Location de services ; plateforme numérique Uber Eats ; compte tenu de la structure de la plateforme mise en place, Uber n’est pas un simple intermédiaire entre les acteurs (consid. 6.2). L’existence d’une relation de travail doit être examinée pour chaque plateforme en fonction du modèle économique mis en place (consid. 6.4). Les livreurs de la plateforme Uber Eats sont évalués tant par les restaurateurs que par les destinataires. Une évaluation moyenne insuffisante peut conduire à un avertissement, voire à l’exclusion de la plateforme si la note ne s’améliore pas dans le délai imparti. Ce système de notation constitue un moyen de contrôle des livreurs, qui les place dans une relation de subordination à l’égard de la plateforme (consid. 6.5.1). La géolocalisation des livreurs constitue un moyen de contrôle de leur activité et pas seulement d’attribution des livraisons (consid. 6.5.2). Enfin, le contrat contient d’autres consignes exposant le livreur à des restrictions d’accès voire à la désactivation de son compte, démontrant un contrôle strict sur la manière dont est exécutée la prestation. Ces éléments sont caractéristiques d’un lien de subordination (consid. 6.5.3). Au vu de ce qui précède, l’existence d’un rapport de subordination propre à la relation de travail entre Uber et les livreurs est confirmée (consid. 6.5.4). Cet arrêt a fait l’objet d’une analyse par Sabrine Magoga-Sabatier publiée in Newsletter droitdutravail.ch octobre 2022.
Jean-Philippe Dunand, Aurélien Witzig, Neïda de Jesus, Adrien Nastasi
Art. 32 ss, 814 CO
Conclusion ; représentation de l’employeur. Peuvent signer un contrat de travail ou une modification de ce contrat avec un employé, les organes (sociaux) exécutifs qui disposent du pouvoir de représentation, ainsi que toutes les personnes qui peuvent valablement représenter la Sàrl dans les actes juridiques avec des tiers de mandat (consid. 3.1). Un courrier, non daté, portant l’engagement de payer le salaire de l’employée jusqu’à sa retraite, signé par le seul vice-président exécutif, est impropre à engager la société, cette dernière n’ayant jamais ratifié ultérieurement l’acte défectueux ; par ailleurs, il n’a pas été constaté que les statuts autoriseraient une délégation et aucun élément ou indice ne permet d’affirmer que le gérant se serait vu octroyer la compétence de procéder à une sous-délégation (consid. 4.1). Une représentation civile portant spécifiquement sur la conclusion du courrier est également exclue, la relation entre le gérant et le vice-président exécutif étant (prétendument) régulière et durable (consid. 4.2). N’est pas valable un avenant, prévoyant un délai de résiliation de six mois, lorsqu’il n’a été signé, du côté de l’employeuse, que par un représentant disposant de la signature collective à deux (consid. 5.2).
Jean-Philippe Dunand, Aurélien Witzig, Lauretta Eckhardt, Camille Zimmermann
Art. 319 CO.
Le contrat par lequel un consultant reçoit des missions ponctuelles est un contrat de mandat et non un contrat de travail, malgré la régularité du versement de la rémunération et la prise en charge des frais (consid. 2).
Jean-Philippe Dunand, Aurélien Witzig, Julien Billarant, Audrey Voutat
Art. 11, 16, 319 et 333 CO.
Le régime d’interprétation des contrats que la jurisprudence tire de l’art. 18 CO vaut également pour déterminer entre quelles parties un contrat de travail a été conclu (consid. 7.1). L’employeur est la personne au service de laquelle le travail est fourni et qui, en tant que telle, a conclu le contrat de travail avec le travailleur. Même dans un groupe de sociétés, les rapports de travail ne sont noués en principe qu’avec une seule société (consid. 7.2). Lorsqu’un travailleur signe un contrat avec une société étrangère avant que la filiale suisse de cette société ne soit constituée, mais dans le but qu’il devienne le directeur de cette filiale et qu’il soit rémunéré par elle, ni le fait que la société mère ait pu soutenir, dans le cadre d’une procédure judiciaire à l’étranger, avoir été l’employeur de ce travailleur, ni le fait que cette même société mère ait indiqué à un tiers que le travailleur était son propre directeur, ni le fait que le travailleur ait été en contact hebdomadaire par courriels avec le président de son conseil d’administration, ni le fait que cette société mère ait pu accorder au travailleur un prêt gratuit pour lui permettre d’acheter ses propres actions, ni encore le fait que le travailleur ait eu pour tâche de développer en Suisse le réseau d’affaires de la société mère, ne sont des éléments décisifs pour établir la qualité d’employeur de cette société à la place de sa filiale (consid. 7.3.3). Lorsque la loi ne subordonne pas la conclusion du contrat à l’observation d’une forme particulière (art. 11 al. 1 CO) – ce qui est le cas du contrat de travail (art. 320 al. 1 CO) – une telle exigence peut néanmoins résulter de la convention des parties (cf. art. 16 al. 1 CO), laquelle peut résulter d’actes concluants. La présomption posée par l’art. 16 CO, selon laquelle la forme réservée est une condition de la validité du contrat, peut être renversée par la preuve que les parties ont renoncé, après coup, à la réserve de la forme, que ce soit expressément ou par actes concluants (consid. 7.3.1.2).
Jean-Philippe Dunand, Aurélien Witzig, Julien Billarant, Audrey Voutat
Art. 18, 321e CO.
Dans le cadre d’une interprétation des clauses d’un contrat, si la réelle et commune intention des parties ne peut pas être décelée, il s’agit d’effectuer une approche objective par l’application de la théorie de la confiance, principe selon lequel il est recherché comment une déclaration, une attitude ou une clause pouvait et devait être comprise par autrui en vertu des règles de la bonne foi, mais également selon les circonstances entourant et précédant ces dites affirmations. À défaut d’y parvenir et en troisième lieu, la règle : « in dubio contra stipulatorem » trouve application et les déclarations ou clauses sont interprétées en défaveur de celui qui les a émises.
Le simple fait pour un directeur de ressources humaines de questionner lourdement et avec partialité un employé qu’il suspecte de vol ne peut être constitutif d’une violation du devoir de diligence envers son employeur. L’art. 321e CO ne peut ainsi se voir appliquer à son encontre.
Jean-Philippe Dunand, Patricia Dietschy-Marteney, Julien Billarant, Audrey Voutat
Art. 5 Cst. NE ; 9 Cst.
Il n’est pas possible de retenir qu’une relation de travail entre un employé et une entité employeur de droit privé relève du droit public même lorsque cette dernière tient par mandat l’exécution de tâches d’intérêt public. Une entité de droit public doit obligatoirement être partie à la relation pour que cette dernière se voie appliquer le droit public.
Jean-Philippe Dunand, Patricia Dietschy-Marteney, Julien Billarant, Audrey Voutat
Art. 18, 319 CO.
Au sein d’un groupe de société, l’employeur peut être la société mère, la filiale, voire les deux sociétés. Dans le cas d’espèce, un employé d’une banque zurichoise, avait demandé sa mutation dans une filiale sise aux Bahamas. Un nouveau contrat de travail avait été conclu avec cette filiale, les personnes siégeant au sein des organes de la société mère et de la filiale étant toutefois identiques. Ladite filiale ayant été vendue à un autre groupe, l’employé a demandé sa réintégration en Suisse, ce que la banque zurichoise n’a pas souhaité. Actionnée par l’employé pour un solde de salaire relatif au travail effectué aux Bahamas, la banque a, avec succès, contesté sa qualité d’employeuse.
Jean-Philippe Dunand, Nicolas Brügger, Héloïse Rosello
Art. 12 LSE ; 26 et 29 OSE ; 321d CO.
Pour qualifier un contrat de location de services plutôt que de mandat, il convient de se fonder sur le contenu du contrat, la description du poste et l’activité exercée par le travailleur. La location de services induit notamment un transfert du pouvoir de direction de l’employeur en faveur du client. Une entreprise de soins à domicile qui fournit un service de garde pour lequel des travailleurs passent du temps chez les patients et se tiennent à leur disposition pour effectuer des tâches ménagères ou des soins de base selon leurs besoins peut ainsi être qualifiée d’entreprise de location de services et par conséquent être soumise à l’obligation d’obtenir une autorisation au sens de l’art. 12 LSE.
Jean-Philippe Dunand, Nicolas Brügger, Héloïse Rosello