Droit social

ATF 145 V 255 (i)

2019-2020

Art. 75 LAA, Art. 98 OLAA

Les employés d’une nouvelle commune ont le droit de choisir leur assureur-accidents selon l’art. 98 al. 2 OLAA. Cette disposition oblige en effet les unités administratives et les unités d’entreprises nouvellement créées à choisir leur assureur au plus tard un mois avant de commencer à fonctionner ; à défaut de choix opéré dans le délai imparti, leurs employés sont de par la loi assurés par la Suva. Cette disposition ne contrevient pas au droit supérieur, en particulier à l’Accord sur les marchés publics du 15 avril 1994 (AMP), ce dernier n’étant pas applicable au choix de l’assureur-accidents obligatoire. Il serait cependant souhaitable d’adapter le (court) délai de l’art. 98 al. 2 OLAA, celui-ci limitant fortement, voire empêchant de fait la possibilité de mettre en œuvre une procédure d’appel d’offre des assureurs en bonne et due forme.

ATF 146 V 51 (d)

2019-2020

Art. 4 LPGA, Art. 6 LAA al. 1, Art. 6 LAA al. 2

Depuis le 1er janvier 2017, les lésions corporelles assimilées à un accident figurent à l’art. 6 al. 2 LAA. L’interprétation de cette nouvelle disposition conduit à admettre l’indépendance de ces lésions assimilées de la notion d’accident (art. 4 LPGA). En présence de lésions figurant dans la liste de l’art. 6 al. 2 LAA, il faut donc, méthodologiquement, analyser en premier lieu si les six conditions de l’accident sont réalisées. Si tel est le cas, l’assureur-accidents doit prendre en charge les conséquences de l’accident jusqu’à ce que celui-ci ne soit plus la cause naturelle et adéquate des lésions corporelles. Dans cette première constellation, l’assureur-accidents ne doit pas examiner l’art. 6 al. 2 LAA : s’il est libéré de fournir des prestations sur la base de l’art. 4 LPGA, il remplit assurément les conditions de libération de l’art. 6 al. 2 LAA, ces dernières étant moins strictes que les premières. Si les conditions de l’art. 4 LPGA ne sont pas remplies, notamment en l’absence de cause extérieure ou extraordinaire, il convient dans ce cas d’analyser les conditions de l’art. 6 al. 2 LAA. L’existence d’une lésion corporelle assimilée, listée de manière exhaustive aux let. a à h, présume la prise en charge par l’assureur-accidents. Celui-ci a alors la possibilité de se libérer de son obligation en prouvant que ces lésions corporelles sont dues de manière prépondérante, soit à plus de 50%, à de l’usure ou à une maladie. Dès lors, si la lésion corporelle n’est due à aucun événement déclencheur (ou à un événement n’ayant eu que très peu d’incidence sur elle), cela est pris en compte dans l’appréciation médicale de manière à contribuer à la preuve libératoire de l’assureur LAA.

ATF 145 V 399 (d)

2019-2020

Art. 70 LPGA al. 2 let. b, Art. 8 LACI al. 1 let. f, Art. 15 LACI al. 2, Art. 23 LACI, Art. 5 OACI, Art. 15 OACI al. 3, Art. 40b OACI

Conformément à l’art. 70 al. 2 let. b LPGA, il incombe à l’assurance-chômage d’indemniser provisoirement la perte de gain de l’assuré dont le droit à des prestations envers d’autres assurances sociales n’a pas encore été reconnu et fait l’objet d’une instruction. Durant cette période d’incertitude, l’assuré est réputé apte au placement (art. 15 al. 2 LACI et 15 al. 3 OACI). Concernant la coordination avec l’assurance-invalidité, le devoir d’avancer les prestations de la caisse de chômage cesse au plus tôt lorsque le taux d’incapacité de gain de l’assuré est établi. En principe, dès que ce taux figure dans un préavis de l’office AI (cf. art. 57a LAI), le gain assuré est adapté selon les art. 23 al. 1 LACI et 40b OACI de manière rétroactive au moment de la réduction de capacité de gain. Si aucune opposition n’est faite à l’encontre du préavis, l’état d’incertitude prend fin, le degré d’incapacité de gain étant fixé. Cependant, il se peut que la fin de la période d’incertitude et le moment de l’adaptation du gain assuré ne concordent pas. Dans de tels cas, une adaptation du gain assuré ne peut être opérée que sur la base d’un accord entre l’assurance-chômage et l’assuré sur un taux minimum d’invalidité. Sinon, seule une décision de l’office AI (non entrée en force) constitue une base suffisante pour adapter le gain assuré au degré d’incapacité de gain reconnu. Cette exigence s’inscrit dans la nécessité de garantir la sécurité du droit et la praticabilité en procédure administrative. En l’espèce, puisqu’aucun accord n’a été passé entre l’assurance-chômage et l’assuré, et celui-ci s’étant opposé au préavis de l’office AI, la communication préalable du préavis de l’AI à la caisse de chômage ne saurait permettre à cette dernière d’adapter le gain assuré de l’intimé.

ATF 146 V 104 (d)

2019-2020

Art. 5 LAVS al. 1, Art. 5 LAVS al. 2, Art. 3 LACI al. 1, Art. 3 LACI al. 2, Art. 90c LACI al. 1

Le litige porte sur l’année déterminante pour le calcul de la cotisation à l’assurance-chômage d’un arriéré de salaire. Il convient de distinguer l’obligation de cotiser, qui naît de par la loi avec le début de l’activité dépendante ou indépendante, de la perception des cotisations, qui naît avec la réalisation du revenu (principe de réalisation, « Realisierungsprinzip »). Selon le N 2034 de la directive sur la perception des cotisations dans l’AVS, AI et APG (DP), pour déterminer si le versement d’un arriéré de salaire est soumis ou non à l’obligation de cotiser, il y a lieu de se fonder sur le droit en vigueur dans la période à laquelle le salaire arriéré se rapporte (principe retenant l’année pour laquelle le salaire est dû) (« Bestimmungsprinzip »). En revanche, selon le N 2035 DP, il convient d’appliquer le principe de réalisation à un arriéré de salaire soumis à la cotisation AC. Autrement dit, les taux de cotisation et les limites maximales du salaire déterminant valables l’année de réalisation du salaire sont applicables. Selon la variante b) du N 2035 DP, ce principe s’applique également lorsque les rapports de travail ne subsistent plus chez le même employeur durant l’année de réalisation ou que l’obligation d’assurance tombe. En l’espèce, le salaire ayant été versé (réalisé) en 2018, c’est cette année qu’il conviendrait de retenir pour déterminer le taux de cotisation applicable – soit 2,2%, l’assuré n’ayant pas encore cotisé sur un revenu supérieur à CHF 148’200.-. Cependant, le TF rappelle le caractère non contraignant des directives administratives pour les tribunaux. Selon lui, la question litigieuse porte en réalité sur l’obligation ou non de cotiser, et non sur la perception des cotisations : dans l’assurance-chômage, il existe en effet un montant plafond des revenus soumis à cotisation (CHF 148’200.- selon l’art. 3 al. 2 LACI en relation avec l’art. 22 al. 1 OLAA), au-dessus duquel les salaires perçus ne sont pas soumis à l’obligation de cotiser, en dehors du taux dit de « solidarité » de 1% (art. 90c al. 1 LACI). Ce choix législatif est en tout point similaire à l’exemption de cotiser à l’AVS applicable aux salaires de minime importance (art. 34d RAVS) et aux revenus perçus par les assurés actifs à la retraite qui dépassent les plafonds fixés à l’art. 6quater RAVS. Il convient par conséquent de déterminer le taux de cotisation, respectivement l’imputation des montants déjà perçus, au regard de l’année à laquelle l’obligation de cotiser (et donc le salaire arriéré) se rapporte (« Bestimmungsprinzip »), soit en l’espèce selon l’année 2017. Dans la mesure où elle fixe le taux de cotisation applicable selon l’année où le salaire arriéré est versé, indépendamment du fait que l’obligation d’assurance a pris fin cette année-là et sans prendre en compte le revenu déjà perçu durant l’année à laquelle se rapporte le salaire arriéré, la variante b) du N 2035 DP viole le droit fédéral. En l’espèce, des cotisations à un taux de 2,2% ayant déjà été perçues sur un revenu supérieur au plafond de CHF 148’200.- en 2017, il convient d’appliquer le taux de 1% à l’arriéré de salaire de CHF 43’807.15 relatif à l’année 2017.

ATF 146 V 112 (d)

2019-2020

Art. 8 LACI al. 1 let. a, Art. 8 LACI al. 1 let. b, Art. 10 LACI al. 2 let. b, Art. 11 LACI al. 1

Un travail sur appel effectué en vue de réduire le manque à gagner (cf. art. 17 LACI) pendant plus d’une année perd son caractère transitoire. Lorsque l’assuré continue d’exercer ce travail sur appel au-delà du premier délai-cadre d’indemnisation de deux ans, il convient de vérifier à nouveau les conditions d’octroi aux indemnités de chômage et d’ouvrir un nouveau délai-cadre de deux ans (art. 9 al. 4 LACI). Ne pas considérer un tel travail sur appel comme dernier rapport de travail au sens de l’art. 4 al. 1 OACI et se baser sur l’ancien travail régulier de l’assuré pour déterminer s’il satisfait aux conditions de cotisation (art. 13 al. 1 LACI) et de perte de travail à considérer (art. 11 al. 1 LACI) viole la systématique de la loi et l’égalité de traitement des assurés. Dès lors, la pratique consistant à prendre en compte l’activité antérieure d’un travailleur sur appel pour déterminer son droit aux prestations chômage doit se limiter au premier délai-cadre d’indemnisation, le fait que le travail sur appel ait débuté avant ou pendant le premier délai-cadre d’indemnisation n’étant plus relevant (changement de jurisprudence. Cf. ATF 139 V 259 et Bulletin LACI, B100).

ATF 145 V 215 (d)

2019-2020

Art. 6 LPGA, Art. 7 LPGA, Art. 8 LPGA, Art. 21 LPGA al. 4, Art. 4 LAI al. 1, Art. 7 LAI al. 2 let. d, Art. 28 LAI al. 1

Le caractère invalidant d’un syndrome de dépendance, en l’espèce aux benzodiazépines et aux opiacés, doit désormais être évalué dans le cadre de la procédure probatoire structurée mise en place à l’ATF 141 V 281. La distinction entre dépendance primaire et dépendance secondaire n’est plus pertinente dans ce contexte. En revanche, l’obligation de diminuer son dommage, en particulier de se soumettre aux mesures médicales raisonnablement exigibles, conserve toute sa pertinence.

ATF 145 V 231 (d)

2019-2020

Art. 13 LPGA, Art. 6 LAI al. 2

2, 8 et annexe II ALCP ; 2 § 1 et 10 § 1 R (CEE) n° 1408/71 ; 2 par. 1, 4 et 7 R (CE) n° 883/2004 ; l’épouse, de nationalité indienne et domiciliée en Allemagne, d’un ressortissant suisse qui exerce son droit à la libre circulation en exerçant une activité indépendante dans plusieurs Etats, peut se prévaloir de l’application du Règlement (CE) n° 883/2004 en tant que « membre de la famille » au sens de son art. 2 al. 1. A ce titre, elle peut invoquer le principe de l’interdiction de discrimination consacré par l’art. 4 R (CE) n° 883/2004, de même que la levée des clauses de résidence prévue par son art. 7. Dans ce contexte, le fait qu’il s’agisse de statuer sur des droits propres aux prestations sociales ou sur des droits dérivés est indifférent. Le TF confirme à ce sujet une jurisprudence constante, rappelée dans l’arrêt résumé. En conséquence, s’agissant de l’octroi d’une rente AI, la condition de domicile imposée aux personnes de nationalité étrangère par l’art. 6 al. 2 LAI ne peut lui être opposée, de sorte que son droit doit être reconnu.

ATF 145 V 266 (d)

2019-2020

Art. 2 ALCP

Art. 1b, 8a, 9 al. 1bis et let. a al. 1-3 disp. fin. modification du 18 mars 2011 LAI (disp. fin. LAI) ; 2 ALCP ; 4 R (CE) n° 883/2004 ; à la suite de la suppression de la rente AI du défendeur, le TF analyse s’il subsiste un droit à des mesures de nouvelle réadaptation (art. 8a LAI) ainsi qu’à une rente accessoire en application de la let. a al. 1 et 2 disp. fin. LAI. S’agissant des mesures de nouvelle réadaption, l’assuré n’y a droit selon la let. a al. 2 disp. fin. LAI que si elles sont censées (« sinnvoll ») et utiles (« nutzbringend »). De plus, le droit à de telles mesures est subordonné à la condition d’assurance au sens de l’art. 1b LAI en relation avec l’art. 1a LAVS (art. 9 al. 1bis LAI). Le fait que la lettre de la loi parle de « bénéficiaire de rente » et non d’« assuré » n’y change rien. En l’espèce, le défendeur étant domicilié au Portugal et n’exerçant plus d’activité lucrative en Suisse, son droit à des mesures de nouvelle réadaptation de même que son droit à une rente accessoire (let. a al. 3 disp. fin. LAI) tombent. Selon le TF, cette disposition ne viole pas l’interdiction de discrimination de l’art. 2 ALCP et de l’art. 4 R (CE) n° 883/2004, car elle est justifiée par des raisons objectives indépendantes de la nationalité du travailleur et est proportionnée. En dehors de l’art. 9 al. 1 LAI, qui permet d’appliquer des mesures de réadaptation à l’étranger dans des cas exceptionnels au sens des art. 23bis

et 23ter LAI, il n’est en effet ni sensé ni utile de réinsérer sur le marché de l’emploi suisse une personne vivant à l’étranger et percevant depuis longtemps une rente AI. La mise en place de telles mesures est plus pertinente dans l’Etat de domicile de cette personne. Conformément à l’art. 11 al. 3 let. e R (CE) n° 883/2004, le droit de cet Etat doit donc être appliqué.

ATF 145 V 278 (d)

2019-2020

Art. 42ter LAI al. 3, Art. 42quater LAI al. 3, Art. 39a RAI let. c

Selon la lettre de l’art. 42quater al. 3 LAI, le Conseil fédéral dispose d’une grande marge d’appréciation pour déterminer les conditions d’octroi de la contribution d’assistance pour les assurés mineurs. Il n’est en particulier pas limité par un degré d’autonomie minimale ou par la capacité de discernement de l’assuré mineur, contrairement à l’assuré majeur (cf. art. 42quater al. 1 et 2 LAI). L’interprétation historique et systématique de la disposition aboutit à la même conclusion. Partant, le Conseil fédéral n’a pas outrepassé ses compétences en conditionnant à l’art. 39a let. c LAI l’octroi de la contribution d’assistance des assurés mineurs à un certain degré de dépendance.

ATF 145 V 333 (d)

2019-2020

Art. 13s LAI, Art. 27 LAI al. 1, Art. 27 LAI al. 3, Art. 27bis LAI al. 1, Art. 27bis LAI al. 2, Art. 24 RAI al. 2, Art. 47 LOGA al. 6

De la même manière que dans l’assurance-maladie, la législation en matière d’assurance-invalidité prévoit que la structure tarifaire pour déterminer la rémunération des séjours hospitaliers effectués dans le cadre des art. 13 et 14 LAI (traitement d’une infirmité congénitale) doit en premier lieu être définie par accord des partenaires tarifaires. En l’absence d’accord, c’est au gouvernement d’agir par voie d’ordonnance. La compétence du tribunal arbitral est limitée aux litiges qui surviennent ensuite dans l’application de ce tarif (consid. 6). S’agissant de la rémunération des séjours hospitaliers financés par l’assurance-invalidité, ni la loi, ni l’ordonnance ne prévoit les principes généraux et abstraits sur lesquels pourrait se fonder une décision individuelle. Si les parties ne peuvent les déterminer conventionnellement, il n’appartient pas au tribunal arbitral de faire œuvre de législateur. C’est à l’autorité d’exécution qu’il appartient d’établir ces principes, dans la loi ou dans l’ordonnance (consid. 7, qui résume TAF C-529/2012). Cela vaut également lorsque les parties s’accordent, comme en l’espèce, pour utiliser la structure tarifaire SwissDRG, mais ne parviennent pas à s’entendre sur le montant du baserate. C’est donc à juste titre que le tribunal arbitral du canton de Zurich a refusé d’entrer en matière sur la demande en paiement dirigée par le Kinderspital zurichois contre les 27 offices AI.

ATF 145 V 361 (d)

2019-2020

Art. 7 LPGA al. 2, Art. 43 LPGA, Art. 44 LPGA, Art. 4 LAI al. 1, Art. 28 LAI al. 1

Dans cette affaire concernant l’évaluation de l’incapacité de gain d’une personne atteinte de troubles psychiques au moyen de la procédure probatoire structurée (ATF 141 V 281), le TF tente de tracer une distinction entre ce qui relève du fait et ce qui relève du droit ou, en d’autres termes, des compétences des médecins, respectivement des experts, et des compétences des juges. Insistant sur le fait qu’une évaluation parallèle par les magistrats (« Paralellüberprüfung », consid. 3.2.2), détachée de l’appréciation médicale, n’est pas autorisée, le TF indique en substance que la tâche du juge est de contrôler si et dans quelle mesure les médecins ont respecté le cadre normatif du catalogue d’indicateurs correspondant aux questions qui leur sont posées (consid. 3). Ce contrôle est nécessaire parce que l’évaluation médicale, en particulier la démarche adoptée en psychiatrie, permet une certaine marge d’appréciation, qui doit être respectée du moment que le médecin a travaillé conformément aux règles de son art. Se référant à des exemples tirés de sa propre jurisprudence, le TF dit que si l’expertise livre toutes les indications nécessaires et permet de se prononcer sur tous les indicateurs, il n’y a pas lieu de s’écarter de ses conclusions. En revanche, dans le cas contraire, le juge peut corriger l’appréciation du médecin, en se fondant sur les éléments à disposition. Si ces éléments sont insuffisants, il convient de poursuivre l’instruction (consid. 4.2 et 4.3). En l’espèce, les conclusions de l’expert – en faveur de la personne assurée – n’étaient pas plausibles parce que les limitations cognitives annoncées par la personne assurée n’avaient pas été vérifiées dans le cadre de l’examen psychiatrique ou à l’aide de tests neuropsychologiques (consid. 4.4).

ATF 145 V 370 (d)

2019-2020

Art. 16 LPGA, Art. 28a LAI al. 3, Art. 27bis RAI al. 3

Dans un cas d’application de la nouvelle méthode mixte, en vigueur depuis le 1er janvier 2018, le TF considère qu’il n’y a pas lieu de fixer le revenu d’invalide sur la base du salaire de valide au taux d’occupation effectif (en l’espèce, 75% de 99’047, moins 50% d’incapacité de travail = CHF 37’143.-, ce qui donnait un taux d’invalidité totale de 51,83 % et ouvrait donc le droit à une demi-rente). Il convient plutôt de prendre un taux d’occupation hypothétique de 100% pour déterminer les revenus de valide et d’invalide. Cette solution correspond à la volonté du législateur, qui souhaitait, à travers cette révision, égaliser le poids des travaux habituels et de l’activité lucrative dans le calcul du taux d’invalidité, et ce afin de refléter une meilleure conciliation entre vie familiale et la vie professionnelle. Auparavant, le taux d’occupation de l’activité lucrative était en effet doublement comptabilisé. De plus, cette nouvelle manière de calculer correspond au procédé utilisé en matière d’assurance-accidents, ce qui permet d’éviter des disparités entre les différentes assurances sociales.

ATF 146 V 16 (d)

2019-2020

Art. 8 LPGA al. 1, Art. 16 LPGA, Art. 28 LAI

L’arrêt traite des facteurs d’abattement sur les salaires déterminés par l’enquête sur la structure des salaires (ESS), dans le cadre de l’évaluation du revenu d’invalide. Constituent notamment des facteurs pertinents l’âge, la nationalité de la personne assurée ou sa catégorie d’autorisation de séjour. Le taux d’abattement, qui ne peut dépasser 25%, est décidé par l’office AI selon son propre pouvoir d’appréciation. Il ne peut donc être revu par le TF que sous l’angle de la violation du pouvoir d’appréciation. En revanche, la question de savoir si l’office AI est autorisé ou non à procéder à un abattement du salaire statistique est une question de droit que le TF peut librement examiner. En l’espèce, le statut de frontalier de l’intimé constitue un premier facteur pouvant justifier un abattement du salaire statistique. Il intervient potentiellement également au niveau du parallélisme des revenus lors du calcul du revenu de valide. Ne pouvant toutefois être pris en considération à deux reprises, il convient donc de procéder à deux examens séparés. En l’espèce, la différence de revenus étant marginale (0,37%), il n’y a pas à procéder à un parallélisme des revenus. Sous l’angle d’un abattement sur le salaire statistique, la différence de salaire est de 3%. La pratique applicable au parallélisme des revenus, qui exclut les différences de moins de 5%, ne peut être reprise dans le cadre de l’abattement, qui nécessite un examen concret de la situation de l’intimé. En l’espèce, il n’est pas défavorisé par rapport à des salariés suisses, si bien que son statut de frontalier ne joue aucun rôle dans la détermination de son revenu d’invalide. Il n’y a donc pas lieu à abattement. L’âge proche de la retraite de l’intimé (58 ans en l’espèce) peut deuxièmement justifier un abattement sur le salaire statistique, s’il influence concrètement ses chances de trouver un emploi. L’âge ne joue notamment aucun rôle pour les professions très recherchées sur le marché du travail. En l’espèce, au regard de la situation de l’assuré (longue expérience professionnelle, bonnes qualifications professionnelles), l’âge n’est pas un facteur d’abattement admissible.

ATF 145 V 289 (d)

2019-2020

Art. 25 LAMal al. 1, Art. 25 LAMal al. 2 let. b, Art. 32 LAMal al. 1, Art. 32 LAMal al. 2, Art. 43 LAMal al. 6, Art. 52 LAMal al. 1 let. b, Art. 96 LAMal, Art. 34 OAMal, Art. 37a OAMal let. c, Art. 37e OAMal al. 1, Art. 64ass OAMal, Art. 73 OAMal, Art. 75 OAMal, Art. 30ss OPAS, Art. 38a OPAS

La période de protection d’un médicament servant au traitement des douleurs neuropathiques, de l’épilepsie et de troubles de l’anxiété est arrivée à échéance au 20 avril 2015 pour les deux dernières pathologies, alors qu’elle courait encore jusqu’au 16 juillet 2017 pour la première. L’entreprise titulaire de l’autorisation a sollicité une baisse de prix à laquelle l’OFSP a donné suite, réduisant le prix comme demandé, tout en fixant la quote-part du médicament à 20% des coûts dépassant la franchise, alors que la titulaire de l’autorisation estimait qu’elle devait être de 10%. Lorsque la protection d’un médicament arrive à échéance pour une ou plusieurs affections tout en restant valable pour un ou plusieurs autres traitements, la règle générale de la fixation du prix des génériques demeure applicable (art. 65al. 2 OAMal et 38a OPAS, dans leur teneur au 1er décembre 2015), c’est-à-dire en se fondant sur le volume de marché en Suisse de la préparation originale et de son médicament en co-marketing. En clair, soit il existe un générique, soit il n’en existe pas. Dans le premier cas, les règles relatives à l’économicité et à la fixation des prix pour les génériques doivent être appliquées, et ce indépendamment du fait de savoir si lesdits génériques sont valables pour toutes les indications de la préparation originale et s’ils sont listés. Une baisse selon l’art. 38a al. 4 OPAS, de manière différenciée ou pour chaque indication médicale, n’est pas envisageable.

ATF 145 V 304 (d)

2019-2020

Art. 39 LAMal al. 1 ch. 4, Art. 41 LAMal al. 1bis, Art. 49a LAMal al. 1, Art. 49a LAMal al. 2

Lorsqu’un canton planifie les besoins en prestations hospitalières stationnaires de sa population résidente en prenant en compte les données relatives au nombre des patients résidant dans le canton uniquement, l’hospitalisation extracantonale volontaire d’un patient n’est pas limitée par la planification hospitalière du canton du siège de l’hôpital. En l’occurrence, le gouvernement du canton de Zurich ne peut pas valablement se fonder sur la planification hospitalière du canton de Thurgovie concernant la clinique recourante pour refuser de payer sa participation aux coûts de l’hospitalisation volontaire extracantonale de patients zurichois dans ladite clinique.

ATF 145 V 354 (f)

2019-2020

Art. 64a LAMal al. 5

Le paiement intégral des dettes d’une personne assurée se rapporte au montant total de la créance constatée par un acte de défaut de biens, même lorsque le canton a pris en charge la part de 85% selon l’art. 64a al. 3 et 4 LAMal. En d’autres termes, la dette de l’assuré à l’égard de son assureur-maladie au sens de l’art. 64a al. 5 LAMal n’est pas diminuée par la prise en charge par le canton de 85% des créances. En l’espèce, l’assureur-maladie pouvait donc valablement refuser la proposition de l’assuré, qui consistait à rembourser ses dettes à hauteur de 47,40% de leur valeur (soit un montant de CHF 4’841.50, sur un total dû de CHF 10’214.-).

ATF 145 V 380 (d)

2019-2020

Art. 25 LAMal al. 2 let. a, Art. 25a LAMal, Art. 32 LAMal, Art. 35 LAMal al. 2 let. k, Art. 39 LAMal al. 3, Art. 50 LAMal, Art. 33 OAMal let. b, Art. 33 OAMal let. h, Art. 33 OAMal let. i, Art. 7 OPAS, Art. 7a OPAS, Art. 8 OPAS, Art. 9 OPAS

La méthode d’évaluation des besoins en soins « Resident Assessment Instrument/Resource Utilization Groups » (RAI/RUG) est conforme au système légal en vigueur. Les adaptations futures prévues de l’OPAS continueront de laisser aux cantons un choix du système, seul un standard minimum sera exigé. De plus, l’arrêté du Conseil d’Etat du canton de Soleure du 27 juin 2016 fixant les tarifs maximaux dans le domaine des soins prodigués dans les milieux hospitalier et semi-hospitalier, dont les données sont appelées à varier régulièrement, est une décision d’abord politique et qui n’a nullement besoin de figurer dans une loi au sens formel. Dans ce cadre, les assureurs-maladie ne sauraient invoquer valablement un droit d’être entendu ou de participer au processus décisionnel. Au surplus, dans la mesure où cet arrêté n’a pas pour objectif de faire supporter des charges supplémentaires aux assureurs-maladie et qu’il ne viole pas le principe de l’économicité inscrit à l’art. 32 LAMal, il respecte le cadre légal en place.

ATF 145 V 396 (d)

2019-2020

Art. 25a LAMal al. 5

§ 9 al. 5 de la loi sur les soins du canton de Zurich du 27 septembre 2010 ; le financement résiduel des soins de longue durée, notamment en EMS, est à charge des cantons selon l’art. 25a al. 5 LAMal. Ceux-ci peuvent mettre ces coûts à charge des communes. Cette possibilité a été utilisée par le canton de Zurich au § 9 al. 5 de la loi sur la santé du 27 septembre 2010, qui postule que la dernière commune de domicile (civil) du résident avant son entrée en EMS doit prendre en charge les soins qui lui sont dispensés. La date à partir de laquelle des soins sont effectivement prodigués n’est pas déterminante. Une telle manière de répartir le financement résiduel des soins n’est pas arbitraire et ne contrevient pas au principe d’égalité.

ATF 146 V 152 (d)

2019-2020

Art. 3 LAMal al. 1, Art. 3 LAMal al. 2, Art. 18 LAMal, Art. 1 OAMal al. 1, Art. 2 OAMal al. 1 let. e, Art. 19 OAMal, Art. 22 OAMal, Art. 36 OAMal al. 2

23-30 R (CE) n° 883/2004 ; une ressortissante néerlandaise, domiciliée en Suisse mais affiliée au régime d’assurance-maladie des Pays-Bas, reçoit des soins à Dubaï. Elle demande leur remboursement à l’institution commune LAMal, qui refuse en lui notifiant une décision. Dans la mesure où cette institution remplit notamment le rôle d’organisme d’entraide internationale en matière de prestations au lieu de domicile ou de résidence de la personne assurée, elle dispose du même pouvoir décisionnel que les assureurs-maladie autorisés, malgré l’absence de disposition légale explicite. S’agissant du droit au remboursement du traitement médical prodigué à l’étranger, les titres II et III du R (CE) n883/2004 contiennent des règles de conflit de loi dans des cas particuliers qui sont obligatoires pour les Etats membres. Les législateurs de ces Etats ne peuvent restreindre le champ d’application personnel et territorial du Règlement. L’art. 24 R (CE) no 883/2004 traite de la situation du titulaire d’une pension d’un Etat membre qui n’a pas droit aux prestations en nature dans son Etat de résidence. Selon cette disposition, cette personne a tout de même droit aux prestations en nature dans son Etat de résidence si la législation de l’Etat membre auquel il incombe de servir la pension lui octroierait ces prestations s’il résidait sur le territoire de cet Etat. En application de l’art. 17 R (CE) no 883/2004, la personne assurée doit être traitée selon la législation applicable aux assurés de l’Etat où elle réside. En l’espèce, la recourante résidant en Suisse, l’Institution commune LAMal pourrait être tenue de rembourser les frais médicaux si les conditions de la LAMal applicables sont remplies. Or, les soins ayant été prodigués en dehors du territoire des Etats membres de l’UE/AELE, le TF analyse si une condition de territorialité existe pour appliquer le Règlement. Se référant à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne, le TF retient qu’à défaut de disposition explicite sur le champ d’application territorial du Règlement, le seul critère décisif pour son application est le rattachement de la personne assurée à un système de sécurité sociale d’un Etat membre. Ainsi, le lieu où les prestations sont fournies n’est pas déterminant à cet égard. En l’espèce, le fait que les soins prodigués à la recourante l’ait été dans un Etat non membre du Règlement n’est pas relevant, celui-ci étant applicable de par son affiliation au système de santé néerlandais. Par conséquent, elle a le droit d’être traitée aux conditions de la LAMal pour les soins reçus à Dubaï. Par renvoi de l’art. 34 al. 2 LAMal, l’art. 36 al. 2 OAMal prévoit le remboursement des coûts des traitements effectués en cas d’urgence à l’étranger. L’art. 36 al. 5 OAMal, qui réserve les dispositions sur l’entraide internationale, ne trouve application que si ces dispositions sont plus favorables à la personne assurée que la solution de la LAMal. En l’espèce, comme le caractère urgent du traitement n’a pas été examiné précédemment, le TF admet le recours et renvoie l’affaire à l’institution commune LAMal pour nouvelle décision.

ATF 146 V 38 (d)

2019-2020

Art. 25 LAMal, Art. 32 LAMal, Art. 65 LAMal, Art. 65d LAMal, Art. 65e LAMal, Art. 65f LAMal, Art. 65g LAMal, Art. 66a OAMal, Art. 5 PA, Art. 25 PA, Art. 25a PA, Art. 26 PA

L’OFSP a lancé un programme d’évaluation des technologies de la santé (ETS) (« Health technology Assessment » [HTA]) permettant de réévaluer les prestations prises en charge actuellement par l’assurance obligatoire des soins (AOS), et ce en vue de retirer du catalogue des prestations celles qui sont inefficaces ou inefficientes. Ce programme vise à terme à améliorer la qualité des soins et à réduire les coûts de l’AOS. L’ETS, reconnu internationalement comme objectif, transparent et indépendant, comprend la consultation de « parties prenantes », à savoir entre autres les diverses associations de fournisseurs de prestations, d’assureurs et de patients, ainsi que la Conférence suisse des directeurs de la santé (CDS). La société A. SA est détentrice d’une autorisation de mise sur le marché d’un médicament figurant sur la liste des spécialités (art. 52 al. 1 let. b LAMal et 64 ss OAMal). Elle demande à l’OFSP d’interrompre le programme ETS, considérant qu’aucune décision formelle attestant de sa qualité de partie au programme (art. 25 PA) ne lui a été notifiée. L’OFSP, suivi par le TAF, refuse d’entrer en matière, niant l’intérêt digne de protection au de l’art. 25a PA de la recourante. Après avoir analysé le programme ETS, le TF juge qu’il ne crée aucun effet juridique pour les tiers. Il s’agit en effet d’un processus de contrôle préliminaire, qui prépare la motivation d’une éventuelle décision future portant sur l’admission ou l’élimination de prestations couvertes par l’AOS. La recourante n’a donc aucun droit à demander l’interruption ni même l’engagement du programme ETS. En tant que « partie prenante », elle dispose cependant de plusieurs droits de participation au programme ETS, notamment le droit de s’exprimer sur le rapport ETS, qu’elle pourra exercer dans une étape postérieure.

ATF 145 V 320 (d)

2019-2020

Art. 49 LPGA al. 2, Art. 5 LAVS al. 2, Art. 6 RAVS al. 2 let. g

Les indemnités perçues par les stagiaires de l’Eglise évangélique réformée n’étaient plus soumises aux cotisations AVS depuis 1989. En avril 2018, la caisse de compensation zurichoise, suivie par le tribunal cantonal, revient sur cette pratique. Il s’agit de déterminer si le stage en question peut être qualifié d’activité dépendante au sens de l’art. 5 LAVS ou si l’indemnité reçue par les stagiaires doit être qualifiée d’indemnité de formation au sens de l’art. 6 al. 2 let. g RAVS et, partant, être exclue de la cotisation AVS. En l’occurrence, il faut relever la valeur économique pour l’employeur de l’activité fournie par les stagiaires – soit l’enseignement de plus de septante heures de cours et la pratique d’un culte par mois, ainsi que la conduite d’un à deux entretiens spirituels par semaine. Ensuite, l’indemnité perçue est réduite proportionnellement en fonction du temps occupé aux activités du stage. Par conséquent, il existe une relation économique entre l’indemnité octroyée et le travail fourni. L’indemnité n’est donc pas octroyée pour la formation du stagiaire (art. 6 al. 2 let. g RAVS), mais bien en tant que rémunération provenant d’une activité dépendante, qui est soumise à cotisation (art. 5 LAVS). Cette solution rejoint celle qui prévaut pour les stages d’avocat, de médecin et d’architecte, dont le salaire est soumis aux cotisations AVS.

ATF 145 V 326 (d)

2019-2020

Art. 49 LPGA, Art. 9 LAVS al. 1, Art. 23 RAVS al. 4, Art. 5 PA, Art. 9 Cst., Art. 130 LFID al. 2

La jurisprudence relative aux décisions de taxation fiscale d’office (art. 130 al. 2 LIFD ; TF 2C_679/2016 du 11 juillet 2017), selon laquelle les hypothèses et suppositions qui les fondent doivent être plausibles, et que celles qui tombent dans l’arbitraire crasse sont nulles, s’applique par analogie aux décisions relatives aux cotisations AVS perçues sur les revenus d’une activité indépendante qui reposent sur une décision de taxation fiscale d’office, lorsque la personne assurée conteste son statut d’indépendante. Les caisses de compensation ne sont toutefois pas liées par la qualification juridique de l’activité faite par les autorités fiscales et doivent procéder à leur propre appréciation de la situation. L’art. 23 al. 4 RAVS s’applique en effet uniquement aux données fiscales cantonales établies après la qualification juridique du statut économique de l’assuré. En l’espèce, la caisse de compensation du canton de Berne s’est sciemment écartée des allégués de l’assuré, qui affirmait avoir liquidé son entreprise 10 ans auparavant et être employé depuis 2007. Dans la mesure où elle est fondée sur l’appréciation, manifestement fausse, de l’autorité fiscale cantonale sans procéder à une instruction personnelle, sa décision tombe dans l’arbitraire crasse et est par conséquent frappée de nullité.

ATF 146 V 139 (d)

2019-2020

Art. 5 LAVS al. 1, Art. 5 LAVS al. 2, Art. 8 LAVS, Art. 9 LAVS al. 1, Art. 13 LAVS

L’activité déployée par une curatrice privée avec des qualifications professionnelles spécifiques (« Fachbeiständin ») est une activité indépendante du point de vue du statut de cotisant à l’AVS. Analysant le mandat donné à la curatrice sur la base des art. 390 ss CC, le TF relève qu’elle travaille d’un point de vue personnel, organisationnel et temporel de manière indépendante de l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant (« KESP ») – elle dispose de ses propres bureaux, n’est soumise à aucun horaire fixe ou à une obligation de présence, pas plus à une clause de non-concurrence. En outre, malgré l’absence de risque entrepreneurial supporté (cf. art. 404 CC), l’indemnité provenant de l’activité de curatrice est en général de faible importance. La curatrice exerçant en l’espèce d’autres activités en parallèle, sa dépendance économique vis-à-vis de la KESP n’est que peu signifiante. Finalement, si la curatrice est effectivement liée aux instructions données par la KESP, il ne lui reste pas moins une certaine liberté de mise en œuvre concrète du mandat. En effet, la surveillance par la KESP de la gestion du mandat par la curatrice garantit avant tout la sécurité des intérêts de la personne sous curatelle. L’activité de curatrice privée de la recourante doit par conséquent être qualifiée d’indépendante au sens des art. 8 et 9 LAVS.

ATF 146 V 87 (f)

2019-2020

Art. 18 LAVS al. 2, Art. 6 LAI, Art. 35 LAI, Art. 58 LAsi, Art. 59 LAsi, Art. 24 CR al. 1 al. b, Art. 1 ARéf al. 1

L’art. 1 al. 1 ARéf exige explicitement une condition de domicile et de résidence en Suisse pour toute personne bénéficiaire d’une rente AI, principale ou accessoire. L’art. 24 al. 1 let. b CR, ratifiée par la Suisse et directement applicable, consacre toutefois une égalité de traitement entre les résidents nationaux et les réfugiés en matière de sécurité sociale. L’art. 1 al. 1 ARéf est donc contraire au droit international, les réfugiés et leurs enfants devant personnellement satisfaire à une condition de domicile et de résidence en Suisse, contrairement à un ressortissant suisse ou à un assuré au bénéfice d’une convention bilatérale de sécurité sociale. Il n’est par ailleurs pas démontré que le législateur ait voulu déroger à l’égalité de traitement voulue par la CR en traitant différemment les bénéficiaires de rente pour enfant selon que le titulaire de la rente principale est réfugié ou suisse. L’art. 24 CR prime dès lors l’art. 1 al. 1 ARéf. Partant, la nationalité et le domicile des enfants d’un réfugié domicilié en Suisse ne sont pas déterminants pour l’octroi de rentes accessoires. En l’espèce, l’office AI doit donc verser à la personne assurée, bénéficiaire d’une rente AI, une rente complémentaire pour chacun de ses deux enfants, bien qu’ils soient domiciliés en France et de nationalité étrangère.

ATF 145 V 209 (d)

2019-2020

Art. 7 LPGA, Art. 8 LPGA, Art. 16 LPGA, Art. 17 LPGA al. 1, Art. 28 LAI

La jurisprudence concernant l’exigibilité d’une « réadaptation par soi-même » (Selbsteingliederung) pour les rentiers AI âgés de plus de 55 ans ou au bénéfice d’une rente depuis plus de 15 ans s’applique également aux rentes échelonnées ou limitées dans le temps. C’est à l’office AI d’apporter la preuve de leur capacité à réintégrer le marché de l’emploi par eux-mêmes.

ATF 145 V 247 (d)

2019-2020

Art. 58 LPGA al. 2, Art. 58 LPGA al. 3

Art. 39 al. 1 de l’Arrangement administratif du 3 décembre 1976 concernant les modalités d’application de la Convention de sécurité sociale conclue entre la Confédération suisse et la République française le 3 juillet 1975 ; le fait qu’il existe une convention internationale, respectivement un arrangement administratif, ne change rien au principe selon lequel le droit matériel interne reste applicable. Dans le cas d’un travailleur domicilié en France et décédé des suites d’un accident professionnel, la compétence du tribunal du canton du dernier domicile de l’employeur est donnée, et la compétence subsidiaire prévue à l’art. 58 al. 2, 2e phrase, LPGA du tribunal des assurances du canton où la Suva a son siège n’est pas donnée.

ATF 145 V 314 (d)

2019-2020

Art. 45 LPGA al. 3

Après avoir fait observer durant trois jours un bénéficiaire de rente, un office AI ordonne que ce dernier soit soumis à une expertise médicale. L’intéressé ne s’étant pas présenté à la convocation, les frais en ont été mis à sa charge. Pour mettre exceptionnellement les frais d’instruction à charge de l’assuré, la simple violation de son devoir de collaboration n’est toutefois pas suffisante. Son comportement répréhensible doit également être en lien de causalité avec les frais encourus. En l’espèce, l’assuré avait averti qu’il ne se soumettrait pas à l’expertise médicale si les résultats de l’observation étaient mis à disposition de l’expert. Dès lors, l’office AI pouvait savoir – au plus tard le 24 février 2017 – que l’assuré ne s’y présenterait pas et aurait pu éviter les frais encourus en annulant l’expertise (prévue pour le 8 mars 2017) suffisamment tôt. Le lien de causalité est ainsi nié.

ATF 146 V 1 (d)

2019-2020

Art. 24 LPGA al. 1, Art. 16 LAVS al. 1, Art. 16 LAVS al. 2

Une personne accidentée demande au début de l’année 2015 une augmentation de sa rente d’invalidité rétroactivement depuis le 1er février 2007. La Suva accepte la requête à partir du 1er janvier 2010, mais la refuse pour la période antérieure en invoquant la péremption du droit de l’assuré basée sur l’art. 24 al. 1 LPGA. Le TF rappelle la distinction faite, en droit des assurances sociales, entre la fixation et l’exécution d’une prestation (cf. art. 16 al. 1 et 2 LAVS). Il existe ainsi possiblement deux délais de péremption différents : d’une part, un délai de péremption pour la fixation de la prestation due par l’assurance, qui est de cinq ans pour les prestations arriérées (art. 24 al. 1 LPGA) ; d’autre part, un délai de péremption relatif à l’exécution d’une créance qui court dès l’entrée en force de la décision d’octroi. Ce deuxième délai n’étant pas fixé dans la loi, il y a donc une lacune qui doit être comblée par le juge. Le TF applique sa jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur de la LPGA : dans son ATF 127 V 209, il prévoyait un délai de péremption de dix ans en application par analogie de l’art. 67 CO. Il n’y a pas lieu de s’écarter de cette jurisprudence : le délai ordinaire de l’art. 127 CO peut s’appliquer par analogie (à la place de l’art. 67 CO) et le montant des prestations étant clairement fixé de manière définitive dans une décision entrée en force, il n’est pas nécessaire au nom de la sécurité juridique d’appliquer un délai plus bref. En l’espèce, puisqu’il s’agit d’une demande de prestations arriérées faite par l’assuré début 2015, c’est le délai de péremption relatif à la fixation d’une prestation de l’art. 24 al. 1 LPGA qui s’applique. La Suva était donc en droit de refuser tout octroi de prestation pour la période antérieure au 1er janvier 2010 en raison de sa péremption.

ATF 146 V 121 (d)

2019-2020

Art. 89 LTF al. 1, Art. 89 LTF al. 2, Art. 62 LPGA al. 1, Art. 62 LPGA al. 1bis, Art. 67 LAA, Art. 81 LAM al. 2, Art. 82 LAM al. 1, Art. 82 LAM al. 2, Art. 35a OAM

Le litige porte sur la qualité pour recourir de la Suva devant le TF pour les litiges en matière d’assurance-militaire. Bien que la Suva soit, depuis le 1er juillet 2005, également compétente en matière d’assurance militaire, le financement de ses dépenses diffère selon le régime d’assurance. En matière de LAA, il intervient par le biais des primes des personnes assurées et des employeurs (art. 91 ss LAA). Les frais de l’assurance militaire, dont les prestations d’assurance font partie, sont principalement pris en charge par la Confédération (art. 82 al. 1 et 2 LAM). Dès lors qu’elle ne peut prétendre poursuivre un intérêt financier propre, la Suva est dépourvue de la qualité pour recourir au sens de l’art. 89 al. 1 LTF, faute d’intérêt digne de protection. Selon l’art. 89 al. 2 let. d LTF, ont aussi la qualité pour recourir les personnes, organisations et autorités auxquelles une autre loi fédérale accorde un droit de recours. L’art. 62 al. 1bis LPGA délègue au Conseil fédéral la compétence de régler la qualité pour recourir des organes d’exécution des assurances sociales. Si cette question a été réglée dans le régime d’autres assurances sociales (cf. p. ex. art. 201 al. 1 RAVS, 41 let. i RAI), une disposition similaire fait défaut pour l’assurance militaire. Le Conseil fédéral n’ayant pas sciemment renoncé de légiférer sur la qualité pour agir de la Suva en matière d’assurance-militaire, il s’agit d’une lacune proprement dite qu’il convient de combler par le juge selon les buts et le sens de la loi. Sur la base de l’art. 107 aLAM et 103 let. b aOJ, l’Office fédéral de l’assurance-miliaire, alors chargé de l’exécution de cette assurance (art. 81 al. 1 aLAM), avait la qualité pour recourir devant le TFA. L’art. 107 aLAM ayant été supprimé à la suite de l’introduction de la LPGA et de la LTF, rien n’indique cependant dans les débats parlementaires que le législateur ait voulu supprimer la qualité pour agir de l’organe d’exécution de l’assurance-militaire. Il s’agit en réalité d’un oubli du législateur d’adapter la disposition au nouveau régime, et non d’un silence qualifié. La qualité pour recourir de la Suva en tant qu’organe d’exécution de l’assurance-militaire doit par conséquent être admise sur la base de l’art. 89 al. 2 let. d LTF.

ATF 146 V 129 (d)

2019-2020

Art. 70 LPGA al. 2

L’obligation de prendre en charge provisoirement les prestations d’assurance lorsqu’un doute subsiste quant à leur débiteur prévu par l’art. 70 LPGA (« Vorleistungspflicht ») suppose que l’assureur désigné doive potentiellement intervenir définitivement pour la prise en charge des prestations en question. En d’autres termes, l’art. 70 LPGA ne crée aucune base légale ouvrant la voie à d’autres prestations que celles qui figurent dans le droit matériel de chaque régime d’assurance (ATF 143 V 312). Le cas d’espèce concerne la prise en charge, contestée par l’assureur-accidents, d’un fauteuil roulant motorisé. La LIMA ne prévoyant pas la prise en charge d’un tel fauteuil, l’assureur-maladie ne peut être tenu de fournir provisoirement une telle prestation. Seules l’assurance-invalidité et l’assurance-accidents entrent dans ce cas en considération, constellation qui n’a pas été explicitement prévue à l’art. 70 al. 2 LPGA. Son interprétation conduit le TF à rejeter le caractère exhaustif de cette liste. Le législateur a en effet voulu un système global et complet d’avance des prestations. L’assurance-invalidité, en tant qu’assurance de base et moins spécifique que l’assurance-accident, est tenue de fournir provisoirement le fauteuil roulant motorisé à la recourante.

ATF 146 V 74 (d)

2019-2020

Art. 69 LPGA al. 2

L’épouse d’une personne gravement accidentée développe un choc post-traumatique entraînant une incapacité de travail. Sur la base de l’art. 69 al. 2 LPGA, l’assuré demande la prise en compte de la diminution du revenu de son épouse dans le calcul de surindemnisation des prestations de l’assurance-invalidité et de l’assurance-accident. Comme la Suva, le tribunal cantonal rejette sa requête au motif que les conditions du « Schockschaden » en droit civil ne sont pas remplies, et, a fortiori, en droit des assurances sociales non plus. L’art. 69 al. 2 LPGA doit être interprété de telle manière que seule la diminution du revenu des proches due à un besoin médical d’aide et d’assistance à la personne assurée peut être prise en compte dans le calcul de surindemnisation. Malgré la formulation relativement ouverte de la disposition, le législateur n’a en effet pas voulu inclure chaque perte de revenu des proches de l’assuré liée à l’accident, notamment en raison d’une atteinte à leur santé psychique. Il n’est donc pas nécessaire d’analyser si le choc post-traumatique du proche répond aux conditions du « Schockschaden » en droit civil.

ATF 146 V 9 (f)

2019-2020

Art. 44 LPGA

La personne assurée a droit à ce que l’expertise soit effectuée personnellement par la personne mandatée par l’assureur, celle-ci étant choisie en raison de son savoir, de ses connaissances scientifiques et de son indépendance. Une autorisation de l’assureur est requise en cas de substitution de l’expert. Le recours à l’assistance d’un auxiliaire (« Hilfsperson ») n’est cependant pas soumis à cette exigence. Ce dernier agit en effet selon les instructions et la surveillance de l’expert et exécute des tâches secondaires (p. ex. procéder à des analyses médicales ou à des travaux de rédaction ou de copie). A contrario, ne peuvent être déléguées les tâches fondamentales d’expertise, soit la prise en connaissance du dossier dans son ensemble et son analyse critique, l’examen de la personne soumise à l’expertise, le travail intellectuel de réflexion portant sur l’appréciation du cas et les conclusions qui peuvent en être tirées. La personne assurée a le droit d’être informée préalablement du nom de la personne mandatée par l’assureur afin de pouvoir, cas échéant, invoquer un motif de récusation à son encontre. Ce droit ne s’étend pas aux auxiliaires des experts. Le médecin chargé par l’expert d’établir l’anamnèse de base de la personne soumise à l’expertise, d’analyser et de résumer son dossier médical ou de relire le rapport de l’expert pour vérifier la pertinence de ses conclusions, ne saurait être qualifié d’auxiliaire. De par son activité intellectuelle, il peut en effet avoir une influence sur le résultat de l’expertise. Par conséquent, le nom du médecin jouant un tel rôle dans l’expertise doit être préalablement communiqué à l’assuré. La violation de cette obligation constitue une violation du droit de participation et du droit d’être entendu. Un tel défaut formel ne conduit cependant pas à écarter d’emblée le rapport d’expertise. En l’espèce, seuls les noms des médecins adjoints des experts n’ont pas été préalablement communiqués. En revanche, les noms des deux experts l’ont été de manière conforme à l’art. 44 LPGA. La violation des droits formels de l’assuré n’est donc pas si grave au point de ne pas pouvoir être réparée. A cette fin, il convient de placer la personne assurée dans la situation dans laquelle elle serait en l’absence de vice de procédure formel, soit de lui communiquer le nom du ou des médecins dont les experts se sont adjoint l’assistance afin qu’elle puisse se prononcer sur un éventuel motif de récusation.

ATF 145 V 343 (d)

2019-2020

Art. 53d LPP al. 1, Art. 6 LPP, Art. 48 PA al. 1

La veuve d’un bénéficiaire d’une rente de vieillesse versée par une caisse partiellement liquidée dont le rapport, le bilan et le plan de répartition étaient contestés en justice n’a pas la qualité pour recourir au TF contre un arrêt du TAF. Au moment de la liquidation partielle et, singulièrement, du dépôt du rapport de contrôle, elle ne bénéficiait que d’une expectative à une rente de survivante. Elle ne pouvait donc agir en son nom contre la décision de liquidation partielle, ni participer à la procédure de recours subséquente. Le montant de la « provision pour cas d’invalidité en suspens », prestation prévue par le règlement de prévoyance, doit être fixé en tenant notamment compte de l’expérience empirique des sinistres de l’institution de prévoyance en question. En l’espèce, le montant de la provision ayant été déterminé uniquement sur la base de valeurs empiriques provenant d’une autre institution de prévoyance, cette méthode de calcul viole le droit fédéral. En outre, l’absence, au bilan de liquidation partielle, d’un contrat de prestation (« Contribution Agreement ») conclu entre l’employeur et l’ancienne institution de prévoyance, n’est pas critiquable. Ce contrat prévoyait une renonciation à utiliser des réserves des cotisations de l’employeur exclusivement en faveur du maintien de l’ancienne institution de prévoyance. Selon l’art. 44b al. 2 OPP 2, cette réserve doit être dissoute au profit des assurés sortants. Partant, cet avoir de pension n’existe plus au moment de l’établissement du bilan de liquidation partielle. Il ne peut donc y figurer.

ATF 146 V 28 (d)

2019-2020

Art. 53d LPP al. 1, Art. 27h aOPP2 al. 1

Dans le cadre d’une liquidation partielle, l’effectif sortant a droit, même en application de l’ancien art. 27h OPP2, à une partie de la réserve de fluctuation de valeurs (RFV). Pour arriver à cette conclusion, les juges fédéraux ont rappelé que le contrat d’affiliation constitue un élément important à prendre en considération lors de l’examen du droit à des réserves. En l’espèce, quand bien même l’art. 10 du contrat d’affiliation ne fait pas expressément référence à la RFV, il prévoit néanmoins qu’en cas de sortie collective consécutive à la résiliation dudit contrat, l’ancienne institution de prévoyance doit transférer, en sus notamment des prestations de sortie, une part proportionnelle « du reste de la fortune de la fondation » (« verhältnismässigen Anteil am übrigen Vermögen der Stiftung ») à la nouvelle institution de prévoyance. Pour la Haute Cour, et contrairement à l’avis du TAF, la RFV fait partie de la fortune qui doit suivre l’effectif sortant et ce, dans le cas d’espèce, indépendamment du fait de savoir sous quel mode (en espèces par exemple) les autres réserves ont été transférées.

ATF 146 V 95 (d)

2019-2020

Art. 73 LPP, Art. 123 CC, Art. 124 CC

Dans cet arrêt, pour lequel les IIe Cours de droit social et de droit civil ont mis en œuvre une procédure de concertation selon l’art. 23 LTF, le TF a considéré, selon l’art. 73 LPP, que dans le cadre d’une procédure de divorce renvoyant à un tribunal la tâche de procéder au calcul des prestations de sortie à partager, la possible survenance d’une invalidité à une date antérieure au début de la procédure de divorce doit conduire ledit tribunal à suspendre la procédure, jusqu’à droit connu sur la question de la survenance du cas de prévoyance (droit à la rente d’invalidité). S’agissant des problèmes pratiques que pourrait entraîner ce type de suspensions, le TF a considéré que les « mesures provisionnelles » prévues par les dispositions cantonales de procédure devraient permettre de les éviter.