Procédure pénale

Art. 2 CEDH

Manquement de l’Etat à son obligation de protéger la vie d’un détenu et son devoir de mener une enquête effective sur les circonstances du décès. La CourEDH constate une violation matérielle et procédurale de l’art. 2 CEDH au motif que les autorités auraient dû connaître le risque de suicide du détenu compte tenu des éléments dont elles disposaient. La responsabilité des autorités découle du fait d’avoir traité le détenu comme une personne capable de résister au stress et aux pressions, sans suffisamment tenir compte de sa situation personnelle. La CourEDH conclut à l’absence, face à la situation de vulnérabilité particulière du détenu, d’une protection adéquate « par la loi », propre à sauvegarder le droit à la vie, ainsi qu’à prévenir, à l’avenir, tout agissement similaire mettant la vie en danger. Selon la Cour, les autorités auraient pu pallier, avec un effort raisonnable et non exorbitant, le risque de suicide du détenu. En laissant celui-ci seul dans une cellule sans surveillance pendant quarante minutes, les autorités ont méconnu son droit à la vie au sens de l’art. 2 CEDH.

Art. 150 CPP

Garantie de l’anonymat des personnes à protéger. Le tribunal des mesures de contrainte à approuvé l’anonymisation du rapport de police et des procès-verbaux des personnes interrogées. Le recourant fait valoir que l’anonymisation rend sa défense plus difficile puisqu’elle l’empêche de vérifier efficacement les dires des personnes entendues. Elle a pour effet de réduire ses chances d’obtenir un jugement favorable et, cas échéant, de poursuivre les personnes interrogées pour dénonciation calomnieuse par exemple. Bien que l’anonymisation ne soit pas seulement provisoire puisqu’elle perdure au-delà de la clôture de la procédure, il s’agit d’une décision provisoire qui peut être révoquée ou annulée à tout moment par la direction de la procédure si les conditions n’en sont plus remplies (art. 150 al. 4 CPP). Dans ce cadre, la direction de la procédure est tenue de garantir le droit d’être entendu du prévenu (art. 149 al. 4 CPP) ; le préjudice irréparable invoqué par le recourant n’est ni manifeste, ni démontré. S’il estime que son droit d’être entendu n’a pas été respecté, il doit s’en plaindre auprès de la direction de la procédure.

Art. 305bis CP, Art. 50 CO al. 3

Responsabilité civile en matière de blanchiment d’argent (modification de jurisprudence). La responsabilité civile solidaire du blanchisseur s’étend également au préjudice causé par l’infraction principale à hauteur du montant des avoirs dont la confiscation a été entravée par l’acte de blanchiment d’argent, et ce même s’il n’a pas participé à l’infraction principale. Se fondant sur l’art. 50 al. 3 CO, le TF considère qu’il s’agit d’un dommage unique car, bien que les valeurs aient été soustraites à la partie lésée par l’auteur de l’infraction principale, le blanchisseur a, par son comportement, maintenu cette situation de dommage. La partie plaignante avait valablement motivé ses prétentions civiles en ce sens. L’instance inférieure n’ayant pas statué sur ces prétentions civiles, la cause lui est renvoyée pour nouvelle décision.

Art. 17 PPMin

Succès de la médiation pour l’un des coprévenus seulement. Un coprévenu conteste le fait que la médiation pénale puisse aboutir pour l’un des coauteurs et non pour l’autre. Dans un processus qui doit conduire les parties à trouver un terrain d'entente, dans une perspective restaurative, qui intègre des éléments de reconnaissance des faits et de réparation, nombre de ces facteurs sont spécifiques à un auteur et à l’évolution de sa relation bilatérale avec la victime. Ainsi, un coauteur entré dans une démarche de médiation qui implique un autre auteur ne peut faire échouer la médiation pour ce dernier par son seul refus d’admettre les faits ou de consentir des efforts suffisants. L’autorité de jugement tire les conclusions sur l’aboutissement ou l’échec de la médiation pour chacun des prévenus, de sorte que le recourant ne peut rien déduire en sa faveur du fait que la médiation n’a abouti qu’à l’égard de son coprévenu.

Art. 66a CP, Art. 391 CPP al. 2, Art. 24 RèglementSISII, Art. 20 OrdonnanceN-SIS, Art. 21 OrdonnanceN-SIS, Art. 8 LSIP, Art. 16 LSIP

Le signalement d’une expulsion (art. 66a CP) dans le Système d’information Schengen (SIS) peut être ordonné au stade de la procédure d’appel, même si le ministère public ne l’a pas requis et que l’autorité inférieure n’a pas envisagé une telle mesure. Le signalement dans le SIS n’étant pas une sanction au sens de l’art. 391 al. 2 CPP, l’interdiction de la reformatio in pejus ne trouve pas application, si bien que cette mesure peut être ordonnée pour la première fois au stade de l’appel. Néanmoins, dans la mesure où une telle décision a pour effet d’aggraver la situation du prévenu, l’autorité doit, en respect du droit d’être entendu, informer le prévenu de son intention d’ordonner un tel signalement.

Art. 42 LTF, Art. 48 LTF al. 1

Respect du délai de recours. L’avocat dépose un recours le dernier jour du délai mais le sceau postal indique la date du lendemain. Le fait que l’avocat a filmé le moment du dépôt du recours ne renverse pas la présomption selon laquelle la date du sceau postal est celle du dépôt de l’acte (ATF 142 V 389) ; pour qu’un tel renversement soit admis, l’avocat doit présenter les preuves pertinentes de manière spontanée et dans le délai de recours. Or, l’enveloppe du recours en question ne contient aucune explication quant au moment du dépôt. L’avocat n’ayant transmis l’élément justificatif, soit la vidéo, qu’après l’expiration du délai de recours, son recours est réputé tardif et donc irrecevable.

Art. 57 LMJ, Art. 1 DPA, Art. 2 DPA, Art. 70 DPA, Art. 70 CP, Art. 97 CP al. 3, Art. 333 CP al. 1

Prescription de la confiscation en droit pénal administratif (confirmation de jurisprudence). Le prévenu est condamné par la Commission fédérale des maisons de jeu (CFMJ) pour avoir organisé et exploité illégalement des jeux de hasard. La CMFJ rend également un prononcé de confiscation des gains illicites réalisés par les joueurs. Ces derniers invoquent la prescription de la confiscation. Le prononcé de confiscation (art. 70 al. 1 DPA) est équivalent à un jugement de première instance au sens de l’art. 97 al. 3 CP – et interrompt donc la prescription – lorsque les personnes touchées ont eu la possibilité d’exercer certains droits des parties (droit d’être entendu, de consulter le dossier), de participer à l’administration des preuves et de présenter leurs points de vue dans une procédure contradictoire. En l’espèce, les joueurs ont eu l’opportunité d’exercer les droits des parties évoqués. Toutefois, s’agissant des montants à confisquer, le TF considère que l’application du principe brut – soit la confiscation de l’intégralité des bénéfices réalisés – n’est pas justifié ; en respect du principe de la proportionnalité, le juge doit tenir compte du fait que les joueurs n’ont pas commis d’infraction. Par ailleurs, pour participer au tournoi de poker, les joueurs devaient obligatoirement effectuer un rachat (buy-in), ce qui impliquait en tous les cas une dépense. Le TF considère que le montant à confisquer correspond aux bénéfices desquels doivent être soustraits les montants des buy-ins des jeux dans lesquels le joueur a effectivement réalisé un bénéfice.

Art. 5 CEDH al. 1

Privation de liberté non prévue par le droit suisse. Le maintien d’une personne en détention pour des motifs de sûreté dans l’attente d’une décision de prolongation d’une mesure institutionnelle qui intervient par une décision judiciaire ultérieure indépendante (art. 363 ss CPP) serait, selon le TF, possible par application analogique des art. 221 et 229 ss CPP, dans la mesure où sa jurisprudence à ce propos est constante. La CourEDH estime que le prononcé d’une détention pour des motifs de sûreté aurait en l’espèce pu être évitée si le jugement visant à prolonger la mesure thérapeutique institutionnelle était survenu avant le terme du délai de cinq ans de l’art. 59 al. 4 CP. Le droit pénal ne contient aucune base légale en matière de détention pour des motifs de sûreté en cas de décisions judiciaires indépendantes et, contrairement à ce que prétend le TF, il n’existe qu’un seul arrêt de principe sur ce point précis. En outre, une application par analogie d’une disposition matérielle n’est pas suffisante compte tenu de la gravité de l’atteinte à la liberté personnelle du condamné et de la nécessité d’une stricte interprétation des exigences relatives à une détention régulière. Partant, la détention subie par le requérant a été prononcée en violation de l’art. 5 par. 1 CEDH. Néanmoins, dans un arrêt daté du 31 mars 2020 (TF 1B_111/2020 [d]), le TF considère que la détention pour motifs de sûreté en vue d’une décision judiciaire ultérieure indépendante ordonnée en application des art. 221 et 229 ss CPP par analogie est conforme à l’art. 5 par. 1 CEDH. Le TF conteste donc l’opinion de la CourEDH exprimée dans l’arrêt I.L. c. Suisse selon laquelle la Suisse n’aurait rendu qu’une seule décision en la matière, de sorte que cette pratique ne s’appuie pas sur une jurisprudence ancienne et constante. Le TF soutient que la jurisprudence pertinente comprend l’ensemble des décisions rendues en matière de détention pour des motifs de sûretés, indépendamment de savoir si elle est ordonnée en vue d’un internement ou d’une mesure thérapeutique institutionnelle. Selon le TF, il s’agit dès lors d’une jurisprudence ancienne et constante qui légitime l’application analogique des art. 221 et 229 ss CPP pour ce domaine.

ATF 145 IV 503 (f)

2019-2020

Art. 221 CPP al. 1 let. a, Art. 231 CPP al. 1, Art. 237 CPP al. 3

Détention provisoire ; risque de fuite ; bracelet électronique comme mesure de substitution. Condamné en première instance à une peine privative de liberté de 18 ans pour l’assassinat de son épouse, le prévenu est placé en détention pour des motifs de sûreté en raison d’un risque de fuite. Il conteste l’existence de ce dernier en faisant notamment valoir sa nationalité suisse, son âge avancé (82 ans) et son état de santé. Le TF estime que l’âge et la santé du recourant ne permettent pas de nier le risque de fuite, qui apparaît au contraire concret en l’espèce, et ce essentiellement car une lourde peine telle que celle prononcée en l’espèce tend généralement, selon la jurisprudence, à augmenter le risque de fuite.

Subsidiairement, le recourant invoque le principe de proportionnalité pour solliciter le port d’un bracelet électronique (art. 273 al. 3 CPP). Se pose ainsi la question de savoir si cette mesure spécifique suffit à pallier le risque de fuite. Si l’art. 273 al. 3 CPP constitue certes une base légale suffisante pour la surveillance électronique dans le contexte de la procédure pénale, une telle surveillance ne peut en l’état actuel être assurée de manière permanente et en temps réel, faute de centrale de surveillance active 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. De même, la police n’est pas en mesure d’intervenir immédiatement. L’effet préventif d’un contrôle rétroactif n’est pas suffisant face à un prévenu présentant un important risque de fuite. Quand bien même la surveillance se ferait en temps réel et avec possibilité d’intervention immédiate de la police, ce système n’est pas sans failles puisque l’individu portant un bracelet demeure en mesure de l’ôter de force ou le rendre hors d’usage, voire de passer la frontière avant que la police ne l’arrête. Aussi, pour estimer l’adéquation de cette mesure de substitution, il doit être tenu compte de toutes les circonstances du cas d’espèce, en particulier l’intensité du risque de fuite et la nécessité d’assurer la présence du prévenu durant la procédure. In casu, une surveillance électronique ne suffirait pas à prévenir le risque de fuite jugé élevé et concret. Le TF appelle finalement la Confédération et les cantons à mettre en place des structures propres à garantir un système fiable de surveillance en temps réel, cas échéant à adopter la réglementation nécessaire.

ATF 146 I 11 (d)

2019-2020

Art. 13 Cst. al. 2, Art. 36 Cst. al. 1, Art. 141 CPP al. 2

Exploitabilité d’enregistrements effectués au moyen du Système de recherche automatisée de véhicules et surveillance du trafic (RVS). La réalisation et le stockage d’enregistrements par l’entremise de la RVS engendrent une atteinte aux droits fondamentaux des personnes qui y sont soumises et constituent plus spécifiquement une atteinte grave à l’autodétermination en matière de données. En effet, la possibilité d’une utilisation ultérieure (et secrète) des données collectées par les autorités, ainsi que le sentiment de surveillance qui en découle peuvent entraver considérablement l’autodétermination. L’usage d’un tel système doit dès lors respecter les conditions de l’art. 36 Cst. et notamment reposer sur une base légale formelle, qui en l’espèce fait défaut dans le canton de Thurgovie. Partant, l’atteinte réalisée à la sphère privée par cette surveillance viole les art. 13 al. 2 cum 36 al. 1 Cst. et les preuves réunies par le biais de la RVS sont illicites. Leur exploitabilité dans la procédure pénale doit être évaluée au regard de l’art. 141 al. 2 CPP. Dans la mesure où les infractions retenues in casu sont des délits et non des crimes, il s’impose de conclure à l’inexploitabilité des preuves illicites, l’art. 141 al. 2 CPP étant ainsi pensé que les preuves sont exploitables uniquement si elles sont indispensables pour élucider des infractions graves, soit essentiellement des crimes.

ATF 146 IV 136 (d)

2019-2020

Art. 221 CPP al. 1 let. c

Détention provisoire ; risque de récidive. L’opposition du prévenu contre la prolongation de sa détention provisoire est rejetée en raison du risque de récidive en matière d’infractions contre le patrimoine. La détention provisoire peut être ordonnée s’il existe un risque que le prévenu mette sérieusement en danger la sécurité d’autrui en commettant à nouveau des crimes ou délits graves du même type que ceux déjà commis (art. 221 al. 1 let. c CPP). Une telle détention provisoire peut notamment être prononcée lorsque le risque porte sur des infractions contre le patrimoine ; toutefois, lorsque la mise en danger concerne le patrimoine, le risque de récidive n’est admis qu’en présence d’un pronostic défavorable. Tel est le cas lorsque les menaces de crimes ou délits graves toucheraient les droits des lésés de manière particulièrement dure ou similaire à un acte de violence (Gewaltdelikt). L’évaluation de la gravité du risque de récidive dépend des circonstances concrètes du cas individuel ; la gravité des antécédents du prévenu et sa situation personnelle, notamment financière, constituent des indices concrets qui permettent d’évaluer la probabilité que le prévenu fasse usage de violence et, partant, mette sérieusement en danger la sécurité d’autrui en cas de récidive. En l’espèce, le TF nie le risque de récidive au motif que le prévenu n’a pas causé de préjudice grave, ni commis d’acte de violence et qu’aucun autre indice concret n’indiquait un risque de recours à la violence s’il commettait de nouvelles infractions contre le patrimoine.

ATF 146 IV 36 (f)

2019-2020

Art. 280 CPP, Art. 272 CPP, Art. 277 CPP, Art. 30 EIMP

Enregistrements à l’étranger par le biais d’une mesure technique de surveillance. Conformément au principe de territorialité, les mesures techniques de surveillance (art. 280 CPP), en leur qualité de mesures de contrainte, ne peuvent être mises en œuvre dans un Etat étranger que sur la base d’un traité international, d’un accord bilatéral ou du droit international coutumier. A défaut d’un fondement dans le droit international, elles ne peuvent l’être qu’en vertu du consentement préalable de l’Etat concerné. Dans ce dernier cas de figure, les règles régissant l’entraide judiciaire doivent être observées.

Art. 221 CPP al. 1 let. c

Détention provisoire en cas de risque de récidive. Le prévenu est placé en détention provisoire en raison du risque de récidive en matière de vol de téléphones portables. La détention provisoire en vue d’éviter une récidive n’est autorisée que si l’on craint que le prévenu ne mette sérieusement en danger la vie d’autrui en commettant le même type de crimes ou de délits graves (art. 221 al. 1 let. c CPP). Or, les vols de téléphones portables reprochés au prévenu ne constituent pas des infractions contre le patrimoine particulièrement graves. De plus, les circonstances ne laissent pas présager que le prévenu puisse mettre en danger la sécurité d’autrui en cas de récidive. Le recours est admis et la cause est renvoyée à l’instance précédente pour qu’elle examine si des mesures de substitution peuvent être ordonnées.

Art. 249 CPP, Art. 250 CPP, Art. 7 Cst.

Proportionnalité d’une fouille corporelle intégrale. Une fouille corporelle à l’occasion de laquelle le prévenu est appelé à se dévêtir complètement et à s’accroupir pour permettre aux policiers de réaliser une inspection anale est disproportionnée et donc illicite si elle se fait en l’absence d’indices concrets que le prévenu dissimule des objets ou substances interdites dans cette partie du corps et qu’il présente des risques de danger pour lui-même ou autrui. L’existence de motifs d’arrestation provisoire ne suffit donc pas. En effet, à la lumière de la jurisprudence du TF et de la CourEDH, une telle fouille, si elle n’est pas en soi illégitime, suppose néanmoins des signes de dangerosité dans le cas d’espèce et doit être réalisée de sorte à limiter le degré de souffrance ou d’humiliation qui est inévitablement engendré par ce type de traitement. Il s’impose d’examiner si le comportement du prévenu dénote une certaine agressivité et notamment si l’infraction qui lui est reprochée repose ou non sur la violence. Enfin, le fait qu’une fouille avec déshabillage soit praticable ne saurait justifier qu’il y soit procédé de manière systématique, le respect des droits fondamentaux du prévenu (notamment la dignité humaine, art. 7 Cst.) et le principe de proportionnalité devant être observés dans chaque cas.

Art. 431 CPP al. 1

Indemnisation du tort moral en raison d’une détention provisoire. Le recourant est acquitté en seconde instance mais sa demande d’indemnisation pour une détention provisoire injustifiée de près de 24 heures est rejetée. Si l’accusé est acquitté en tout ou en partie ou si les poursuites engagées contre lui sont abandonnées, il a droit à une indemnisation en raison d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (art. 429 al. 1 let. c CPP). Une arrestation suivie d’une détention d’une durée totale supérieure à trois heures constitue une atteinte à la liberté pouvant donner lieu à une indemnisation. La durée de tout interrogatoire formel pendant ces heures ne doit pas être prise en compte. En l’espèce, compte tenu de la durée de son audition, le recourant a subi une détention provisoire injustifiée de 18 heures et 30 minutes : il ne s’agit pas d’une simple détention policière qui n’entrave que temporairement la liberté personnelle, laquelle ne donne pas lieu à une indemnisation. Le TF conclut dès lors que le refus d’indemnisation viole le droit fédéral.

ATF 146 IV I (d)

2019-2020

Art. 56 CP al. 3, Art. 189 CPP

Exploitabilité et valeur probante d’une expertise psychiatrico-forensique. Se prononçant sur les exigences relatives à une expertise fondée exclusivement sur les pièces du dossier en raison d’un refus d’examen personnel par l’expertisé, le TF estime que, bien qu’une analyse aussi complète que possible soit importante pour la mise en œuvre d’une mesure thérapeutique, il n’est néanmoins pas nécessaire que tous les résultats médicaux pertinents pour le traitement soient disponibles au moment du prononcé de la mesure. Les possibilités de mise en œuvre d’une seconde expertise ne sont en outre pas limitées aux seuls cas prévus par l’art. 189 CPP. Ainsi, il ne saurait être donné raison au recourant lorsqu’il défend que la seconde expertise est irrecevable puisque la première était suffisamment claire quant à l’impossibilité d’établir un diagnostic psychiatrique sérieux sans examen personnel et que l’art. 189 CPP ne prévoit le complément ou l’amélioration d’une expertise que si elle est incomplète ou peu claire ou si son exactitude est mise en doute. Il appartient au juge d’estimer s’il convient d’obtenir un avis d’expert complémentaire avant de prendre sa décision, sans être limité aux constellations de l’art. 189 CPP.

ATF 145 IV 491 (d)

2019-2020

Art. 86 LCdF al. 1, Art. 115 CPP al. 1, Art. 382 CPP al. 1

Qualité pour recourir des CFF SA à l’encontre d’un jugement d’acquittement. Un recours au sens de l’art. 382 al. 1 CPP peut être formé par les CFF SA à travers leurs représentants, étant admis que la qualité pour recourir au sens de cette disposition se détermine selon le bien juridiquement protégé par l’infraction considérée et que la recevabilité du recours dépend du respect des conditions de l’art. 115 CPP. En l’espèce, l’infraction retenue, à savoir celle de l’art. 86 al. 1 LCdF, protège la sécurité de l’exploitation ferroviaire, soit un intérêt public ; elle ne sert qu’indirectement les intérêts des entreprises ferroviaires. Or, lorsqu’une disposition pénale protège en premier lieu des intérêts publics, seule une personne dont les droits individuels sont simultanément et directement touchés du fait de l’infraction est lésée selon l’art. 115 al. 1 CPP. Inversement, si l’infraction ne lèse que des intérêts publics et ne porte qu’indirectement atteinte à des intérêts privés, la personne indirectement touchée dans ses droits ne saurait prétendre au statut de lésé. Les CFF SA ne remplissent dès lors pas les conditions de l’art. 115 al. 1 CPP et n’ont conséquemment pas qualité pour recourir contre le jugement d’acquittement.

ATF 146 IV 76 (f)

2019-2020

Art. 110 CPP al. 1, Art. 81 LTF al. 1 let. b ch. 5

Qualité pour recourir des proches du lésé décédé contre le classement de la procédure ; qualité pour recourir de la partie plaignante au TF (confirmation de jurisprudence). Les proches du lésé décédé qui se sont constitués parties plaignantes lors de la procédure préliminaire sont susceptibles d’avoir un intérêt juridiquement protégé à l’annulation du classement de la procédure (art. 382 al. 1 CPP) et ainsi d’avoir la qualité pour recourir contre ce dernier. Par ailleurs, conformément à l’art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au TF si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Seules les prétentions civiles qui sont fondées sur le droit civil constituent des prétentions civiles au sens de cette disposition, celles fondées sur le droit public n’entrant dès lors pas dans la catégorie de l’art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF. Par conséquent, si une collectivité publique assume une responsabilité de droit public exclusive de toute action directe contre l’auteur d’une infraction pour les actes qui lui sont reprochés, la partie plaignante n’a pas de prétentions civiles.

Art. 81 LTF al. 1 al. b

Qualité pour recourir de la mère détenue. La mère qui se trouve en détention n’a pas qualité pour recourir contre le refus du ministère public d’octroyer un droit de visite au père de l’enfant lorsque, en raison d’un risque de collusion, elle ne pourrait pas participer aux visites. Partant, la mère ne peut se prévaloir d’un intérêt juridique et personnel à l’annulation ou à la modification de la décision refusant le droit de visite au père, de sorte que son recours est irrecevable.

ATF 145 IV 383 (f)

2019-2020

Art. 65 CP al. 1

Changement de sanction ; autorité compétente ; ne bis in idem. Le juge compétent pour prononcer un changement de sanction au sens de l’art. 65 al. 1 CP (ici la transformation d’une peine privative de liberté en mesure thérapeutique institutionnelle) n’est pas nécessairement celui qui a prononcé la sanction initiale. En effet, les cantons demeurent libres de prévoir la compétence d’un autre tribunal (art. 363 al. 1 CPP). On ne saurait en effet voir en l’art. 65 al. 1, 2e phrase CP une exception à la règle posée par l’art. 363 al. 1 CPP, qui constitue au contraire une lex posterior et l’emporte dès lors sur l’art. 65 al. 1 CP. Du reste, l’analyse d’un autre juge est bienvenue, puisqu’elle bénéficie au prévenu qui voit ainsi sa situation soumise à un regard neuf. Par ailleurs, la transformation d’une peine privative de liberté en mesure thérapeutique institutionnelle en vertu de l’art. 65 al. 1 CP ne peut être ordonnée que si les conditions de cette dernière étaient déjà remplies au moment du jugement initial. Le juge ne peut se fonder sur des faits qui sont survenus après le jugement, sous peine de violer le principe ne bis in idem. Il ne peut tenir compte d’éléments postérieurs au jugement qu’aux fins de déterminer si les conditions d’une mesure thérapeutique institutionnelle sont remplies et l’étaient déjà au moment du jugement initial (p. ex. une expertise prouvant que les faits retenus étaient incorrects).

Art. 29 Cst. al. 2, Art. 3 CPP al. 2 let. c, Art. 101 CPP al. 1, Art. 102 CPP, Art. 108 CPP, Art. 73 CPP al. 2, Art. 292 CP, Art. 398 CO al. 2, Art. 12 LLCA let. a, Art. 12 LLCA let. b

Modalités de consultation et de rapport d’une pièce du dossier. Le ministère public autorise le défenseur du prévenu à consulter un rapport caviardé par la partie plaignante mais il lui interdit de « faire état » du contenu du rapport à son client, sous la menace de l’amende de l’art. 292 CP. Les restrictions à la consultation du dossier (art. 108 CPP) peuvent entrer en conflit avec les règles sur la profession d’avocat (notamment les devoirs de fidélité et de diligence). Le défenseur doit être au moins habilité à rapporter au prévenu les pièces pertinentes du dossier pour être en mesure de le conseiller utilement. L’interdiction pure et simple de « faire état » du rapport est une restriction disproportionnée au droit de consulter le dossier. De plus, l’obligation de garder le silence (art. 73 al. 2 CPP) ne concerne pas les communications internes entre le conseil juridique et son mandant ; elle vise à empêcher les communications externes de faits secrets à des personnes étrangères à la procédure pénale. En conclusion, l’interdiction faite au défenseur de porter le contenu du rapport à la connaissance du prévenu, sous la menace de l’amende de l’art. 292 CP, est contraire au droit fédéral.

Art. 30 CPP, Art. 147 CPP al. 4, Art. 93 LTF al. 1 let. a

Disjonction des procédures ; refus de l’octroi de l’effet suspensif ; recevabilité du recours. Dans une procédure dirigée contre plusieurs prévenus, le ministère public prononce la disjonction des causes, contre laquelle l’un des prévenus recourt en demandant l’octroi de l’effet suspensif, qui lui est refusé. En principe, le préjudice irréparable – qui conditionne la recevabilité du recours devant le TF – doit être admis quand la disjonction concerne des procédures dirigées contre plusieurs prévenus ; le prévenu qui se plaint de la disjonction ne peut plus invoquer, une fois les procédures disjointes, l’inexploitabilité des moyens de preuve en raison de la violation de ses droits procéduraux (art. 147 al. 4 CPP). En l’espèce, le recours ne porte que sur le refus de l’effet suspensif ; le recours contre l’ordonnance de disjonction du ministère public est donc toujours pendant. S’il est admis, le prévenu peut encore se prévaloir de l’art. 147 al. 4 CPP. Partant, il n’existe pas de risque de préjudice irréparable et le recours est irrecevable.

Art. 5 CPP, Art. 29 CPP al. 1, Art. 3 DPMin al. 2

Dessaisissement du juge des mineurs en faveur du ministère public ordinaire. Le recourant a commis des infractions avant et après sa majorité. Il demande la disjonction de la procédure en faveur du Tribunal des mineurs concernant les faits commis avant sa majorité. La disjonction lui est refusée. En droit pénal des mineurs, le principe de l’unité de la procédure (art. 29 CPP) ne s’applique que lorsque des mineurs ont commis des infractions en commun avec des adultes (cf. art. 11 al. 2 PPMin). Leur seul fait que les infractions aient été commises par le même prévenu ne suffit pas ; la poursuite et le jugement dans une seule procédure exige des liens ou des circonstances autres (par ex. le risque de jugement contradictoire). En l’espèce, les états de fait sont différents et il n’y a donc pas de risque de jugements contradictoires. La conduite de deux procédures parallèles n’est ainsi pas contraire au principe de l’économie de procédure. Une instruction séparée s’impose également car, tant que le recourant était mineur, le ministère public ordinaire n’était pas compétent pour le poursuivre. De plus, le prévenu peut continuer à bénéficier des garanties particulières offertes par le droit pénal des mineurs. Le TF admet ainsi le recours et annule la décision de dessaisissement du juge des mineurs.

Art. 38a LOAP

Compétence de la Cour d’appel du TF. D’après l’art. 132 al. 1 LTF, la loi s’applique aux procédures introduites devant le TF après son entrée en vigueur ; elle ne s’applique aux procédures de recours que si l’acte attaqué a été rendu après son entrée en vigueur. Par analogie, en matière de révision, les recours contre les décisions du TPF doivent également être soumis à la Cour d’appel si la décision à réviser a été rendue avant le 1er janvier 2019, c’est-à-dire à une époque où la Cour d’appel n’existait pas encore.

Art. 422 CPP

Frais de procédure. Selon l’art. 422 al. 1 CPP, les frais de procédure se composent des émoluments visant à couvrir les frais et les débours effectivement supportés. L’art. 422 al. 2 CPP précise ce que couvre la notion de « frais », sous une formulation exemplative. L’art. 424 CPP prévoit quant à lui que la Confédération et les cantons règlent le calcul des frais de procédure et fixent les émoluments. Les « frais de police » de CHF 310.- prévus à l’art. 15 al. 2 let. a ch. 1 du décret argovien sur les frais de procédure du 24 novembre 1987 (SAR 221.150) constituent des émoluments au sens de l’art. 422 al. 1 CPP et sont donc fondés sur une base légale. La recourante se plaint d’une violation du principe d’équivalence, dans la mesure où les frais de CHF 310.-, additionnés aux frais de la procédure de l’ordonnance pénale de CHF 400.-, seraient disproportionnés par rapport à la peine prononcée, à savoir une amende de CHF 300.-. Le TF rappelle que les frais au sens de l’art. 422 al. 1 CPP visent exclusivement à couvrir les dépenses dans l’affaire pénale et que la prise en compte du montant de la sanction – et par là même de la faute – serait contraire à cet objectif, dès lors que cela aurait pour inévitable conséquence d’infliger une sanction supplémentaire à l’individu. L’argument de la recourante selon lequel les émoluments doivent être basés sur la sanction est donc infondé. Le TF laisse néanmoins ouverte la question de savoir si, cas échéant, la faute peut être prise en considération afin d’éviter des frais disproportionnés par rapport à la gravité de l’infraction.

ATF 145 IV 438 (d)

2019-2020

Art. 353 CPP al. 1 let. c, Art. 353 CPP al. 1 let. d, Art. 353 CPP al. 1 let. e, Art. 355 CPP al. 1, Art. 355 CPP al. 3, Art. 356 CPP al. 1

Prononcé d’une nouvelle ordonnance pénale après opposition contre la première ordonnance. Il s’impose de distinguer le prononcé d’une nouvelle ordonnance pénale impliquant un nouveau verdict de culpabilité et/ou une nouvelle sanction (art. 355 al. 3 let. c CPP) de la possibilité de rectifier, respectivement compléter une ordonnance pénale, notamment eu égard à l’état de fait qu’elle contient. Ce second procédé, que la loi ne prévoit pas expressément, permet d’éviter des arrêts inutiles dans la procédure et répond ainsi au principe de célérité, en ce sens que le tribunal doit renvoyer le cas au ministère public lorsque l’état de fait de l’ordonnance pénale ne remplit pas les conditions requises pour un acte d’accusation. L’ordonnance pénale corrigée ou complétée ne constitue toutefois pas une nouvelle ordonnance pénale au sens de l’art. 355 al. 3 let. c CPP, dès lors que le ministère public maintient matériellement l’ordonnance pénale initiale (art. 356 al. 1 CPP). Par conséquent, si le verdict de culpabilité et la sanction proposée sont identiques, le prévenu n’a pas l’obligation de former opposition à nouveau à l’ordonnance corrigée/complétée, puisque l’opposition initiale s’étend à celle-ci.

ATF 146 IV 145 (d)

2019-2020

Art. 352 CPP al. 3, Art. 42 CP al. 4

Amende additionnelle à une peine pécuniaire assortie du sursis et limite de six mois pour le prononcé d’une ordonnance pénale ; compétence du ministère public. Dans une ordonnance pénale, l’amende qui peut être infligée en sus de la peine en vertu de l’art. 352 al. 3 CPP n’entre pas dans le calcul de la limite de la peine privative de liberté de six mois. Une interprétation littérale de la loi atteste que cet article ne couvre pas uniquement l’amende ordonnée à la suite d’une contravention selon les art. 103 et 106 CP mais également celle prononcée en sus d’une peine assortie du sursis selon l’art. 42 al. 4 CP. Conformément à la formulation de cette disposition, si la peine pécuniaire ou la peine privative de liberté prévue dans l’ordonnance pénale est assortie du sursis, le ministère public a donc la possibilité de prononcer une amende additionnelle indépendamment d’une contravention, sur la base des art. 352 al. 3 CPP cum 42 al. 4 CPP.

ATF 146 IV 30 (f)

2019-2020

Art. 85 CPP al. 4 let. a, Art. 356 CPP al. 4

Fiction de retrait de l’opposition à l’ordonnance pénale (confirmation de jurisprudence) ; défaut aux débats de première instance. Dans le cadre d’une opposition à une ordonnance pénale, la fiction légale selon laquelle ladite opposition est réputée retirée en cas de défaut injustifié du prévenu aux débats ne s’applique pas lorsque celui-ci n’a pas connaissance de la citation à comparaître devant le tribunal de première instance et des conséquences d’une telle absence. La double fiction de notification et de fiction du retrait de l’opposition est interdite, en tant qu’elle méconnaît la garantie conventionnelle et constitutionnelle de l’accès au juge (art. 6 par. 1 CEDH et 29a Cst.). Une telle interdiction vaut également lorsque l’intéressé a pris part à la procédure d’opposition devant le ministère public et lorsque la citation à comparaître a été envoyée de manière réitérée, sous réserve des abus de droit. En effet, il ne peut être déduit de la participation du prévenu à son audition par le ministère public qu’il a effectivement conscience de sa citation ultérieure à comparaître devant le tribunal de première instance et des conséquences d’un défaut. Partant et sous peine de procéder à une double fiction prohibée, on ne peut conclure au retrait de l’opposition du prévenu qui n’a pas cherché le courrier recommandé contenant la convocation à comparaître à l’audience de première instance.