Droit de la famille

Art. 8 et 14 CEDH

En imposant une requête commune des parents pour le maintien de l’autorité parentale conjointe suite à un divorce, le droit suisse respecte la CEDH. La marge d’appréciation des Etats parties permet ainsi le refus de l’autorité parentale conjointe en cas d’opposition de l’un des parents (ch. 47-56). Au demeurant, cette solution ne viole pas l’égalité de traitement (ch. 64-73) (commentaire dans la newsletter de juin 2014).

Art. 133, 277 et 286 CC

Le calcul de la contribution d’entretien due à un enfant mineur ne comprend pas l’allocation pour impotent. Cette dernière finance l’assistance dont le bénéficiaire a besoin dans l’accomplissement des actes élémentaires de la vie courante, mais n’est pas destinée à l’entretien, contrairement à une rente d’orphelin (consid. 3.1.2.2). L’allocation n’est pas ajoutée aux revenus de l’autre parent (consid. 4.4.2) (commentaire dans la newsletter de novembre 2013).

Art. 134 al. 2 et 286 al. 2 CC

Le débirentier de contributions d’entretien en faveur de ses enfants peut se voir imputer un revenu hypothétique si l’exercice d’une activité lucrative ou l’augmentation de celle-ci peut raisonnablement être exigée de lui en regard de sa formation, de son âge et de son état de santé. Dans ce cadre, le juge doit préciser le type d’activité que le débirentier peut accomplir. En outre, le débirentier doit pouvoir effectivement exercer l’activité visée et le juge doit déterminer les revenus qu’il peut en tirer. Les conditions de l’imputation d’un revenu hypothétique diffèrent en droit des assurances sociales et en droit civil. Ainsi, le juge des contributions d’entretien ne peut pas renoncer à imputer un revenu hypothétique au débirentier du simple fait que celui-ci a perçu régulièrement et sans pénalité des indemnités chômage jusqu’à arriver en fin de droit. En effet, lorsque l’entretien concerne des enfants mineurs et que les parents ont des revenus modestes, le droit civil peut imposer de retenir des revenus moindres, estimés sur une activité que le débirentier n’aurait pas eu à accepter conformément aux assurances sociales (consid. 4.1).

Art. 329 al. 3 CC

L’action en entretien ouverte par une personne majeure répond aux règles ordinaires de procédure. Ainsi, elle est soumise à la procédure ordinaire si la valeur litigieuse dépasse CHF 30 000.- (consid. 3.4-3.5) (commentaire dans la newsletter de septembre 2013, selon lequel cette réflexion pourrait s’étendre à l’action en entretien de l’enfant majeur).

TF 5A_860/2013 (d)

2013-2014

Art. 204 ss CC

La plus-value conjoncturelle d’un immeuble, acquis par les biens propres et les acquêts de l’époux puis rénové avec des acquêts du mari, se répartit proportionnellement entre les sommes investies au moment de l’achat et de la rénovation (répartition entre les masses). L’immeuble constitue une unité, de sorte que la plus-value conjoncturelle concerne tout le bien, sans distinguer si l’ensemble ou une partie est à l’origine de la plus-value (consid. 2.3, 3 et 3.1).

TF 5A_210/2013 (d)

2013-2014

Art. 124 et 125 CC

Lorsque les deux conjoints ont connu un cas de prévoyance, le juge fixe une indemnité équitable. Dans ce cas, les besoins effectifs des ex-époux sont déterminants. Le montant de la contribution et celui résultant du partage de la prévoyance sont interdépendants. En outre, le bénéficiaire de l’indemnité équitable doit l’utiliser afin de pourvoir à son entretien.

TF 5A_536/2013 (f)

2013-2014

Art. 124 CC

L’absence de cotisation au deuxième pilier par un conjoint ne fonde aucune dérogation au principe du partage par moitié de l’avoir de l’autre conjoint. L’épargne réalisée par l’époux ne cotisant pas au deuxième pilier entre dans la masse d’acquêts, de sorte qu’elle sera aussi répartie entre les époux, pour autant qu’elle n’ait pas été intégralement consacrée à l’entretien du ménage (consid. 6). L’indemnité équitable (art. 124 CC) équivaut normalement à un partage par moitié des avoirs de prévoyance. La situation économique concrète des parties est néanmoins déterminante. Il convient ainsi de considérer la fortune des ex-époux et le résultat de la liquidation du régime matrimonial. Le juge détermine ainsi le montant de la prestation de sortie et fixe l’indemnité équitable selon les besoins concrets des parties en matière de prévoyance (consid. 9.1) (commentaire dans la newsletter de mai 2014).

TF 5A_518/2013 (i)

2013-2014

Art. 275a CC

Le parent détenteur de l’autorité parentale peut déroger à son obligation d’informer l’autre parent concernant leur enfant (art. 275a 1 CC) lorsque l’autre parent ne se préoccupe pas du bien-être de l’enfant et quand les circonstances ne permettent pas de l’exiger du parent ayant l’autorité parentale. Un conflit profond et permanent divisant père et mère réalise notamment cette dernière hypothèse. Le parent dépourvu de l’autorité parentale conserve dans ce cas le droit de s’informer directement auprès des tiers (art. 275a al. 2 CC) (consid. 2.1).

Art. 308 CC

Quand des difficultés dans l’exercice du droit de visite menacent le bien de l’enfant, l’autorité doit instituer une curatelle et limiter les pouvoirs du curateur à la surveillance des relations personnelles (art. 308 al. 2 CC), sans le mandat éducatif général de l’art. 308 al. 1 CC. Dans cette hypothèse, la curatelle vise simplement à faciliter le contact entre l’enfant et le parent non gardien et de garantir l’exercice du droit de visite, malgré les tensions entre les père et mère (consid. 2.2 et 2.3).

Art. 8 et 14 CEDH

Contrat de gestation pour autrui conclu par des époux français en Californie. L’acte de naissance des deux enfants nés d’une mère porteuse indique que l’époux est « père génétique » et l’épouse « mère légale », en vertu d’un jugement rendu par la Cour suprême de Californie. Refus des autorités françaises de transcrire l’acte de naissance dans les registres de l’état civil français. Violation du droit des deux enfants au respect de leur vie privée (art. 8 CEDH), qui « implique que chacun puisse établir la substance de son identité, y compris sa filiation ».

TF 5A_700/2013 (f)

2013-2014

Art. 256c CC

L’existence de justes motifs fonde la restitution des deux délais péremptoires de l’action en désaveu de paternité intentée par le mari (art. 256c 1 CC). La notion de justes motifs s’interprète strictement. En l’occurrence, le demandeur ne peut pas se prévaloir du fait que la mère de l’enfant a nourri en lui un espoir de reprise de la vie commune en signant un contrat de bail avec lui. En effet, il savait dès la conception de l’enfant qu’il n’en était pas le géniteur. En outre, son épouse alimentait dès le début ses espoirs de vie commune, de sorte que la signature de ce contrat de bail n’a pas modifié les circonstances (consid. 3.1 et 4.2). En cas de justes motifs, le demandeur doit agir en justice dès que la cause du retard n’existe plus, soit dans le mois qui en suit la fin, sauf exceptions liées par exemple à la maladie ou à une période de vacances (consid. 3.1).

Art. 58 et 296 CPC

L’entretien entre époux est soumis à la maxime de disposition. Partant, le juge est lié par les conclusions des parties. Comme le montant de la contribution peut varier selon le sort des enfants, des conclusions subsidiaires en entretien entre époux sont nécessaires pour pallier à l’éventualité où les conclusions principales ne seraient pas admises (commentaire dans la newsletter d’été 2014).

Art. 9 Cst. ; 176 al. 1 ch. 1 CC ; 271 ss CPC

Requête en entretien de l’époux dans la procédure de mesures protectrices de l’union conjugale.

Comme la réglementation des questions relatives aux enfants (régie par la maxime d’office) peut influencer le montant de l’entretien de l’époux (régi par le principe de disposition), il est possible et souvent nécessaire de prendre, en procédure de mesures protectrices de l’union conjugale, des conclusions subsidiaires en entretien du conjoint pour le cas où les conclusions principales ne devaient pas être admises. Ces conclusions peuvent porter sur des montants dépassant la conclusion principale.

Art. 106 et 107 al. 1 CPC

Le TF résout une question juridique de principe (consid. 1). Les frais sont à la charge de la partie qui se désiste (art. 107 CPC), respectivement à celle de la partie qui acquiesce (art. 106 CPC). L’art. 107 CPC étant une « Kannvorschrift», l’art. 106 al. 1 CPC s’applique en cas de retrait de la demande, y compris dans les affaires de droit de la famille, notamment en cas de désistement de la demande en divorce (consid. 3). Ainsi, le juge ne peut pas partager les frais judiciaires par moitié et compenser les dépens ; le demandeur qui se désiste de sa demande en divorce supporte les frais judiciaires et doit être condamné à verser une indemnité complète de dépens (commentaire dans la newsletter d’octobre 2013).

Art. 292 al. 1 CPC

En introduisant une procédure unilatérale en divorce quelques jours après le délai de séparation de deux ans (art. 114 CC), après que son épouse a déposé sa propre demande unilatérale en divorce avant l’échéance de ce délai, le mari consent au principe du divorce. En effet, l’art. 292 al. 1 let. b CPC ne requiert aucun consentement formel. Partant, la procédure ouverte par l’épouse se poursuit conformément aux dispositions du divorce sur requête commune (commentaire dans la newsletter de décembre 2013).

Art. 75 LTF

L’audition des parties suite à des mesures superprovisionnelles constitue une voie de droit permettant à celles-ci d’obtenir une modification de la décision initiale. Pareille audition en dernière instance cantonale remplit donc la condition de l’art. 75 LTF, selon laquelle un recours en matière civile au Tribunal fédéral est recevable contre les décisions de tribunaux supérieurs de dernière instance cantonale (consid. 1.1).

TF 5A_909/2013 (d)

2013-2014

Art. 157, 160 et 164 CPC

L’article 164 CPC ne précise pas dans quelle mesure le juge tient compte d’un refus injustifié de collaborer (art. 160 CPC). Il ne doit pas nécessairement considérer toutes les allégations de l’adverse partie comme véridiques, car ce type de refus constitue uniquement un élément parmi d’autres dans la libre appréciation des preuves (art. 157 CPC). La contestation de la prise en compte d’un tel refus implique de démontrer le caractère arbitraire de l’appréciation des preuves. Une simple critique du résultat ne suffit pas (art. 97 LTF) (consid. 2.3).

Art. 10 de la Convention de Luxembourg de 1980

Conformément à l’art. 10 al. 1 let. d de la Convention de Luxembourg du 20 mai 1980 sur la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants, la non-reconnaissance d’une décision étrangère se justifie si cette décision est incompatible avec une décision rendue dans l’Etat requis ou dans un Etat tiers, tout en étant exécutoire dans l’Etat requis, suite à une procédure engagée avant l’introduction de la demande de reconnaissance ou d’exécution, pour le cas où ce refus est conforme à l’intérêt de l’enfant. Tel est notamment le cas si une décision de mesures provisionnelles, rendue dans une procédure initiée avant le dépôt de la requête d’exéquatur, est inconciliable avec la décision dont la reconnaissance est demandée. Une décision séparant l’enfant de sa mère durant toutes les fêtes importantes que sont Noël et Pâques et durant six semaines d’affilée viole les intérêts de l’enfant (consid. 3.2.1.2) (commentaire dans la newsletter d’été 2013).

Art. 315a CC

Le juge du divorce ou de la protection de l’union conjugale règle les relations des père et mère avec l’enfant et prend les mesures requises par la protection de ce dernier, en chargeant l’autorité de protection de l’enfant de leur exécution (art. 315a 1 CC). Celle-ci conserve néanmoins la compétence d’adopter les mesures immédiatement nécessaires à la protection de l’enfant si le juge ne peut probablement pas les prononcer à temps. Sur cette base, l’autorité de protection de l’enfant rend une décision de nature provisoire, que le juge des mesures protectrices de l’union conjugale ou du divorce peut modifier dans le cadre de la procédure déjà ouverte devant lui. Partant, ces décisions s’assimilent à des mesures superprovisionnelles, de sorte qu’un recours au Tribunal fédéral est irrecevable, faute d’épuisement des voies de droit cantonales (consid. 1.2).

Art. 314 et 446 CC

La procédure de protection de l’enfant répond à la maxime inquisitoire (art. 314 et 446 CC). Les offres de preuve des parties ne lient pas le juge. La portée du droit à la preuve, qui fixe les conditions minimales auxquelles une partie peut faire administrer une preuve qu’elle propose, ne change pas selon la maxime applicable en matière de preuves. Partant, le juge doit administrer les preuves aptes à le convaincre d’un fait pertinent (adéquation objective). Le juge peut aussi faire une appréciation anticipée des preuves et refuser un moyen si le fait pertinent a déjà été prouvé et que la preuve requise est par conséquent inutile (adéquation subjective) (commentaire dans la newsletter de mars 2014).