Droit des sociétés

Art. 18 CO al. 1

Interprétation de la volonté des parties. Sur la base d’une convention d’actionnaires contenant des clauses de call-option et de put-option, A Group AG exerce son option d’achat (call-option) et rachète les actions restantes de D SA. Peu après, D SA perd son client le plus important, événement censé conduire, selon la convention d’actionnaires, à une réduction du prix d’achat des actions. Il résulte toutefois du comportement des parties que la réduction était due uniquement en cas d’exercice de la put-option. En effet, dans le cadre de la procédure arbitrale antérieure, A Group AG ne s’est pas prononcée sur l’application de la clause de réduction de prix tandis que la défenderesse a affirmé qu’une réduction de prix était due uniquement en cas d’exercice de la put-option, affirmation qui n’avait pas été clairement contredite par A Group AG.

Art. 685, 685a et 685b CO

Droit de préemption ; escape clause ; restrictions de transmissibilité. Un actionnaire majoritaire souhaite se séparer de ses actions, en les vendant à H, gérant de l’hôtel que la SA exploite. La sœur de l’actionnaire bénéficie d’un droit de préemption contractuel, qu’elle choisit d’exercer. H menace de quitter son poste de gérant si le droit de préemption est mis en œuvre. En tant qu’il s’agit d’actions nominatives liées, la société refuse le transfert des actions et offre de les reprendre pour le compte de H, en application de l’art. 685b CO. La sœur conteste cette décision. Le TF donne raison à la société : en premier lieu, le droit de préemption est un droit purement contractuel, qui ne lie en aucune manière la société. En outre, même si l’actionnaire majoritaire peut exercer une influence importante sur le conseil d’administration et lui donner certaines instructions, ce dernier reste lié par son obligation de fidélité et de diligence, et doit faire passer les intérêts de la société avant ceux de l’actionnaire majoritaire. C’est ce qu’il a fait, en considérant que le départ de H aurait été préjudiciable pour la société et que l’arrivée d’un nouvel actionnaire aurait entrainé de grandes incertitudes quant au futur de la société. Enfin, la décision du conseil d’administration ne s’analyse pas selon la business judgement rule, car il ne s’agit pas d’une décision d’ordre purement commerciale.

(figure sous sa référence non publiée dans l’édition précédente, arrêt du TF 4A_45/2017 du 27 juin 2017).

Art. 716b al. 3 CO ; convention d’actionnaires ; résiliation du contrat de travail d’un membre du conseil d’administration ; vente d’actions.

A, B et F sont tous trois actionnaires et membres du conseil d’administration d’une société anonyme. A et B sont liés par une convention d’actionnaires leur assurant à chacun un siège au conseil d’administration. A a vendu ses actions à B et F suite à son renvoi du conseil d’administration par ces derniers. A et la société anonyme, représentée par B et F, ont conclu simultanément à cette vente une convention par laquelle la société anonyme acceptait de payer un bonus à A. A a ensuite intenté une action en paiement contre B fondée sur la violation de la convention d’actionnaires. Selon le TF, B a violé son obligation figurant dans la convention d’actionnaires d’attribuer un siège au conseil d’administration à A mais l’accord conclu suite au renvoi de ce dernier soldait toutes les exigences de celui-ci, dès lors qu’il n’a pas réservé ses droits lors de la signature de l’accord. Il convient encore de mentionner que A a lui-même reconnu, durant la procédure de première instance, que la convention d’actionnaires perdait toute validité avec la signature de l’accord. Le TF a donc rejeté le recours.

Art. 27 a. 2 CC ; convention d’actionnaires ; engagement excessif.

Le recourant conteste la validité d’une convention d’actionnaires déployant des effets depuis 30 ans et ne comportant pas de clause de résiliation en invoquant la violation de la protection de la personnalité contre les engagements excessifs. Le TF rappelle que nul ne peut aliéner sa liberté, ni s’en interdire l’usage dans une mesure contraire aux lois ou aux mœurs. La jurisprudence fédérale estime qu’aucun contrat ne peut être conclu pour une durée perpétuelle. Lorsque le contrat ne prévoit pas de clause de résiliation, la date à laquelle la relation contractuelle peut être résiliée s’interprète en fonction des circonstances du cas d’espèce. En ce qui concerne la liberté économique, le TF est réticent à accepter une violation de l’art. 27 al. 2 CC. Une restriction contractuelle à la liberté économique est considérée comme excessive uniquement lorsqu’une personne obligée se livre à la volonté arbitraire d’une autre personne, lorsqu’elle abolit sa liberté économique ou lorsqu’elle la restreint tellement que les fondements de son existence économique sont en danger. L’art. 27 al. 2 CC ne protège pas contre les contrats à long terme, mais contre les engagements excessifs. En l’espèce, la convention d’actionnaires ne comporte pas de clauses excessives en elles-mêmes, mais représente une restriction considérable de la liberté d’organiser de sa succession. La convention d’actionnaires apparaît dès lors comme étant excessivement restrictive au sens de l’art. 27 al. 2 CC et cesse ainsi de déployer ses effets de manière ex nunc. Le TF admet partiellement le recours.

Art. 18 CO ; convention d’actionnaires ; droit d’emption ; évaluation du prix.

Une SA engage un nouvel employé et lui remet 130 actions, en concluant une convention d’actionnaires avec l’employé, qui prévoit entre autres un droit d’emption exclusif et irrévocable en faveur de la société. L’employé est licencié six mois plus tard. Les parties ne parviennent pas à s’accorder sur le prix. En ce qui concerne la fixation du prix par action, la convention prévoit que les parties devront tenter de parvenir à un accord et, à défaut d’un tel accord, désigner un expert. En raison d’une ambiguïté dans la formulation de la clause, rédigée en anglais (« the valuation procedure [shall commence] by mandating the Expert if no agreement on the price can be reached within another twenty calendar days »), le TF est appelé à trancher la question suivante : le délai de vingt jours prévu dans la convention est-il le délai dans lequel les parties doivent tenter de trouver un accord, avant de pouvoir mandater un expert, ou s’agit-il du délai durant lequel un expert doit être mandaté ? Après avoir rappelé les principes généraux concernant l’interprétation des manifestations de volonté, la Haute Cour arrive à la conclusion qu’il s’agit là du délai pour trouver un accord. Passé ce délai, les parties peuvent demander une expertise.