Procédure pénale

Art. 91, 383 CPP

Observation des délais, fourniture de sûretés.

Une partie plaignante recourt contre le classement d’une procédure d’escroquerie et de faux dans les titres. Le Tribunal cantonal zurichois astreint la partie plaignante à fournir des sûretés jusqu’au 5 février 2016. Constatant que le montant dû n’est arrivé sur son compte que le 8 février 2016, le Tribunal cantonal déclare irrecevable le recours.

Saisi par la partie plaignante, le Tribunal fédéral rappelle que l’art. 91 al. 5 CPP prévoit qu’un paiement est réputé effectué lorsqu’il est versé ou débité d’un compte en Suisse au dernier jour du délai. Il estime par ailleurs qu’en cas de paiement tardif, il appartient à l’autorité pénale d’inviter le débiteur à prouver qu’il s’est acquitté du versement dans les délais prescrits. Dans le cas concret, le Tribunal cantonal du canton de Zurich ne l’a pas fait et a donc violé l’art. 91 al. 5 CPP.

Art. 56 CPP

Motifs de récusations.

Lors d’une enquête pour trafic de stupéfiants, le Tribunal des mesures de contraintes est amené à se prononcer à plusieurs reprises sur des demandes d’autorisation de mesures de surveillance et d’investigation secrète, ainsi que de placement en détention provisoire, respectivement de prolongation de ces mesures. Un des prévenus recourt contre sa mise en détention provisoire en soutenant que les juges du Tribunal des mesures de contrainte n’étaient pas impartiaux car ils avaient déjà statué dans le cadre de l’instruction.

Le Tribunal fédéral estime que l’art. 56 let. b CPP ne s’applique pas en l’espèce. En effet, la notion de « même cause » doit s’interpréter de « manière formelle » et implique donc une identité de partie, de procédure et de question litigieuse. Par ailleurs, il importe que les juges aient agi à un « autre titre » ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Le TF rappelle ensuite que les juges sont également récusables sur la base « d’autres motifs » selon l’art. 56 let. f CPP. Il estime que l’examen de plusieurs problématiques dans une même cause découle des fonctions mêmes du Tribunal des mesures de contraintes et qu’aucun élément concret ne permet de douter, dans le cas d’espèce, de l’impartialité des deux juges. Finalement, il souligne qu’un tel automatisme dans le mécanisme de récusation reviendrait à désigner pour chaque nouvelle procédure un nouveau magistrat, ce qui serait contraire aux principes d’économie de procédure et de célérité.

Art. 1, 88 let. a, 93 al. 3 EIMP

Entraide judiciaire internationale ; répartition des frais.

Visé par une procédure pénale dans le canton de Zoug, X, ressortissant allemand, déplace son domicile en Allemagne. Sur demande du Ministère public zougois, les autorités allemandes reprennent l’instruction et finissent par classer l’affaire. A la suite de ce classement, les autorités zougoises classent également l’affaire mais mettent les frais à la charge de X qui recourt contre cette décision.

La question de la répartition des frais n’étant pas réglée par les différentes conventions internationales en vigueur entre la Suisse et l’Allemagne, le TF applique les dispositions de la Loi fédérale sur l’entraide internationale en matière pénale (EIMP). Selon l’art. 93 al. 3 EIMP, les frais ne sont pas remboursables à l’état requérant. Le Tribunal fédéral estime ainsi que les autorités zougoises n’avaient pas à répartir les frais résultant de la procédure, tâche qui incombait aux autorités allemandes. Il admet ainsi le recours de X et renvoie l’affaire à l’instance inférieure.

Art. 93 et 94 CPP

Défaut et restitution de délai.

Un avocat dépose une déclaration d’appel un jour après échéance du délai, conjointement avec une demande en restitution de délai. La demande de restitution du délai et rejetée, aucun motif d’empêchement ayant été retenu et le prévenu est invité à se prononcer sur la recevabilité de son appel, celui-ci pouvant être considéré comme irrecevable. L’intéressé explique le retard au motif d’une confusion intervenue au sein du secrétariat de son défenseur d’office concernant la personne qui devait acheminer le courrier de l’étude à la Poste. Le motif n’est pas retenu comme étant un empêchement valable au sens de l’art. 94 al. 1 CPP.

Saisi du recours du prévenu, le Tribunal fédéral doit déterminer si dans de telles circonstances, le manquement de l’avocat peut être imputé au prévenu.

Le Tribunal fédéral commence par rappeler que les conditions de restitution de délai en cas de défaut selon les art. 93 et 94 CPP et que la faute de l’avocat doit être imputée à son client sauf cas de grossière erreur du mandataire dans un cas de défense obligatoire. De manière générale, une défaillance dans l’organisation interne de l’avocat ne constitue pas un empêchement non fautif justifiant une restitution du délai. Après examen de la jurisprudence de la CourEDH qu’il fait sienne, le Tribunal fédéral estime que la faute de l’avocat, dans un cas de défense obligatoire, n’est pas imputable au mandant si le comportement de l’avocat relève de la négligence grave, est complètement faux ou encore totalement contraire aux règles de l’art et que le préjudice subi ne peut pas être réparé par une action en dommages-intérêts. La Haute cour admet le recours, considérant qu’en l’espèce l’avocat avait fait preuve d’une négligence grave, que le prévenu n’avait commis aucune faute, qu’il subissait un préjudice important car ne pouvant être réparé par une action en responsabilité.

Art. 12, 82 et 248 CPP

Procédure de tri lors de la levée des scellés.

Ayant été convoqué en tant que témoin dans une affaire d’escroquerie et faux dans les titres, A voit son ordinateur séquestré. Suite à une demande de levée des scellés par le procureur, le Tribunal des mesures des contraintes décide de confier la copie des données informatiques ainsi que leur analyse à un policier membre de la Brigade de criminalité informatique. A recourt contre cette décision en demandant la désignation d’un expert indépendant.

Le Tribunal fédéral admet partiellement le recours. Sur la question de la désignation de l’expert, il note que l’art. 248 al. 4 CPP permet bien au TMC de faire appel à l’assistance de policiers membre de brigades spécialisées. Toutefois, ceux-ci ne doivent alors exercer que des tâches purement techniques et ne doivent pas avoir accès de manière indue aux données protégées. Dans le cas d’espèce, le TF estime que les tâches assignées au policier (la copie et le tri des pièces) dépassent ce cadre strict. Par ailleurs, sa subordination au ministère public crée un potentiel conflit d’intérêts et empêche donc sa nomination en tant qu’expert.

Art. 27 al. 1 PPMin ; 25 DPMin ; 31 al. 1 Cst. ; 212 al. 3 et 431 al. 2 CPP

Licéité de la détention avant jugement d’un mineur de moins de quinze ans ; indemnisation de la détention avant jugement.

Arrêté à la suite d’un cambriolage, X, âgé de 12 ans et sans domicile connu, est placé en détention provisoire pendant plusieurs mois. Il est finalement reconnu coupable de vol, de dommage à la propriété mais exempté de toute peine. X recourt ensuite contre l’ordonnance pénale en demandant à ce que soit constaté le caractère illégal de sa détention et que lui soit attribuée une indemnisation.

Dans son arrêt, le TF se pose la question de savoir si l’absence d’âge minimum à l’art. 27 PPMin constitue un silence qualifié ou une lacune de la loi. Le Tribunal estime le texte clair et univoque, notant son caractère exceptionnel ainsi l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Dans le cas d’espère, le TF considère par ailleurs la détention justifiée au regard des risques de fuites. Toutefois, il renvoie à l’instance inférieure pour une potentielle indemnisation, la durée de la détention ne pouvant être imputée de la peine dont X a été exempté.

Art. 66a CP ; 220 CPP

Détention pour des motifs de sûreté pour garantir l’expulsion pénale d’un condamné étranger. Un prévenu étranger est condamné à une peine privative de liberté avec sursis, assorti d’une mesure d’expulsion au sens de l’art. 66a Le Tribunal de police prononce également une ordonnance de maintien en détention pour motifs de sûreté, considérant qu’il existe un risque de fuite ou de soustraction aux autorités pénales, de sorte qu’il convenait de garantir l’exécution de la mesure prononcée. Le Tribunal fédéral doit examiner la légalité du maintien en détention pour motifs de sûreté à une personne condamnée à une peine avec sursis et à une expulsion du territoire suisse ainsi que la compétence du Tribunal de police pour ordonner le maintien en détention.

Selon la Haute cour qui se réfère au Message, l’expulsion selon l’art. 66a P-CP est une mesure pénale et, à ce titre, elle doit être exécutée à l’aide des moyens prévus pour l’exécution des sanctions pénales. Les dispositions du CPP sont donc complétées pour mentionner expressément la détention pour des motifs de sûreté comme moyen d’assurer l’exécution de l’expulsion. L’art. 231 al. 1 let. a CPP prévoit en effet que la détention pour motifs de sûreté peut être ordonnée pour garantir l’exécution de la mesure prononcée.

Le Tribunal fédéral confirme ensuite la compétence du Tribunal de police pour ordonner le maintien en détention, prononcé en application des art. 220 al. 2 et 231 al. 1 let. a CPP, qui prévoient la compétence du tribunal de première instance, à mesure que l’expulsion prononcée par le juge pénal n’est encore ni définitive, ni exécutoire. Il est précisé qu’une compétence parallèle des autorités administratives ne serait pas exclue sur la base de l’art. 76 al. 1 LEtr qui permet à l’autorité administrative d’ordonner le maintien de la détention. Partant, le recours est rejeté.

Art. 265, 292 CPP

Obligation de dépôt.

Suite à une plainte pénale pour calomnie, diffamation et injure sur une page Facebook, le Ministère public vaudois ouvre une enquête et adresse à Facebook Suisse une ordonnance de production de pièces portant sur les données du compte sous la menace de l’art. 292 CP.

Saisi d’un recours, le TF note que le Ministère public pouvait effectivement se baser sur l’art. 265 al. 3 CPP pour édicter un ordre de production. Toutefois, il considère que sa jurisprudence 138 II 346 « Google Street View » n’est pas applicable en l’espèce. En effet, Facebook Suisse n’est ni le possesseur ni le détenteur des informations visées, élément requis par l’art. 265 al. 3 ainsi que par la Convention de Budapest sur la cybercriminalité. De plus, la jurisprudence « Google Street View » concernait une cause de droit public visant à la rectification de données personnelles et non une demande pénale de production de preuves. Finalement, le TF estime qu’il n’est pas possible de retenir un pouvoir de représentation entre Facebook Suisse et Facebook Irlande et qu’il convient donc pour le Ministère public d’emprunter la voie de l’entraide judiciaire afin d’obtenir les informations désirées.

Art. 187 ch. 1 CP ; 285 ss et 298 ss CPP

Investigation secrète ; recherche secrète.

Ayant rencontré un policier se faisant passer pour une fillette sur un chat internet, A lui fixe finalement un rendez-vous. Arrêté et accusé notamment de tentative d’acte d’ordre sexuel avec des enfants, A est acquitté de ce chef d’accusation par le Tribunal cantonal zurichois. Ce dernier estime en effet que les actes du policier constituaient une investigation secrète nécessitant l’autorisation du Tribunal des mesures de contrainte, manquant en l’espèce.

Saisi d’un recours du ministère public, le TF se penche sur la différence entre investigation secrète et recherche secrète. Il note ainsi qu’avec l’entrée en vigueur du CPP, le législateur a cherché à clarifier cette distinction. Au contraire de la recherche secrète, l’investigation secrète requiert l’adoption d’une identité d’emprunt attestée par un titre, cela afin de créer une relation de confiance s’inscrivant dans une certaine durée. Dans le cas d’espèce, le TF estime que les actes du policier n’étaient pas caractéristiques d’une investigation secrète. En effet, l’utilisation d’un pseudonyme et l’échange d’un numéro de téléphone (attribué à la police zurichoise) ne constituaient pas une identité attestée par un titre. Par ailleurs, le caractère public de forum internet ainsi que la durée relativement courte (1 semaine) des communications n’étaient pas aptes à créer une relation durable de confiance. Le TF admet donc le recours et renvoie à l’autorité inférieure.

Art. 221 al. 1 let. c CPP

Détention provisoire.

Accusé d’infraction sexuelle contre une fillette de 9 ans, X est mis en détention provisoire en raison des risques de récidive jugés élevés. X recourt alors contre la décision de prolonger sa détention provisoire. Le TF se penche alors sur sa jurisprudence exigeant un pronostic très défavorable pour prolonger la détention provisoire (ATF 137 IV 84).

Le TF interprète le pronostic de récidive selon le principe de proportionnalité. Il met ainsi en balance la gravité du crime et délit et la menace à la sécurité d’autrui avec le pronostic de récidive. Le TF estime ainsi qu’exiger un pronostic très défavorable dans le cas d’une infraction extrêmement grave reviendrait à mettre en danger la société de façon excessive. Dans le cas d’espèce, le fait que l’expertise psychiatrique ait rendu un pronostic relativement favorable n’est pas suffisant. En effet, le suicide de la compagne de X en prison, la perte de son emploi ainsi que sa condamnation pour pornographie infantile constituent autant d’éléments qui, ajoutés à la gravité de l’infraction concernée, contribuent à justifier le maintien en détention de X.

Art. 285a CPP

Investigation secrète et droit de se taire.

Le ministère public ouvre une enquête contre un couple pour avoir provoqué la mort de leur fils et avoir gravement blessé leur fille alors âgée de sept mois. Il ordonne des investigations secrètes impliquant plusieurs agents infiltrés, mesures validées par le Tribunal des mesures de contrainte. Le Tribunal fédéral doit examiner si, par le fait d’avoir ordonné des mesures d’investigations pour soutirer des aveux du couple, le droit de se taire des prévenus a été violé, partant que les preuves en résultant doivent être détruites.

La Haute cour estime que le droit de se taire n’est pas violé si l’investigation secrète permet de recueillir des déclarations que le prévenu a faites de son propre chef. Les conditions de l’investigation secrète étant remplies, elle considère que c’est donc à tort que l’instance précédente a ordonné la destruction immédiate des preuves.

Art. 227, 147, 149, 221 CPP

Détention provisoire.

Soupçonné de soutien à une organisation criminelle ainsi que de violation de la Loi fédérale interdisant les groupes « Al-Quaïda » et « Etat islamique » et les organisations apparentées, X recours contre l’autorisation par le TMC bernois d’une prolongation de 3 mois de sa détention provisoire.

Le TF rejette tout d’abord l’argument de X que le dossier transmis par le MPC n’était pas complet. En effet, il note que le dossier n’a pas à contenir tous les éléments de l’enquête mais doit avant tout présenter de manière objective et impartiale l’avancement de l’enquête. Par ailleurs, le TF rejette le grief de X se plaignant de ne pas avoir pu être confronté à un témoin donc l’anonymat avait été assuré sur la base de l’art. 149 CP. En effet, le caractère dangereux, agressif et mondialement connecté de l’Etat islamique justifie la protection du témoin. Finalement, le TF estime que l’état de fait, notamment la présence de X en Syrie en tenue de combat, ses contacts avec des extrémistes islamistes ainsi que son recrutement de combattants en destination de la Syrie, sont autant d’éléments concrets rendant probable la commission des infractions reprochées. Le TF rejette donc le recours de X.

Art. 233, 236 CPP

Exécution anticipée des peines et des mesures ; demande de libération pendant la procédure devant la juridiction d’appel.

Se trouvant en exécution anticipée de sa peine, le recourant est condamné en août 2016 à 4,5 ans de prison ferme accompagnés d’une mesure ambulatoire, condamnation contre laquelle recourt le Ministère public. En octobre et novembre 2016, le prévenu demande sa libération, demande que rejette finalement le tribunal cantonal en décembre.

Le Tribunal fédéral rappelle que si le consentement du prévenu est indispensable pour prononcer une exécution anticipée de la peine, il avait estimé dans un premier temps qu’un tel consentement n’était pas révocable. Toutefois, cette jurisprudence a ensuite évolué et a reconnu au prévenu le droit de révoquer son consentement. De plus, le TF note que le maintien en détention ne peut se justifier que si les conditions d’une détention provisoire ou pour des motifs de sûreté sont remplies. Il souligne par ailleurs que la compétence pour se prononcer sur la demande de libération revient bien au Tribunal cantonal selon l’art. 233 CPP. Par ailleurs, cet article lui impartit un délai de 5 jours pour se prononcer.

Dans le cas d’espèce, ce délai n’a clairement pas été respecté, retard qui constitue une violation du principe de célérité. Le TF examine également les conditions d’un maintien en détention et estime qu’elles ne sont pas remplies. Il ordonne donc la libération du prévenu dans les 5 jours suivant la publication du jugement.

Art. 130 lit. c CPP

Défense obligatoire et défense d’office.

Sur l’autoroute, un automobiliste roule entre 4 m à 6 m derrière un autre véhicule, à une vitesse de 90km/h à 105 km/h. A la sortie de l’autoroute, l’automobiliste poursuivi s’arrête et sort de son véhicule afin de confronter le poursuivant. Ce dernier sort alors un couteau. Le premier automobiliste remonte dans sa voiture en craignant pour sa vie et celle de sa famille. Le Ministère public met le prévenu en accusation pour violation de grave des règles de la circulation routière et pour menaces, en proposant une peine de 50 jours-amende à CHF 100.00 ainsi qu’une amende de CHF 1’000.00. Le prévenu estime qu’il s’agit d’une défense obligatoire et demande en outre que les preuves soient réadministrées conformément à l’art. 131 al. 3 CPP. Le Tribunal fédéral doit examiner les conditions de la défense obligatoire selon l’art. 130 CPP.

La Haute cour commence par rejeter l’application des motifs de durée de la peine (art. 130 lit. b CPP) et de l’état physique ou psychique (art. 130 lit. c CPP). Elle se penche dès lors sur les « autres motifs » de l’art. 130 lit. c CPP, retenant qu’en l’espèce, la difficulté du cas et l’éventualité d’un casier judiciaire ne permettent pas de considérer qu’il existe un motif qui peut entraver de la même manière qu’un problème physique ou psychique la défense du prévenu. Pour octroyer la défense d’office, le Tribunal fédéral rappelle que l’éventualité de devoir purger une peine privative de liberté ne suffit pas, que l’octroi d’un sursis doit être exclu et que dans un cas relativement grave, il doit y avoir des difficultés en fait ou en droit que le prévenu ne peut pas surmonter seul. La défense d’office est rejetée lors d’un cas de peu de gravité, ce qui doit être retenu lorsque l’infraction est réprimée par une amende ou une peine privative de liberté minime. En l’espèce, le Tribunal fédéral rejette la demande d’octroi d’un défenseur d’office au motif qu’il n’y a pas de difficultés en fait ou en droit au sens de l’art. 132 CPP.

Art. 115 al. 1 et 118 al. 1 CPP ; 261bis 4 CP

Qualité de lésé.

Un téléspectateur porte plainte contre un humoriste pour discrimination raciale, au motif qu’il s’est servi du cliché selon lequel les juifs sont cupides, et laissé entendre que lorsque les juifs font de l’humour, ce n’est pas seulement pour faire rire mais aussi par appât du gain. Le Tribunal fédéral doit déterminer si le téléspectateur a la qualité de lésé et donc de partie plaignante, ce que le Ministère public et le Tribunal cantonal lui ont dénié.

La Haute cour rappelle que c’est l’atteinte au bien juridique protégé qui définit si le lésé est directement touché dans ses droits au sens de l’art. 115 CPP. L’art. 260bis par. 4 in initio CP tend à protéger la dignité que tout homme acquiert dès la naissance, ainsi que l’égalité entre les êtres humains. À l’appui des trois arguments suivants, le Tribunal fédéral arrive à la conclusion que les membres du groupe visé par l’humoriste ne sont qu’indirectement touchés, partant n’ont pas la qualité de lésés :

  • comme en matière de délits contre l’honneur, l’attaque doit viser une personne déterminée ou déterminable ;
  • à mesure qu’il s’agit d’une infraction contre la paix publique, les droits individuels ne sont qu’indirectement protégés ;
  • puisque le nombre de personnes visées est indéterminé, reconnaître la qualité de lésé à chaque particulier poserait des difficultés pratiques considérables.

Art. 135 CPP

Indemnisation du défenseur d’office.

Après renvoi du Tribunal fédéral, le Tribunal cantonal condamne le recourant à 28 mois de peine privative de liberté pour mise en danger de la vie d’autrui et l’acquitte en revanche du chef de prévention de tentative de meurtre. Le TC octroie une indemnité de CHF 110’000.00 à son défenseur d’office concernant la procédure qui a eu lieu suite au renvoi par le Tribunal fédéral. Le Ministère public recourt contre ce jugement en concluant à la condamnation du prévenu pour meurtre et à la réduction de l’indemnité de l’avocat d’office à CHF 53’000.00. Le Tribunal fédéral doit examiner les principes de rétribution de l’avocat d’office.

L’avocat d’office bénéficie d’une créance de droit public pour les opérations nécessaires à la défense des intérêts du prévenu, dont la qualité et la quantité doivent se mesurer au travail d’un avocat expérimenté et efficient. L’autorité doit fixer l’indemnité selon ces principes dans un rapport de proportionnalité et bénéficie pour ce faire d’un large pouvoir d’appréciation. Dans le cas d’espèce, le Tribunal cantonal n’a pas examiné la pertinence des postes sur la note de frais et octroyé des frais et dépens disproportionnés (lecture du dossier) et pour des postes qui ne doivent pas être indemnisés par l’Etat (contacts sociaux avec le client, engagement d’un détective privé). En conséquence, le Tribunal fédéral admet le recours du Ministère public et renvoie l’affaire à l’instance précédente pour nouvelle décision sur l’indemnisation de l’avocat d’office.

Art. 126 et 55a CP ; 11, 32, 33 et 320 CPP

Interdiction de la double poursuite.

Accompagné de deux amies, un mari commet des voies de fait à l’encontre de sa femme en 2012 à l’occasion d’une dispute concernant leur chien. Suite à cela, les deux époux s’accusent mutuellement de violences conjugales commises entre 2010 et 2012. Suite à un accord entre les époux, la procédure pour violence conjugale est classée en application de l’art. 55a Condamnés pour les voies de fait commises en premier lieu en 2012, le mari et une de ses amies interjettent recours pour violation du principe ne bis in idem.

Le Tribunal fédéral estime qu’en l’espèce, l’accord passé sur la base de l’art. 55a comprenait les voies de fait commises lors de l’enlèvement du chien. Suite à l’écoulement du délai de 6 mois, la procédure a ainsi été classée, ce qui équivaut à un acquittement selon l’art. 320 al. 4 CPP. La condamnation du mari viole donc le principe ne bis in idem. Par ailleurs, le Tribunal fédéral estime que le principe de l’indivisibilité de la plainte consacré par les articles 32 et 33 CP s’applique également à un classement résultant de l’écoulement du délai de 6 mois de l’art. 55a CP. La condamnation de l’amie du mari est donc également contraire à l’interdiction de la double poursuite.

Art. 3, 68 et 355 CPP

Ordonnance sur opposition ; traduction ; bonne foi.

Condamnée par ordonnance pénale, la recourante fait opposition par l’intermédiaire de son avocat. Ce dernier arrête ensuite de la représenter et la recourante requiert le report de l’audience de comparution, ce qui lui est accordé à deux reprises. Finalement, elle ne se présente pas à une troisième audience ce qui conduit le Ministère public à considérer l’opposition comme étant retirée. La recourante conteste cette décision dans une lettre en anglais que le Ministère public lui renvoie en lui fixant un délai afin qu’elle procède en français, sous peine de ne pas entrer en matière sur le recours. La recourante ne respecte pas ce délai et recourt ensuite au Tribunal fédéral. Le Tribunal fédéral note que l’art. 68 al. 2 CPP prévoit effectivement un droit à l’accusé d’obtenir la traduction des pièces qu’il lui faut comprendre pour assurer efficacement sa défense et bénéficier d’un procès équitable. Toutefois, l’étendue de ce droit ne s’exerce pas abstraitement et doit être interprétée en fonction des besoins effectifs de l’accusé et des circonstances concrètes du cas. En l’espèce, le principe de la bonne foi ne permet pas d’établir la méconnaissance du français par la recourante. Ceci est notamment attesté par les reports d’audience qu’elle avait requis, alors qu’elle n’était plus assistée d’un avocat, ainsi que par certaines pièces qu’elle avait elle-même produites à l’appui de son ordonnance pénale. Le Tribunal fédéral rejette donc son recours.

Art. 358, 360, 361, 362 et 410 CPP

Procédure simplifiée ; révision ; faits et moyens de preuve nouveaux.

Condamné par un tribunal de première instance pour escroquerie en procédure simplifiée, le recourant dépose une demande de révision en se basant sur des faits nouveaux, demande rejetée par le Tribunal de première instance.

Le Tribunal fédéral se penche donc sur la question de savoir si la voie de la révision est ouverte pour un jugement rendu en procédure simplifiée. Il commence par rappeler que la voie de l’appel n’est ouverte que si les parties n’acceptent pas l’acte d’accusation ou que celui-ci ne correspond pas à la réalité. Toutefois, le TF relative cette position et estime, en accord avec la doctrine, que la voie de la révision devrait être ouverte lorsqu’il a été établi dans une autre procédure pénale que le résultat de la procédure à été influencé par une infraction (art. 410 al. 1 let. c CPP) ou en cas de vice de volonté important. Toutefois, la révision ne saurait être possible en cas de faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve. En effet, cela contredirait la nature même de la procédure simplifiée qui ne prévoit pas d’administration des preuves. Le TF rejette donc le recours.

Art. 376 ss CPP ; 79 LTF

Le Tribunal fédéral se penche ici sur la question de savoir si la voie du recours en matière pénale est ouverte contre les décisions de la cour des plaintes du TPF dans le cadre d’une procédure de confiscation indépendante. Selon l’art. 79 LTF, le recours est irrecevable sauf s’il porte sur une mesure de contrainte, à comprendre : toute mesure à caractère incident adoptée dans le cadre d’une procédure pénale, telle que l’arrestation, la mise en détention, le séquestre, la perquisition. Toutefois, au sens des art. 376 ss CPP, une décision de confiscation, par nature finale et indépendante, sort du champ d’application de ses dispositions et rend le recours en matière pénale exclu.

Art. 65, 393 CPP ; 93 LTF

Suspension de la procédure, renvoi de l’accusation, recevabilité et motifs de recours. Condamné par ordonnance pénale, un prévenu fait opposition. Le Ministère public décide ensuite de maintenir son ordonnance. Le juge de première instance suspend alors la procédure et renvoie l’accusation au procureur pour qu’il auditionne le prévenu. Le Ministère public recourt contre cette décision.

Le Tribunal fédéral commence par rappeler, en se basant sur sa jurisprudence, que l’exclusion du recours contre les décisions de la direction de la procédure à l’art. 393 CPP doit être comprise en regard avec l’art. 65 CPP. Cette restriction ne concerne donc pas les décisions de la direction de la procédure mais celles relatives à la marche de la procédure. Par ailleurs, il rappelle que cette exclusion ne doit pas s’appliquer en cas de risque de préjudices irréparables s’interprétant à l’aune de l’art. 93 LTF. Dans le cas d’une suspension de procédure, un tel préjudice pourrait être retenu si la suspension faisait apparaître un risque sérieux de violation du principe de célérité. Dans le cas d’espèce, le TF estime qu’il s’agit bien d’une décision relative à la marche de la procédure. Par ailleurs, il considère qu’aucun préjudice sérieux n’est à craindre et rejette donc le recours du Ministère public.

Art. 391 CPP

Reformatio in peius.

Condamnés en première instance pour escroquerie, pour l’un, et complicité d’escroquerie, pour les deux autres, les trois condamnés recourent auprès du Tribunal cantonal. Ce dernier réforme le premier jugement et prononce coupable de corruption passive le premier condamné et acquitte les deux autres. Il estime en effet qu’une condamnation pour corruption active en tant qu’auteur principal violerait l’interdiction de reformatio in peius consacrée à l’art. 391 CPP.

Le Tribunal fédéral commence par rappeler que si l’escroquerie est bien un crime, la corruption active est, elle, un délit. Le degré de participation, ici la complicité, ne change rien à cette qualification légale. Le TF estime ainsi que la différence entre les peines encourues n’est pas pertinente et ne justifiait pas un acquittement sur la base de l’art. 391 al. 2 CPP. Il accepte donc le recours et renvoie l’affaire à l’instance précédente.

Art. 82, 105, 384 et 396 CPP

Début du délai de recours contre un jugement, demande de notification ultérieure du jugement motivé.

A la fin d’une procédure de première instance, l’avocat commis d’office d’un prévenu fait une demande d’indemnisation et obtient un montant bien inférieur à celui demandé. L’avocat obtient le dispositif du jugement le 14 juillet 2015 et, son client ayant fait appel (qu’il retirera par la suite), le jugement motivé le 9 novembre 2015. L’avocat interjette ensuite recours contre ce jugement le 19 novembre, recours rejeté car ne respectant pas, selon le tribunal cantonal, le délai de 10 jours partant le 14 juillet 2015.

Le Tribunal fédéral se penche donc sur la question de savoir si le délai pour recourir contre la fixation d’indemnisation court dès la notification du dispositif ou celle du jugement motivé. Le Tribunal Fédéral estime que le droit d’être entendu nécessite de connaître le contenu exact du jugement afin de pour pouvoir recourir ou faire appel contre ce dernier. Le délai de 10 jours ne saurait donc courir depuis la notification du dispositif. Partant, le Tribunal fédéral admet le recourt de l’avocat commis d’office. Il note par ailleurs qu’en l’absence d’appel de son client, l’avocat commis d’office aurait tout de même pu demander la motivation du jugement par le biais de l’art. 105 et 82 CPP.