Droit social

Art. 6 CEDH, Art. 8 CEDH, Art. 14 CEDH

La CourEDH examine la question de savoir si les prestations de l’assurance-invalidité visent à favoriser la vie familiale et si elles ont nécessairement une incidence sur l’organisation de celle-ci. Le but de la rente d’invalidité n’est pas de favoriser la vie familiale des bénéficiaires et elle n’a pas nécessairement une incidence sur l’organisation de celle-ci (ch. 16). L’art. 14 CEDH n’est pas applicable. La réduction de la rente du fait du choix de l’intéressée de travailler à temps partiel a une conséquence financière, qui n’est pas couverte par la notion de vie privée. L’art. 8 CEDH n’entre pas en jeu. La requête est irrecevable.

Art. 6 CEDH, Art. 8 CEDH, Art. 43 LPGA

Constitue une violation de l’art. 8 CEDH la surveillance par des détectives privés mandatés par la compagnie d’assurance faisant état des activités professionnelles du requérant. La CourEDH rappelle l’affaire Vukota-Bojić. Le Gouvernement suisse expose avoir modifié l’art. 43 LPGA de manière à tenir compte de la décision précitée. Il n’y a pas de violation de l’art. 6 al. 1 CEDH dans la mesure où l’expertise polydisciplinaire MEDAS était fondée sur les dossiers médicaux du requérant et sur les rapports des détectives privés ; les rapports des détectives privés n’ont pas été les seuls éléments sur lesquels le TF a basé sa décision.

La Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme confirme l’arrêt rendu par la Cour le 20 octobre 2020, qui constatait la violation, par la Suisse, des art. 8 et 14 CEDH, en raison de la limitation du droit à la rente de veuf au 18e anniversaire du cadet des enfants (art. 24 al. 2 LAVS), cette limite ne s’appliquant pas aux rentes de veuves, qui sont viagères sous réserve de remariage. Constatant une jurisprudence non uniforme de la Cour à ce sujet, la Grande Chambre définit les critères qui permettent d’invoquer l’art. 8 CEDH, le cas échéant en combinaison avec l’art. 14 CEDH, lorsqu’il est question de refus de prestations sociales (N 47 à 72 de l’arrêt). Le raisonnement de la Grande Chambre peut être résumé de la manière suivante : l’art. 8 CEDH, même combiné avec l’art. 14 CEDH, ne permet pas d’exiger de l’Etat des prestations positives, singulièrement des prestations sociales ; cela étant, si l’Etat décide d’octroyer des prestations sociales par le biais de sa législation interne, il ne peut en aménager les conditions d’octroi de manière discriminatoire. Cela vaut de manière absolue lorsque le Protocole n° 1 s’applique (art. 1 Prot. n° 1 cum 14 CEDH), ce qui n’est pas le cas pour la Suisse. Si le Protocole n° 1 ne s’applique pas, il faut encore déterminer si le droit aux prestations sociales peut être protégé par le biais de l’art.8 CEDH. La Grande Chambre résume la jurisprudence précédente de la Cour, identifiant trois critères non uniformément utilisés par le passé, et décide que désormais, les deux critères suivants doivent être cumulativement remplis : 1. les prestations sociales en question visent à favoriser la vie familiale, et 2. elles ont nécessairement une incidence sur l’organisation de celle-ci.

Le requérant ne démontrant pas que le plafonnement du remboursement des frais de maladie et d’invalidité d’une personne lourdement handicapée soignée à domicile (alors que le plafonnement ne s’applique pas aux personnes soignées dans une institution) tombe sous l’empire du volet « vie familiale » ou « vie privée » (art. 8 CEDH), la requête est irrecevable.

A la question de savoir si, dans le cas de la suppression de la rente de veuf à la majorité de son enfant cadet (art. 24 al. 2 LAVS), la distinction opérée entre une femme veuve et un homme veuf est une différence de traitement fondée sur le sexe, discriminatoire et qui, partant, viole l’art. 14 combiné avec l’art. 8 CEDH, la Cour européenne des droits de l’homme répond par l’affirmative (N 78). Elle précise que la présomption selon laquelle l’époux assure l’entretien financier de son épouse ne saurait plus justifier aujourd’hui, de manière objective et raisonnable, l’inégalité de traitement entre femmes et hommes de l’art. 24 al. 2 LAVS (N 74).