le recourant a demandé l’ajournement durant cinq ans de la rente de vieillesse lui étant normalement due à partir du 1er février 2018. Le litige porte sur la question de savoir si l’instance inférieure a violé le droit fédéral lors de la fixation de la rente mensuelle du recourant, en particulier de savoir si le supplément d’ajournement de rente, en l’espèce une majoration de 31,5 %, doit être calculé sur la base de la rente au moment de la demande d’ajournement ou sur la rente prévalant au moment de la prise de retrait effective. Le TF présente une analyse historique et jurisprudentielle détaillée de l’ajournement de la rente et constate que la méthode de calcul prévue à l’art. 55ter al. 2 RAVS, concrétisées dans les Directives concernant les rentes de l’OFAS, est conforme au droit fédéral.
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Isabella Jorge
Le droit à une rente de veuve ou de veuf qui s’est éteint à la suite d’un remariage (art. 23 al. 4 let. a LAVS) ne peut renaître, sur la base de l’art. 23 al. 5 LAVS, qu’après la dissolution du deuxième mariage par le divorce ou l’annulation. En cas de divorce ou d’annulation d’autres mariages contractés par la suite (soit un troisième ou quatrième mariage par exemple), il est exclu que le droit à une rente de veuve renaisse.
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Isabella Jorge
En matière de restitution de rentes indûment perçues en raison d’une erreur de l’administration, le délai de péremption relatif n’est pas déclenché par le premier acte incorrect de l’administration, mais bien le jour où l’administration aurait dû reconnaître son erreur ultérieurement, soit quand l’assureur a connaissance (ou aurait dû avoir connaissance) de toutes les circonstances essentielles à la détermination de la créance en restitution. Cependant, si l’illégalité de la prestation fournie ressort directement du dossier, le délai d’un an commence à courir immédiatement. Dans cet arrêt, le moment déterminant pour le départ du délai de péremption est celui où l’information du changement d’état civil de l’intimé a été versée au dossier de la caisse de compensation, car il ne restait alors plus d’éléments à clarifier. La demande de restitution de rentes versées indûment est périmée.
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Isabella Jorge
Dans le contexte de la fixation des cotisations AVS et AI, plus précisément en lien avec la notion de rente selon l’art. 28 al. 1 RAVS, le TF confirme que le chiffre 1038.1 de la Directive de l’OFAS sur l’assujettissement aux assurances AVS et AI (DDA) est contraire au droit (consid. 4.7). Ladite directive prévoit que dans la constellation d’exonération des cotisations prévue à l’art. 6ter let. a RAVS, le revenu acquis à l’étranger doit être pris en compte comme revenu acquis sous forme de rente pour le calcul des cotisations, ce qui a pour effet de tenir compte deux fois de l’entreprise située à l’étranger et à l’origine du revenu, à la fois comme un revenu effectif de l’assuré et comme un revenu fictif, acquis sous forme de rente (consid. 4.6.4).
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Isabella Jorge
En ce qui concerne l’année d’inscription des revenus soumis à cotisations, perçus à une année ultérieure à celle où l’activité lucrative dépendante a été exercée, le TF rappelle qu’en vertu de l’art. 30ter al. 3 LAVS et du principe de réalisation (« Realisierungsprinzip », consid. 4.3.2) ces revenus sont comptabilisés l’année où ils sont perçus, à l’exception des cas où l’assuré ne travaillerait plus chez le même employeur (let. a) et où l’assuré aurait payé moins que la cotisation minimale durant l’année d’emploi (let. b) (consid. 4.5.3). Si les hypothèses visées aux lettres a et b sont réalisées, les revenus sont exceptionnellement comptabilisés pour l’année où l’activité lucrative a été exercée (principe de l’année d’acquisition). Partant, le TF précise que les principes énoncés dans l’ATF 111 V 161, qui priorisait le principe de l’année d’acquisition, doivent être relativisés en vertu des art. 190 Cst. et 30ter al. 3 LAVS.
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Isabella Jorge
A la question de savoir si la caisse de compensation peut qualifier un éventuel revenu comme provenant d’une activité dépendante ou indépendante, le TF rappelle que les informations fournies par l’autorité fiscale, dans le cas d’un gain en capital, lient en principe ladite caisse (consid. 3.4). La caisse de compensation ne doit procéder à ses propres investigations que si elle a de sérieux doutes quant à l’exactitude des informations fournies par l’autorité fiscale (consid. 3.4.2). En l’espèce, ladite autorité a pris sa décision en tenant compte de tous les éléments du dossier. L’existence de sérieux doutes n’étant pas prouvée, la caisse de compensation est liée par la qualification de l’autorité fiscale.
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Isabella Jorge
L’art. 12 LAVS lie l’obligation de cotiser exclusivement à l’employeur, sans étendre le cercle de possibles débiteurs (consid. 6). En conséquence, seul l’employeur peut faire l’objet de poursuites initiées par une caisse de compensation. Une filiale qui n’est pas l’employeur des travailleuses ou des travailleurs concernés n’est ainsi pas débitrice des cotisations.
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Isabella Jorge
Dans le contexte de l’ajournement d’une rente AVS, le TF confirme que le Conseil fédéral a respecté la délégation législative et la Constitution en prévoyant, pour l’ajournement de la rente, un délai d’un an dès le premier jour du mois qui suit celui de l’âge de la retraite AVS (consid. 3.2.3). La déclaration doit être écrite (consid. 3.3). L’administration ne doit pas informer individuellement et de sa propre initiative chaque assuré en vertu de la jurisprudence du TF, de laquelle il n’y a pas de raison de dévier (consid. 3.4).
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Isabella Jorge
Art. 49 LPGA al. 2, Art. 5 LAVS al. 2, Art. 6 RAVS al. 2 let. g
Les indemnités perçues par les stagiaires de l’Eglise évangélique réformée n’étaient plus soumises aux cotisations AVS depuis 1989. En avril 2018, la caisse de compensation zurichoise, suivie par le tribunal cantonal, revient sur cette pratique. Il s’agit de déterminer si le stage en question peut être qualifié d’activité dépendante au sens de l’art. 5 LAVS ou si l’indemnité reçue par les stagiaires doit être qualifiée d’indemnité de formation au sens de l’art. 6 al. 2 let. g RAVS et, partant, être exclue de la cotisation AVS. En l’occurrence, il faut relever la valeur économique pour l’employeur de l’activité fournie par les stagiaires – soit l’enseignement de plus de septante heures de cours et la pratique d’un culte par mois, ainsi que la conduite d’un à deux entretiens spirituels par semaine. Ensuite, l’indemnité perçue est réduite proportionnellement en fonction du temps occupé aux activités du stage. Par conséquent, il existe une relation économique entre l’indemnité octroyée et le travail fourni. L’indemnité n’est donc pas octroyée pour la formation du stagiaire (art. 6 al. 2 let. g RAVS), mais bien en tant que rémunération provenant d’une activité dépendante, qui est soumise à cotisation (art. 5 LAVS). Cette solution rejoint celle qui prévaut pour les stages d’avocat, de médecin et d’architecte, dont le salaire est soumis aux cotisations AVS.
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Marie Guyot
Art. 49 LPGA, Art. 9 LAVS al. 1, Art. 23 RAVS al. 4, Art. 5 PA, Art. 9 Cst., Art. 130 LFID al. 2
La jurisprudence relative aux décisions de taxation fiscale d’office (art. 130 al. 2 LIFD ; TF 2C_679/2016 du 11 juillet 2017), selon laquelle les hypothèses et suppositions qui les fondent doivent être plausibles, et que celles qui tombent dans l’arbitraire crasse sont nulles, s’applique par analogie aux décisions relatives aux cotisations AVS perçues sur les revenus d’une activité indépendante qui reposent sur une décision de taxation fiscale d’office, lorsque la personne assurée conteste son statut d’indépendante. Les caisses de compensation ne sont toutefois pas liées par la qualification juridique de l’activité faite par les autorités fiscales et doivent procéder à leur propre appréciation de la situation. L’art. 23 al. 4 RAVS s’applique en effet uniquement aux données fiscales cantonales établies après la qualification juridique du statut économique de l’assuré. En l’espèce, la caisse de compensation du canton de Berne s’est sciemment écartée des allégués de l’assuré, qui affirmait avoir liquidé son entreprise 10 ans auparavant et être employé depuis 2007. Dans la mesure où elle est fondée sur l’appréciation, manifestement fausse, de l’autorité fiscale cantonale sans procéder à une instruction personnelle, sa décision tombe dans l’arbitraire crasse et est par conséquent frappée de nullité.
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Marie Guyot
Art. 5 LAVS al. 1, Art. 5 LAVS al. 2, Art. 8 LAVS, Art. 9 LAVS al. 1, Art. 13 LAVS
L’activité déployée par une curatrice privée avec des qualifications professionnelles spécifiques (« Fachbeiständin ») est une activité indépendante du point de vue du statut de cotisant à l’AVS. Analysant le mandat donné à la curatrice sur la base des art. 390 ss CC, le TF relève qu’elle travaille d’un point de vue personnel, organisationnel et temporel de manière indépendante de l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant (« KESP ») – elle dispose de ses propres bureaux, n’est soumise à aucun horaire fixe ou à une obligation de présence, pas plus à une clause de non-concurrence. En outre, malgré l’absence de risque entrepreneurial supporté (cf. art. 404 CC), l’indemnité provenant de l’activité de curatrice est en général de faible importance. La curatrice exerçant en l’espèce d’autres activités en parallèle, sa dépendance économique vis-à-vis de la KESP n’est que peu signifiante. Finalement, si la curatrice est effectivement liée aux instructions données par la KESP, il ne lui reste pas moins une certaine liberté de mise en œuvre concrète du mandat. En effet, la surveillance par la KESP de la gestion du mandat par la curatrice garantit avant tout la sécurité des intérêts de la personne sous curatelle. L’activité de curatrice privée de la recourante doit par conséquent être qualifiée d’indépendante au sens des art. 8 et 9 LAVS.
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Marie Guyot
Art. 18 LAVS al. 2, Art. 6 LAI, Art. 35 LAI, Art. 58 LAsi, Art. 59 LAsi, Art. 24 CR al. 1 al. b, Art. 1 ARéf al. 1
L’art. 1 al. 1 ARéf exige explicitement une condition de domicile et de résidence en Suisse pour toute personne bénéficiaire d’une rente AI, principale ou accessoire. L’art. 24 al. 1 let. b CR, ratifiée par la Suisse et directement applicable, consacre toutefois une égalité de traitement entre les résidents nationaux et les réfugiés en matière de sécurité sociale. L’art. 1 al. 1 ARéf est donc contraire au droit international, les réfugiés et leurs enfants devant personnellement satisfaire à une condition de domicile et de résidence en Suisse, contrairement à un ressortissant suisse ou à un assuré au bénéfice d’une convention bilatérale de sécurité sociale. Il n’est par ailleurs pas démontré que le législateur ait voulu déroger à l’égalité de traitement voulue par la CR en traitant différemment les bénéficiaires de rente pour enfant selon que le titulaire de la rente principale est réfugié ou suisse. L’art. 24 CR prime dès lors l’art. 1 al. 1 ARéf. Partant, la nationalité et le domicile des enfants d’un réfugié domicilié en Suisse ne sont pas déterminants pour l’octroi de rentes accessoires. En l’espèce, l’office AI doit donc verser à la personne assurée, bénéficiaire d’une rente AI, une rente complémentaire pour chacun de ses deux enfants, bien qu’ils soient domiciliés en France et de nationalité étrangère.
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Marie Guyot
Art. 29septies al. 1 LAVS
Il ressort d’une interprétation téléologique et systématique de l’art. 29septies al. 1 LAVS qu’aucune bonification pour tâche d’assistance ne peut en principe être accordée pour la prise en charge d’un proche parent résidant dans un établissement médico-social. Les soins nécessaires y sont en effet prodigués par le personnel de l’établissement, et les proches ne sont appelés à y intervenir que très exceptionnellement, dans les cas les plus graves.
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Ruth-Esther N’Goran, Aline Duruz, Léa Huguenin-Elie
Art. 4, 5 al. 1 et 2 et 9 al. 2 let. f LAVS ; 7 let. h et 23 RAVS
Le TF confirme sa jurisprudence de l’ATF 141 V 634 sur la question de la requalification des dividendes en salaires soumis à l’AVS. Il rappelle qu’il n’y a pas lieu de s’écarter de la répartition choisie par la société, à moins qu’il n’existe une disproportion manifeste entre la prestation de travail et le salaire, ainsi qu’entre le capital propre engagé dans l’entreprise et le dividende (consid. 4.3). Pour déterminer s’il existe une disproportion entre la prestation de travail et le revenu, il convient de faire une comparaison avec le revenu d’autres personnes salariées (Drittvergleich) de la même branche en tenant compte de tous les éléments objectifs et subjectifs influençant le salaire (responsabilités, formation, expérience, etc.), ainsi qu’avec les personnes salariées d’une entreprise exerçant une activité similaire, avec un même niveau de responsabilité, mais n’ayant pas droit à des participations. La qualification juridique, économique ou fiscale de la rémunération litigieuse constitue un indice, mais n’est pas déterminante. S’agissant de la disproportion entre capital et dividende, la présomption qu’un dividende de 10% ou plus est disproportionné selon les directives sur le salaire déterminant (DSD) ne peut être appliquée de manière schématique ; un examen selon les circonstances de l’espèce est nécessaire. Par conséquent, un changement de jurisprudence qui consisterait, d’une part, à tenir compte uniquement de la disproportion entre capital et dividende et, d’autre part, à soumettre de manière générale les dividendes supérieurs à 10% à l’obligation de payer des cotisations ne correspond pas à la volonté du législateur.
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Ruth-Esther N’Goran, Aline Duruz, Léa Huguenin-Elie