Droit fiscal

Art. 5 al. 3 Cst. ; 37 LDM/VS ; 62 et 33 al. 1 LPJA/VS ; 9 Cst.

Droits de mutation ; révision et reconsidération ; arbitraire. L’examen d’une demande de reconsidération ou de révision est garanti par l’art. 29 al. 1 Cst. lorsqu’il existe un motif classique de révision pour les invoquer. C’est le cas notamment lorsqu’on est en présence de faits ou moyens de preuves importants nouveaux, mais aussi de faits et moyens de preuves dont le contribuable ne pouvait pas se prévaloir, ou qu’il n’avait pas de raison de le faire dans la procédure antérieure. L’existence d’un changement notable de circonstances depuis la première décision constitue également un motif classique de révision. La modification, dans le cas d’espèce, des valeurs cadastrales déterminantes pour les droits de mutation, quelques mois après l’acquisition des immeubles et avec effet rétroactif au 1er janvier de l’année concernée (soit avant la date d’acquisition) constitue un tel motif susceptible d’être invoqué. En raison de son caractère manifestement insoutenable (art. 9 Cst.), le refus du Tribunal cantonal d’entrer en matière sur la demande de reconsidération ou de révision du contribuable est dès lors arbitraire.

Art. 6 al. 1 let. f et 7 al. 1 let. a LDM/VS ; 2 LFAIE

Droits de mutation ; distinction entre société immobilière et société d’exploitation. Dans la mesure où le droit cantonal prévoit l’imposition des transferts économiques d’immeubles, des droits de mutation sont prélevés sur les transferts de parts dans des sociétés immobilières. La pratique constante admet l’existence d’une société immobilière lorsque cette dernière a pour but principal l’acquisition, la gestion et la revente de biens immobiliers entrant dans la définition de l’art. 655 al. 2 CC. Il convient dès lors de déterminer si ces activités sont exclusives ou du moins principales pour qualifier l’entreprise de société immobilière. Par opposition, on est en présence d’une société d’exploitation ne relevant pas de la précédente définition lorsque les biens immobiliers ne constituent essentiellement que la base factuelle de l’exploitation. Le but statutaire de la société n’est pas décisif pour qualifier celle-ci de société immobilière. Il convient d’examiner dans le cas concret et sur la base de l’ensemble des circonstances si la transaction équivaut économiquement à la vente d’un bien immobilier, et non pas à un transfert d’une société dont l’activité ne concerne pas le bien immobilier. Seules sont donc déterminantes les caractéristiques objectives de la société, sans considération de la volonté subjective des parties. En outre, en raison des objectifs différents des droits de mutation, imposant les transferts de propriété immobilière, et de la LFAIE, visant la prévention de l’emprise étrangère sur le sol suisse, l’assujettissement de la transaction aux droits de mutation est indépendant de celui lié au régime d’autorisation de la LFAIE. La qualification donnée par la LFAIE à un bien immobilier – qui se rapporte à son utilisation – n’empêche dès lors pas d’attribuer la qualité de société immobilière à une société en raison de son but. Dans le cas d’espèce, bien que la société en question fournisse des services hôteliers, ces derniers sont considérés comme accessoires à l’activité principale de location du chalet de cette première. C’est donc à juste titre que la société est qualifiée de société immobilière par l’autorité précédente.

Art. 103 LFus ; 8 al. 3 LHID

Droits de mutation ; restructuration d’une entreprise individuelle ; analyse des conditions de l’art. 103 LFus. Une entreprise individuelle et une Sàrl recourent au Tribunal fédéral pour contester le droit de mutation lié à une vente immobilière. Ils invoquent une violation de l’art. 103 LFus en relation avec l’art. 8 al. 3 LHID. Selon le Tribunal fédéral, deux conditions cumulatives doivent être réalisées pour bénéficier de l’exonération des droits de mutation de l’art. 103 LFus : il faut que l’on soit en présence, premièrement, d’une restructuration et, deuxièmement, d’une exploitation. La condition de la restructuration englobe les situations de fusions (art. 3 ss LFus), de scissions (art. 29 ss LFus), de transformations (art. 53 ss LFus) et de transferts du patrimoine (art. 69 ss LFus). L’arrêt du TF 2C_503/2017 du 8 octobre 2018 prévoit qu’ « en lien avec l’art. 8 al. 3 let. b LHID, le transfert d’une raison individuelle à une personne morale ou l’aliénation d’une partie de l’entreprise de personnes est autorisé ». La condition de restructuration est donc admise en l’espèce. La condition de l’exploitation est définie dans l’ATF 142 II 283 en relation avec l’art. 19 al. 1 LIFD. Dans le cas d’espèce, l’existence d’une exploitation a été refusée pour deux raisons. En premier lieu, une activité de simple administration de biens-fonds ne suffit pas pour admettre une exploitation au sens de l’art. 8 al. 3 let. b LHID. Surtout, en second lieu, les immeubles ne produisaient aucun rendement au moment de la vente, de sorte qu’on ne peut affirmer qu’ils présentaient un degré élevé d’autonomie et qu’ils constituaient une organisation capable de subsister par elle-même. La condition d’exploitation n’étant pas remplie, le grief de violation de l’art. 103 LFus est écarté et le Tribunal fédéral rejette le recours.

Art. § 205 al. 1 StG/SO

Droits de mutation ; transfert de propriété d’une société immobilière ; donation. Par contrat de donation, une contribuable soleuroise et sa mère prévoient un transfert de 3’000 actions nominatives (représentant 75% du capital-actions d’une société) en faveur de la fille. L’administration fiscale cantonale applique un droit de mutation de CHF 17’600.-. La contribuable recourt au Tribunal fédéral et requiert l’abrogation de la « législation en vigueur » et « de la pratique de taxation ». Elle soutient que l’immeuble est cédé gratuitement entre vifs (§ 50 al. 1 let. a StG/SO) et revendique que l’impôt soit différé au sens de l’art. 12 al. 3 let. a LHID. Enfin, elle invoque une violation du principe de l’égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst. féd.) étant donné que, dans le cadre d’une succession, le transfert de patrimoine n’est pas sujet au droit de mutation (§ 207 al. 1 let. a StG/SO). Le Tribunal fédéral rejette les arguments de la contribuable, en jugeant qu’elle confond l’impôt sur les gains immobiliers (12 al. 1 LHID) avec l’impôt sur les droits de mutation (§ 205 ss StG/SO). Le grief de l’égalité de traitement est également écarté, le Tribunal fédéral statuant qu’il y a des raisons objectives de traiter différemment un transfert de propriété par héritage d’une donation entre vifs.

§ 90 al. 1 lit. d et 209 al. 1 StG/SO

Droits de mutation soleurois ; exonération des Chemins de fer fédéraux suisses. Les Chemins de fer fédéraux suisses contestent une taxation soleuroise au titre de droits de mutation. D’après la compagnie ferroviaire nationale, celle-ci serait exemptée de l’impôt aux termes de la loi fiscale. Elle s’appuie en particulier sur l’article 90 al. 1 lit. d StG/SO qui exonère des impôts directs les entreprises de transport et d’infrastructure agréées par la Confédération qui reçoivent une compensation pour cette activité ou qui, en vertu de leur concession, doivent opérer durablement sur le territoire national. Le Tribunal fédéral déboute la compagnie ferroviaire en relevant que l’article 209 al. 1 StG/SO – qui régit l’exonération des contribuables dans le contexte des droits de mutation – ne renvoie pas à l’article 90 al. 1 lit. d StG/SO.

TF 2C_1040/2014

2015-2016

Art. 12 al. 2 let. a LHID ; 137 al. 2, 127 al. 2 et 141 al. 1 de la loi d’impôt thurgovienne du 14 septembre 1992 (StG/TG, RS/TG 640.1) ; 9 Cst.

Transfert économique, société d’exploitation vs société immobilière.

Le 11 août 2008, X. SA acquiert la totalité des titres de participation de W. SA qui exploite, dans un immeuble lui appartenant, un EMS. Dans le même temps W. SA vend l’exploitation de l’EMS à Z. SA et ne détient par conséquent à cette date plus que le bien-fonds. Pour l’administration fiscale thurgovienne cette aliénation des actions de W. SA s’apparente à un transfert économique du pouvoir de disposer sur l’immeuble au sens des art. 137 al. 2 et 127 al. 2 StG/TG qui déclenche le droit de mutation. Ce dernier ne relevant pas du droit harmonisé, il est régi par le droit cantonal autonome.

Par conséquent, le Tribunal fédéral ne peut l’aborder que sous l’angle restreint de l’arbitraire (art. 9 Cst.). Partant, selon l’art. 137 al. 2 StG/TG, en cas de transfert de la majorité des parts d’une société immobilière un droit de mutation est prélevé auprès de l’acquéreur de celles-ci. Ainsi dès lors que X. SA n’était intéressée que par l’immeuble et son rendement et non par l’activité médico-sociale, il y avait de fait un lien matériel direct entre l’acquisition et la propriété foncière permettant de soutenir les conclusions de l’autorité précédente. C’est pourquoi elle confirme que ce n’est pas faire preuve d’arbitraire que d’admettre que la cession des actions de W. SA donne bien lieu à un transfert économique de l’immeuble ouvrant le droit à la perception d’un droit de mutation.

TF 2C_687/2014

2015-2016

§ 2 al. 1 et 3 al. 3 de la loi lucernoise sur les droits de mutation du 28 juin 1983 (HStG/LU, RS/LU 645)

Succession ; revente de biens immobiliers hérités ; moment déterminant pour l’estimation d’un immeuble dans le cadre des droits de mutation dans le canton de Lucerne.

Les communautés héréditaires des défunts A. et M. vendent, entre le 23 avril et le 15 mai 2013, des biens immobiliers sis dans le canton de Lucerne faisant partie de la succession pour CHF 13’242’110. Selon l’art. 3 al. 3 1ère phrase HStG/LU, le transfert de biens immobiliers du de cujus à la communauté héréditaire est exonéré de droit de mutation. En revanche la vente par celle-ci de l’immeuble hérité à un tiers ou son transfert à un seul des héritiers est imposable. Les autorités fiscales considèrent que c’est la vente à un tiers qui est le fait générateur de l’impôt et souhaitent dès lors prélever le droit de mutation sur la valeur de l’immeuble à la date de la celle-ci. Les recourants soutiennent a contrario que cette aliénation est la simple conséquence du transfert au décès du de cujus et partant que c’est le jour de la disparition de ce dernier qui doit faire foi pour la détermination de la valeur de l’immeuble.

Le Tribunal fédéral rappelle que conformément aux arts. 560 al. 1 et 2 et 656 al. 2 CC, les héritiers acquièrent la propriété des biens immobiliers à la mort du de cujus et cela alors même qu’ils ne sont pas encore inscrits au registre foncier en tant que propriétaires. Ce transfert entraine donc d’après l’art. 2 al. 1 HStG/LU l’assujettissement au droit de mutation. Cependant l’art. 3 al. 3 HStG/LU exempte la communauté héréditaire d’un tel prélèvement lors du transfert du de cujus à l’hoirie à condition qu’il n’y ait ni revente ni cession à un seul héritier. Dans le cas d’espèce, pour cause de revente, l’exception à l’art. 3 HStG/LU ne peut être invoquée, ce qui entraine par conséquent l’imposition à la date du décès du de cujus. De ce fait, c’est à tort que l’instance précédente retient que le fait générateur de l’impôt est la date de la vente. La Haute Cour donne raison aux recourants en précisant que la disposition ne requière pas un nouveau fait générateur de l’impôt mais est la conséquence du transfert au décès.

TF 2C_447/2014

2014-2015

Art. 9 al. 1 de la loi concernant la perception de droits de mutation sur les transferts immobiliers (LDMI-NE)

Application d’un taux réduit pour immeuble nouvellement construit ; rénovation d’envergure ; transformation d’un hôtel en habitation.

Les copropriétaires d’un ancien hôtel entièrement transformé en logement d’habitation (PPE) souhaitent que le taux du droit de mutation grevant leur acquisition soit réduit à 2,2% du prix de vente, car ils considèrent avoir acheté des appartements sis dans un « immeuble nouvellement construit ». Le TF, sous l’angle de l’arbitraire, confirme l’interprétation faite par le Tribunal cantonal de la notion d’ « immeuble nouvellement construit » relatif à l’art. 9 al. 1 LDMI-NE.

Ainsi, bien que l’on soit en présence d’un bâtiment voué pour la première fois à l’habitation et malgré l’ampleur des travaux de rénovation, le fait d’avoir conservé les murs extérieurs et l’ossature ne permet pas de qualifier le bien, en question, d’ « immeuble nouvellement construit ». Ainsi une telle transformation, nonobstant sa consistance, ne donne pas droit à la réduction du taux de droit de mutation proposée à l’art. 9 al. 1 LDMI-NE.

TF 2C_692/2014

2014-2015

Art. 29 al. 2 Cst. ; 210 et 214 al. 2 Gesetzes des Kantons Solothurn vom 1 Dezember 1985 über die Staats- und Gemeindesteuern (StG/SO RS 614.11)

Prix du transfert immobilier pour le droit de mutation en cas de contrat de vente lié à des conditions spéciales ; offres de preuve ; violation du droit d’être entendu.

En 2011, A SA achète au canton de Soleure un hôpital abandonné pour CHF 11’996'430.-, afin de le transformer en centre de santé et de soin. Il est convenu que A SA n’aura pas à s’acquitter du prix d’achat si, dans un délai de 7 ans après l’obtention du permis de construire, elle a investi au moins CHF 10 millions et maintenu 60 emplois. En raison du transfert de droit de propriété, le canton réclame des droits de mutation de 2,2% sur le prix convenu contractuellement. La recourante demande à l’autorité fiscale de prendre en compte, pour calculer le montant des droits de mutation, une valeur de 0, malgré le fait que la législation fiscale soleuroise prévoie la prise en compte de la valeur vénale (art. 210 StG/SO).

D’après la jurisprudence constante du TF en matière d’évaluation de la valeur vénale de biens immobiliers, on utilise en général la méthode des comparables afin d’éliminer les éventuelles spécificités liées à la transaction telles que les modalités de paiement ou la fixation du prix. Néanmoins, lorsque l’on fait face à de l’immobilier très spécialisé, comme c’est le cas ici, où aucun comparable n’est disponible et le prix d’achat est symbolique, car lié à un volume d’investissement, l’art. 214 al. 2 StG/SO préconise de procéder à une expertise indépendante afin de déterminer la valeur vénale du bien en question.

Ainsi, alors que la valeur vénale est difficile à appréhender au vu des circonstances et que son évaluation est contestée par la recourante, l’instance inférieure a agi, selon le TF, de façon arbitraire et a violé le droit d’être entendu de l’intimée lorsqu’elle a écarté l’expertise de celle-ci, qui compte tenu de la complexité du dossier gardait toute sa pertinence, sans motiver en quoi cette preuve ne changerait rien à sa détermination. En particulier, l’explication de l’administration fiscale sur la raison pour laquelle la valeur de l’immeuble n’est pas égale à CHF 0.- n’est pas une justification suffisante pour écarter l’expertise de la recourante. La question de la fixation du prix étant une question de fait, le TF renvoie la cause à l’instance précédente.

§ 207 al. 1 lit. g StG/SO

Droits de mutation soleurois ; exonération pour les logements utilisés durablement et exclusivement. Un contribuable soleurois acquiert un immeuble le 19 mars 2013, pour un montant de CHF 1’450’000.-, et y emménage dans les jours suivants avec sa concubine. Le 27 février 2014, il vend l’immeuble au prix de CHF 1’400’000.- en fixant le transfert des profits et risques au 30 avril 2014. Ce même jour, les concubins emménagent dans un autre logement. Le contribuable soleurois invoque l’article 207 al. 1 lit. g StG/SO qui exonère l’acquisition de l’immeuble des droits de mutation si l’acquéreur l’utilise durablement et exclusivement au titre de logement. Le Tribunal fédéral confirme la taxation sur l’immeuble en raison du fait que le contribuable a occupé le logement durant moins d’une année.