Droit pénal général

TF 6B_782/2022 (f)

2022-2023

Prescription ; application du droit dans le temps. Cet arrêt se penche principalement sur la question de la fixation du point de départ de la prescription (dies a quo) et sur les délais de prescription à appliquer à l’art. 219 CP, étant donné que l’infraction a eu lieu à cheval entre le nouveau et l’ancien droit. Le TF décide de considérer que si les actes ont été commis à cheval sur le nouveau et l’ancien droit, le nouveau droit s’applique pour régler les questions de prescription, dès lors que le dernier acte a été commis après son entrée en vigueur. Cette solution a été retenue par souci de cohérence, car cette même solution a été retenue pour les questions d’application du droit dans le temps pour délits continus.

Prononcé pénal et prescription de l’action pénale. Le recourant, condamné par le Département fédéral des finances (DFF) selon l’art. 37 al. 2 LBA, argue que le TF doit revenir sur sa jurisprudence qui assimile le prononcé pénal (art. 70 DPA) à un jugement de première instance interrompant la prescription (art. 97 al. 3 CP). Pour rappel, pour que le prononcé pénal soit considéré comme un jugement de première instance interruptif de la prescription, la jurisprudence veut « que la personne accusée se voie accorder des droits de participation étendue en procédure pénale administrative ». De plus, contrairement à l’ordonnance pénale, le prononcé pénal repose « sur une base circonstanciée et doit être rendu dans le cadre d’une procédure contradictoire ». Ces conditions ont été confirmées à plusieurs reprises dans la jurisprudence récente. Contrairement à ce que prétend le recourant, le revirement de jurisprudence relatif au jugement par défaut ne peut pas être appliqué au prononcé pénal, car, pour ce dernier, les droits de participation ne sont pas limités. En outre, l’art. 6 CEDH assurant l’accès à un tribunal indépendant et impartial n’est pas violé, car une voie de recours devant un tel tribunal existe contre le prononcé pénal (art. 72 DPA). Les conditions posées dans la jurisprudence pour que le prononcé pénal soit considéré comme un jugement de première instance, et donc interruptif de la prescription, sont donc remplies. Le recourant défend encore que, même dans le cas où la jurisprudence actuelle devrait être maintenue, le prononcé pénal n’a pas été reçu à la suite d’une procédure contradictoire. Cependant, le recourant n’ayant pas formé d’opposition remplissant les exigences de l’art. 68 al. 2 DPA, prétendre à présent qu’une procédure contradictoire n’aurait pas eu lieu est contraire à la bonne foi. Enfin, le recourant ne peut être suivi lorsqu’il déclare que l’évolution de la définition de « soupçons fondés » n’était pas prévisible pour lui, et donc contrevenait au principe de la légalité (art. 1 CP) et de la non-rétroactivité (art. 2 al. 1 CP). En effet, la définition est assez prévisible car elle découle d’un arrêt de 2008 et d’un rapport du Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent de 2007 antérieurs aux faits reprochés au recourant.

ATF 146 IV 59 (d)

2019-2020

Art. 97 CP al. 3, Art. 366ss CPP

Prescription de l’action pénale ; annulation d’un jugement par défaut. Pour savoir s’il doit être tenu compte, dans le calcul du délai de prescription de l’action pénale, du temps qui s’est écoulé depuis un jugement par défaut de première instance jusqu’à la reprise de la procédure, il convient de déterminer, en amont, si le jugement rendu par contumace constitue un jugement de première instance au sens de l’art. 97 al. 3 CP ou non. Un jugement par défaut ne doit être assimilé à un jugement de première instance qu’à la condition résolutoire suivante : aucune demande de nouveau jugement n’est déposée ultérieurement et le jugement par contumace n’est pas remplacé par un nouveau jugement. Dans le cas où le jugement par défaut devient caduc car un nouveau jugement est rendu après l’admission d’une demande de nouveau jugement, le temps écoulé entre les deux jugements doit être pris en compte dans le calcul du délai de la prescription de l’action pénale.

ATF 146 IV 68 (d)

2019-2020

Art. 102 CP

Punissabilité de l’entreprise ; nature juridique de l’art. 102 CP ; délai de prescription. L’art. 102 CP ne constitue pas une contravention sui generis mais une norme d’imputation. Tant une interprétation littérale que systématique de cette disposition plaident en faveur de cette approche : d’une part, l’art. 102 CP lui-même évoque le fait que l’infraction est « imputée » à l’entreprise ; d’autre part, il est inscrit dans la partie générale du code. Dans cet arrêt, le TF apporte une réponse à une question longuement débattue en doctrine et porteuse d’importants enjeux pratiques, notamment en termes de prescription. Ainsi, le délai de prescription applicable à l’art. 102 CP est celui de l’infraction de base imputée à l’entreprise et non celui de l’art. 109 CP réservé aux contraventions. Il n’était d’ailleurs pas de l’intention originelle du législateur de prévoir un délai de trois ans (art. 109 CP) en lien avec la responsabilité pénale de l’entreprise, puisqu’à l’époque de son introduction en 2003, l’amende faisait encore partie du catalogue traditionnel des sanctions. Enfin, selon la logique de l’art. 102 CP, l’entreprise est tenue responsable et sanctionnée pour l’infraction sous-jacente qui lui est imputée et non pas en raison d’un défaut d’organisation. Ce dernier ne constitue qu’une condition parmi d’autres de sa responsabilité pénale. Le montant de l’amende est ainsi fixé en fonction d’autres critères, tels que la gravité de l’infraction et du dommage causé. Il est donc faux de considérer que la prescription commence de courir uniquement lorsque le défaut d’organisation cesse, plutôt que lors de la commission de l’infraction.

ATF 143 IV 450 (f)

2017-2018

Art. 97 CP

Interruption de la prescription pénale indépendante de la qualification juridique en appel. Le prévenu est condamné par jugement de première instance rendu en 2013 pour diffamation en lien avec des faits remontant à 2010. La juridiction d’appel annule ce jugement et condamne le prévenu pour injure en 2017. Le prévenu invoque la prescription de l’infraction. L’interruption du délai de prescription de l’art. 97 al. 3 CP concerne les faits qui sont à la base de la condamnation et non la qualification juridique retenue. La prescription de l’infraction ne faisait donc pas obstacle à une requalification de l’infraction par la juridiction d’appel, ce qui conduit au rejet du recours.

Art. 97 al. 3 CP ; 1 al. 2 let. j et 36 DPMin

Fin de la prescription de l’action pénale en DPMin.

A la suite d’une condamnation en 2008 pour des actes sexuels commis en 2005, le prévenu saisit le Tribunal fédéral en invoquant la prescription de 5 ans prévue par l’art. 36 al. 1 lit. A DPMin. Il constate que l’art. 1 al. 2 lit. J DPMin renvoie à l’art. 98, 99 al. 2, 100 et 101 al. 1 CP mais en aucun cas à l’art. 97 al. 3 CP qui prévoit l’interruption de la prescription de l’action pénale lors du prononcé d’un jugement de première instance. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral comble cette lacune en appliquant par analogie 97, al. 3 CP afin de contribuer à la sécurité du droit et à l’égalité de traitement dans la mesure où les prévenus qui renoncent à recourir contre le jugement de première instance ne sont pas désavantagés par rapport à ceux qui saisissent les instances supérieures. Ainsi, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Art. 97 al. 3 CP

Prescription de l’action pénale, effet d’une ordonnance pénale frappée d’opposition.

Condamné le 12 octobre 2011 à une amende pour excès de vitesse par le biais d’une ordonnance pénale à laquelle il avait fait opposition, la condamnation est confirmée le 24 juin 2014 par le tribunal d’arrondissement. La prescription étant de trois ans dans le cas d’espèce, la question se pose de l’effet d’une ordonnance pénale à laquelle il a été fait opposition. A cet égard, le TF estime que si une ordonnance entrée en force est assimilée à un jugement de première instance interrompant la prescription, il ne saurait en être de même en cas d’opposition. En effet, une telle interruption créerait une inégalité de traitement en regard des infractions plus graves auxquelles n’est pas ouverte la voie de l’ordonnance pénale.

Art. 98 CP et 9 al. 1 LBA

Prescription de l’action pénale, point de départ.

Condamné pour violation de l’obligation de communiquer prévue à l’article 9 LBA, le recourant soutient que les faits étaient prescrits lors du prononcé pénal. Le TF se penche sur la question, du point de départ de la prescription dans le cas de l’art. 9 LBA. Il note que l’obligation de communiquer naît dès que l’intermédiaire financier sait ou présume, sur la base de soupçons fondés, que les valeurs patrimoniales impliquées dans la relation d’affaires pourraient remplir un des cas prévus par la disposition. Il souligne toutefois que la doctrine n’est pas unanime sur la question de la fin de l’obligation de communiquer. A cet égard, le TF prend position aux côtés de Schwob et Reinle et se réfère au but de la norme. Il estime ainsi que l’obligation de communiquer ne prend pas fin avec la fin de la relation d’affaires, mais qu’elle peut perdurer aussi longtemps que les valeurs peuvent être découvertes et confisquées.

Art. 97 al. 3 CP

Prescription de l’action pénale, portée du jugement prononcé en première instance. Tout jugement de première instance, qu’il s’agisse d’un verdict de condamnation ou d’acquittement interrompt la prescription. Il s’agit d’un changement de jurisprudence car jusqu’ici le Tribunal fédéral considérait que seul le jugement de condamnation avait valeur interruptive de la prescription.

TF 6B_242/2011

2011-2012

Art. 97 CP

Prescription de l’action pénale. Jugement de première instance. Seul un verdict de condamnation est propre à mettre un terme à la prescription de l’action pénale. Un jugement de première instance qui libère le prévenu et qui est ensuite annulé comme contraire au droit ne déploie pas un tel effet.

ATF 134 IV 297

2008-2009

Art. 71 aCP, 98 let. a CP

Point de départ de la prescription. Conformément à la lettre de la loi, c’est le moment auquel l’auteur a exercé son activité coupable et non celui auquel se produit le résultat de cette dernière qui détermine le point de départ de la prescription. Il s’ensuit que des actes pénalement répréhensibles peuvent être atteints par la prescription avant qu’en survienne le résultat. Cette conséquence est conforme aux droits fondamentaux.

TF 6B_1026/2008

2008-2009

Art. 97, 98 CP

Prescription, fin de la poursuite pénale. Homicide par négligence, absence d’équipement de sécurité sur une machine agricole (BJP 3/2009 n° 616). Quand une machine agricole présente des défauts pouvant, dans certaines circonstances, entraîner un danger susceptible de se matérialiser par des blessures, le délai de prescription commence à courir au plus tard au jour de la livraison de la machine à l’acheteur.