Droit pénal spécial

ATF 145 IV 23 (i)

2018-2019

Art. 261bis al. 4 CP

Discrimination raciale ; négation d’un génocide. Un politicien publie deux articles où il explique « comment se sont passées les choses » en 1995 à Srebrenica. Le lecteur moyen y voit la négation du génocide des musulmans bosniaques, de sorte que les éléments constitutifs objectifs sont remplis. Toutefois, il n’y a pas de preuves suffisantes démontrant que l’intention de l’auteur était de discriminer. Le TF retient que l’auteur a seulement remis en question la réalité des événements de Srebrenica. A défaut de mobile discriminatoire, la condamnation de l’auteur constitue une violation de sa liberté d’expression si bien que le TF prononce son annulation.

Art. 21, 271 CP

Transmission directe d’informations bancaires relatives à des clients au Gouvernement américain ; acte exécuté sans droit pour un Etat étranger ; erreur sur l’illicéité. Une société de gestion de fortune suisse veut annoncer des clients non déclarés au fisc américain. Elle consulte au préalable une étude d’avocats pour s’assurer de la légalité de la transmission. Elle demande, en sus, l’avis d’un professeur et d’une juriste. Il lui est confirmé que la transmission de données ne viole pas l’art. 271 CP et qu’elle est justifiée sous l’angle de l’état de nécessité licite et l’état de nécessité excusable. La société annonce les clients au fisc américain. Une procédure pénale contre la société pour violation de l’art. 271 CP est ouverte. Le TPF acquitte la société ; il retient une erreur sur l’illicéité et donc l’absence d’intention. Le TF rappelle que l’erreur sur l’illicéité découle de la théorie de la culpabilité ; il ne s’agit pas d’un élément constitutif subjectif de l’infraction. L’erreur de droit n’est retenue que lorsque l’auteur ne connaissait pas et ne pouvait pas connaître l’illicéité de son comportement. L’erreur de droit est écartée dès lors que l’auteur a l’impression que son comportement est illicite. Selon l’avocat consulté, une violation de l’art. 271 CP n’était pas totalement exclue. Le TF considère que la société était consciente que la transmission était potentiellement illicite puisqu’elle a encore demandé d’autres avis de droit. Les divergences entre les avis de droit auraient dû pousser la société à faire preuve de retenue et à éclaircir la situation. L’erreur commise aurait donc pu être évitée, de sorte que l’erreur sur l’illicéité est écartée et la cause renvoyée au TPF pour nouveau jugement.

Art. 271 CP

Dans le domaine fiscal, transmission directe au Gouvernement américain d’informations relatives à des clients. Une société de gestion mandate une étude d’avocat pour répertorier ses clients qui n’ont pas respecté leur obligation de déclarer leurs revenus au fisc américain. L’étude d’avocat avait, au préalable, confirmé à la société de gestion que le fait de dévoiler les noms des clients ne contrevenait pas à l’art. 271 CP. Un second avis de droit émanant d’un professeur confirmait que la transmission des informations au Gouvernement américain pouvait être justifiée en raison d’un état de nécessité licite (art. 17 CP) ou d’un état de nécessité excusable (art. 18 al. 2 CP). La société de gestion a alors transmis la liste des clients au fisc américain. S’en est suivi l’ouverture d’une procédure pour violation de l’art. 271 CP à l’encontre de la société de gestion. Les données permettant l’identification des clients d’une banque suisse bénéficient de la protection de l’ordre public suisse. La société étant soumise au secret bancaire, elle n’était donc pas autorisée à dénoncer des clients à l’étranger. Toutefois, compte tenu des avis de droit sur lesquels la société de gestion s’est fondée et de la complexité de la question juridique, le TF conclut que la société se trouvait dans un cas d’erreur sur l’illicéité et que, dès lors, l’intention fait défaut, ce qui conduit à l’acquittement de la société.