Licenciement abusif ; mobbing ; discrimination. Si le mobbing a provoqué chez le travailleur une baisse de rendement ou une période de maladie et s’il a été toléré par l’employeur en violation de son obligation résultant de l’art. 328 al. 1 CO, celui-ci ne peut pas en tirer argument pour licencier le travailleur, parce que cela reviendrait à invoquer ses propres fautes, soit l’absence de mesures efficaces contre le mobbing, pour en tirer avantage au détriment du travailleur, ce qui est contraire à la bonne foi (rappel de jurisprudence, consid. 4.1). Est rejeté le recours de l’employeuse contre l’arrêt cantonal ayant confirmé sa condamnation à une indemnité de cinq mois de salaire pour licenciement abusif : l’absence de prise de mesures durables et efficaces pour faire cesser la situation de mobbing dont le demandeur était victime (discrimination et racisme), en violation de son devoir de protéger la personnalité de son employé découlant de l’art. 328 CO. Cet arrêt a fait l’objet d’une analyse par Me Stéphanie Fuld publiée in Newsletter droitdutravail.ch janvier 2023.
Jean-Philippe Dunand, Aurélien Witzig, Neïda de Jesus, Adrien Nastasi
En matière de mobbing, il faut relever que la décision qui admet, ou écarte, l’existence d’un harcèlement psychologique présuppose une appréciation globale des circonstances d’espèce, en particulier des indices pouvant entrer dans la définition du mobbing ; il convient donc d’accorder au juge une certaine marge d’appréciation, ce d’autant plus lorsque les déclarations des nombreux témoins entendus sont largement contradictoires et que la Cour cantonale a dû se décider sur la base de l’ensemble des témoignages (consid. 3.3.4).
Comme le mobbing est difficilement prouvable, il peut être admis sur la base d’un faisceau d’indices convergents (consid. 2.2.). Dans ce cadre-là, il n’est pas admissible d’écarter d’emblée les témoignages d’autres employés qui ont aussi été victimes de comportements hostiles et qui éprouvent du ressentiment à l’égard du mobbeur (consid. 2.2.2). Les témoignages indirects ne sont pas exclus pour établir des actes constitutifs de mobbing. Les déclarations de témoins indirects tels qu’un médecin de famille ou un expert peuvent même être suffisantes pour prouver l’existence d’un harcèlement sexuel (consid. 2.2.4). L’expert judiciaire (ici un médecin psychiatre) ne peut faire davantage que constater l’existence ou l’inexistence de symptômes compatibles avec ceux que présentent habituellement les victimes de tels actes. En conséquence, ignorer les conclusions d’experts qui ont répondu clairement et de façon circonstanciée aux questions posées reviendrait à remettre en cause la nécessité d’une expertise judiciaire (consid. 2.2.4).