Droit des sociétés

Avis de surendettement ; dommage de poursuite d’exploitation. Pour établir le dommage causé par la poursuite de l’exploitation de l’entreprise, il faut se référer au surendettement existant lors du prononcé effectif de la faillite, puis soustraire le surendettement moindre prévalant au moment où la faillite aurait dû être prononcée si les organes s’étaient montrés vigilants (à ne pas confondre avec le moment, antérieur, où l’administrateur aurait eu des raisons sérieuses d’admettre que la société était surendettée). Celui qui intente l’action sociale en réparation du dommage causé à la société doit alléguer et prouver l’aggravation de la situation financière ; pour ce faire, il devra impérativement demander la mise en œuvre d’une expertise, car il n’appartient pas au juge de reconstituer l’état du patrimoine de la société, étant rappelé par le TF que seul un expert dispose des connaissances techniques nécessaires. L’art. 42 al. 2 CO (qui facilite la preuve lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi), ne dispense pas le demandeur de fournir au juge, dans la mesure où l’on peut raisonnablement l’exiger de lui, tous les éléments de fait qui constituent des indices sur l’existence du dommage et permettent ou facilitent son estimation. En l’espèce, la preuve du dommage n’a pas été apportée par les demanderesses, en tant que le surendettement à l’ouverture effective de la faillite n’a pas été allégué. En outre, les demanderesses ont confondu le dommage direct de la société avec le dommage indirect des créanciers sociaux, et ne peuvent dès lors se prévaloir de l’art. 42 al. 2 CO (fixation du dommage par le juge).

Avis au juge ; éléments déterminants pour admettre le surendettement. Aussitôt qu’il existe des raisons sérieuses d’admettre le surendettement d’une société anonyme, le conseil d’administration doit en aviser le juge, pour autant que la postposition de créances se révèle insuffisante et que les perspectives de succès des mesures d’assainissement n’apparaissent pas comme sérieuses. Afin de déterminer s’il y a des « raisons sérieuses » d’admettre le surendettement, le conseil d’administration ne doit pas se limiter à l’examen du bilan, mais doit également tenir compte d’autres signaux d’alarme liés à l’évolution de l’activité de la société, tels que l’existence de pertes continuelles ou l’état des fonds propres. En l’espèce, l’administrateur n’a pas agi tardivement en avisant le juge du surendettement dès qu’il a eu connaissance des difficultés financières et de la perte des apports financiers suffisants pour combler les pertes ou permettre la continuation de ses activités.

Responsabilité des administrateurs pour le paiement des cotisations AVS ; business defense. Tout nouveau membre du conseil d’administration est tenu de veiller au paiement des dettes de cotisations accumulées avant et pendant son mandat d’administrateur ; il répond donc en principe aussi bien des cotisations d’assurances sociales courantes que de celles qui étaient déjà dues avant le début de son mandat. En application de la « business defense », on admet toutefois que le non-paiement des cotisations AVS n’entraîne pas la responsabilité des administrateurs selon l’art. 52 LAVS lorsque l’employeur peut espérer sauver l’existence de l’entreprise. Il est donc licite d’honorer d’autres créances essentielles à la survie de l’entreprise (notamment celles des travailleurs et des fournisseurs), mais à condition de pouvoir supposer, sur la base des circonstances objectives et d’une appréciation réfléchie de la situation, que les cotisations dues pourront être payées ultérieurement dans un délai raisonnable. In casu, la société ayant enregistré des arriérés trop considérables pour les années 2011 à 2019, il ne s’agissait pas d’une impasse limitée dans le temps et la « business defense » n’entrait pas en ligne de compte.

Action révocatoire, prêt d’assainissement. La prolongation de la durée d’un prêt peut être considérée comme un prêt d’assainissement, non soumis à la révocation, si la volonté d’assainir est manifestée et que le comportement du créancier se distingue de celui d’un créancier ordinaire. On peut parler d’assainissement lorsque les mesures prévues visent à satisfaire intégralement les créanciers et à éviter la faillite ou une procédure concordataire.

Révocation de l’ajournement de faillite. Le tribunal met fin à l’ajournement de faillite de manière anticipée s’il constate que l’assainissement est devenu impossible ou que ses chances de succès sont réellement compromises. Tel sera le cas si le curateur n’accomplit pas la mission qui lui a été confiée. Si la société entend obtenir un sursis concordataire au moment de la révocation de l’ajournement, elle doit déposer une requête en ce sens ; à défaut, le tribunal prononce la faillite.