Droit pénal spécial

Art. 220 CP

Enlèvement de mineur par un parent codétenteur de l’autorité parentale. Il est reproché au prévenu d’être allé chercher sa fille mineure au domicile de la mère, qui exerçait la garde de fait conformément au jugement de divorce, pour l’emmener chez lui et l’héberger pendant presque deux mois ainsi que d’avoir entrepris les démarches nécessaires pour la changer d’établissement scolaire. Selon la doctrine, le tiers qui apporte une aide purement accessoire au mineur qui s’enfuit ou refuse de retourner au lieu désigné par celui qui exerce le droit de déterminer le lieu de résidence ne participe pas à une infraction. En l’espèce, le prévenu s’est montré actif en allant chercher sa fille, puis en l’hébergeant et en entreprenant des démarches au niveau scolaire. L’art. 220 CP vise à garantir la paix familiale et ne protège pas le mineur lui-même ; la volonté de ce dernier n’a donc pas de portée prépondérante. Le fait que le recourant ait agi à la demande de sa fille importe peu dans la mesure où il ne démontre pas en quoi le refus de celle-ci de retourner chez sa mère était impossible à surmonter ou que cela ne pouvait être exigé de lui. En emmenant sa fille à son domicile et en l’hébergeant sans le consentement de la mère, codétentrice de l’autorité parentale et, partant, du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant, le prévenu a violé l’art. 220 CP.

Art. 8 CEDH

Droit au respect de la vie privée et familiale et incrimination de l’inceste. L’ingérence au respect de la vie privée et familiale protégé par l’art. 8 CEDH que constitue l’incrimination de l’inceste ne viole pas la convention. La majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe incrimine l’inceste et la totalité d’entre eux interdit aux membres d’une même fratrie de se marier. Dès lors que la question posée touche aux exigences de la morale, les Etats membres jouissent d’une ample marge d’appréciation en l’absence de consensus entre eux. Les tribunaux allemands n’ont pas excédé cette marge d’appréciation en retenant que la protection de la famille, l’autodétermination, la santé publique et l’opinion générale favorable à l’incrimination de l’inceste fondent la condamnation à une peine d’emprisonnement de l’intéressé, lequel a eu quatre enfants avec sa sœur biologique cadette.

Art. 219 CP.

Violation du devoir d’assistance ou d’éducation, père nourricier (BJP N°654).

Des mauvais traitements physiques répétés (coups, tapes, coups de pieds et d’autres punitions) remplissent les éléments constitutifs de l’art. 219 CP. Lesdites punitions constituent en effet une forme d’éducation axée sur la violence physique. L’art. 219 CP absorbe l’art. 126 CP.

Art. 217 CP.

Violation d’une obligation d’entretien.

Auparavant, le droit de la famille connaissait la paternité alimentaire, fondée sur une relation de fait (cf. ATF 91 IV 225 et 128 IV 86). Toutefois, le nouveau droit érige le rapport juridique de filiation en condition nécessaire de l’obligation que l’art. 276 CC met à la charge des père et mère. Ainsi, comme le jugement de paternité a effet constitutif (ATF 129 III 646 consid. 4.1. p. 651 et les références), l’art. 276 CC n’oblige le père qui n’est pas marié avec la mère et qui n’a pas reconnu l’enfant que si sa paternité est établie par un jugement entré en force. Dès lors, il ne saurait être déclaré coupable de violation d’une obligation d’entretien au sens de l’art. 217 CP pour ne pas avoir versé, avant l’entrée en force du jugement, les contributions qu’il met à sa charge pour le passé. Il ne pourra être condamné au pénal que s’il ne règle pas ces contributions après l’entrée en force du jugement, alors qu’il a encore les moyens de les payer ou qu’il pourrait encore les avoir. Cependant, en vertu de l’art. 283 CC, le défendeur a l’obligation de payer des contributions provisoires. Dès lors, son inexécution intentionnelle durant la litispendance par un défendeur qui a ou pourrait avoir les moyens d’y satisfaire tombe sous le coup de l’art. 217 CP, indépendamment du mérite de l’action en recherche de paternité.

TF 6B_711/2008

2008-2009

Art. 220 CP ; 82 al. 1 LDIP, droit malais

(BJP N°585)

Enlèvement de mineur. Le recourant est un citoyen autrichien. L’intimée est ressortissante de Malaisie. Ils se sont mariés le 24 février en Autriche. Le 25 mai 2000, les époux ont divorcé en Autriche. La recourante, alors enceinte, a quitté l’Autriche pour retourner vivre en Malaisie, dans la province du Selangor, où elle donna naissance à A., sa fille née le 6 janvier 2001. Le recourant fut inscrit dans les registres des naissances, comme le père de l’enfant. En novembre 2002, le recourant se rendit en Malaisie, pénétra dans la maison de la recourante pendant que celle-ci travaillait emmena sa fille avec lui jusqu’en Suisse, dans son logement sis à Bâle. Dans la mesure où, au moment de son enlèvement par le recourant, l’enfant avait son lieu de résidence habituel en Malaisie, c’est le droit malais, selon l’art. 82 al. 1 LDIP qui régit la question des relations personnelles entre parents et enfants. L’intimée, le recourant et leur fille appartiennent à la communauté islamique, raison pour laquelle selon le système juridique malais, il y a lieu d’appliquer le droit de la famille islamique local, à savoir le "Selangor Islamic Family Law Enactment 1984". A. est un enfant issu d’un couple divorcé. La mère d’un tel enfant est titulaire de la « custody », respectivement de la garde, pendant le mariage, mais également après sa dissolution (art. 81 ff. des "Selangor Islamic Family Law Enactment 1984"). La « custody » sur une fille se termine lorsque celle-ci atteint sa neuvième année et le droit de garde est alors complètement transféré au père de l’enfant. Selon l’art. 83 lit. c du "Selangor Islamic Family Law Enactment 1984", la mère de l’enfant perd également sa « custody », respectivement la garde de l’enfant antérieurement à la neuvième année « by her changing her residence so as to prevent the father from exercising the necessary supervision over the child, except that a divorced wife may take her own child to her birth-place ». Le père de l’enfant détient alors, selon le droit malais, le « guardianship », soit une sorte de tutelle. Il a le devoir de veiller sur l’enfant et sur le bien de ce dernier (art. 88 ff. des "Selangor Islamic Family Law Enactment 1984"). Ses pouvoirs sont plus larges que ceux de la mère et c’est à lui qu’incombent toutes les décisions importantes relatives à l’enfant. Sur la base du "guardianship" dont le recourant était titulaire au moment du déplacement de l’enfant de Malaisie en Suisse, il doit être considéré comme (co)titulaire de l’autorité parentale. Il ressort d’une interprétation correcte de l’art. 83 lit. c du « Selangor Islamic Family Law Enactment 1984 » que la mère doit agir délibérément dans le but de priver le père de sa faculté d’exercer ses droits. L’intimée n’a pas agi avec un tel dessein, raison pour laquelle elle n’avait pas perdu la « custody » sur sa fille. Dans la mesure où le recourant n’était pas le seul titulaire du droit de garde sur sa fille, sa condamnation pour enlèvement de mineurs ne viole pas le droit fédéral.


TF 6B_993/2008

2008-2009

Art. 219 CP

(BJP N°579)

Violation du devoir d’assistance ou d’éducation. Le recourant avait surchargé sa belle-fille âgée de 12 ans pendant une période de 3 ans par une participation substantielle aux tâches du ménage et ne lui avait pas laissé assez de temps pour ses travaux scolaires, alors même qu’il savait que celle-ci souffrait d’un trouble de la perception lui occasionnant une lenteur et une sensibilité particulières. La jeune fille en âge de scolarité obligatoire devait s’occuper de ses trois jeunes frères (réveiller, langer, habiller), préparer le petit déjeuner, parfois le repas de midi et, lors d’absence de la mère, le dîner, laver la vaisselle et le linge, aider aux écuries, donner le foin et cueillir les fruits. Si elle ne travaillait pas autant que le souhaitait le recourant, ce dernier la dénigrait verbalement ou jetait ses objets. Celui qui utilise dans cette mesure et pendant des années, comme force de travail, une enfant mineure sur laquelle il doit veiller – au moyen d’humiliation physiques et verbales et au dépens de son intégration scolaire – fait courir un tel danger au développement de celle-ci que des effets sur le développement physique et psychique ordinaire de l’enfant sont à craindre, respectivement qu’il existe une forte probabilité de lésion portée au bien juridiquement protégé. Il n’est pas requis que le danger concret se matérialise, à savoir que le comportement de l’auteur contraire à ses devoirs occasionne un dommage à la santé. Dès lors, l’instance précédente pouvait considérer, sans violer le droit fédéral, que les éléments constitutifs objectifs de l’art. 219 CP étaient réalisés, notamment la condition de la causalité. L’admission de l’élément subjectif sous la forme du dol éventuel ne viole pas plus le droit fédéral. Le recourant avait connaissance des conditions factuelles de sa position de garant, du fait que son comportement était contraire à ses devoirs ainsi que de la situation personnelle et de santé de la victime. Dans une telle situation, il a nécessairement dû avoir conscience de la possibilité sérieuse de la survenance du résultat requis sous la forme d’une mise en danger concrète de la victime. S’agissant de l’aspect volitif, sur la base des circonstances objectives du cas d’espèce, il y a lieu de considérer que le recourant a pris en compte la possibilité de mettre en danger la santé physique et psychique de sa belle-fille. En effet, la probabilité de la survenance du résultat apparaissait tellement élevée que son comportement ne peut être compris que comme l’admission du résultat, pour le cas où il viendrait à se produire.