Droit pénal spécial

Rupture de ban. Un ressortissant algérien expulsé pour une durée de cinq ans demeure en Suisse. Interpellé par la police, il est condamné à une peine privative de liberté de 9 mois pour rupture de ban. Il recourt au motif qu’aucune mesure n’a été prise en vue de son renvoi effectif. Le TF rappelle que la Suisse a repris la Directive européenne 2008/115/CE (Directive sur le retour) relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Elle prévoit que les mesures de refoulement sont prioritaires au prononcé d’une peine privative de liberté. Cette sanction ne peut intervenir que lorsque les autorités ont pris toutes les mesures raisonnables pour exécuter l’expulsion. En l’espèce, la procédure de renvoi n’ayant pas été menée à son terme (ni même entreprise), la condamnation à une peine privative de liberté est contraire au droit. Le recours est admis.

Concours parfait entre une rupture de ban et une interdiction de périmètre. En 2015, le recourant (héroïnomane) se voit notifier une interdiction d’entrée en Suisse et, en 2018, une interdiction d’entrer dans le centre-ville de Genève, à l’exception d’un local d’injection. Interpellé par la police près du local en question en 2019, il est condamné à une peine privative de liberté de six mois pour rupture de ban (art. 291 CP) et violation de l’interdiction de périmètre (art. 119 LEI). Le recourant fait valoir que son comportement ne peut pas être constitutifs de deux infractions. Selon le TF, la rupture de ban vise à garantir l’exécution des décisions d’expulsion. Quant à l’interdiction de périmètre prononcée en l’espèce, elle découle du comportement troublant et menaçant du prévenu pour la sécurité et l’ordre public. Elle a pour but de maintenir l’intéressé éloigné d’une région déterminée. Ces dispositions ne protégeant pas les mêmes biens juridiques, le recourant pouvait être condamné pour rupture de ban et pour non-respect d’une interdiction géographique, les deux infractions entrant en concours parfait au sens de l’art. 49 CP.

Insoumission à une décision de l’autorité ; liberté des médias. Dans le cadre d’une procédure menée à huis-clos partiel, la décision du tribunal de conditionner la participation des journalistes à l’observation de règles sur la base de l’art. 70 al. 3 CPP n’est pas contraire au droit. Les conditions imposées par le tribunal peuvent être assorties de la commination prévue à l’art. 292 CP. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit prévue dans la loi pertinente pour l’affaire. La condamnation d’un journaliste en raison d’une insoumission aux règles imposées par le tribunal porte néanmoins atteinte à sa liberté d’expression et à la liberté des médias, de sorte que cette restriction doit toujours être examinée sous l’angle de l’art. 36 Cst. En l’espèce, il était demandé aux journalistes de ne pas publiciser d’informations relatives aux enfants de la personne jugée pour un assassinat. Un chroniqueur judiciaire a toutefois indiqué dans un article en ligne la présence de l’un des enfants au moment des faits. Il a maintenu le contenu de l’article malgré le fait que le tribunal ait réitéré sa demande en l’assortissant de la commination de l’art. 292 CP. In casu, l’atteinte est fondée sur une base légale (art. 70 CPP), le but poursuivi par la restriction est légitime (protéger la personnalité des enfants pour éviter qu’ils soient exposés à la « curiosité morbide » d’autrui) et, sous l’angle de la proportionnalité, l’intérêt de l’enfant à ne pas voir divulguée sa présence lors de l’homicide l’emporte sur l’intérêt de la presse à faire état de ce fait dont la valeur informative est moindre. En revanche, le principe de l’aptitude n’est pas respecté in casu, en ce sens que la condamnation du chroniqueur n’était plus apte à atteindre le but recherché (au moment de son prononcé, l’article révélant la présence de l’enfant avait déjà été publié et la condamnation ne permettait donc plus d’empêcher la connaissance de ce fait par le public).

Art. 285 ch. 1 CP.

Sujet à une fouille corporelle par des agents de police, le recourant a violemment résisté, a frappé les policiers à coups de pied et les a insultés. Le Tribunal fédéral estime que le recourant ne peut pas se prévaloir de la jurisprudence de l’ATF 98 IV 41 prévoyant une non-punissabilité des actes d’opposition dans le cas où ceux-ci viseraient au maintien ou au rétablissement de l’ordre légal. En effet, dans le cas d’espèce, l’état physique du recourant au moment des faits ainsi que la garantie de la sécurité prévue par l’art. 241 al. 4 CPP ne rendent pas la fouille manifestement illégale.

Art. 293 CP

Publication de débats officiels. L’art. 293 CP procède d’une conception formelle du secret en ceci que seul compte le fait que les débats ou dossiers ont été frappés du sceau du secret par la loi ou par une décision de l’autorité. Il suffit que la volonté de les soustraire au public soit claire, peu importe la terminologie utilisée (« confidentiel », « rigoureusement secret » etc.). L’intérêt du public à être informé n’a pas d’influence sur la typicité de l’infraction mais revêt éventuellement une importance sous l’angle de l’illicéité, en particulier en vertu du motif justificatif extralégal de la sauvegarde d’intérêt légitime.

Art. 293 CP

Publication de débats officiels secrets. L’art. 293 CP procède d’une conception formelle du secret. Il suffit que les actes, débats ou instructions concernés aient été déclarés secrets par la loi ou une décision de l’autorité, autrement dit, que l’on ait voulu en exclure la publicité. L’al. 3 de l’art. 293 CP, qui prévoit la renonciation à toute peine lorsque le secret livré est de peu d’importance, s’applique à des cachotteries inutiles, chicanières ou exorbitantes. Pour apprécier l’application de l’al. 3, le juge doit examiner préjudiciellement mais avec retenue les raisons qui ont valu à la classification du secret comme tel. La publication journalistique, en cours d’instruction pénale, brossant le portrait d’un régisseur immobilier « présumé pédophile » faisant état dans le détail des faits reprochés à l’intéressé ainsi que des déclarations de plaignants durant l’enquête ne peut être qualifiée de livraison de secret de peu d’importance et bénéficier de l’art. 293 al. 3 CP. La gravité des motifs justifiant l’enquête, soit notamment les chefs de prévention d’actes d’ordre sexuel avec des enfants et de contrainte sexuelle, pouvait justifier matériellement le maintien du secret en faveur du prévenu.

TF 6B_959/2010

2010-2011

Art. 292 CP

« Affaire Rappaz », obligation du médecin pénitentiaire d’alimenter de force un détenu, sous menace des peines prévues à l’art. 292 CP en cas de refus. L’autorité d’exécution peut en principe faire obligation au médecin pénitentiaire compétent, sous menace des peines prévues à l’art. 292 CP, d’alimenter de force un détenu. Le refus d’interrompre l’exécution de la peine ne viole pas le droit fédéral.

TF 6B_959/2010

2010-2011

Art. 292 CP

« Affaire Rappaz », obligation du médecin pénitentiaire d’alimenter de force un détenu, sous menace des peines prévues à l’art. 292 CP en cas de refus. L’autorité d’exécution peut en principe faire obligation au médecin pénitentiaire compétent, sous menace des peines prévues à l’art. 292 CP, d’alimenter de force un détenu. Le refus d’interrompre l’exécution de la peine ne viole pas le droit fédéral.