Droit du sport

(A. c. Union Cycliste Internationale (UCI)). Recours contre la sentence rendue le 10 février 2021 par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS). Suspension de quatre ans à l’encontre d’un cycliste et amende de 26’000 euros pour violation des règles anti-dopage de l’Union Cycliste Internationale (UCI). Le TF devait déterminer si le TAS s’était, à tort, déclaré compétent pour connaître du litige, le recourant ayant annulé la convention d’arbitrage entre lui-même et l’UCI en faveur du TAS, en raison notamment du choix limité d’un représentant juridique pro bono et de l’indemnisation insuffisante de celui-ci et des experts mandatés pour pallier son indigence, en application des Guidelines on Legal Aid before the Court of Arbitration for Sport. Le TF relève que, en arbitrage interne, l’art. 380 CPC exclut expressément l’assistance judiciaire gratuite et que rien ne justifie une solution différente en arbitrage international. Cette exclusion de principe n’empêche toutefois pas les parties ou l’institution d’arbitrage concernée de prévoir un mécanisme permettant à une partie indigente de procéder par la voie de l’arbitrage et de bénéficier d’un accès à un tribunal indépendant et impartial (consid. 4.4.1). En l’espèce, le TF considère que l’aide judiciaire instituée dans les Guidelines on Legal Aid before the Court of Arbitration for Sport garantit un accès suffisant au juge, notamment car l’institution peut renoncer aux frais de l’arbitrage, et la partie indigente peut choisir un avocat pro bono sur une liste tenue par le TAS et obtenir une somme couvrant les frais de déplacement et d’hébergement dudit avocat, des témoins, des experts et des interprètes (consid. 4.4.2). Recours rejeté.

(A. Football Association c. B.). Recours contre la sentence rendue le 26 mai 2021 par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS). Le TF devait déterminer si le TAS s’était déclaré, à tort, compétent en qualité d’autorité de recours contre la décision de la Commission du Statut du joueur de la FIFA (ci-après : CSJ FIFA) qui condamnait une fédération nationale au paiement de dommages-intérêts à la suite d’une rupture de contrat de travail injustifiée entre elle-même et un entraîneur. Le TF rappelle que les décisions rendues par les organes internes d’une association sont une émanation de la volonté de cette dernière (cf. not. ATF 119 II 271, consid. 3b) et peuvent faire l’objet d’un recours en vertu de l’art. 75 CC, pour autant que les instances internes à l’association aient été épuisées. En l’espèce, la recourante faisait notamment valoir, au stade du recours devant le TF, que la CSJ FIFA n’était pas compétente pour trancher le litige. A ce propos, la recourante ne prétendait pas que la décision de la CSJ FIFA aurait pu être contestée devant un autre tribunal (arbitral) que le TAS. Dès lors, selon le TF, la recourante perd de vue que le seul reproche pouvant être adressé au TF pour le motif tiré de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP est de savoir si le tribunal arbitral, en l’occurrence le TAS, s’est déclaré à tort compétent ou incompétent pour statuer sur le litige en question, la décision de la Commission du Statut du Joueur de la FIFA n’étant pas assimilable à une sentence arbitrale. Faute de respecter l’exigence de motivation imposée par le TF dans le cadre d’un recours en matière civile contre une sentence arbitrale internationale, le grief tiré de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP ne saurait être accueilli. Recours rejeté.

(Sun Yang c. Agence Mondiale Antidopage (AMA), Fédération Internationale de Natation (FINA)). Recours contre la sentence rendue le 22 juin 2021 par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS). Suspension de 4 ans et 3 mois à l’encontre d’un nageur chinois (Sun Yang) pour violation des règles anti-dopage de la Fédération Internationale de Natation (FINA). Le TF devait déterminer si le TAS s’était déclaré à tort compétent pour se saisir du litige, le recourant soutenant que l’Agence mondiale antidopage avait fait appel de manière tardive au TAS contre la décision rendue par la FINA en première instance. Selon le TF, le respect du délai pour faire appel est une condition de recevabilité et ne concerne pas la compétence du tribunal arbitral (cf. not. TF 4A_413/2019, consid. 3.3.2). Le grief tiré du non-respect du délai pour faire appel au TAS ne s’inscrit donc pas dans le cadre de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP et est ainsi irrecevable. Recours rejeté.

(A. [club de football professionnel] c. B. et C [joueurs professionnels de football]) ; recours contre une sentence du TAS rendue le 25 février 2021 (procédure arbitrale d’appel). Le recourant conteste la compétence du TAS en faisant valoir que le droit étranger (en l’espèce, le droit roumain) impose que les créances nées après la déclaration de faillite soient impérativement tranchées par la juridiction étatique compétente. De l’avis du recourant, les prétentions litigieuses ne seraient donc pas arbitrables. Le Tribunal fédéral commence par rappeler que l’arbitrabilité des prétentions est une condition de validité de la convention d’arbitrage et donc relève de la compétence du tribunal arbitral. En principe, l’arbitrabilité des prétentions en matière d’arbitrage international s’analyse à l’aune du critère établi à l’art. 177 LDIP (qui prévoit que « toute cause de nature patrimoniale » peut faire l’objet d’un arbitrage). Puisqu’il s’agit d’une règle de droit matériel, il n’est en principe pas nécessaire de tenir compte des dispositions impératives de droit étranger restreignant l’arbitrabilité des prétentions. Sont réservés les cas dans lesquels les dispositions de droit étranger doivent être prises en considération sous l’angle de l’ordre public visé à l’art. 190 al. 2 let. e LDIP. En droit suisse, l’article 250 LP prévoit que les actions tendant à la contestation de l’état de collocation doivent être impérativement interjetées au for de la faillite : il s’agit là d’une disposition relevant de l’ordre public. Sur cette base, dans le cadre de l’exequatur d’une sentence étrangère, le TF avait décidé que l’action fondée sur l’art. 250 LP n’était pas arbitrable. Ainsi, une partie qui, après l’ouverture de la faillite, agissait devant un tribunal arbitral à l’étranger, en lieu et place de faire valoir sa créance dans l’état de collocation, prend le risque de se voir nier l’exequatur de la sentence en Suisse (arrêt TF 5A_910/2019, consid. 3.8). En l’espèce, il ressort des faits constatés dans la sentence que le club était redevenu solvable alors que la procédure arbitrale était toujours pendante devant le TAS, ce qui avait conduit à la clôture de la procédure d’insolvabilité devant les tribunaux étatiques. A ce sujet, le TF rappelle qu’il suffit que les conditions de recevabilité d’une demande soient réunies au moment du prononcé de la sentence (arrêt TF 4A_27/2021, consid. 4.3 et réf.). Ainsi, à compter de la fin de la procédure d’insolvabilité, le recourant ne pouvait plus remettre en cause l’arbitrabilité des prétentions, et donc la compétence du TAS. Recours rejeté.

(A. [club de football professionnel colombien] c. B. S.A. [club de football professionnel colombien]; Fédération Colombienne de Football [partie intéressée]) ; recours contre la sentence du TAS rendue le 19 mai 2019 (procédure arbitrale d’appel). Le recourant soutient que la formation arbitrale s’est déclarée à tort compétente pour connaitre de l’appel contre une décision de la Commission du Statut du Joueur de la Grande Division du football colombien (« CSJ »), organe interne à la fédération colombienne de football (« FCF »). La formation arbitrale, après avoir exclu que la compétence du TAS puisse se fonder sur la convention d’arbitrage contenue dans le contrat litigieux, s’est penchée sur le fait de savoir si les règlements internes de la FCF prévoyaient un appel au TAS contre les décisions rendues par la CSJ dans le cadre d’un litige à caractère purement national. La formation était arrivée à la conclusion que tel était bien le cas et, sur le fond, avait interdit au recourant de recruter des nouveaux joueurs pendant la période d’une année. Dans son analyse juridique, le TF rappelle qu’aux termes de l’art. 186 al. 1 LDIP, « le tribunal arbitral statue sur sa propre compétence » (le TF y ajoute, de manière quelque peu maladroite, « d’office »). Il s’ensuit que la partie ayant saisi le tribunal arbitral n’a pas à supporter le fardeau de la preuve quant à l’existence de la clause d’arbitrage. En outre, conformément à l’art. 186 al. 2 LDIP, une éventuelle exception d’incompétence doit être soulevée « préalablement à toute défense sur le fond ». Cette disposition est de droit dispositif en ce qui concerne les modalités d’exercice de l’exception d’incompétence. Dès lors, les règlements d’arbitrage peuvent prévoir des formes et délais spécifiques. Devant le TAS, selon l’article R55 (1) du Code, il est admis que cette exception puisse être soulevée (au plus tard) dans la réponse au mémoire d’appel. Ainsi, le fait que la FCF n’ait pas soulevé l’exception d’incompétence dans sa réponse aux mesures provisoires ne peut pas être interprété comme une acceptation tacite de la compétence du TAS, en tout cas lorsque telle exception est soulevée au stade de la réponse au fond. De plus, le Tribunal fédéral confirme une nouvelle fois que lorsqu’il est saisi du grief d’incompétence, il revoit librement toutes les questions de droit pertinentes, y compris l’interprétation des clauses statutaires ou règlementaires faite par la formation arbitrale. Recours admis.

(A. SA [club de football] c. Fédération B., C. SA [club de football]) ; recours contre la sentence du TAS rendue le 27 janvier 2021 (procédure arbitrale d’appel). Le recourant, un club professionnel de football, se plaint du fait que la formation arbitrale s’est déclarée à tort compétente. En particulier, le recourant fait valoir qu’il a été forcé d’accepter la compétence du TAS pour pouvoir participer aux compétitions de football organisé. Il invoque, à l’appui de sa thèse, l’ATF 133 III 235 (Cañas) et l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans l’affaire Mutu et Pechstein c. Suisse. S’agissant de la référence à l’ATF 133 III 235, le TF rappelle qu’il est fondamentalement incorrect d’assimiler la problématique du consentement forcé à l’arbitrage avec celle de la renonciation conventionnelle au recours au sens de l’art. 192 al. 1 LDIP (objet du litige dans l’ATF 133 III 235). Cette distinction repose sur l’idée que l’inopposabilité de la renonciation au recours contre la sentence à l’égard de l’athlète « constitue un contrepoids » à la bienveillance avec laquelle le TF traite la question du consentement de l’athlète à l’arbitrage dans le domaine du sport. S’agissant de la référence à l’arrêt Mutu et Pechstein c. Suisse, le TF souligne que, d’après la CEDH, l’arbitrage forcé n’est pas en tant que tel « prohibé », mais, dans un tel cas, le tribunal arbitral doit offrir toutes les garanties procédurales prévues à l’art. 6 par. 1 CEDH « en particulier celles d’indépendance et impartialité ». Dans l’affaire précitée, la CEDH avait déterminé que le TAS offrait bien toutes les garanties d’indépendance et d’impartialité. En l’espèce, le TF, sans formellement se prononcer, émet néanmoins des doutes quant au caractère forcé de l’arbitrage entre deux clubs professionnels de football se disputant le droit à utiliser le nom et les couleurs d’un autre club. Cette question est toutefois laissée indécise puisque, même à supposer que le consentement du recourant soit en l’occurrence forcé, la clause d’arbitrage lui reste pleinement opposable, le TAS étant un tribunal arbitral véritablement indépendant et impartial. Recours rejeté.

(A. [joueur professionnel de football] c. Hellenic National Council for Combating Doping [ESKAN]) ; recours contre la sentence du TAS rendue le 29 octobre 2019 (procédure arbitrale d’appel). Le recourant, un joueur professionnel de football, reproche à l’arbitre unique du TAS d’avoir à tort décliné sa compétence, alors que la partie intimée faisait défaut à la procédure d’arbitrage. Il est vrai que, selon l’art. 186 al. 2 LDIP, l’exception d’incompétence doit être soulevée avant toute défense sur le fond. Toutefois, en cas de défaut de la partie intimée, le tribunal arbitral doit contrôler sa compétence d’office, « à la lumière des informations dont il dispose, mais sans avoir à aller au-delà ni à mener lui-même ses propres investigations ». Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne puisse pas conduire ses propres recherches ou demander des informations supplémentaires auprès de tiers. En l’espèce, l’arbitre unique a demandé à la FIFA de fournir des renseignements quant au statut international du joueur, car cette information avait une influence directe sur la détermination de sa compétence. Etant parvenu à la conclusion que le recourant n’avait pas épuisé les voies de droit internes à l’association avant de saisir le TAS, l’arbitre unique s’est, à juste titre, déclaré incompétent pour trancher le litige. Recours rejeté.