Droit international privé

ATF 145 III 14 (f)

2018-2019

Art. 34 al. 1 CPC ; 115 al. 1 LDIP ; 5 par. 1 aCL ; 19 par. 2 let. a CL

Analogie entre les règles de procédure du CPC et celles du droit international privé pour définir la notion de for du lieu habituel de l’activité professionnelle du travailleur. Les critères déterminants dans l’application des dispositions de droit international privé quant au for du lieu habituel de l’activité professionnelle du travailleur (art. 115 al. 1 LDIP ; 19 par. 2 let. a CL) peuvent être pris en considération pour interpréter l’art. 34 al. 1 CPC (consid. 6).

Art. 113 et 117 LDIP ; 31 CPC

Notion de lieu d’exécution de la prestation caractéristique ; plusieurs prestations non monétaires ; rapprochement entre l’art. 31 CPC et les art. 113 et 117 LDIP. Lorsque plusieurs prestations non monétaires découlent d’un contrat, sans que l’une d’elles ne puisse être considérée individuellement comme caractéristique, le Tribunal fédéral retient qu’il y a plus d’un lieu d’exécution de la prestation caractéristique et donc plusieurs fors ouverts en vertu de l’art. 113 LDIP (consid. 3.1). Au demeurant, il n’est pas opportun de rapprocher l’art. 117 LDIP, concernant le droit applicable, de l’art. 31 CPC, concernant la compétence à raison du lieu, ou de l’art. 113 LDIP, concernant la compétence à raison du lieu dans un contexte international, pour en déduire une éventuelle application du principe des liens les plus étroits en matière de compétence. En effet, l’art. 117 LDIP détermine le droit applicable en désignant l’Etat avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits, notamment de manière à éviter que des droits différents régissent différents aspects d’un même contrat. Cette question ne se pose pas en matière de compétence à raison du lieu (consid. 3.3.2). Le Tribunal fédéral laisse ouverte la question de savoir s’il y a lieu de se référer, dans le cadre de l’art. 113 LDIP, à la prestation litigieuse (et non pas la prestation caractéristique du contrat) par analogie avec l’art. 5 ch. 1 CL (consid. 4.3).

Art. 114 et 120 al. 1 LDIP ; notion de consommation courante. Un emprunt de CHF 300’000 pour financer l’achat d’un portefeuille de titres dans le but de réaménager sa prévoyance professionnelle n’est pas une prestation de consommation courante au sens de l’art. 120 al. 1 LDIP (consid. 9).

Art. 2 al. 2 CC ; 5 ch. 3 CL

Droit des cartels ; forum running ; abus de droit ; compétence internationale. La partie qui introduit une action en constatation de droit négative, dans le but de s’assurer un for en Suisse, alors qu’elle avait précédemment demandé un délai pour répondre à un courrier afin de clarifier une situation juridique, relative à l’interruption de la livraison de matériel horloger à un grossiste étranger, n’agit pas de manière contradictoire et de nature à tromper les attentes légitimes de la partie adverse. Il revient à cette dernière de prouver que le délai avait été demandé dans le seul et unique but de l’induire en erreur, afin d’introduire une action en justice en Suisse et de commettre un abus de droit (consid. 3.3.1 et 3.4). Le Tribunal fédéral revient sur sa pratique et abandonne l’exigence d’un lien de proximité lorsqu’une action en constatation de droit négative est intentée en vertu de l’art. 5 ch. 3 CL (consid. 4.1.2). Afin d’éviter une multiplication des fors et, par conséquent, le risque de jugements contradictoires, le Tribunal fédéral admet qu’une filiale puisse ouvrir action en constatation de droit négative au for du siège de la société mère dans le cas où la filiale a entrepris des démarches, en l’espèce l’arrêt de la livraison de matériel horloger, contestées par la partie adverse, qui réalisent simplement la stratégie de groupe décidée par la société mère. Cette solution retient ainsi l’évènement le plus pertinent dans la chaîne causale pour fixer le for au lieu de l’acte, à savoir le lieu de la prise de décision de la société mère d’interrompre la livraison de matériel horloger (consid. 7.2.3).

Art. 1 al. 1 let. a et 6 CVIM

Champ d’application de la CVIM ; pluralité de débiteurs. La CVIM doit être interprétée de manière autonome. En principe, elle s’applique lorsque les parties sont domiciliées dans des Etats contractants différents. Toutefois, si certaines parties au litige résident sur le territoire d’un même Etat, il y a tout de même lieu d’appliquer la CVIM à l’ensemble des parties afin de favoriser une solution uniforme (consid. 3.2.1). Pour exclure l’application de la Convention au sens de l’art. 6 CVIM en faveur du Code suisse des obligations, les parties doivent procéder à un opting-out qui exclut clairement l’application de ladite Convention. Le choix du droit suisse par les parties en tant que droit applicable n’exprime pas suffisamment clairement la volonté d’exclure la CVIM, car cette dernière fait partie intégrante du droit suisse (consid. 4.1).

Art. 118 LDIP ; 3 CLaH55

Vente aux enchères en ligne ; droit applicable.

L’art. 3 al. 3 CLaH55 ne peut pas s’appliquer lorsque la vente aux enchères s’effectue par le biais d’Internet. Dans ce cas, il n’est pas possible de déterminer le lieu concret où la vente a lieu. Il faut donc appliquer l’art. 3 al. 1 CLaH55 et déterminer le droit applicable en fonction du lieu où le vendeur a sa résidence habituelle (consid. 2.4).

Art. 33 al. 2, 133 al. 1 et 154 LDIP

Violation de la personnalité par omission ; responsabilité d’un organe de la société ; rattachement spécial.

La question de savoir si le conseil de surveillance d’une société lettone aurait pu et dû, conformément aux règles juridiques, intervenir pour empêcher une violation de la personnalité – en l’occurrence en contredisant des déclarations portant prétendument atteinte à la personnalité émanant de ladite société – doit être examinée selon le statut corporatif de la société concernée (art. 154 LDIP). En effet, les devoirs de l’organe sont déterminés par le droit régissant la société (art. 155 let. e LDIP) (cons. 5.4).

Art. 15 par. 1 let. c CL

Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs ; analyse des conditions de l’art. 15 par. 1 let. c CL.

L’art. 15 par. 1 let. c CL vise tout contrat qui est étranger à l’activité professionnelle de l’un des cocontractants – appelé le consommateur – et qui entre au contraire dans le cadre des activités commerciales ou professionnelles de l’autre cocontractant. L’objet de la relation contractuelle est sans importance. En outre, l’autre cocontractant doit exercer les activités commerciales ou professionnelles en cause dans l’Etat dans lequel le consommateur a son domicile, ou les exercer ailleurs tout en les « dirigeant » vers cet Etat. Ainsi, lorsqu’un consommateur s’adresse de sa propre initiative à un fournisseur à l’étranger, sans y avoir été incité par une offre ou une publicité dans son propre pays, il est censé accepter le risque d’un procès à l’étranger, de sorte qu’aucun besoin de protection particulier ne lui est reconnu. L’application de l’art. 15 par. 1 let. c CL ne résulte de l’existence, dans l’Etat dans lequel le consommateur a son domicile, de sociétés affiliées ou d’établissements du cocontractant exerçant des activités commerciales ou professionnelles que lorsqu’ils ont contribué, d’une quelconque manière, à la formation de la relation contractuelle. Les activités du cocontractant sont « dirigées » vers un autre pays lorsque, par un effort conscient et approprié à ce but, il cherche à entrer ou à se maintenir – au moyen de publicité ou de prospection – sur le marché de ce pays (cons. 3).

Art. 150 LDIP ; 5 par. 1 et 22 par. 2 CL

Société simple de concubins ; compétence internationale.

Les rapports purement obligationnels entre les époux, qui n’ont aucun rapport avec le mariage et qui reposent sur le droit des obligations ou les droits réels, sont soumis à la CL. Ainsi, des contrats de société entre époux, qui pourraient être passés par des tiers – comme une société simple du droit suisse – tombent dans le champ d’application de la CL. La notion de société n’est pas définie par la CL ; elle doit être interprétée de manière autonome. La société au sens de l’art. 22 par. 2 CL doit disposer d’une organisation suffisante, correspondant – en application des règles de droit international privé suisse – à ce qui est exigé par l’art. 150 al. 1 LDIP. Elle doit notamment avoir un siège. La société simple des concubins ne répond pas à ce critère, de sorte que la compétence des autorités ne peut pas être fondée sur l’art. 22 par. 2 CL.

En revanche, la compétence peut être fondée sur l’art. 5 par. 1 let. a CL. Cette disposition ne règle pas seulement la compétence internationale, mais aussi la compétence locale ; s’agissant d’une règle de compétence spéciale, elle doit être interprétée restrictivement. L’art. 5 par. 1 CL a pour but de remplir deux objectifs de la CL, l’un de proximité et l’autre de prévisibilité. L’art. 5 par. 1 CL doit donc être interprété de façon à permettre au demandeur de connaître les fors qu’il a à sa disposition et au défendeur de prévoir de manière raisonnable devant quelles juridictions, autres que celles de l’Etat de son domicile, il pourrait être attrait. Lorsque « l’obligation qui sert de base à la demande », au sens de l’art. 5 par. 1 let. a CL, est la liquidation de la société simple des concubins et le montant qui doit être payé à l’associé demandeur, elle est soumise à la loi (lex causae) désignée par les art. 116 ss LDIP, comme le prévoit l’art. 150 al. 2 LDIP, dès lors que la société simple n’est pas une entité organisée au sens de l’art. 150 al. 1 LDIP.

Art. 1 al. 1, 13, 18, 19 al. 1, 121 al. 1 et 3 LDIP

La loi sur le travail n’est applicable que sur le territoire helvétique car il s’agit de normes de droit public. Si l’activité du travailleur se déroule sur territoire étranger, son contrat de travail ne pourra y être soumis ni directement, ni indirectement (par l’effet de l’art. 342 al. 2 CO) et cela même si les parties ont convenu que le droit suisse s’applique au contrat.

Art. 1 al. 1 et 2, 113, 117 al. 1 et 2 LDIP, art. 1 al. 1, 5, 5 ch. 1, 6 ch. 1, 8 ss, 23, 63 ch. 1 CL

Litige opposant un réassureur italien et un assureur suisse. Détermination du for du lieu d’exécution de la prestation caractéristique dans le cas d’un contrat international de réassurance. Le contrat de réassurance est un contrat de services au sens de l’art. 5 ch. 1 lit. b CL. Le lieu de fourniture des services se détermine de façon autonome. La prise en charge du risque constitue la prestation caractéristique du contrat de réassurance et s’effectue au siège du réassureur.

Art. 5 ch. 1 let. b CL

For au lieu d’exécution en ce qui concerne la fourniture de services et la vente de marchandises.

La notion de lieu de la fourniture des services doit être interprétée de façon autonome, en principe sans référence à la loi applicable au contrat. Ce lieu est déterminé selon l’accord des parties et, subsidiairement, selon ce qui correspond à leur volonté, et, encore plus subsidiairement, en tenant compte des critères de prévisibilité et de proximité. Lorsque la détermination du lieu de livraison des prestations litigieuses est étroitement liée au fond, les faits examinés sont des faits doublement pertinents. Est laissée ouverte la question de savoir si la vente de parts sociales d’une Sàrl constitue une vente de marchandises.

Art. 122 LDIP

Détermination du droit applicable à un contrat de cession de demandes de brevet.

Le contrat de cession de demandes de brevet est régi par l’art. 122 LDIP. En l’absence d’un lien plus étroit avec le droit suisse, est laissée ouverte la question de savoir si, en dérogation au rattachement prévu à l’art. 122 LDIP, l’art. 15 ou 117 al. 1 LDIP serait déterminant.

Art. 129 LDIP

Compétence s’agissant d’un acte illicite d’une banque qui n’aurait pas transféré les commissions à un trust tel que requis par le défunt ; notions de « lieu de commission de l’acte » et « lieu du résultat ».

S’agissant d’ordres boursiers passés depuis l’étranger, non seulement l’acte illicite est commis en Suisse où la banque exécute l’opération boursière, mais le résultat de l’acte illicite a lieu en Suisse, à savoir là où les avoirs déposés sur le compte du client ont été perdus.

Art. 5 al. 1 lit. b, 5 al. 1 lit. a, 23 CL

Droit des contrats. Compétence internationale et à raison du lieu. En matière contractuelle, un accord sur le lieu d’exécution de la prestation caractéristique ou sur le lieu de la livraison ne peut porter sur un lieu fictif afin d’influencer sur le for. Il est nécessaire qu’un tel accord désigne le lieu réel d’exécution ou de livraison.

Art. 5 ch. 1 let. b CL

Compétence internationale ; convention relative au lieu d’exécution.

Le lieu d’exécution est à déterminer selon les stipulations du contrat, sans recourir au droit matériel applicable. L’accord peut être explicite ou résulter de l’interprétation du contrat, il suppose en tous les cas que la prestation soit réellement effectuée au lieu convenu (consid. 2). Le lieu d’éventuels actes préparatoires n’est pas déterminant (consid. 3.3.3).

Art. 144 LDIP

Accident de moto survenu en Ecosse. Recours d’un assureur accidents suisse contre un autre assureur accidents suisse. Droit de recours déterminé par l’art. 144 LDIP. Le droit de la créance (le droit écossais) permet à l’assureur d’agir au nom du lésé, ce dernier pouvant également être contraint à collaborer (consid. 2.1). L’art. 144 LDIP s’interprète extensivement et règle également les conditions formelles de l’exercice du droit de recours, que ce soit par subrogation, recours direct ou institution apparentée. L’élément clé de l’art. 144 LDIP est la protection du destinataire du droit de recours contre une dégradation de sa situation juridique par un droit pouvant lui être inconnu.

Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM)

Contrat de vente de montres entre un acheteur dont l’établissement se situe en Grande-Bretagne et un vendeur dont l’établissement se trouve à Genève, prévoyant la livraison à l’établissement de l’acheteur. Action du vendeur en Suisse afin de faire condamner l’acheteur à prendre livraison des montres et à verser un acompte supplémentaire. L’acheteur a excipé de l’incompétence du for. Selon l’art. 5 ch. 1 aCL, le défendeur peut être attrait devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande doit être exécutée. Le lieu d’exécution doit être déterminé d’après les règles auxquelles le contrat est soumis selon le droit international privé suisse. L’art. 118 LDIP renvoie à la Convention de la Haye sur la loi applicable aux ventes à caractère international d’objets mobiliers corporels. L’art. 3 de cette Convention désigne le droit du pays où le vendeur a sa résidence habituelle au moment où il reçoit la commande, soit, en l’occurrence, le droit suisse. En matière de vente internationale de marchandises, la CVIM est applicable lorsque les règles du droit international privé mènent à l’application de la loi d’un Etat contractant (art. 1 al. 1 let. b CVIM). La Suisse étant un Etat contractant, la CVIM est applicable (consid. 3).

Concernant la livraison des montres, les art. 6 et 31 CVIM mentionnent que les parties peuvent convenir du lieu de livraison des marchandises. Les parties ont convenu que la livraison s’accomplirait à l’établissement de l’acheteuse, en Grande-Bretagne. Le for de l’art. 5 ch. 1 aCL n’est ainsi pas à Genève (consid. 4).

Concernant le paiement de l’acompte, l’art. 57 al. 1 let. a CVIM prévoit que le lieu où le paiement du prix doit intervenir est celui de l’établissement du vendeur, soit à Genève. Les tribunaux genevois sont donc compétents pour connaître d’une action en paiement d’un acompte sur le prix en vertu de l’art. 5 ch. 1 aCL (consid. 5).

Mandat de surveillance de marchandise et mandat de conclure un contrat d’assurance couvrant ladite marchandise entre deux sociétés ayant chacune leur siège en Suisse. La marchandise, dont la mandante est propriétaire, se trouve dans un entrepôt en Russie et le contrat d’assurance a été conclu avec un assureur établi à Londres. En l’absence d’élection d’un droit étranger, les relations contractuelles entre la société mandante et la société mandataire ne présentent aucun caractère international et le droit suisse leur est applicable sans qu’il y ait lieu d’appliquer la LDIP (consid. 2.2).

Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM)

Vente d’une pelle mécanique d’occasion entre un acheteur allemand et un vendeur suisse. Défaut de l’objet. Frais de réparation payés par l’acheteur qui ouvre action contre le vendeur afin d’obtenir le remboursement desdits frais. Un prix
de vente inférieur au prix du marché pour un objet sans défaut ne permet pas, à lui seul, de présumer d’une exclusion tacite de garantie. Seul un rabais très important et immédiatement reconnaissable autorise éventuellement une telle exclusion (consid. 4). L’art. 9 al. 2 CVIM ne s’applique pas dans le cas où le vendeur garde le silence sur des accidents ou sabotages subis par l’objet et dont il a connaissance, ce qui est le cas en l’espèce (consid. 5).

TF 4A_325/2011

2011-2012

Art. 134 LDIP

En vertu de l’art. 134 LDIP, qui renvoie à l’art. 3 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d’accidents de la circulation routière, l’action en responsabilité est soumise au droit suisse lorsque l’accident a eu lieu en Suisse.