Droit des sociétés

Sortie de l’associé d’une société à responsabilité limitée pour justes motifs ; acquisition par la société de parts sociales propres. Si la sortie d’un associé d’une Sàrl détenant un taux de participation important a pour conséquence que la société détiendrait ses propres parts sociales d’une valeur nominale supérieure à 35 % du capital social, celle-ci ne doit pas être autorisée.

Droit de sortie d’un associé de la Sàrl. Trois possibilités sont envisageables s’agissant du sort des parts sociales d’un associé qui entend exercer son droit de sortie pour de justes motifs : (i) la société reprend les parts, (ii) la société les cède à un autre associé ou à un tiers, (iii) la société réduit son capital social. Cependant, la société ne peut pas détenir plus de 35% de ses propres parts sociales et son capital social ne peut être inférieur à CHF 20’000.-. Ces règles priment le droit de sortie de l’associé, qui ne peut donc pas être exercé si elles s’en trouvaient violées. À moins qu’une conclusion subsidiaire ne soit prise en ce sens, le tribunal ne peut pas ordonner une autre mesure, comme la dissolution de la société.

Art. 823 CO

Exclusion d’un associé. L’associé d’une Sàrl, qui organise une séance d’information réunissant de nombreux partenaires de distribution et d’employés de la SàRL à l’insu du directeur général de celle-ci et sans disposer de ses propres pouvoirs de gestion enfreint gravement son devoir de fidélité (art. 866 CO). Cette violation grave du devoir de fidélité et l’existence d’un profond désaccord entre l’associé et les organes de la SàRL justifient l’exclusion de l’associé (art. 823 CO).

Art. 825 et 805 al. 5 CO

Assemblée générale ; exclusion d’un associé. La décision judiciaire prononçant l’exclusion d’un associé d’une société à responsabilité limitée a un effet constitutif ex nunc. L’associé évincé peut donc se prévaloir de ses droits jusqu’à son exclusion, tel que le droit de convoquer l’assemblée générale.

Art. 823 CO

Exclusion d’un associé. Une Sàrl requiert l’exclusion d’un associé et le transfert des parts à la société elle-même, ce qui lui est refusé. La question litigieuse portée devant le TF est l’existence d’un juste motif au sens de l’art. 823 CO. Le TF rappelle que l’exclusion d’un membre au sens l’art. 823 CO nécessite l’examen du caractère raisonnable du maintien de la qualité de membre. Le juge dispose, pour ce faire, d’un pouvoir d’appréciation (art. 4 CC). De plus, cet examen varie selon le type de société : la réponse sera ainsi différente s’il s’agit d’une société organisée de manière capitalistique ou personnelle. Ainsi, en droit de la Sàrl, l’examen de l’existence d’un juste motif au sens de l’art. 823 CO doit tenir compte du cas concret dans une large mesure. C’est pourquoi, il appartenait à l’autorité précédente de prendre en compte l’ingérence d’un associé dans les activités opérationnelles de la recourante ainsi que l’existence d’une situation conflictuelle au sein d’une société organisée de manière personnelle.

Art. 760 CO

Faillite ; action en responsabilité contre les associés d’une Sàrl ; dommage de poursuite d’exploitation («Fortführungsschaden »). Une action en responsabilité est ouverte contre les associés d’une Sàrl tombée en faillite, qui auraient aggravé le surendettement de la société (art. 827 et 725 al. 2 CO). Le TF rappelle que c’est au demandeur de requérir du tribunal une expertise visant à établir les valeurs de liquidation au moment où la faillite aurait dû être prononcée et au moment où elle l’a effectivement été. En effet, ce n’est pas au juge, mais bien à un expert mandaté par le juge, de reconstituer l’état du patrimoine (consid. 4.1.2). Le Tribunal souligne aussi que le critère de la connaissance du dommage sert principalement à déterminer le moment à partir duquel le délai de prescription de cinq ans de l’action en responsabilité commence à s’écouler. Pour considérer le dommage comme étant suffisamment défini, il n’est pas nécessaire d’en connaitre le montant exact, mais il faut détenir suffisamment d’éléments pour en avoir une idée approximative (consid. 4.2.1). En conclusion, le TF constate que la partie demanderesse n’a pas établi l’ampleur de son dommage, ce qu’elle aurait impérativement dû faire. Partant, le recours est rejeté.

Art. 815 al. 2 CO ; retrait des pouvoirs de gestion et de représentation d’un gérant.

Selon l’art. 815 al. 2 CO, chaque associé d’une Sàrl peut demander au juge de retirer ou de limiter les pouvoirs de gestion et de représentation d’un gérant pour de justes motifs, en particulier si le gérant a gravement manqué à ses devoirs ou s’il est devenu incapable de bien gérer la société. La société possède la légitimation passive, ceci même lorsqu’elle ne compte que deux associés. S’il existe un juste motif, l’intérêt de la société prévaut. L’action ne sert pas à défendre les intérêts individuels du gérant ou des associés (consid. 3.2.2). Savoir si l’autorité précédente est tombée dans l’arbitraire lorsqu’elle a jugé que l’intérêt personnel de la gérante à l’annulation était fondamentalement insignifiant n’est pas évident. Toujours est-il que le résultat n’est pas arbitraire lorsque l’autorité précédente déduit de l’art. 261 al. 1 let. b CPC qu’il n’y a dans l’immédiat pas de préjudice difficilement réparable à priver quelqu’un des pouvoirs découlant du conseil d’administration ou obtenu par délégation (consid. 3.4).

Art. 55 al. 1 CPC ; 827 et 820 al. 1 CO ; responsabilité des organes sociaux.

žSuite à la faillite d’une Sàrl, gérée par deux époux, une société produit une créance reconnue par la faillie et portée à l’état de collocation. Après s’être fait céder les droits de la masse, la société ouvre action contre les époux. Dans un premier temps, le juge de district condamne les époux à payer solidairement CHF 50’200.-. Celui-ci a jugé qu’un premier prélèvement de CHF 10’000.- par l’un des époux pour « ristourne capital avance » doit être tenu pour contraire à l’art. 793 al. 2 CO, lequel proscrit à une Sàrl de restituer ses apports à l’un de ses membres. Un second prélèvement de CHF 40’200.- a été opéré par ce même époux pour les fonds propres pour la construction de sa boutique. Dans un second temps, le tribunal cantonal accueille l’appel des époux et rejette entièrement l’action. Selon le TF, les juges d’appel semblent perdre de vue que les défendeurs, en raison d’un conflit flagrant entre leurs intérêts pécuniaires personnels et ceux de la société et de ses créanciers, ne pouvaient en principe pas valablement conclure des contrats entre eux-mêmes et ladite société. En réalité, les époux sont devenus débiteurs de dommages-intérêts dès l’exécution des prélèvements, lesquels se trouvent à l’origine d’une diminution correspondante de l’actif social et ont ainsi causé un dommage à la société. Il importe peu que les époux fussent alors solvables ou au contraire obérés. Recours admis. Jugement d’appel annulé et jugement par le juge de districts confirmé.

TF 4A_666/2015

2015-2016

Art. 680 al. 2 CO

Prêt à l’actionnaire ; convention de vente d’actions.

Les parties ont conclu un contrat de vente (avec une clause contenant une quittance pour solde de tout compte) ayant pour l’objet les parts sociales d’une SàRL (société qui avait octroyé par le passé un prêt à l’actionnaire vendeur). L’actionnaire vendeur prétend à tort qu’il n’est plus dans l’obligation de rembourser son prêt à la SàRL en vertu de la clause contractuelle. Le TF confirme qu’en raison du principe de la relativité des contrats, le contrat de vente n’est pas opposable à un tiers, en l’espèce, la SàRL objet du contrat. De plus, l’actionnaire cessionnaire invoque à tort la levée du voile corporatif afin de favoriser une interprétation du contrat lui étant favorable (selon laquelle le contrat déploierait des effets à l’égard d’une tierce personne, en l’espèce la SàRL). Donc l’actionnaire vendeur ne peut opposer la clause contractuelle contenant la quittance pour solde de tout compte faisant partie du contrat de vente à la SàRL et se trouve dans l’obligation de rembourser son prêt.

Art. 827 CO

Responsabilité des associés gérants d’une société à responsabilité limitée. Lorsque des prétentions en responsabilité contre les organes de la société faillie ont été cédées à plusieurs créanciers, il n’y a consorité qu’entre les cessionnaires qui ont décidé de faire usage de la prétention cédée (consid. 5.1). Il appartient aux gérants de veiller au respect de l’obligation de tenir une comptabilité conforme (consid. 6.1.2). Il est conforme à l’expérience de la vie d’admettre qu’une mauvaie tenue de la comptabilité pendant plusieurs années est susceptible de provoquer la faillite d’une société (consid. 6.3.2.).

Art. 812 al. 2 CO

Retrait du pouvoir de gérer et de représenter d’un associé gérant. L’action en retrait du pouvoir de gérer et de représenter la société concerne l’intérêt de la société à une organisation lui permettant de poursuivre son but. C’est donc la société et non le gérant mis en cause qui a qualité pour défendre à cette action.

Art. 812 al. 1 CO

Devoir de rendre compte du gérant. Action en reddition de comptes dirigée contre un gérant démissionnaire. La relation juridique entre le gérant et la société à responsabilité limitée s’apparente certes à un mandat, mais il s’agit d’une relation sui generis; on ne saurait déduire de l’art. 812 al. 1 CO un devoir de rendre compte à la société. Les devoirs de renseigner les associés, l’assemblée des associés et l’organe de révision sont par ailleurs réglés explicitement aux art. 802, 804 ss et 817 CO (consid. 3.2.2). Lorsque le gérant est également employé (ou mandataire) de la société, il en résulte une double relation juridique, ce qui a pour conséquence que l’employé gérant doit respecter aussi bien le devoir de fidélité de l’employé (art. 321a CO) que celui de l’organe (consid. 3.1).

TF 4A_127/2013 (d)

2012-2013

Art. 827 CO

Responsabilité du gérant d’une Sàrl. Action de la créancière qui s’est fait céder les droits de la Sàrl en faillite. Contrat du gérant avec lui-même. Le contrat avec soi-même, ainsi que la double représentation, nécessitent une autorisation ou une ratification pour être valables, à moins que l’affaire ne présente pas de risque de désavantage pour la société (consid. 6.1). Il faut que la nature de l’affaire exclue tout désavantage pour le représenté (consid. 6.2). En l’espèce, confusion dommageable entre l’entreprise individuelle du gérant et la Sàrl (consid. 8).

TF 4A_72/2012

2011-2012

Art. 815 al. 2 CO

Requête de mesures provisionnelles tendant à suspendre le droit de gestion et de représentation d’un associé. Le fait de ne pas retirer les pouvoirs à un associé gérant qui chercherait à bloquer le fonctionnement de la société est indéniablement propre à causer préjudice à la société et, par ricochet, à l’associé demandeur (consid. 1.2). La violation de l’interdiction de concurrence et la violation du devoir de loyauté peuvent être des justes motifs au sens de l’art. 815 al. 2 CO (consid. 3.3). Les comportements reprochés au gérant attaqué n’ayant pas été suffisamment établis en l’espèce, le recours est rejeté (consid. 3.3).

TF 4A_451/2008

2008-2009

Art. 783 CO

Les obligations qui ont été contractées expressément au nom de la future société engagent exclusivement cette dernière si elle les assume dans les trois mois à dater de son inscription. Le créancier n’a pas besoin de donner son consentement à la reprise de la dette par la société et ce même si la société ne peut pas honorer ses engagements. Pour être libérés de leurs engagements personnels, les auteurs doivent agir « expressément » au nom de la société à constituer. Le créancier doit pouvoir comprendre, au moment de la conclusion du contrat, que son futur partenaire sera la société (consid. 2.1).

TF 9C_204/2008

2008-2009

Le devoir de diligence du gérant comprend le contrôle du paiement des cotisations sociales. Il importe peu à cet égard qu’il se soit vu attribuer une responsabilité technique et non administrative dans l’organisation interne de la société (consid. 3.1). Le paiement des cotisations sociales peut exceptionnellement être différé s'il permet de sauver l'entreprise en libérant les actifs nécessaires à l'acquittement d'obligations vitales (rappel de la jurisprudence). Cette exception n'est admissible que dans le cas où l'employeur pouvait inférer des circonstances, au moment où les cotisations auraient dû être versées, qu'elles pourraient l'être dans un délai raisonnable (consid. 3.3). La renonciation de l'entrepreneur à son salaire ne constitue pas en soi une preuve libératoire suffisante (consid. 3.3).