 29 al. 2 Cst.

Exécution en Suisse d’un jugement pénal rendu à l’étranger, décision de l’autorité fédérale, contestation de droit public entre cantons.

L’Office fédéral de la justice décide, après consultation du canton concerné, sur l’acceptation de l’exécution de la peine par la Suisse et par le canton désigné. Ce dernier peut former auprès du TF un recours au sens de l’art. 120 al. 2 LTF contre la décision de l’Office fédéral sur la compétence cantonale, avant la procédure d’exequatur selon l’art. 105s. EIMP.

Art. 80h, 80k EIMP, 9a OEIMP

(BJP 1/2010, n° 682)

Décision de clôture, dies a quo du délai de recours. Qualité pour agir. Le délai de recours contre la décision de clôture est de 30 jours dès la communication écrite de la décision (art. 80k EIMP). Le décompte du délai de recours commence, même en l’absence d’une notification formelle, lorsque l’intéressé a eu effectivement connaissance de la décision. La communication d’une décision à l’établissement bancaire ne vaut pas, en soi, communication aux titulaires de comptes ou aux autres personnes éventuellement touchées par la décision. La qualité pour agir contre une mesure d’entraide judiciaire est reconnue à celui qui est touché personnellement et directement et a un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (art. 80h lit. b EIMP). La personne visée par la procédure pénale étrangère peut recourir aux mêmes conditions (art. 21 al. 3 EIMP). Aux termes de l’art. 9a OEIMP, est notamment réputé personnellement et directement touché au sens de ces dispositions le titulaire d’un compte bancaire dont les pièces sont saisies (lit. a) et le propriétaire ou le locataire qui doit se soumettre personnellement à une perquisition ou a une saisie (lit. b). La jurisprudence constante dénie en revanche cette qualité au détenteur économique d’un compte bancaire visé par la demande, ou à l’auteur de documents saisis en mains d’un tiers, même si la transmission des renseignements requis entraîne la révélation de son identité. S’agissant de l’ayant droit d’une personne morale dissoute, la jurisprudence admet exceptionnellement sa qualité pour recourir s’il démontre, à l’appui de documents officiels, que la société a été liquidée. Il faut en outre que l’acte de dissolution indique clairement l’ayant droit comme son bénéficiaire. L’abus de droit est réservé. La liquidation est abusive lorsqu’elle est intervenue, sans raison économique apparente, dans un délai proche de l’ouverture de l’action pénale dans l’Etat requérant.

TF 1B_357/2009

2009-2010

Art. 10 al. 2, 36 al. 3 Cst., 89 al. 1 CPP BS

(BJP 2/2010, n° 718)

Requête en exécution de la détention avant jugement dans un établissement pénitentiaire. Exécution anticipée de la peine ou de la mesure.

L’agresseur violent récidiviste pour qui, en cas de condamnation, une mesure institutionnelle serait envisagée en priorité en raison de ses antécédents et de l’expertise psychiatrique, peut prétendre, en vertu du principe de proportionnalité, à un allègement d’exécution sous la forme d’une exécution anticipée de la mesure, et non pas sous celle d’une exécution anticipée de la peine. Si la personne concernée refuse l’offre du MP d’exécuter le restant de la détention avant jugement dans un établissement d’exécution de mesures approprié, le tribunal pénal pourra rejeter sa requête portant sur l’exécution anticipée de la peine sans par cela violer le droit fédéral.

ATF 135 IV 212

2009-2010

Art. 14 CEExtr, art. 38 al. 2 EIMP

Principe de la spécialité, délai de répit.

La personne extradée en Suisse ne peut se voir imposer l’exécution de condamnations pour lesquelles l’extradition n’a pas été accordée, sans avoir été préalablement informée des conséquences de l’échéance du délai de répit.

Art. 7s. LFIS, 2 CC

(BJP 2/2010, n° 723)

Investigation secrète, abus de droit.

La désignation d’un agent infiltré doit être autorisée par un juge (art. 7 al. 1 LFIS). Cette décision, dûment motivée et étayée, est transmise, pour les autorités cantonales, à l’autorité cantonale compétente, savoir au président de la Chambre d’accusation de Genève (art. 8 al. 1 lit. b LFIS, 56 al. 2 lit. a LACP). Une investigation secrète peut être ordonnée si des soupçons reposant sur des faits déterminés indiquent que les infractions particulièrement graves (art. 4 al. 2 LFIS) ont été commises ou pourraient vraisemblablement l’être et les mesures prises jusqu’alors dans le cadre de l’instruction n’ont pas abouti ou les recherches n’auraient aucune chance d’aboutir ou seraient excessivement difficiles. Ces deux conditions sont à interpréter de manière restrictive. La bonne foi et son corollaire l’interdiction de l’abus de droit, inscrit à l’art. 2 CC, est un principe général du droit. Le formalisme de la notification est contrebalancé par l’interdiction de l’abus de droit du destinataire. Celui-ci recevant un acte entaché d’un vice de transmission, ne peut se prévaloir d’un tel vice sans réagir avec une diligence minimale, à défaut de quoi il risque de se voir opposer l’irrecevabilité de son recours pour cause de tardiveté.

Art. 115a et 181 CPP GE

(BJP 2/2010, n° 738)

Compétence du Procureur général d’ordonner la saisie conservatoire de valeurs.

En dépit de l’absence de base légale explicite, il faut admettre que dès après la clôture de l’instruction, y compris lorsque le tribunal est saisi de la cause mais n’a pas encore jugé, le Procureur général peut prononcer de telles mesures, voire sur la base de l’art. 115A CPP GE. Le Procureur général est compétent, sur la base de CPP GE 115A, pour ordonner la saisie conservatoire de valeurs susceptibles d'être confisquées ou réalisées en exécution d'une créance compensatrice, depuis l'ouverture d'une information jusqu'à la saisine d'un magistrat instructeur en vue d'une instruction préparatoire. Une fois saisi, c’est le Juge d'instruction qui est seul habilité (CPP GE 181) à ordonner ou lever ces mesures, tout au long de son enquête et jusqu'à la clôture de celle-ci. Dès la communication du dossier et jusqu'au jugement, le Ministère public, reprenant alors la maîtrise de la cause, peut procéder à certains actes d'enquête supplémentaires.

Art. 30 al. 1 Cst., 6 par. 1 CEDH (BJP 1/2010, n° 691).

Plainte pénale contre la police.

Coopération entre le Parquet et la police. Erreurs de procédure importantes. Les rapports entre le Ministère public et la police qui découlent du Code de procédure pénale et de l’organisation de la poursuite pénale soleurois, en particulier sur le plan de leur coopération, ne permet pas de retenir d’un point de vue objectif que le Ministère public puisse être considéré comme partial de façon générale par rapport aux infractions pénales que commettraient des membres de la police cantonale. Une récusation n’entrerait partant en ligne de compte que si des circonstances concrètes permettaient de conclure à la partialité de procureurs particuliers.

La question de savoir si un procureur pourrait à nouveau être saisi d’une cause après que l’autorité de recours (ici cantonale) a admis un recours, doit être tranchée à l’aune de la jurisprudence relative au renvoi de la cause à la suite de l’admission d’un recours par les autorités supérieures. Commet des erreurs de procédure importantes le procureur qui n’entre pas en matière sur une plainte pénale en se basant sur une appréciation qui, à son tour, se fonde manifestement sur des présomptions et qui aurait nécessité l’interrogatoire du plaignant, et qui ignore de surcroît la nécessité d’obtenir des explications factuelles et juridiques additionnelles. Si le comportement du procureur pouvait éveiller chez le plaignant l’impression de la partialité pour d’autres motifs encore, ledit procureur devra se récuser après que la cause sera renvoyée par l’autorité de recours (cantonale).

Art. 29 al. 2 Cst., art. 191 CP

(BJP 2/2010, n° 733)

Modification des faits par l’autorité de jugement. Actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance.

Le principe d’accusation est une composante du droit d’être entendu (art. 29 al. 2 CF) et peut aussi être déduit des art. 32 al. 2 CF et 6 § 3 CEDH. Il implique la présentation de l’objet du procès. L’accusation doit donc désigner l’accusé et les infractions qui lui sont imputées de façon suffisamment précise pour permettre d’apprécier sur les plans objectif et subjectif les reproches qui lui sont faits. A condition de ne pas statuer sur d’autres faits que ceux visés dans l’acte d’accusation et que les droits de la défense soient respectés, en particulier en lui octroyant la possibilité de s’exprimer utilement et dans un délai raisonnable au sujet de tout complètement ou modifications, l’autorité de jugement peut s’écarter de l’état de fait ou de la qualification juridique retenus dans la décision de renvoi. L’incapacité de discernement ou de résistance visée par l’art. 191 CP requiert qu’au moment des faits, la victime soit totalement incapable de se défendre, car sa volonté ne peut plus se former de manière correcte. Sur le plan subjectif, la formule en sachant n’exclut pas le dol éventuel. La conscience exigée de l’auteur est une conscience de laïc et il suffit qu’il tienne la réalisation de l’élément constitutif comme sérieusement possible.

TF 6B_966/2009

2009-2010

Art. 29 al. 2, 32 al. 2 Cst., art. 6 par. 1 et 3 lit. a-b CEDH

(BJP 2/2010, n° 734)

Formalisme excessif. Lésions corporelles graves par négligence.


Cas dans lequel la décision prise par l’autorité cantonale de dernière instance de ne pas entrer en matière sur une mise en accusation en raison de la violation du principe d’accusation a été considérée comme arbitraire du fait qu’en réalité, l’acte d’accusation détaillait l’état de fait indispensable, définissait l’objet procédural et permettait à l’accusé de disposer d’une défense efficace.

TF 6B_599/2009

2009-2010

Art. 32 al. 2 Cst., art. 6 par. 3 lit. d CEDH

(BJP 2/2010, n°736)

Confrontation.

Le prévenu qui a, avant l’audience de confrontation, obtenu lecture des déclarations faites par le témoin à charge, et à la disposition duquel avaient été mis les procès-verbaux correspondants, était suffisamment préparé pour poser des questions complémentaires au témoin à charge au cours de la confrontation. Par là-même, il lui était possible d’exercer effectivement son droit d’interroger. Lorsqu’une seconde audience de confrontation a échoué à la suite du refus par le prévenu de poser des (d’autres) questions complémentaires, ceci est de sa propre responsabilité.

(BJP 1/2010, n° 697). Escroquerie et violation du droit de la sécurité sociale. Qualité de partie civile de la collectivité publique par rapport aux prétentions civiles et à la question pénale.

La constitution en tant que partie civile pour faire valoir des conclusions civiles présuppose le dépôt d’une action civile fondée sur une infraction pénale. Les prestations de remboursement auxquelles peut prétendre la collectivité en vertu du droit cantonal, en raison de l’aide sociale obtenue illicitement, relèvent du droit public. La constitution de la collectivité publique en qualité de partie civile dans la procédure pénale en raison d’escroquerie à l’aide sociale est dès lors exclue. La collectivité publique satisfait la qualité de partie civile par rapport à la question pénale, en tant qu’il s’agit de l’infraction d’escroquerie au sens de l’art. 146 CP. La collectivité est en effet, en sa qualité de détentrice du bien juridique protégé par cette disposition, protégée immédiatement dans ses intérêts juridiques. Les dispositions pénales de la loi cantonale sur l’aide sociale ne protègent en revanche qu’indirectement les intérêts pécuniaires de la commune, de sorte que l’immédiateté requise fait ici défaut.

TF 1B_211/2009

2009-2010

Par. 13 al. 1-2 ZH VRG, Par. 188 ZH GVG

(BJP 1/2010, n° 700)

Recours auprès de l’autorité matériellement incompétente. Mise à charge des frais de retrait.

Il n’est pas permis de mettre à la charge du non-juriste qui fait recours auprès de l’autorité matériellement incompétente en raison de l’absence d’indication des voies de droit, mais qui retire aussitôt son recours après que les autorités l’ont rendu attentif à son erreur, les frais de retrait.

TF 1B_35/2010

2009-2010

Art. 6 par. 1 CEDH, art. 30 al. 1 Cst.

(BJP 2/2010, n° 735)

Cumul des fonctions de magistrat dans des procédures distinctes. Apparence de prévention objective.

Le fait qu'un magistrat ait déjà agi dans une cause peut éveiller un soupçon de partialité. Le cumul des fonctions n'est alors admissible que si le magistrat, en participant à des décisions antérieures relatives à la même affaire, n'a pas déjà pris position au sujet de certaines questions, de sorte qu'il ne semble plus pouvoir être exempt de préjugés à l’avenir. La récusation du magistrat s'impose d'autant lorsqu'il statue comme juge unique, et non comme membre d'un tribunal collégial. Le seul fait qu'un juge ait déjà rendu une décision défavorable au recourant ne suffit cependant pas pour admettre un motif de prévention. Le juge unique qui affirme, sans utiliser le conditionnel que «l'annexe s'est révélée être un faux», donne objectivement l'apparence de sa prévention et fait redouter qu’il se soit déjà forgé une opinion sur l'existence de faux dans les titres qu'il devra juger dans une autre procédure opposant les parties.

Art. 30 al. 1 Cst., 6 par. 1 CEDH (BJP 1/2010, n° 690).

Le renvoi de la cause au juge saisi auparavant constitue une forme particulière de saisine préjudicielle. En règle générale, elle est admise sans autre en tant que conforme à la Constitution. L’on admet et s’attend à ce que le tribunal qui est à nouveau saisi de l’affaire adopte sa nouvelle décision, le cas échéant dans le respect des considérants du juge supérieur, de manière impartiale et de sorte à ce que l’ouverture nécessaire du procès soit garantie. Selon les circonstances, le renvoi au même juge peut cependant être objectivement perçu comme un danger que le procès n’ait plus d’issue ouverte et que les représentants de la justice suscitent l’apparence de partialité. Ceci a notamment été retenu dans des cas d’appréciation anticipée de la preuve, à savoir dans des affaires, dans lesquelles les juges avaient exprimé une conviction ferme et d’emblée considéré comme superflues des enquêtes additionnelles. De même, le renvoi de la cause à un juge précédemment saisi a été exclu du fait que ce dernier avait été conscient, au moment de prendre sa décision, que l’accusé n’avait pas disposé d’une défense suffisante. La violation du droit d’être entendu en raison de l’absence d’indication d’une reformatio in pejus imminente n’est pas comparable aux affaires susmentionnées. Cette violation ne constitue pas un danger objectivement suffisant pour fonder la partialité des juges récusés.

Art. 44, 44a LTr (BJP 1/2010, n° 686).

Saisie d’un dossier en main de l’autorité cantonale d’exécution de la LTr. Secret de fonction.

En fait : Le recourant, l'Office cantonal de l’inspection et des relations de travail (OCIRT), invoque les art. 44 et 44a LTr pour s’opposer à l’ordonnance cantonale lui intimant de produire les documents concernant l’employeur plaignant, à l'exception des documents permettant d'identifier l’auteur d’une dénonciation diffamatoire. Selon ces dispositions, la communication de données par l'autorité compétente serait exceptionnelle, et jamais obligatoire. Imposer une telle communication à l'OCIRT pourrait empêcher les dénonciations et les plaintes. Or, ces dernières seraient nécessaires à l'exercice du contrôle des mesures prises par les employeurs pour prévenir les atteintes à la santé psychique, en particulier dans les cas de mobbing ou de harcèlement. En droit : Il ressort des art. 44 et 44a LTr que la communication de données par les autorités d'application de la LTr est à tout le moins possible et que le secret auquel sont tenues les autorités dans ce domaine n'est pas absolu. Les conditions auxquelles le secret de fonction peut être levé n'ont toutefois pas à être définies en détail ici, dès lors que, selon l’ordonnance attaquée (qui retranchait des documents dont la saisie avait été ordonnée par le Procureur général les documents relatifs au dénonciateur), le dossier communiqué au Procureur général ne comprendra pas les seules informations utiles pour l'enquête pénale. La communication de données n'est donc pas nécessaire à l'établissement de faits ayant une portée juridique, au sens de l'art. 44a al. 1 let. b LTr et le recours est admis.

Art. 79 et 93 LTF, 28 LTPF.

Saisie de documents bancaires.

Selon l’art. 79 LTF, le recours en matière pénale est irrecevable contre les décisions rendues par la Cour des plaintes, sauf si elles portent sur des mesures de contrainte qui se réfèrent aux mesures investigatrices ou coercitives prises, à titre incident, au cours du procès pénal, telles que l’arrestation, la détention, le séquestre, la fouille, la perquisition. Il s’agissait pour le législateur d’éviter que l’effet de décharge voulu par le transfert des compétences au TPF ne soit réduit à néant par l’ouverture systématique du recours au TF. La saisie de documents bancaires susceptibles de servir de moyens de preuve est une mesure de contrainte. Toutefois, en tant que décision incidente, il convient de se demander si une telle mesure ne doit pas être soumise à la décision restrictive de l’art. 93 LTF selon laquelle le recours n’est recevable qu’en présence d’un préjudice irréparable où si son admission est susceptible de conduire immédiatement à une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. En effet, les art. 90ss. LTF constituent des dispositions générales de procédure destinées à s’appliquer à l’ensemble des recours prévus par la LTF, dès lors – à défaut d’indication contraire dans la loi et dans les travaux préparatoires – il n’y a pas de raison de soustraire le recours prévu à l’art. 79 LTF du régime ordinaire. L’art. 93 LTF doit par conséquent trouver application dans le cas d’espèce.

Quant au préjudice irréparable susceptible d’être causé par la décision attaquée (art. 93 al. 1 let. a LTF), sa notion correspond à celle que posait l’art. 87 al. 2 OJ pour le recours de droit public contre une décision incidente : le préjudice encouru doit être de nature juridique, c’est-à-dire qu’il ne doit pas pouvoir être réparé par une décision finale ultérieure favorable au recourant. Selon la jurisprudence, les mesures relatives à l’administration des preuves (telle la saisie probatoire de documents bancaires) ne causent en principe pas au titulaire du compte un préjudice irréparable.