Droit des sociétés

Enrichissement illégitime. Une coopérative perçoit des cotisations qui ne sont pas prévues par les statuts. La valeur litigieuse de CHF 30’000.- n’est pas atteinte, le recours n’est donc pas recevable devant le TF au regard de l’article 74 al. 1 let. b LTF. Le recourant fait toutefois valoir une question juridique de principe, ouvrant la voie de l’article 74 al. 2 let. a LTF. Le recourant se prévaut de l’argument selon lequel les statuts ne sont pas des faits nouveaux au sens de l’article 317 CPC, et qu’ils devraient être retenus d’office lors de l’établissement des faits. Si tel était le cas, le paiement sans cause serait alors réalisé volontairement, ne donnant pas droit à la restitution sous l’angle de l’enrichissement illégitime. Le TF considère toutefois qu’il ne s’agit pas d’une question juridique de principe.

Intervention accessoire et société coopérative. Intervention accessoire indépendante (art. 74 CPC) d’un membre de l’administration de sociétés coopératives, dans le cadre d’une procédure judiciaire dirigée contre les sociétés coopératives par un tiers, visant à faire constater la nullité de l’octroi au membre de l’administration d’un pouvoir de signature individuelle. L’intervention accessoire peut être dépendante ou indépendante. Elle est indépendante lorsque le litige modifie directement la situation juridique de l’intervenant accessoire. Le TF a estimé qu’il n’était pas possible de suivre le point de vue de l’autorité précédente, qui estimait en substance que le membre de l’administration habilité à gérer et représenter (individuellement) les sociétés coopératives ne pouvait pas être considéré comme un tiers par rapport aux sociétés coopératives. Selon le TF, le fait que l’organe fasse partie de la direction des coopératives et soit au courant de la procédure principale dirigée contre les coopératives ne fait pas de lui une partie principale qui serait déjà impliquée dans la procédure. Dans son raisonnement, l’autorité précédente s’était basée sur des développements doctrinaux relatifs aux sociétés de personnes (société en nom collectif et société en commandite) et avait apparemment et en substance estimé que le membre de l’administration qui dispose du pouvoir de gérer la société peut exercer une influence sur la société, ce qui le disqualifierait en tant que tiers. Le TF rappelle à cet égard que ces développements, concernant des sociétés de personnes qui ne disposent pas de la personnalité morale, ne sont pas transposables à la société coopérative, qui constitue une personne morale. Le TF a par ailleurs estimé que l’examen par l’autorité précédente de l’existence d’une éventuelle responsabilité individuelle illimitée pour les dettes de la société coopérative (art. 869 CO) de l’intervenant accessoire, afin de déterminer son intérêt juridique, n’avait pas lieu d’être, dans la mesure où la procédure judiciaire ne concernait pas une éventuelle responsabilité patrimoniale de l’intervenant (mais son pouvoir de gestion).

Exclusion d’un associé. L’associé d’une coopérative est exclu pour trois motifs distincts, il avait surfacturé des moteurs de stores, profité du travail gratuit d’employés de la société, et tenté de convaincre des employés de donner leur démission. L’ex-associé demande que le jugement soit révisé (art. 123 al. 2 let. a LTF) en invoquant que certains employés auraient été menacés de licenciement pour faire de fausses déclarations à son endroit. Il n’aurait donc pas bénéficié de leur travail gratuit. Cependant, de tels faits nouveaux, bien que susceptibles d’être un motif de révision, ne concernent qu’un des trois motifs pour lesquels il a été exclu, et ne sont donc pas suffisants pour entraîner la révision du premier jugement.

TF 4A_370/2015

2015-2016

Art. 831 al. 2 et 731b CO

Nombre minimum de membres ; carence dans l’organisation.

Une nomination des membres de la société coopérative par le juge sur la base de l’art. 731b CO ne peut pas être envisagée. En l’espèce, le nombre d’associés est descendu à quatre. Afin que le minimum légal de sept membres soit respecté, les membres restants ont admis leur épouse. Le TF n’a pas répondu à la question de savoir si l’assemblée générale d’une société coopérative qui comptait moins de sept membres pouvait prendre une décision de liquidation ou doit nécessairement faire appel à un juge.

Art. 828 ss CO

Admissibilité de bons de participation dans une coopérative. Le droit de la coopérative ne contient pas de lacune quant à l’admissibilité de bons de participations. Il ressort au contraire de l’intention du législateur que l’introduction de bons de participation doit s’accompagner de mesures de protection des participants et que celle-ci doit impérativement passer par la voie législative (consid. 3.6.5).

Art. 842 CO

Société coopérative, indemnité de départ indépendante. Les statuts de la coopérative peuvent subordonner le droit de sortie de l’associé à d’autres conditions que celles résultant des art. 842 al. 2 (devoir de réparer le préjudice subi par la coopérative) et 843 al. 1 CO (exclusion de la sortie pour une durée de cinq ans au plus) pour autant que l’exercice de ce droit n’en soit pas rendu onéreux à l’excès au sens de l’art. 842 al. 3 CO. Obliger l’associé sortant à payer une indemnité indépendante de tout préjudice porté à la société pourrait pratiquement rendre très difficile, voire même annihiler la liberté de sortie, garantie à tout sociétaire par l’art. 842 al. 1 CO. Une clause statutaire prévoyant ce type de peine conventionnelle est nulle (consid. 2.1).

Art. 828 CO

Admissibilité d’un capital-participations dans une société coopérative. Les travaux préparatoires des dernières révisions du droit des sociétés n’excluent pas explicitement qu’une coopérative puisse émettre des bons de participation ; il n’y a donc pas de silence qualifié du législateur sur ce point, mais une lacune proprement dite (consid. 10.6, 11, 12). L’émission de bons de participation par une coopérative de crédit ne viole aucune norme impérative du droit de la coopérative et est conciliable avec les caractéristiques essentielles de ce type de société (consid. 16 ss).

Art. 831 al. 2 CO, art. 731b CO

(publication prévue)

Dissolution d’une coopérative. Si le nombre d’associés d’une coopérative passe en dessous de sept, cette coopérative disparaît. Elle existe encore formellement par l’inscription au registre du commerce, mais elle n’existe plus matériellement. Or, une mesure judiciaire n’est pas à même de recréer cette société (consid. 2.5.2). Pour cette raison, le juge peut uniquement fixer un délai à la société pour rétablir la situation légale (art. 731b al. 1 ch. 1 CO) ou prononcer la dissolution de la société (art. 731b al. 1 ch. 3 CO). Il ne peut, en revanche, pas nommer de nouveaux membres en application de l’art. 731b al. 1 ch. 2 CO.

TF 4A_459/2010

2010-2011

Art. 846 CO

Exclusion d’une coopérative pour justes motifs. Un juste motif d’exclusion est donné lorsque, pour des raisons imputables à l’associé, on ne peut raisonnablement exiger de la société qu’elle maintienne en son sein l’associé en question (consid. 2.2.2). Le but de cette disposition étant de permettre à la société de se protéger contre le comportement d’un associé qui risque de lui causer des dommages, il n’est pas nécessaire qu’elle apporte la preuve d’un dommage effectif pour que l’exclusion soit justifiée (consid. 2.2.2). Lorsque, dans le cadre de son activité, la société est amenée à conclure des contrats de prêt et à obtenir des cautionnements ou subventions des autorités publiques, la réputation de ses associés est une des conditions essentielles de la réussite de ses projets (consid. 2.3). L’exclusion d’un associé suite, notamment, à sa condamnation pénale pour des infractions d’ordre patrimonial graves est donc justifiée.

Art. 846 ss CO

Exclusion de la société pour justes motifs.

Constitue un juste motif permettant l’exclusion de la société la violation du devoir de fidélité imposé par l’art. 866 CO. Tel est le cas lorsque l’attitude d’un coopérateur-locataire, membre d’une coopérative, fonde une résiliation extraordinaire du contrat de bail le liant à la coopérative.

Art. 879 ss CO et 269 ss CO

Coopérative d’habitation ; contrat de bail, application des dispositions du CO relatives à la protection des locataires. Le droit de la société coopérative n’offre pas au coopérateur-locataire une protection qui rendrait superflu le recours aux dispositions protectrices des art. 269 ss CO. Si le coopérateur-locataire devait agir par la voie d’une action ordinaire en annulation de la décision de l’assemblée générale afin d’obtenir une réduction du loyer par hypothèse abusif, il serait privé des avantages dont le législateur a voulu faire bénéficier le locataire qui veut contester la fixation initiale ou subséquente de son loyer (c. 5.2.1). Le fait que certains des coopérateurs-locataires contestent la fixation de leur loyer et que d’autres s’en accomodent n’implique pas de violation du principe d’égalité de traitement des membres d’une société coopérative, car cela ne résulte pas d’une décision des organes de la société, mais du comportement de chaque associé (c. 5.2.2). Le coopérateur-locataire est lié à la coopérative d’habitation par deux rapports de droit distincts et indépendants : un rapport coopératif, à caractère social, et un rapport d’obligation, à caractère individuel. La coexistence de ces deux relations autonomes peut cependant générer des interférences, par exemple lors de la résiliation du bail, laquelle équivaut pratiquement à l’exclusion de la société. Ces deux actes juridiques sont soumis à des conditions identiques, si bien que le congé donné au coopérateur-locataire n’est en principe admissible que pour des motifs statutaires ou de justes motifs (c. 5.2.3).