Droit du travail

Procédure ; assistance judiciaire. Dans le cadre d’une procédure de contrôle par l’inspection des relations de travail, au stade de l’instruction auprès de l’autorité administrative, la désignation d’un avocat d’office n’est pas nécessaire, car il est possible de s’adresser à un assistant social ou à un organisme à vocation sociale. Cet arrêt a fait l’objet d’une analyse par Me Tano Barth publiée in Newsletter droitdutravail.ch février 2024.

TF 4A_548/2021 (f)

2022-2023

Procédure ; compétence ratione loci ; lieu de travail ; télétravail. Le « lieu où le travailleur exerce habituellement son activité professionnelle » est celui où se situe effectivement et concrètement le centre de l’activité concernée, les circonstances du cas concret étant décisives (tant du point de vue quantitatif que qualitatif). Lorsque le travailleur est occupé simultanément dans plusieurs endroits, prévaut celui qui se révèle manifestement central, du point de vue de l’activité fournie. La recherche de ce lieu doit se faire en fonction des liens effectifs que le travailleur a entretenus avec un certain endroit. Le lieu de travail prédéfini dans le contrat cède le pas devant le lieu où le travailleur a effectivement exercé son activité de façon habituelle. En d’autres termes, la manière dont la relation de travail s’est effectivement déroulée prime sur l’accord théorique préalable, que les parties sont libres de modifier. La seule réserve concerne le cas où le contrat n’est pas venu à chef ou n’a pas été suivi d’effet (consid. 4.2). En cas de travail à distance, par informatique et téléphone, l’endroit (ou les endroits) où était accomplie cette activité est certes digne de considération. Toutefois, il s’agit d’un élément parmi d’autres, voué à s’insérer dans l’appréciation globale des éléments quantitatifs et qualitatifs permettant de désigner le lieu habituel de l’activité (consid. 4.5). Cet arrêt a fait l’objet d’une analyse par Me Nathalie Bornoz publiée in Newsletter droitdutravail.ch décembre 2022.

Allégation. L’admission des faits et moyens de preuve nouveaux à l’ouverture des débats principaux : l’étau se resserre. Cet arrêt a fait l’objet d’une analyse par le Prof. François Bohnet publiée in Newsletter droitdutravail.ch novembre 2021.

Convention collective de travail ; commission paritaire ; recours. Est irrecevable le recours dirigé contre une décision d’une Commission paritaire nationale instituée par une CCT, dès lors qu’une telle décision ne saurait être assimilée à une sentence arbitrale et n’émane pas d’une autorité cantonale de dernière instance.

Procédure ; cumul d’actions ; lorsqu’il dispose de plusieurs prétentions contre le même défendeur fondées sur des conglomérats de faits différents, le demandeur peut choisir de les réunir dans un seul acte procédural (cumul objectif d’actions, art. 90 CPC) ou de les invoquer dans des procès distincts. En matière de dommage, lorsque la demande tend à l’allocation de divers postes du dommage, le juge n’est lié que par le montant total réclamé dans les conclusions. Il peut ainsi allouer davantage pour un des éléments du dommage et moins pour un autre, sans violer le principe de disposition. Les limites dans lesquelles ce type de compensation entre les différents postes du dommage peut être opéré doivent être fixées de cas en cas, au vu des différentes prétentions formulées par le demandeur (consid. 4.2).

Art. 224 CPC

Procédure ; heures supplémentaires ; action partielle. Lorsque le travailleur introduit une action partielle en paiement d’un certain nombre d’heures supplémentaires, tout en mentionnant expressément qu’il introduira ensuite une seconde action pour les heures supplémentaires restantes, l’employeur peut répondre par une demande reconventionnelle en constatation qu’il ne doit rien au titre de l’ensemble des heures supplémentaires, en raison des compensations entre les années qui peuvent survenir.

Art. 50 CPC, Art. 128 CPC

Procédure ; récusation ; amende disciplinaire. La décision consécutive à une demande de récusation ne s’inscrit pas dans les mesures ordinairement nécessaires à la préparation et à la conduite rapide du procès civil. Il ne s’agit pas d’une ordonnance d’instruction aux termes des art. 319 let. b et 321 al. 2 CPC, mais d’une des « autres décisions » visées par l’art. 319 let. b CPC (consid. 3.2). Le prononcé infligeant une amende disciplinaire, en particulier celle prévue par l’art. 128 al. 3 CPC pour la répression de procédés téméraires, se présente fréquemment comme un élément accessoire ou additionnel dans une décision portant aussi sur d’autres mesures, voire dans une décision finale. Lorsque ces mesures sont elles aussi contestées, il s’impose d’admettre que la voie et le délai de recours applicables auxdites mesures le sont aussi à l’amende (consid. 4).

ATF 146 I 30 (d)

2019-2020

Art. 30 Cst., Art. 6 CEDH, Art. 14 Pacte ONU II

Procédure ; publicité des débats. Les discussions transactionnelles menées dans le cadre d’un procès civil ne sont pas soumises au principe de la publicité de la justice, car elles ne font pas partie de l’activité juridictionnelle du tribunal.

ATF 145 III 14 (f)

2018-2019

Art. 34 CPC

Procédure ; compétence à raison du lieu. Selon l’interprétation jurisprudentielle de l’art. 34 al. 1 CPC, qui correspond à l’art. 19 par. 2 let. a CL 2007, le for peut se trouver dans un lieu où l’employeur n’a aucune sorte d’établissement ni installation fixe (consid. 6). Le for du lieu habituel de l’activité convenue répond à un but de protection du travailleur à titre de partie socialement la plus faible ; c’est pourquoi celui-ci ne peut pas y renoncer valablement par une convention antérieure à la naissance du différend (art. 35 al. 1 let. d CPC, art. 21 par. 1 CL 2007). Il n’est certes pas garanti au travailleur qu’un lieu d’activité habituel, avec le for correspondant, doive être identifié et reconnu, quelles que soient les circonstances particulières de ses propres tâches. On doit néanmoins n’envisager qu’avec retenue la situation singulière où aucun for du lieu habituel de l’activité ne serait disponible. Concrètement, il ne conviendrait pas de retenir que, parce que l’activité administrative d’un collaborateur du service extérieur est globalement secondaire du point de vue quantitatif, ce travailleur ne puisse pas agir en justice là où il pratique régulièrement cette activité, avec ce résultat qu’il ne puisse agir qu’au siège de l’employeuse alors que son travail n’a aucun lien effectif avec ce lieu-ci. En particulier dans la présente contestation, rien ne justifie que le demandeur soit contraint d’ouvrir action dans le canton de Zurich, ou de renoncer à son action, alors que son activité se pratiquait exclusivement en Valais (consid. 9).

Art. 6 CEDH ; 7 et 11 CNUIJE

Procédure ; immunité de juridiction. L’octroi de l’immunité souveraine à un Etat dans une procédure civile poursuit le but légitime d’observer le droit international afin de favoriser la courtoisie et les bonnes relations entre Etats grâce au respect de la souveraineté d’un autre Etat (point 54). Un Etat étranger peut renoncer, notamment par le biais de clauses contractuelles, à son droit d’immunité devant les tribunaux d’un autre Etat (point 57). Le Tribunal fédéral pouvait présumer que, par la clause « Pour toute contestation et pour ce qui n’est pas prévu ou précisé dans le présent contrat, les parties auront recours à l’avis du service du protocole local compétent, et pour autant que les usages diplomatiques le permettent, à la compétence du pouvoir judiciaire local. », la condition d’un consentement exprès prévue par l’art. 7 par. 1 b) de la CNUIJE faisant défaut, et qu’il s’ensuivait que la République du Burundi n’avait pas renoncé à son immunité de juridiction (point 59). Lorsqu’un lien avec l’Etat du for fait défaut, ce dernier n’est plus fondé à revendiquer la prépondérance de sa législation du travail et de sa juridiction en la matière face à un Etat employeur étranger, malgré le lien territorial que constituent le lieu du recrutement de l’employé et le lieu où le travail doit être accompli conformément au contrat (point 61). Or, en l’espèce, la requérante avait sa résidence non pas en Suisse mais en France voisine (point 62). Il en découle que les circonstances de la présente affaire tombent dans le champ d’application de l’art. 11 par. 2 e) de la CNUIJE eu égard au fait que la requérante était ressortissante de l’Etat employeur au moment où l’action a été engagée et qu’elle n’a jamais eu sa résidence permanente dans l’Etat du for (point 63). Considérant les faits de l’espèce et les tâches effectivement confiées à la requérante au sein de la mission permanente, il y a un chevauchement complexe entre les actes jure imperii et jure gestionis accomplis par celle-ci (point 50). En toute hypothèse, la requérante ne se trouve pas dans une situation d’absence d’autre recours, puisque la République du Burundi a indiqué qu’elle pourrait saisir sa juridiction administrative (point 64).

ATF 144 I 37 (d)

2017-2018

Art. 17 et 179quater CP

Procédure, enregistrement à l’insu de l’employeur. Le fait pour une travailleuse d’enregistrer son supérieur à son insu pour prouver qu’il lui a fait des avances d’ordre sexuel constitue une violation de la sphère privée de ce dernier.

Art. 322 et 342 CO ; 22 LEtr ; 22 OASA

Procédure ; salaires ; travail au noir. Lorsque l’employeur n’a pas requis d’autorisation du service compétent pour l’engagement d’un travailleur étranger, le juge civil appelé à statuer sur les prétentions salariales de ce dernier est compétent pour déterminer le caractère usuel du salaire convenu. En l’espèce, la Cour cantonale a procédé correctement en se référant aux salaires minimaux prévus par un contrat-type de travail. Le fait qu’elle se soit référée à un contrat-type valaisan ne porte pas préjudice à l’employeur dès lors que les salaires vaudois ne sauraient être inférieurs aux salaires valaisans (consid. 3.4).

Art. 341 CO ; 353 CPC

Procédure ; arbitrabilité. Les prétentions auxquelles le travailleur ne peut pas valablement renoncer selon l’art. 341 al. 1 CO ne sont pas susceptibles d’arbitrage (consid. 2.2.2). La possibilité offerte par l’art. 353 al. 2 CPC d’exclure l’application du CPC et de convenir que les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont applicables en lieu et place n’est pas admissible en droit du travail (consid. 2.3.3). Lorsque la clause d’arbitrage couvre l’ensemble des prétentions du travailleur, elle est partiellement nulle (art. 20 al. 2 CO). Dans un tel cas, on doit en principe partir de l’idée que, si les parties avaient connu ce vice, elles n’auraient pas du tout conclu la clause compromissoire, de telle sorte que celle-ci tombe intégralement (consid. 2.3.4). Après la fin du délai de protection de l’art. 341 CO, toutes les prétentions du travailleur sont arbitrables (consid. 2.3.4).

Art. 91 al. 2 et 243 CPC.

Le tribunal saisi de l’affaire en cause décide d’office du caractère patrimonial ou non du litige, sans qu’il puisse être tenu compte d’un potentiel accord préexistant des parties à ce sujet.

Art. 5 al. 3 Cst.

Il est contraire à la bonne foi, pour un avocat remplaçant un autre avocat pour une même partie dans une même affaire, de défendre une position juridique totalement opposable et contraire à la position juridique mise en avant par le premier conseil.

TF 4A_102/2013

2013-2014

Art. 4 CPC ; 335 ss, 266 ss CO

Contrat de conciergerie ; règles applicables à la résiliation ; compétence à raison de la matière. La résiliation d’un contrat de conciergerie combinant des aspects du contrat de travail et du contrat de bail doit suivre les règles applicables à la prestation prépondérante. Cette dernière se détermine en premier lieu eu égard au critère économique. Si la rémunération du concierge est plus élevée que le loyer, ce sont les règles régissant la résiliation du contrat de travail qui sont applicables. Il revient alors aux tribunaux compétents en matière de contrat de travail de trancher le litige.