Droit de la famille

Pour mettre en œuvre une mesure d’éloignement ordonnée sur la base de l’art. 28b al. 1 CC par le biais d’une mesure fondée sur l’art. 28c CC (e.v. le 1er janvier 2022), il est possible de recourir à la surveillance mobile à l’aide du système GPS (bracelet électronique). La surveillance est de nature purement passive et présente l’inconvénient de ne pas pouvoir empêcher la violation d’une interdiction prononcée par l’autorité judiciaire. Cette mesure porte atteinte à la liberté personnelle et à la sphère privée. Elle ne peut être ordonnée que sur requête de la partie demanderesse, il faut l’existence d’une interdiction fondée sur l’art. 28al. 1 CC et elle doit en outre remplir les conditions de l’art. 36 Cst. La mesure est apte à atteindre le but visé si elle permet de renforcer la protection de la victime, que ce soit en dissuadant l’intéressé·e d’enfreindre l’interdiction ou en permettant la récolte de preuves d’une telle violation. Elle s’avère nécessaire si l’auteur de l’atteinte a déjà transgressé une interdiction ou s’il est probable qu’il le fera. Il s’agit d’une mesure subsidiaire, si des mesures moins rigoureuses ont échoué ou apparaissent a priori insuffisantes. L’autorité doit effectuer une pesée des intérêts en présence, en accordant un certain poids aux intérêts de la victime potentielle, mais en prenant aussi en considération les intérêts de la personne visée, sachant que l’atteinte pour cette dernière n’est pas particulièrement grave. Enfin, la mesure doit être proportionnée quant à sa durée et son étendue géographique. Nier l’adéquation de la mesure de surveillance lorsqu’un risque subsiste rendrait inapplicable l’art. 28c CC, tout comme prétendre que cette mesure ne se justifierait qu’en l’absence de tout autre mode de preuve. Cf. également arrêt du TF 5A_716/2022 du 27 février 2023 (d).

Si le mariage antérieur a été dissous avant la conclusion du nouveau mariage, le deuxième mariage ne peut être annulé sur la base d’une cause absolue consacrée par le principe de la monogamie et de l’interdiction de la bigamie et de la polygamie. L’action est intentée d’office par l’autorité cantonale compétente du domicile des conjoint·es ou par toute personne intéressée, qu’elle soit de bonne foi ou non, qui a toutefois la charge de la preuve de l’existence d’un mariage antérieur et non dissous (ou d’une autre cause d’annulation, telle qu’un mariage de complaisance ou fictif). L’intérêt à faire annuler le mariage peut être matériel ou de nature idéale, actuel ou virtuel. Pour des motifs d’intérêt public, l’annulation doit être prononcée même si les conjoint·es souhaitent poursuivre leur mariage.

Droit au respect de la vie familiale ; contacts entre un père et son fils adulte atteint de déficience mentale. En l’espèce, même après avoir atteint l’âge de dix-huit ans, le fils de requérant a continué de faire partie du noyau familial de celui-ci. Compte tenu du fait que le fils du requérant est atteint de trisomie 21 et qu’il souffre de déficience mentale, il existe des éléments supplémentaires de dépendance entre lui et son père. L’art. 8 CEDH trouve application. Le requérant a été privé de tout contact avec son fils pendant plus de deux ans. Or, le temps est un paramètre important dans les procédures qui concernent des enfants, car un retard risque d’entraîner une certaine distanciation. Il en va de même dans le cas d’un·e jeune adulte atteint·e d’un lourd handicap mental. Les autorités ont manqué à l’obligation positive qui leur incombait d’adopter des mesures permettant de rétablir les contacts entre le requérant et son fils. Violation de l’art. 8 CEDH retenue.

La subrogation légale de la collectivité publique s’applique pour les avances versées sur la base d’une décision d’entretien entrée en force, mais également aux avances fondées sur le droit public cantonal versées avant ou pendant une procédure visant la fixation initiale de l’entretien, soit les prestations d’assistance ou d’aide sociale. La légitimation active appartient dans tous les cas toujours à l’enfant (cf. ATF 148 III 270/SJ 2022 427), même si des prestations d’aide sociale ont été octroyées en l’absence d’un titre d’entretien exécutoire. Cf. également arrêt du TF 5A_745/2022 du 31 janvier 2023 (d), consid. 2.

L’« entretien convenable » constitue le point de départ de tout calcul d’entretien et se mesure à l’aune du dernier train de vie commun des personnes mariées, tant s’agissant de l’entretien pendant le mariage que de l’entretien post-divorce. Parmi les principes tirés de l’art. 125 CC, seule la primauté de l’autonomie financière peut être appliquée par analogie à l’entretien matrimonial, selon l’art. 163 CC, lorsqu’on ne peut plus sérieusement compter sur une reprise de la vie commune. En revanche, l’entretien matrimonial ne connaît pas de limitation dans le temps et le principe d’égalité de traitement s’applique, à savoir que les personnes mariées ont, dans les limites des moyens disponibles, droit au maintien du dernier train de vie commun dans la même mesure et indépendamment de critères comme le caractère lebensprägend du mariage ou sa durée.

ATF 149 II 19 (f)

2022-2023

La nature fiscale des contributions d’entretien aboutit à ce qu’elles ne soient pas traitées comme des revenus. Les pensions alimentaires obtenues pour soi-même, ainsi que les contributions d’entretien obtenues par l’un des parents pour les enfants sur lesquel·les il a l’autorité parentale sont imposables à titre de revenu auprès de la partie bénéficiaire. En application d’un régime d’exception (admis restrictivement par la jurisprudence), ces mêmes contributions sont déductibles auprès du ou de la contribuable qui les verse, conformément au principe de la concordance. L’art. 25 LIFD, qui fonde les déductions générales et des frais possibles, ne permet pas de déduire les frais d’avocat·e déboursés pour obtenir des contributions d’entretien, qui n’entrent pas dans la catégorie des frais d’acquisition du revenu.

Même dans la procédure de mesures protectrices de l’union conjugale, les prétentions en entretien de l’autre conjoint·e et des enfants mineur·es sont indépendantes juridiquement, ce qui est expressément prévu par la loi. L’entretien des enfants est soumis à la maxime d’office, alors que l’entretien entre conjoint·es est soumis au principe de disposition. En l’espèce, sur appel du mari, l’instance d’appel a réduit la contribution d’entretien pour enfant et prévu une pension en faveur de l’épouse, bien que celle-ci n’eût pas fait appel de la décision de première instance qui ne lui en allouait pas. Le TF considère qu’une telle décision ne constitue pas une application arbitraire du principe de disposition et ne viole pas l’interdiction de la reformatio in pejus.

Dans le cadre de la fixation de l’entretien de l’enfant, l’allocation pour impotent de l’enfant mineur·e ne doit pas être déduite de la contribution de prise en charge (art. 285 al. 2 CC), ni être imputée sur les frais de garde externe de l’enfant dans le calcul de ses coûts directs. La part fiscale de l’enfant doit uniquement être calculée sur ses coûts directs (confirmation de jurisprudence). L’art. 28b CC n’impose aucune limite temporelle à l’interdiction de périmètre ordonnée sur la base de cet article (confirmation de jurisprudence).

Lorsque, en cas de recours à une gestation pour autrui (GPA) à l’étranger – en l’espèce, en Géorgie –, l’absence de lien de filiation de la mère porteuse n’est pas constatée par décision d’une autorité, mais intervient ex lege, la filiation de l’enfant vis-à-vis de la mère porteuse n’est pas réglée par l’art. 70 LDIP (cf. ATF 148 III 245/JdT 2022 II 268). Si les parents d’intention n’ont pas constitué leur résidence habituelle dans l’Etat de naissance de l’enfant, qu’ils s’occupent de l’enfant pratiquement dès sa naissance et ont prévu de rentrer dans l’Etat où se situe leur propre centre de vie, la résidence habituelle de l’enfant se situe dans ce même Etat, qui fondera en principe le droit applicable (art. 68 al. 1 et 69 al. 1 LDIP), en l’occurrence le droit suisse. En vertu de ce droit, une reconnaissance par la mère d’intention n’est pas envisageable (art. 260 CC) et le principe mater semper certa est prévaut (art. 252 al. 1 CC). Par ailleurs, s’agissant du père d’intention, il n’y a pas eu de reconnaissance de l’enfant, à proprement parler, en Géorgie, mais des liens de filiation qui se créent ex lege dès la naissance. Le TF examine si une reconnaissance de l’enfant valable selon le droit suisse pourrait découler directement du contrat de GPA conclu en Géorgie, conformément à l’art. 73 LDIP. En l’espèce, ledit contrat a été conclu par le biais d’une représentation et la reconnaissance n’a pas été faite en Suisse, ce qui contrevient à deux principes suisses d’une reconnaissance strictement personnelle non sujette à représentation et faite devant l’officier d’état civil. Le contrat ne peut d’emblée pas constituer une reconnaissance de paternité valable en droit suisse, mais le père d’intention peut effectuer une reconnaissance en Suisse.

Droit au respect de la vie privée et familiale ; non-reconnaissance prolongée du lien de filiation entre un enfant né d’une gestation pour autrui à l’étranger et le père d’intention partenaire enregistré du père génétique. L’absence en droit suisse, jusqu’au 1er janvier 2018, de modes alternatifs de reconnaissance de l’enfant né d’une gestation pour autrui a violé le droit à la vie privée de l’enfant concerné. Violation de l’art. 8 CEDH niée pour les parents.

Droit au respect de la vie privée et familiale. Le refus d’autoriser l’épouse du père génétique d’adopter des enfants nés à l’étranger d’une gestation pour autrui, malgré l’absence d’autres possibilités de faire reconnaître une relation de filiation légale, a entraîné une violation du droit au respect de la vie privée des enfants, mais non de celle de la mère d’intention. En revanche, compte tenu de l’absence d’obstacle à la jouissance de la vie familiale des enfants avec l’épouse de leur père génétique, qui avait obtenu l’autorité parentale conjointe mais pas l’adoption, une violation du droit au respect de la vie familiale a été niée.

Droit au respect de la vie privée ; rejet de la demande d’une veuve tendant à ce qu’elle soit fécondée à l’aide du sperme congelé de son époux décédé, au motif que le droit interne n’autorise ce mode d’insémination que pour les couples et entre vifs. En l’absence de consensus européen clair, l’Etat défendeur disposait d’une large marge d’appréciation. Les droits découlant de l’art. 8 CEDH n’obligent pas les Etats contractants à autoriser la fécondation artificielle post-mortem. Violation de l’art. 8 CEDH niée.

Pour qu’une reconnaissance de paternité étrangère soit valablement reconnue en Suisse, il suffit que celle-ci soit valable quant au fond et à la forme selon l’ordre juridique de la résidence habituelle, du domicile ou de la nationalité de l’enfant, ou selon l’ordre juridique national de la mère ou du père (art. 72 al. 1 et 73 al. 1 LDIP). La reconnaissance de paternité ne peut pas être reconnue – et donc inscrite à l’état civil en vertu de l’art. 32 LDIP – si elle est manifestement incompatible avec l’ordre public suisse. Pour retenir une violation de l’ordre public, il ne suffit pas que la solution adoptée à l’étranger diffère de celle prévue par le droit suisse ou qu’elle soit inconnue en Suisse. Cette clause d’exception s’applique uniquement au regard de la validité de la reconnaissance de paternité, respectivement au regard du droit étranger la rendant valide. Sous réserve des cas où un lien de paternité existe déjà, les possibilités élargies de reconnaître la paternité ne contreviennent généralement pas à l’ordre public suisse, car celui-ci poursuit l’objectif de conférer aux enfants né·es hors mariage le même statut qu’aux enfants né·es de parents mariés.

Les dispositions concernant la protection de l’enfant et de l’adulte relèvent en principe du droit public, mais sont édictées sur la base de la compétence de la Confédération en matière de droit civil, dont l’organisation judiciaire et son administration demeurent du ressort des cantons, sauf disposition contraire de la loi. Procédant à l’examen des différentes interprétations (littérale, historique, téléologique et systématique) d’une norme légale et tenant compte de l’avis de la doctrine, le TF examine la question de savoir si, au regard du droit fédéral, des mesures provisionnelles retirant le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et prononçant son placement sur la base des art. 310 al. 1 CC et 445 al. 1 CC peuvent être rendues par un·e membre unique de l’APEA (art. 440 CC). A mesure que ces thèmes relèvent du domaine central du droit de la protection de l’enfant et portent en général une atteinte grave à des droits fondamentaux de l’enfant, le TF arrive à la conclusion qu’il est nécessaire d’avoir la compétence d’une autorité collégiale pour rendre de telles mesures.

L’enfant est directement concerné·e par la règlementation de l’autorité parentale. Sans être partie au procès des parents, sa position procédurale particulière lui permet de participer à la procédure. Par conséquent, l’enfant est entendu·e dans la procédure, à moins que son âge ou d’autres justes motifs ne s’y opposent. Pour des enfants d’un âge plus avancé, l’aspect « droit de la personnalité est prépondérant » et fonde un droit de participation propre (cf. ATF 146 III 203/JdT 2021 II 77). Pour des enfants plus jeunes, l’audition doit être comprise comme un moyen de preuve. La capacité de se déterminer sur la question de l’attribution de l’autorité parentale est en principe admise à l’âge de 12 ans. La détermination d’un conflit de loyauté et son impact sont des questions de psychologie de l’enfant auxquelles on ne peut répondre que par des connaissances spécialisées.

Droit au respect de la vie familiale ; retrait de la garde dans l’intérêt des enfants en dépit de l’acquittement du père pour abus sexuel. Soumettre une condamnation pénale à un niveau de preuve élevé et interpréter tout doute en faveur de la partie défenderesse s’inscrit dans la Convention et la tradition juridique européenne. Toutefois, cette exigence ne s’applique en principe pas, et dans certains cas, ne devrait pas s’appliquer, en dehors des procédures pénales. En matière de protection de l’enfance, les services d’aide à l’enfance ont pour tâche d’évaluer de manière prospective les risques d’atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant, et non des éléments de culpabilité pénale. Pour justifier des mesures de protection, les autorités ne devraient pas être tenues d’apporter la preuve, au-delà de tout doute raisonnable, d’une négligence pénalement répréhensible ou d’une mise en danger. Retenir l’inverse reviendrait à compromettre sérieusement la capacité des autorités à protéger la vie et le bien-être des enfants. En l’espèce, tenir compte de l’ensemble des faits dans le but d’agir dans l’intérêt des enfants était une décision raisonnable. Un manquement à leurs devoirs aurait pu être retenu à l’encontre des autorités si elles avaient agi autrement. Non-violation de l’art. 8 CEDH.

Droit au respect de la vie familiale ; enfants contraints, pendant trois ans, aux rencontres avec leur père violent dans un environnement non protecteur (nonobstant la décision du tribunal et plusieurs signalements) et suspension de l’autorité parentale de la mère hostile à celles-ci. La Cour partage les inquiétudes du GREVIO quant à la pratique, très répandue parmi les tribunaux civils, consistant à considérer les femmes comme des parents « non coopératifs » et donc des « mères inaptes » méritant une sanction lorsqu’elles invoquent des faits de violence domestique pour refuser de prendre part aux rencontres de leurs enfants avec leur ex-conjoint·e et s’opposer à une garde partagée ou à un droit de visite. Violation de l’art. 8 CEDH dans le chef des enfants et de la mère retenue.

L’auteur doit agir de façon répétée ou violer durablement son devoir d’éducation de manière à mettre en danger le développement physique ou psychique de la personne mineure (confirmation de jurisprudence). Le TF retient qu’il s’agit d’une unité juridique d’actions. Partant, la prescription ne commencera à courir qu’à partir du jour où le dernier acte a été commis (art. 98 al. 1 let. b CP). En cas de délit continu commis à cheval sous l’ancien et le nouveau droit, le nouveau droit de la prescription s’applique à l’ensemble de l’infraction.