Droit des sociétés

Art. 18 CO

Relation fiduciaire ; convention d’arbitrage au sein de statuts. Deux associés d’une Sàrl sont liés par un contrat de fiducie, selon lequel le premier s’engageait à détenir 50% de parts sociales à titre fiduciaire pour le second. Ce dernier devait recevoir une part des recettes de la Sàrl. Après avoir retrouvé la propriété de ses parts sociales, le fiduciant attrait le fiduciaire devant un tribunal étatique en paiement de CHF 100'000.- plus intérêts en raison d’une violation du contrat de fiducie. La question est de savoir si le litige entre les associés entre ou non dans le champ de la clause d’arbitrage figurant dans les statuts de la Sàrl, et soumettant tous les litiges relatifs aux affaires sociales (« Gesellschaftsangelegenheit») entre associés ou entre associés et direction, à un tribunal arbitral. Le TF commence par rappeler que la méthode d’interprétation varie selon la taille de la société. En l’occurrence le principe de confiance trouve application. Le terme « d’affaire sociale » doit être interprété strictement et ne correspond qu’aux litiges de droit des sociétés. Le litige opposant les associés trouve sa source dans le contrat de fiducie. Partant, le litige est de nature contractuelle et n’est pas arbitrable.

Art. 164 et 683 CO ; cession d’actions au porteur non incorporées dans un papier valeur ; fardeau de la preuve.

Deux administrateurs vendent 30 actions à un employé de la société. Le prix est payé mais aucun certificat d’actions n’est remis à l’employé. Ce dernier exige la délivrance des actions et le paiement des dividendes non versés afférant aux trois derniers exercices. La société considère que la propriété des actions n’a jamais été transférée. Le TF rappelle que le titulaire d’actions au porteur non incorporées ne peut être identifié que sur la base d’une chaîne ininterrompue de cessions. Ainsi, l’employé ayant acquis les actions aurait dû apporter la preuve d’une chaîne ininterrompue de cessions remontant jusqu’à la fondation de la société, ce qu’il n’a pas fait. En outre, même si la société était partie à la convention de vente et d’emption, l’employé savait pertinemment que les actions n’avaient pas été émises et était conscient de la preuve à fournir.

Art. 221 al. 1 let. a CPC.

La succursale et le siège de la société constituent ensemble une seule et même entité juridique. En tant que telle, la succursale ne peut pas revêtir la qualité de partie ni ester en justice. Si la succursale figure sur la page de garde (« Rubrum ») d’une demande en justice, il ne peut y avoir de doute sur l’identité de la partie, qui est l’établissement principal. Ainsi tout risque de confusion pouvant être exclu, une correction de la désignation de la partie doit être autorisée selon le TF. Le tribunal de première instance aurait donc dû corriger la désignation de la partie ou au moins donner au recourant l’opportunité de le faire.

TF 4A_243/2016

2015-2016

Art. 93 al. 1 let. b LTF

Autorité de la chose jugée ; décision préjudicielle.

Lorsqu’une partie souhaite obtenir une décision préjudicielle, il n’est pas suffisant d’alléguer qu’ « une procédure probatoire longue et couteuse sera évitée », il faut indiquer de manière détaillée quelles questions de fait sont litigieuses et quelles preuves doivent encore être administrées. En tout état de cause, lorsque les prétentions litigieuses portent sur un solde de compte postal et des sommes versées par des débiteurs poursuivis, il parait peu probable que cela nécessite une procédure probatoire longue et couteuse.

TF 4A_36/2016

2015-2016

Art. 151 al. 1 et 2 LDIP

Compétence des autorités ; différend relevant du droit des sociétés.

Les tribunaux du siège de la société ou du domicile du défendeur, ou lorsqu’il fait défaut, de la résidence habituelle du défendeur sont compétents pour connaître des actions en rapport avec une société étrangère ou suisse.

Art. 731CO

Carences dans l’organisation d’une société, faute de réélection du conseil d’administration. Lorsque l’assemblée générale se prononce sur le renouvellement du mandat d’un administrateur et que celui-ci n’obtient pas les voix nécessaires à sa réélection, son mandat prend fin. Une clause statutaire prévoyant dans ce cas de figure une réélection automatique des administrateurs restreindrait le droit inaliénable de l’assemblée générale de nommer les membres du conseil d’administraiton (consid. 2.6).

Art. 731CO

Défaut de réviseur. Les mesures prévues à l’art. 731b CO en cas d’absence d’un organe sont dans un rapport de subsidiarité, les mesures plus sévères n’étant ordonnées que si la fixation d’un délai pour réparer la carence apparaît inutile. En principe, si la société ne nomme pas d’organe de révision dans le délai fixé par le juge, il convient de nommer d’office un réviseur (consid. 2.1.4). Lorsque la société, après plusieurs prolongations successives du délai, remet au registre du commerce une réquisition d’inscription d’un réviseur formellement irrecevable, la dissolution reste une mesure trop sévère.

TF 4A_158/2013 (d)

2012-2013

Art. 731b CO

Carences dans l’organisation des sociétés ; défaut de réviseur. Lorsque la société, avertie sur la carence que constitue l’absence de réviseur, ne réagit ni dans le délai imparti par le registre du commerce, ni dans celui fixé par le juge cantonal, la dissolution n’est pas disproportionnée, à plus forte raison lorsque l’administrateur unique de la société est un avocat
inscrit au barreau, qui doit donc se rendre compte de la portée et de l’importance de la sommation du registre du commerce (consid. 2.1.6). En effet, il y a lieu de présumer que la société n’aurait pas réagi en cas de nomination d’un
réviseur par le juge et n’aurait pas versé l’avance de frais au sens de l’art. 731b al. 2 CO. Une mesure moins sévère que la dissolution n’aurait donc eu aucun effet.

TF 4A_161/2013 (d)

2012-2013

Art. 731b CO

Carences dans l’organisation des sociétés ; incapacité décisionnelle du conseil d’administration. Le catalogue de l’art. 731b al. 1 CO n’est pas exhaustif ; le juge peut ordonner des mesures qui ne sont pas explicitement prévues par la loi. Il lui est ainsi permis d’ordonner la révocation de l’administrateur d’une société et de nommer un commissaire à sa place lorsque le conseil d’administration n’est pas composé conformément aux prescriptions et qu’il est incapable d’agir (consid. 2.2.1).

TF 4A_4/2013 (f)

2012-2013

Art. 731b CO

Carences dans l’organisation des sociétés ; défaut de réviseur. Principe de proportionnalité dans les mesures ordonnées en application de l’art. 731b CO ; la dissolution de la société est l’ultima ratio ; elle s’impose notamment lorsque des décisions ne peuvent pas être notifiées ou que la société ne se fait entendre d’aucune façon. Tel n’est pas le cas lorsque le gérant de la société fait appel de la décision de dissolution ; le cas échéant, le juge de l’appel doit se demander si une sommation ou la nomination d’office du réviseur aux frais de la société sont aptes à remédier à la carence (consid. 3.3).

TF 4A_411/2012 (d)

2012-2013

Art. 727a al. 2, 731b CO

Carences dans l’organisation des sociétés ; défaut de réviseur. Dissolution judiciaire d’une société ayant renoncé à la révision, mais ayant tardé à remettre au registre du commerce les pièces nécessaires à l’inscription de cette renonciation. En l’absence de réviseur, la mesure qui s’impose est en principe la nomination d’office de l’organe. La dissolution n’est pas justifiée lorsque la société répond aux communications de l’autorité et est financièrement viable, quand bien même elle fait preuve de mauvaise volonté dans la remise des justificatifs au registre du commerce (consid. 2, 2.2.2). Lorsqu’il nomme un réviseur d’office, le juge astreint la société à verser une provision à l’organe ainsi nommé. Il fixera à cet égard
un délai à la société ; faute de paiement, la société pourra être dissoute d’office (consid. 2.2.3).

ATF 137 III 550

2011-2012

Art. 2 al. 2 CC

Confusion des sphères juridiques d’une société et de sa filiale. En principe, les sociétés-filles peuvent se prévaloir de leur indépendance juridique par rapport à leur société-mère. Si les sphères des deux sociétés se confondent, la société-mère répond aux côtés de la filiale  (consid. 2.3.1). Lorsqu’il est impossible de distinguer une société-mère de sa filiale en raison d’une raison sociale très semblable, d’un siège identique, d’un but social analogue et de représentants communs, le principe de la bonne foi impose que la société mère et sa filiale puissent toutes deux être recherchées par une action en responsabilité (consid. 2.4).

ATF 138 III 294

2011-2012

Art. 731b al. 1 CO

Carence dans l’organisation de la société en raison d’un blocage dans l’actionnariat empêchant l’élection d’un organe de révision. Dans la procédure de l’art. 731b CO, le juge n’est pas lié par les conclusions des parties (consid. 3.1.3). Il existe toutefois une gradation dans le catalogue de mesures de l’art. 731b al. 1 CO : la dissolution ne devrait être ordonnée que lorsque les mesures moins sévères ne suffisent pas à rétablir la situation légale ou sont restées sans succès ; le principe de proportionnalité doit être respecté (consid. 3.1.4). La dissolution sur la base de l’art. 731b al. 1 ch. 3 CO ne doit pas permettre de contourner les conditions très strictes de la dissolution pour justes motifs (art. 736 ch. 4 CO) (consid. 3.1.6). Lorsque la société sans réviseur est saine, fonctionnelle et capable d’être représentée à l’extérieur, la mesure qui s’impose est la nomination de l’organe par le juge (art. 731b al. 1 ch. 2 CO) (consid. 3.3.1).

TF 4A_417/2011

2011-2012

Art. 2 CC

TF 4A_417/2011 du 30 novembre 2011 (f)

Principe de transparence (Durchgriff). La société anonyme est une personne morale distincte de ses membres et les actionnaires ne sont pas personnellement responsables des dettes sociales. De même, un administrateur ou un liquidateur ne doit pas être confondu avec la société elle-même. L’application du principe de la transparence présuppose une identité économique des personnes et l’invocation abusive de la dualité pour en tirer un avantage injustifié (consid. 2.3). Conditions niées en l’espèce.

TF 4A_500/2011

2011-2012

Art. 97 CO

ž TF 4A_500/2011 du 8 mai 2012 (d)

Vente d’actions. Contrat de vente d’actions dans lequel les parties conviennent que la société transférée versera une rente pour un droit de superficie accordé par le vendeur à ladite société. Interprétation de la clause stipulant le montant de la rente selon le principe de la confiance. Le prix de vente des actions était clairement lié au montant de la rente. Par conséquent, l’acheteur, en concluant le contrat de vente d’actions, s’obligeait non seulement à payer le prix fixé pour les actions, mais aussi à se servir du contrôle qu’il avait sur la société pour s’assurer du paiement de la rente convenue (consid. 3.2). N’ayant pas exécuté cette dernière obligation, l’acheteur doit des dommages et intérêts si la société ne paie pas la rente convenue (consid. 3.3).

TF 4A_522/2011

2011-2012

Art. 731b CO

TF 4A_522/2011 du 13 janvier 2011 (d)

L’art. 731b CO permet d’agir notamment lorsqu’un organe imposé par la loi n’est plus capable d’agir, p. ex. lorsque la gestion d’une société est devenue impossible sur la durée en raison d’un blocage durable au sein du conseil d’administration (consid. 2.1). Le conflit d’intérêts inhérent au double mandat d’administrateur dans une holding et sa filiale, en tant que moyen de concrétiser une gestion de groupe, n’est pas constitutif d’un défaut dans l’organisation au sens de l’art. 731b CO (consid. 2.3).

ATF 137 III 255

2010-2011

Art. 697h al. 2 CO

Le créancier qui demande à consulter les comptes doit justifier de sa qualité de créancier et d’un intérêt digne de protection. Il suffit toutefois qu’il rende fortement vraisemblable que ces conditions sont remplies (consid. 4.1.2). Pour apprécier l’existence d’un intérêt juridiquement protégé, il convient de tenir compte de l’ensemble des circonstances de fait pouvant justifier une consultation des comptes par le créancier. Un simple intérêt général découlant de la qualité de créancier, par exemple pour satisfaire sa curiosité ou pour se renseigner sur la concurrence ne suffit pas. En revanche, la consultation des comptes est justifiée lorsque la créance semble être en péril, c’est-à-dire qu’elle n’est pas réglée à temps ou que d’autres signes laissent penser que la société a des difficultés financières. Dans ces circonstances, le créancier n’a pas à démontrer que la société a des difficultés financières. Il lui suffit de démontrer des faits concrets faisant apparaître son besoin d’information comme digne de protection. Ainsi, l’intérêt digne de protection ne doit pas être apprécié de manière trop sévère. Une pesée des intérêts s’impose toutefois. Un créancier ayant obtenu une mainlevée provisoire pour une créance d’un montant légèrement supérieur à CHF 1 000 000.- dispose d’un intérêt digne de protection de pouvoir estimer avant l’ouverture d’un procès s’il peut effectivement compter avec le remboursement de sa dette en cas de succès. Des changements répétés dans les modalités de paiement de la créance constituent une preuve suffisante de difficultés financières de la société dans le cadre de l’appréciation de l’intérêt digne de protection (consid. 4.2.2).

Art. 697 CO

Droit de l’actionnaire à l’information. L’exercice par l’actionnaire de son droit à l’information n’est soumis à aucun délai et le seul écoulement du temps ne peut conduire à un abus de droit. En revanche, l’actionnaire peut user abusivement de ce droit s’il fait indirectement pression sur le conseil d’administration afin que ce dernier retire un objet porté à l’ordre du jour de l’assemblée générale des actionnaires.

Art. 628 al. 2 CO

Reprise de biens ; Portée de l’ATF 128 III 178. La dispense d’annoncer les reprises de biens faisant partie de la marche normale des affaires de la société (à constituer) a une portée générale et ne peut être restreinte uniquement aux ventes aux enchères forcées.

Art. 8 let. d LLCA

Lorsqu’un cabinet d’avocats est organisé en société anonyme, celle-ci doit veiller à être durablement contrôlée par des avocats (consid. 11). Les statuts doivent ainsi prévoir : que les décisions de l’AG ne sont valables que si – respectant les quorums légaux et statutaires – elles reposent sur une majorité de votants inscrits au registre des avocats (consid. 11.1) ; que les décisions prises par le conseil d’administration ne sont valables que si elles reposent sur une majorité de membres inscrits au registre des avocats (consid. 11.2).

TF 4D_137/2008

2008-2009

Art. 419 CO et art. 422 CO

Contrat d’entreprise portant sur une installation électrique conclu avec une société anonyme. Le fait que l’ouvrage soit utilisé par une personne physique, actionnaire unique de la personne morale, ne permet pas d’en déduire que l’entrepreneur agit dans le cadre d’une gestion d’affaires sans mandat pour l’actionnaire personnellement. Une telle construction néglige la personnalité juridique de la société anonyme et instaure une responsabilité directe (Haftungsdurchgriff) inadmissible de l’actionnaire (art. 620 al. 2 CO) (c. 2.2).

ATF 133 III 562

2007-2008

Art. 61 et 64 al. 1 LDFR

Application de la LDFR à des sociétés anonymes, procédure d'autorisation, exception au principe de l'exploitation à titre personnel. Le transfert d’immeubles agricoles à une société sœur ne constitue pas à proprement parler une vente à soi-même, mais bien un transfert de propriété, et partant, une acquisition au sens de l’art. 61 al. 3 LDFR (c. 4.3). L’opération est donc soumise à autorisation, laquelle doit normalement être refusée lorsque l’acquéreur n’est pas exploitant à titre personnel, sauf preuve de l’existence d’un juste motif au sens de l’art. 64 al. 1 LDFR (c. 4.4.1). Rejet des justes motifs invoqués en l’espèce (modification au sein de l’actionnariat de la société sœur détentrice du bien-fonds et souhait des anciens actionnaires de conserver le domaine dans leur patrimoine en transférant ledit bien-fonds à la seconde société sœur c. 4.4.2).