Droit de la famille

ATF 150 I 88 (d)

2023-2024

Une amende d’ordre dans le droit scolaire n’est pas une peine. Est une accusation en matière pénale au sens de l’art. 6 par. 1 CEDH, lorsque les « critères Engel » sont réalisés. En l’espèce, le droit national, respectivement cantonal, range l’amende d’ordre dans le droit administratif ; celle-ci a pour but de faire respecter les obligations de droit administratif (garantie de la scolarisation correcte de l’enfant) ; le montant maximal de l’amende est de CHF 1'000.- ; il n’y a pas d’éléments qualificatifs. L’amende d’ordre prononcée représente une mesure disciplinaire et non une peine.

En matière d’aide immédiate (art. 13 al. 1 et 14 al. 1 LAVI), le degré de preuve est la simple vraisemblance en raison du caractère urgent de telles aides. En cas de doute, une prestation urgente d’aide aux victimes doit être fournie, a fortiori en présence de victimes d’un préjudice exclusivement psychique qui doit être constaté dans certains cas par un examen psychiatrique minutieux. En tant que condition d’octroi de l’aide, la qualité de victime exclut des gradations progressives de la gravité de l’atteinte en fonction du type et de l’ampleur de l’aide. Le lien de causalité (naturelle et adéquate), également soumis au degré de preuve de la vraisemblance, est admis même si l’infraction n’est pas la seule cause de l’atteinte à l’intégrité, tant qu’il ne peut pas être écarté à tout le moins à titre de cause partielle. Les actes de contrainte répétés et systématiques sous forme de menaces de suicide sur une certaine période sont – du moins dans leur interaction –susceptibles d’entraîner une atteinte non négligeable à l’intégrité psychique justifiant une demande d’aide aux victimes. Ce n’est pas parce que la personne concernée a finalement réussi à imposer son souhait de séparation, nonobstant les menaces de suicide la contraignant dans sa liberté, que l’on peut en déduire que l’atteinte à l’intégrité n’était pas suffisamment grave. Les actes de contrainte doivent être pris en compte ensemble, dans une considération globale. Dans le contexte de contraintes répétées, un séjour dans un logement d’urgence est approprié pour assurer ou rétablir l’intégrité psychique de la personne concernée, par la création d’une distance spatiale.

En cas de divorce, le versement d’une indemnité équitable selon l’art. 124e al. 1 CC a lieu si le partage au moyen de la prévoyance professionnelle est impossible. C’est notamment le cas lorsqu’un versement anticipé pour la propriété du logement (art. 30LPP) a eu lieu pendant le mariage, et qu’un cas de prévoyance est survenu dans l’intervalle, pour autant que le versement ne puisse pas être pris en compte dans la liquidation du régime matrimonial. Cette dernière condition est notamment réalisée lorsque les conjoint·es sont soumis·es au régime de la séparation de biens, car les fonds de prévoyance investis dans la propriété du logement ne peuvent pas être partagés dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial. Le versement anticipé pour la propriété du logement doit alors être pris en compte par le biais de l’art. 124e al. 1 CC. Afin de fixer cette indemnité, il convient de déterminer quelle rente supplémentaire aurait été générée par le capital de prévoyance versé de manière anticipée si le divorce avait eu lieu avant la survenance du cas de prévoyance. Dans cette hypothèse, l’art. 30c al. 6 LPP prévoit que le versement anticipé doit être considéré comme une prestation de libre passage et doit être partagé conformément aux art. 123 CC, 280 et 281 CPC, ainsi que 22 à 22b LFLP. Le versement anticipé pour la propriété du logement ne rapporte pas d’intérêts ; le montant nominal du versement anticipé est ainsi déterminant. Il convient de déterminer la valeur capitalisée de la rente supplémentaire à la date déterminante pour le partage. La différence entre cette valeur et le montant du versement anticipé ne concernant que la période antérieure à la dissolution du mariage, elle demeure dans le patrimoine du preneur ou de la preneuse de prévoyance. La moitié de la valeur capitalisée de la rente constitue le point de départ pour la fixation de l’indemnité équitable de l’art. 124e
CC. Le moment déterminant pour le partage de la rente (art. 124a CC) correspond à la date d’entrée en force du jugement de divorce. Cette date est également le moment déterminant pour la capitalisation de la rente supplémentaire (hypothétique) de vieillesse. Le montant doit finalement être pondéré en prenant en considération les besoins de prévoyance et la situation économique après le divorce.

ATF 150 III 97 (d)

2023-2024

Il est contraire au droit d’attribuer l’autorité parentale exclusive à l’un des parents tout en prévoyant une garde alternée entre les deux parents.

Droit au respect de la vie privée ; obligations positives. Le respect de la vie privée exige que chacun puisse établir les détails de son identité d’être humain. L’enregistrement des naissances comprend, d’une part, la déclaration de la naissance aux officiers et officières de l’état civil et l’enregistrement officiel de l’acte de naissance par ces derniers et dernières, et, d’autre part, la délivrance effective d’un acte de naissance, pièce qui vaut preuve de la reconnaissance juridique de l’enfant par l’Etat. Les obstacles à l’obtention de l’enregistrement des naissances, et le défaut d’accès aux pièces d’identité qui en résulte, peuvent avoir de graves conséquences sur le sentiment d’identité d’une personne en tant qu’être humain. En outre, le défaut d’enregistrement des naissances et de pièces d’identité valables peut causer des problèmes importants dans la vie quotidienne d’une personne, notamment au niveau administratif et éducatif. L’impossibilité d’établir l’identité d’une personne porte donc atteinte à son autonomie personnelle et est directement liée au droit au respect de la vie privée consacré à l’art. 8 CEDH. En l’espèce, il incombait aux autorités d’agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant dont l’enregistrement de la naissance avait été demandé, ce afin de compenser les manquements de la mère et d’éviter que l’enfant ne soit laissé sans identité enregistrée et donc sans document d’identité. Les autorités étaient tenues par l’obligation positive d’agir avec la diligence requise pour aider le requérant à obtenir son acte de naissance et ses pièces d’identité. Même s’il fallait s’assurer de la fiabilité des informations fournies, la protection de l’ordre public n’était pas incompatible avec l’assistance à une personne telle que le requérant, compte tenu de sa vulnérabilité particulière résultant de facteurs sanitaires (en part. antécédents de troubles psychologiques et d’affections psychiatriques) et sociaux, afin de protéger un élément particulièrement important de son identité. Violation admise à l’unanimité.

ATF 149 V 250 (f)

2023-2024

Les normes CSIAS posent comme présomption – réfragable – qu’un concubinage est considéré comme stable lorsque les concubin·es cohabitent depuis au moins deux ans ou lorsqu’ils ou elles vivent ensemble depuis moins longtemps et ont un·e enfant en commun. Il est admissible de tenir compte d’une « contribution de concubinage » dans le calcul des besoins d’une personne bénéficiaire de l’aide sociale lorsqu’elle vit dans une relation de concubinage stable. Nonobstant les pratiques cantonales divergentes, il n’est pas exclu de traiter des concubin·es avec enfant(s) en commun de la même manière que des personnes mariées.

ATF 150 I 50 (f)

2023-2024

Examen de la conformité des critères prévus par l’art. 82 al. 5 RSPC en matière de visites intimes avec le droit conventionnel, constitutionnel et fédéral. Sous l’angle de l’art. 8 CEDH, de l’art. 13 Cst. et de l’art. 84 CP, les visites « conjugales » ou intimes sont avant tout réservées aux proches du détenu. La CourEDH n’a pas explicitement défini qui pouvait prétendre à des « visites conjugales ». Dans le canton de Vaud, la relation de couple donnant droit à des visites intimes doit être antérieure à l’incarcération ou avoir duré au moins six mois au moment du dépôt de la demande, afin de s’assurer que la relation sentimentale est non seulement durable, mais a suffisamment de constance. D’après le Tribunal fédéral, ces exigences du droit cantonal vaudois sont conformes au droit supérieur, respectivement à la notion de « proche » telle que les dispositions conventionnelles, constitutionnelles et fédérales la définissent.

En présence d’un enfant de parents non mariés dont la garde a été attribuée exclusivement à l’un d’eux et, partant, dont l’entretien financier incombe uniquement au parent non gardien, la répartition de l’excédent éventuel a lieu uniquement entre le parent débirentier et l’enfant. Cet éventuel excédent – après couverture du minimum vital selon le droit des familles – doit ainsi être réparti entre ce parent (grosse tête) et l’enfant (petite tête), à raison de deux parts pour le parent et d’une pour l’enfant (n.b. : en présence d’un seul enfant, cela donne 1/3 pour l’enfant et 2/3 pour le parent débirentier). En revanche, il ne faut pas tenir compte virtuellement du parent gardien dans le cadre de la répartition de l’excédent, la situation financière de celui-ci étant, cas échéant, prise en compte dans le cadre de la contribution de prise en charge. La part à l’excédent de l’enfant peut être limitée pour des raisons éducatives ou de besoins concrets ; elle ne doit pas financer indirectement le parent gardien non marié. Selon l’expérience générale de la vie, les besoins à financer à partir de l’excédent (loisirs, vacances, etc.) augmentent avec l’âge de l’enfant, ce dernier critère pouvant être pris en compte dans le cadre de la limitation de la part à l’excédent.

En raison de la méthode de calcul de la contribution de prise en charge, une augmentation du revenu du parent gardien se répercute automatiquement sur le montant de la contribution d’entretien. Une modification de celle-ci ne saurait être exclue par principe dans ce cas. Il n’est par ailleurs pas déterminant de savoir s’il s’agit d’une activité dépassant le modèle des degrés scolaires. Ainsi, en cas d’augmentation du revenu du parent gardien – bénéficiaire économique de la contribution de prise en charge – il convient d’admettre le changement durable et important des circonstances, et d’examiner, en tenant compte de toutes les circonstances déterminantes, comment le changement intervenu se répercute sur l’obligation d’entretien.

Le tribunal doit fixer le dies a quo de la contribution d’entretien post-divorce (art. 126 al. 1 CC). En principe, il s’agit de la date d’entrée en force formelle de chose jugée, des exceptions étant possibles à certaines conditions. Les critères de l’art. 125 al. 2 CC permettent non seulement de déterminer si un entretien post-divorce est dû, mais également, cas échéant, la durée de celui-ci. Cette question-ci relève du pouvoir d’appréciation des instances cantonales (art. 4 CC), que le Tribunal fédéral revoit avec retenue. En l’espèce, les critères de l’art. 125 al. 2 CC sont applicables pour déterminer la limitation dans le temps de l’obligation d’entretien. Il s’agit premièrement de la durée de la vie commune durant le mariage ; plus celle-ci a été brève, plus la durée de l’obligation d’entretien sera en principe courte, et inversement, plus la vie commune a été longue, plus une longue période d’entretien sera justifiée. Deuxièmement, il faut examiner si la partie débitrice a pu améliorer ses revenus (principalement) grâce à la répartition des tâches pendant le mariage. Dans l’affirmative, une durée de l’obligation d’entretien plus longue peut se justifier. Troisièmement, il faut pronostiquer si et dans quelle mesure la partie débitrice peut (re)trouver et exploiter sa capacité financière ; malgré le fait que les questions à résoudre sont pour l’essentiel identiques à l’examen du revenu hypothétique, les critères ont ici portée propre. C’est dans ce cadre qu’il convient de tenir compte de l’impact de la prise en charge des enfants sur la capacité de gain ; même en présence d’une vie commune de courte durée, le droit à l’entretien après le mariage dure jusqu’au moment où la prise en charge des enfants n’a plus d’impact sur la situation professionnelle, soit, selon le modèle des paliers scolaires, jusqu’aux 16 ans du plus jeune des enfants commun·es, pour autant que la partie concernée ne parvienne pas à couvrir elle-même son entretien convenable. Finalement, entrent également en ligne de compte : l’âge de la partie créancière d’entretien ; son état de santé ; la répartition des tâches convenue et la durée de l’interruption de l’activité professionnelle qui en découle ; le type de formation et d’expérience professionnelle antérieure ; la durée d’exercice de l’activité professionnelle avant son interruption. D’autres critères peuvent encore s’ajouter.

Même en cas de divorce de conjoint·es ayant atteint l’âge légal de la retraite, il existe un droit au maintien du dernier train de vie commun, lorsque le mariage est qualifié de lebensprägend. Certes, il faut appliquer en général le principe selon lequel il n’existe pas de droit à l’égalité financière à vie et que l’entretien après divorce doit être limité dans le temps de manière appropriée. Toutefois, en l’espèce, une limitation de l’entretien ne se justifie pas, compte tenu de la vie commune de près de 50 ans avec répartition traditionnelle des tâches, des enfants communs et de l’âge déjà très avancé des parties (83 et 77 ans). Avec la méthode de calcul concrète en deux étapes avec répartition de l’excédent, il est tenu compte des besoins effectifs. Le montant de base et les autres montants forfaitaires sont calculés en fonction du coût de la vie au lieu de domicile à l’étranger, déterminé sur la base des parités monétaires des consommateur·trices collectées statistiquement ou des comparaisons internationales du pouvoir d’achat, telles qu’établies par l’Office fédéral de la statistique ou des grandes banques (rappel).

Le droit de la famille détermine qui est un·e descendant·e au sens de l’art. 457 CC, à savoir une personne (ou l’un·e de ses ascendant·es) qui avait un lien de filiation juridique direct avec le ou la de cuius. En l’absence de liens formels de droit des familles, il n’y a pas de vocation successorale légale. Le fait que le lien de filiation soit conjugal ou extra-conjugal n’a pas d’importance. Un traitement différent est uniquement possible pour les enfants commun·es et non commun·es dans le cadre de l’art. 473 al. 1 CC en faveur du ou de la conjoint·e survivant·e. L’ancien droit de la filiation distinguait la filiation conjugale de la filiation extra-conjugale et autorisait alors les « paternités alimentaires », lesquelles ne créaient pas de lien familial ou juridique entre le père et l’enfant, mais traitaient uniquement de l’obligation alimentaire envers l’enfant. Selon le droit transitoire, les « paternités alimentaires » pouvaient être adaptées au nouveau droit selon les conditions de l’art. 13a al. 1 Tif. fin. CC et n’ont pas été transformées ipso iure en « paternités avec effets d’état civil ». Si l’enfant n’a pas intenté d’action en paternité selon le nouveau droit, il n’existe pas de filiation juridique ; l’enfant n’est par conséquent pas considéré·e juridiquement comme un·e descendant·e et n’a ainsi pas de droit successoral protégé par une réserve héréditaire.

Droit au respect de la vie privée. Examen de l’interdiction légale absolue de la procréation post mortem sur le territoire national français et de l’exportation de gamètes et embryons à cet effet vers l’Espagne qui l’autorise. Applicabilité de l’art. 8 CEDH. Les autorités internes ont ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu, et la France n’a pas outrepassé la marge d’appréciation dont elle disposait, en part. compte tenu de l’absence de consensus en Europe. Cela dit, l’ouverture, depuis 2021, par le législateur français de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules repose la question de la pertinence de la justification de l’interdiction dénoncée. Malgré l’importante marge d’appréciation dont bénéficient les Etats, le cadre juridique doit être cohérent. Violation niée à l’unanimité.

Droit au respect de la vie privée ; obligations positives. Examen du refus des autorités nationales d’autoriser des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur d’accéder aux informations sur lui en vertu de la règle de l’anonymat du don de gamètes. Absence de consensus européen sur la reconnaissance du droit d’accès aux origines des personnes nées de dons, mais constat d’une tendance récente en sa faveur. En l’espèce, la France n’a pas méconnu son obligation positive, compte tenu de sa marge d’appréciation, certes réduite. Violation niée par quatre voix contre trois.

Dans un cas où une procédure est pendante devant l’APEA au sujet du sort de l’enfant, mais pas au sujet de son entretien, et qu’une procédure concernant l’entretien est ouverte subséquemment, la compétence de l’APEA ne disparaît qu’avec le dépôt de la demande au fond auprès du tribunal civil ; le requête de conciliation ne produit pas cet effet.

ATF 150 III 49 (d)

2023-2024

Tant que les relations personnelles ne sont pas réglées par les autorités, ce n’est pas l’autorité de protection de l’enfant qui en décide, mais la mère, seule détentrice de l’autorité parentale et du droit de garde en vertu de l’art. 275 al. 3 CC. Avant que le droit aux relations personnelles n’ait été fixé, l’art. 273 al. 2 CC ne peut donc pas être utilisé comme base légale pour donner une instruction à la mère, i.c. d’informer un enfant au sujet de son père incarcéré. En l’espèce, une telle mesure ne pouvait pas non plus se fonder sur l’art. 307 al. 3 CC, les conditions posées par cette disposition n’étant pas remplies.