Droit du travail

ATF 150 III 78 (f)

2023-2024

Congé abusif ; maladie du travailleur. Ce n’est que dans des situations très graves que la résiliation pour cause de maladie persistante doit être qualifiée d’abusive au sens de l’art. 336 al. 1 let. a CO. Tel ne peut être le cas que lorsqu’il résulte de manière univoque de l’administration des preuves que l’employeur a directement causé la maladie du travailleur, par exemple lorsqu’il a omis de prendre les mesures de protection du travailleur telles que celles prévues à l’art. 328 al. 2 CO et que le travailleur est devenu malade pour cette raison. Si la situation n’atteint pas ce degré de gravité, comme c’est souvent le cas en cas d’incapacité de travail en raison d’une maladie psychique, le congé n’est pas abusif. Des difficultés au travail peuvent fréquemment entraîner une dépression ou d’autres troubles psychologiques, qui ne sont pas constitutifs d’une maladie directement causée par l’employeur. Le fait qu’un conflit avec un nouveau supérieur hiérarchique puisse entraîner une incapacité de travail ne doit généralement pas être pris en considération. En effet, de telles situations de conflit sont fréquentes et n’atteignent la plupart du temps pas le degré de gravité nécessaire pour que l’existence d’un congé abusif puisse être admise. De plus, on ne saurait exiger de l’employeur qu’il prenne toutes les mesures envisageables pour éviter un tel conflit (consid. 3.1.3). Cet arrêt a fait l’objet d’une analyse par Me Trevor J. Purdie publiée in Newsletter droitdutravail.ch mars 2024.

Congé abusif ; accusations ; enquêtes interne ; harcèlement sexuel ; garanties de la procédure pénale. Les garanties de la procédure pénale n’ont pas d’effet direct dans les enquêtes internes menées par l’employeur (consid. 4.1). Un licenciement fondé sur des accusations portées par d’autres collaborateurs peut être abusif si l’employeur n’a pas procédé à des clarifications suffisantes avant le licenciement ou si les clarifications ne confirment pas les soupçons (consid. 4.2). A l’inverse de ce qui vaut pour la procédure pénale, un licenciement n’est pas abusif du seul fait qu’il repose sur un soupçon, même si ce soupçon se révèle infondé par la suite (consid. 4.4.3). En l’espèce, le travailleur avait eu la possibilité de se préparer à l’entretien et de trouver des éléments à sa décharge ; il avait pu corriger le PV de l’entretien et y apporter une réponse écrite séparée (consid. 4.4.1). Aucune indemnité pour licenciement abusif n’est due en l’espèce. Cet arrêt a fait l’objet d’une analyse par Me David Raedler publiée in Newsletter droitdutravail.ch mars 2024.

Congé abusif, heures supplémentaires ; restructuration, preuve, chauffeur ; une restructuration d’entreprise ne doit pas nécessairement se faire au profit de personnel plus qualifié. Aussi le congé n’est-il pas abusif du fait que le travailleur a été remplacé par un travailleur moins qualifié (consid. 4.3). Ni l’art. 46 LTr, ni l’OLT 1 ne prévoient un renversement du fardeau de la preuve en matière d’heures de travail accomplies. Un tel renversement n’est envisageable qu’en cas d’entrave à la preuve constitutive d’un abus de droit, soit par exemple lorsque l’employeur détruit le moyen de preuve pour empêcher le travailleur d’établir celle-ci. Un tel abus ne résulte pas du seul fait que l’employeur n’a pas satisfait à son devoir d’enregistrement. Ceci dit, l’état de nécessité probatoire et le comportement de l’employeur peuvent être pris en compte dans l’appréciation des preuves (consid. 5.1.2). Dans les affaires concernant des chauffeurs, au regard des obligations de contrôle et d’enregistrement échéant à l’employeur (cf. art. 16 OTR 1), il n’est pas réaliste d’exiger du travailleur qu’il tienne lui-même un décompte exact de ses heures supplémentaires. Le chauffeur peut établir, en particulier par témoins, si et dans quelle mesure approximative il avait accompli des heures supplémentaires (consid. 5.1.2).

Congé abusif ; motif ; n’est, en l’espèce, pas abusif le licenciement notifié à une salariée à la suite de plusieurs altercations violentes avec d’autres collaboratrices. L’employeuse n’a pas failli à ses devoirs, dès lors que, dès la première altercation, l’employée avait été prévenue que son comportement n’était pas tolérable, que l’employeuse avait pris soin de déplacer la collaboratrice en conflit de manière à éviter les contacts entre l’employée et celle-ci et, partant, les disputes, et que l’employeuse avait organisé une réunion entre les protagonistes, leur hiérarchie et les ressources humaines, en leur signifiant que leur attitude n’était pas tolérable et qu’un nouvel incident aurait des conséquences. Dans de telles circonstances, et au vu notamment des traits de caractère des intéressées, dont en particulier ceux de l’employée, on ne saurait soutenir que l’employeuse aurait pu ou dû faire davantage. Par ailleurs, l’employée avait eu tout loisir de modifier son comportement.