Droit international privé

ATF 149 III 71 (d)

2022-2023

Convention attributive de juridiction ; effet contraignant envers un tiers ; stipulation pour autrui parfaite (parental guarantee). L’art. 23 CL ne régit pas la question de savoir si et dans quelle mesure un tiers est lié par une convention attributive de juridiction. Il convient de se référer au droit national (lex causae) pour répondre à cette question. Le tiers bénéficiaire d’une stipulation pour autrui parfaite acquiert en principe le droit de créance tel que les parties au contrat l’ont déterminé. Celles-ci peuvent dès lors prévoir que le tiers ne peut faire valoir en justice la prétention en sa faveur qu’au for convenu dans le contrat (consid. 4).

TF 4A_310/2022 (f)

2022-2023

Clause d’élection de for ; for de la consorité. Les clauses d’élection de for contenues dans des conditions générales sont valables lorsque, dans le texte même du contrat signé par les deux parties, un renvoi exprès est fait à ces conditions générales. Il n’est en revanche pas nécessaire que les parties aient effectivement pris connaissance des conditions générales intégrées au contrat (consid. 7.3.1). En l’espèce, la clause d’élection de for n’est pas insolite puisqu’elle prévoit deux fors exclusifs et alternatifs au domicile et au siège des parties, et qu’il n’était pas insolite non plus de limiter ces fors au territoire suisse, puisque le droit suisse est applicable au contrat (consid. 7.3.3). En application de l’art. 23 par. 1 CL, le for élu par les parties est présumé être exclusif et prime, par conséquent, toute autre compétence, notamment celle de la consorité. Il appartient à la partie qui conteste l’exclusivité du for élu d’alléguer et de prouver l’existence d’une disposition conventionnelle contraire des parties (consid. 7.4.1). En conclusion, en l’absence d’accord contraire des parties, une clause d’élection de for qui respecte les conditions de l’art. 23 par. 1 CL prime le for de la consorité de l’art. 8a LDIP.

Procédure pénale ; représentation d’une partie ; accès au dossier. L’art. 13 LDIP doit être interprété en ce sens que la désignation d’un droit étranger comprend toutes les dispositions de droit matériel étatique effectivement en vigueur au moment de l’application de la règle de conflit de lois et qui, d’après ce droit, sont applicables à la cause. Peu importe que l’Etat ou le régime étranger en question ait été reconnu ou non par la Suisse au regard du droit international public, pourvu que le droit soit effectivement appliqué par une autorité jouissant d’un pouvoir inhérent à l’exercice de la souveraineté (consid. 8.4).

Examen de la notion d’authenticité d’une décision. La partie qui demande la reconnaissance d’une décision ou la délivrance d’une déclaration constatant sa force exécutoire doit produire une expédition de celle-ci réunissant les conditions nécessaires à son authenticité. Le critère de l’authenticité est rempli aussi bien par la production de l’original de la décision, que par une copie de celle-ci établie et certifiée par la juridiction de l’Etat d’origine de la décision. Une copie certifiée de la décision est propre à remplir la preuve de l’authenticité lorsque les juridictions de l’Etat de la reconnaissance et de l’exécution n’ont pas de doutes quant à la validité des documents qui leur sont soumis (consid. 2.1).

Art. 27 CL , Art. 28 CL

Procédures parallèles ; pouvoir d’appréciation du juge ; conflit négatif de compétence. En application de l’art. 28 CL, le juge saisi en second dans des procédures parallèles exerce son pouvoir d’appréciation afin de déterminer s’il veut statuer, surseoir à statuer ou ne pas entrer en matière sur l’affaire pour laquelle il a été saisi. Au-delà de se contenter d’examiner la connexité entre les procédures parallèles, il doit examiner les conséquences juridiques de sa décision. En cas de doute sur l’entrée en matière du premier tribunal saisi, le second tribunal doit prendre une décision contre le dessaisissement de l’affaire conformément à l’art. 28 par. 2 CL compte tenu des conséquences considérables que pourrait engendrer un conflit négatif de compétence (consid. 5.1).

Art. 25 LDIP lit. b , Art. 27 LDIP al. 2 , Art. 27 LDIP al. 3

Reconnaissance d’une décision étrangère ; entretien de l’enfant. Compte tenu du texte ambigu de l’art. 25 lit. b LDIP, on peut admettre que cette disposition établit des conditions alternatives et non cumulatives. Il en découle que le jugement à reconnaître ne doit pas forcement être final, mais qu’il suffit que la décision ne soit plus susceptible de recours ordinaire. Le caractère définitif d’une décision peut être également compris comme signifiant que la procédure amenant à la prise de certaines mesures est terminée. En l’espèce, comme les décisions des tribunaux du Costa Rica sont définitives et qu’aucun recours ordinaire ne peut être interjeté contre la décision de la deuxième instance, la condition de l’art. 25 lit. b LDIP est remplie (consid. 3.2.1).

Art. III et V CNY58

Séquestre de biens d’un Etat étranger fondé sur une sentence arbitrale étrangère ; établissement de la vraisemblance du motif du séquestre ; exigence d’un lien suffisant avec la Suisse. Le Tribunal fédéral a considéré qu’une sentence arbitrale étrangère rendue contre les biens sis en Suisse d’un Etat étranger (en l’espèce l’Ouzbékistan) peut être reconnue en Suisse, même en se basant sur la Convention de New York de 1958, seulement si le rapport juridique sur lequel la créance était basée présente un lien suffisant avec la Suisse (consid. 6.3 et 6.4).

Art. 92 LDIP ; 49 LP

Séquestre ; caducité de la poursuite en validation ; levée du séquestre. Dans une succession ouverte en Suisse sur la base du droit anglais, l’institution du personal representative de droit anglais doit être assimilée à celle de l’exécuteur testamentaire de droit suisse. Sa mission se rapproche en fait plus de celle de l’exécuteur testamentaire, en ce qui concerne l’administration des dettes de la succession, que de celle du liquidateur officiel. Cela implique que la succession peut continuer d’être poursuivie selon l’art. 49 LP (consid. 4.4.3).

Art. 16 LDIP ; 82 LP

Mainlevée provisoire de l’opposition ; droit étranger. L’art. 16 al. 1 LDIP ne s’applique pas dans la procédure de mainlevée à cause de la rapidité de celle-ci, ce qui implique que le tribunal ne peut pas constater d’office le contenu du droit étranger. La question est celle de savoir s’il appartient au poursuivi ou au poursuivant d’établir le contenu du droit étranger pour résoudre les questions de droit matériel, dont notamment les moyens libératoires du débiteur. Le Tribunal fédéral suit la partie de la doctrine qui considère que la charge de prouver le contenu du droit étranger sur les moyens libératoires incombe au poursuivi et non au poursuivant. Si le poursuivi échoue à rendre vraisemblable le contenu du droit étranger, sur lequel se fonde son moyen libératoire, la mainlevée doit être accordée (consid. 6.1.2).

Art. 3 et 8a al. 1 LDIP

Poursuite pour dettes et faillite ; élection de for ; consorité. Il n’est pas possible de déroger à une élection de for valablement conclue en faveur d’un tribunal étranger en usant du for de nécessité de l’art. 3 LDIP et du for de consorité de l’art. 8a al. 1 LDIP pour créer un for en Suisse de manière artificielle (consid. 8).

Art. 4 LDIP ; 64 al. 1 let. b CPC

For au lieu du séquestre ; perpetuatio fori. En principe, l’art. 4 LDIP est applicable lorsque la loi ne prévoit aucun autre for en Suisse et que le séquestre porte effectivement sur des biens appartenant au débiteur. Toutefois, il y a lieu d’admettre que le for au lieu du séquestre subsiste même s’il s’avère en cours d’instance que plusieurs des séquestres demandés ne portent pas sur des biens appartenant au débiteur. Cette solution se basant sur le principe de perpetuatio fori, consacré à l’art. 64 al. 1 let. b CPC, permet de conserver la compétence du juge saisi malgré une modification des faits. Il faut néanmoins relever que le juge saisi doit être compétent à raison du lieu au moment de la création de la litispendance (consid. 5 et 6).

Art. 27 al. 2 let. c LDIP

Ordre public ; incompatibilité avec une autre décision ; procédure d’adoption à l’étranger. Il serait contraire à l’ordre public qu’un lien de filiation avec un enfant soit établi par le choix abusif de la loi applicable à l’adoption ou à la reconnaissance de l’enfant sans que l’intérêt supérieur de l’enfant ne soit préalablement examiné (consid. 3). En l’espèce, le recourant a procédé à une reconnaissance de paternité en Allemagne, dans le seul but de contourner le premier refus des autorités suisses de reconnaître une reconnaissance de paternité octroyée en Ukraine, qui ne permettait pas de savoir comment et quand le lien de filiation entre le père et l’enfant avait été créé. La reconnaissance de la décision de paternité allemande est inconciliable avec la décision de non-reconnaissance de la reconnaissance de paternité ukrainienne préalablement rendue par une autorité suisse qui a acquis force de chose jugée, le recourant n’ayant pas recouru contre cette dernière (art. 27 al. 2 let. c LDIP) (consid. 5).

Art. 10 let. a, 10 let. b et 59 LDIP ; 31 CL

L’art. 10 let. a LDIP admet la compétence des autorités suisses pour connaître du fond même si aucune instance n’a encore été introduite. La question de savoir si une compétence subsidiaire ou alternative subsiste après qu’une instance en Suisse ou à l’étranger ait été saisie est controversée. L’avis du tribunal cantonal qui penche pour exclure la compétence sur la base de l’art. 10 let. a LDIP ne peut pas être considéré arbitraire, même si celui-ci suit la doctrine minoritaire (consid. 5.3.2).

Art. 23 par. 1 CL

Election de for ; champ d’application personnel et territorial ; désignation d’un tribunal matériellement incompétent. L’application de l’art. 23 CL n’exige pas que le tribunal élu par les parties se trouve sur le territoire d’un Etat contractant différent de celui dans lequel se trouve le domicile de la seule partie qui est domiciliée dans un Etat contractant (consid. 3.3). En vertu du principe in favorem validitatis, une exception doit être faite quant à la nullité d’une élection de for qui désigne un tribunal matériellement incompétent, s’il est possible d’établir la volonté hypothétique des parties de convenir de la compétence internationale d’un Etat particulier malgré l’erreur dans la désignation du tribunal matériellement compétent. Les règles de procédure nationale s’appliquent pour déterminer la compétence matérielle des tribunaux.

Art. 47 par. 2 CL ; 271 al. 1 ch. 6 LP

Mesures conservatoires ; reconnaissance et exequatur des décisions étrangères. En vertu de l’art. 47 par. 2 CL, des mesures conservatoires doivent être accordées automatiquement lorsqu’une décision étrangère est déclarée exécutoire dans l’Etat requis. En Suisse, les mesures conservatoires qui peuvent être imposées pour une prétention non pécuniaire sont celles du CPC, et pour une prétention pécuniaire celles de la LP. Les décisions provisoires étrangères visant à préserver le patrimoine du débiteur peuvent appartenir tant à l’une ou à l’autre des catégories. Une décision étrangère de mesures conservatoires relative à une prétention pécuniaire exécutoire en Suisse peut constituer un titre de mainlevée définitive permettant le séquestre d’un compte sans devoir répondre à des exigences supplémentaires. Une mise sous main de justice de biens prononcée en Grèce peut ainsi être reconnue et exécutée en Suisse en tant que séquestre.

Art. 32 CL ; III ss CNY ; 80 s. LP

Arbitrage ; décision ; reconnaissance et exequatur des décisions étrangères. Lorsque le contenu d’une décision italienne est une question de droit civil matériel qui n’a pas été tranchée dans la décision rendue par un tribunal arbitral, et ne concerne donc pas l’arbitrage en tant que tel ou ne sert pas à le mettre en œuvre, cette décision entre dans le champ d’application de la CL et répond aux exigences de la notion de « décision » de l’art. 32 CL (consid. 5.1.1 et 5.2).

Art. 2 al. 2 CC

Bonne foi et interdiction de l’abus de droit ; reconnaissance et exequatur des décisions étrangères. Le devoir d’agir de bonne foi et l’interdiction de l’abus de droit sont des principes de droit interne qui s’appliquent également aux rapports internationaux. Le procédé qui vise à empêcher le tribunal étranger d’établir la paternité sur un enfant par des moyens scientifiques – notamment en se soustrayant à deux reprises de manière injustifiée à une expertise destinée à constater la paternité – ne mérite aucune protection. L’ordre public formel suisse est respecté si le défendeur a eu la faculté de participer à la procédure probatoire. Il importe peu que le défendeur en ait fait un usage concret (consid. 4.3).

Art. 42 CL

Notification d’une décision d’exequatur. La forme de la communication d’une décision d’exequatur se détermine selon le droit de l’Etat dans lequel l’exécution est requise. En Suisse, les règles du CPC s’appliquent pour déterminer la forme que doit prendre la notification d’une décision d’exequatur (consid. 5.1.1).

Art. 38 al. 1, 54 CL

Annexe V de la CL ; certificat d’authenticité ; reconnaissance et exequatur des décisions étrangères. Dans le cadre de la demande de déclaration de la force exécutoire d’une décision allemande en Suisse, la copie de ladite décision accompagnée du certificat de l’annexe V de la Convention de Lugano (art. 54 CL) suffit à attester de l’existence de la force exécutoire de la décision. Bien que l’Etat d’origine prévoit la délivrance d’un certificat visant à prouver l’authenticité de la décision, il n’est pas nécessaire de joindre ce certificat à la demande d’exequatur, car le certificat de l’annexe V de la Convention de Lugano remplit cette fonction. Les exigences de l’Etat d’origine concernant la force exécutoire d’une décision ne doivent pas être cumulées avec celles de l’Etat requis (consid. 5.3).

Art. 38, 53, 54 CL ; 81 al. 1 LP

Titre de mainlevée définitive ; reconnaissance et exequatur des décisions étrangères. La reconnaissance et l’exequatur d’une décision suédoise s’analyse sur la base des conditions formelles de la CL, alors que la validité de la décision en tant que titre de mainlevée définitive doit être analysée par le juge de la mainlevée selon les conditions de la LP (consid. 3.2.2 et 3.2.3).

ATF 143 III 51 (f)

2016-2017

Art. 27 al. 1 LDIP

Refus de reconnaissance d’un certificat d’héritier égyptien excluant le conjoint survivant de la succession ; ordre public.

En l’espèce, le défunt de nationalité égyptienne et son épouse de nationalité allemande se sont mariés en Egypte en application du droit égyptien et de la Charia. Le droit musulman prévoit l’absence de succession entre un musulman et un non-musulman. Au décès du défunt, les tribunaux égyptiens ont constaté le décès et la dévolution de la succession légale aux frères et sœurs du défunt en exclusion du conjoint survivant. Le résultat qu’engendre le certificat d’héritier égyptien – en ne mentionnant pas le conjoint survivant – contrevient clairement au principe de l’interdiction de la discrimination en raison des convictions religieuses et viole donc l’ordre public matériel suisse (consid. 3.3.5).

Art. 25 à 27 LDIP

Refus de reconnaissance d’un jugement de divorce libanais ; rectification du registre de l’état civil suisse ; ordre public.

En l’espèce, l’intimée a reçu son assignation à comparaître devant les autorités libanaises le 20 janvier 2014 pour une audience fixée le 27 janvier 2014 ; elle n’a été informée de l’objet de sa comparution que le jour de l’audience. Dans la mesure où le délai d’assignation doit être suffisant afin de permettre au défendeur de consulter un avocat et de préparer sa défense, il ne peut pas être admis que l’intimée a pu faire valoir ses moyens dans un délai utile, et ce même si elle a comparu à l’audience. La reconnaissance du jugement libanais se heurte donc à l’ordre public formel suisse (consid. 3.2).

Art. 27 ss aCL ; 34 s. CL ; 347 CPC

Reconnaissance d’un acte authentique étranger ; ordre public.

Seul un motif fondé sur l’ordre public est invocable dans une procédure de mainlevée afin de s’opposer à la reconnaissance d’un acte authentique étranger. Les art. 347 ss CPC, consacrés à l’exécution des titres authentiques, ont été introduits pour pallier le risque que les actes authentiques suisses ne soient pas reconnus à l’étranger. L’art. 347 CPC ne fait pas partie de l’ordre public matériel suisse et ne peut, par conséquent, pas constituer un motif de refus de reconnaissance.

Art. 27 al. 2 let. a LDIP

Reconnaissance ; ordre public.

L’intimée ne peut pas se prévaloir de la violation de l’ordre public formel suisse si elle n’a pas réagi volontairement à un acte introductif d’instance qui nécessitait une confirmation de réception. L’intimée ne peut pas nier avoir été au courant de la procédure ouverte contre elle et dans laquelle elle a eu la possibilité de préparer sa défense, même si le délai pour le dépôt d’un mémoire de réponse et la date de comparution n’avaient pas encore été fixés. Le résultat serait le même si l’intimée avait appris par cas fortuit ou de toute autre manière l’existence d’une procédure ouverte à son encontre, pour autant qu’elle ait eu le temps d’organiser sa défense (consid. 5.2).

Art. 25 ss, 27 al. 1 et 32 al. 2 LDIP ; 119 al. 2 let. d Cst.

Reconnaissance et inscription de certificats de naissance de jumeaux nés à l’étranger d’une gestation pour autrui dans le registre de l’état civil ; ordre public.

Les parents avec lesquels les enfants nés par gestation pour autrui n’ont pas de liens génétiques ne peuvent pas être inscrits en qualité de parents dans le registre d’état civil suisse. Le recours à la gestation pour autrui est interdit en Suisse. Ce principe est ancré dans la Constitution fédérale (art. 119 al. 2 let. d Cst.) et fait partie du noyau dur de l’ordre public suisse. La reconnaissance et l’inscription de certificats de naissance californiens attestant de liens de filiation à l’égard de parents avec lesquels l’enfant n’a pas de liens génétiques sont contraires à l’ordre public matériel suisse au sens de l’art. 27 al. 1 LDIP.

Art. 12 al. 1 let. b CLaH 70

Entraide judiciaire en matière civile ; obtention de preuves à l’étranger par commission rogatoire ; requête d’une autorité judiciaire espagnole tendant à la production par une banque suisse de documents protégés par le secret bancaire.

L’atteinte à la souveraineté ou à la sécurité de l’Etat requis, au sens de l’art. 12 al. 1 let. b de la Convention de la Haye du 18 mars 1970 sur l’obtention des preuves à l’étranger en matière civile ou commerciale (CLaH 70), doit être interprétée de manière étroite ; elle se détermine sur la base des principes fondamentaux de l’ordre juridique de l’Etat requis. Il y a atteinte à la souveraineté ou à la sécurité de la Suisse lorsque l’exécution de la commission rogatoire porte atteinte aux droits fondamentaux des personnes concernées, respectivement aux principes fondamentaux du droit de procédure civile suisse, tels qu’en l’espèce le droit d’être entendu. La requête d’entraide doit être refusée lorsqu’un tiers touché par la mesure d’entraide – en l’occurrence le titulaire formel du compte bancaire en Suisse – n’a pas eu l’occasion de s’exprimer dans le procès au fond à l’étranger (cons. 3.2).

Art. 27 al. 2 let. a, 29 al. 1 let. c LDIP ; 10 let. a CLaH 65

Reconnaissance d’un jugement étasunien ; citation irrégulière ; jugement par défaut.

La citation régulière au sens de l’art. 27 al. 2 let. a LDIP vise la notification de l’acte introductif d’instance par lequel le défendeur est invité à procéder devant le tribunal par une première manifestation en tant que partie, que ce soit sous la forme du dépôt d’un mémoire (de réponse), d’une comparution lors d’une audience, d’une élection de domicile ou d’une autre manière lui permettant de prendre part à la suite du procès. La régularité de la notification de l’acte introductif d’instance s’examine au regard des règles applicables dans l’Etat de domicile du destinataire (subsidiairement de sa résidence habituelle) ou, lorsque celui-ci est domicilié ou établi en Suisse et que l’Etat d’origine est partie à la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (CLaH 65), au regard des règles de cette convention. En cas de jugement rendu par défaut, il appartient au demandeur à la reconnaissance de prouver – par la production d’un exemplaire de l’acte introductif d’instance, ainsi que de l’attestation de notification de l’autorité compétente du domicile du défendeur défaillant – que l’acte introductif d’instance a été notifié régulièrement et en temps utile au défendeur défaillant. En l’absence de ces titres, la reconnaissance doit être refusée (cons. 3).

Art. 27 al. 2 let. a et 29 al. 1 let. c LDIP

Reconnaissance d’un jugement caïmanais ; citation irrégulière.

La citation régulière au sens de l’art. 27 al. 2 let. a LDIP vise la notification de l’acte introductif d’instance par lequel le défendeur est invité à procéder devant le tribunal par une première manifestation en tant que partie, que ce soit sous la forme du dépôt d’un mémoire, d’une comparution lors d’une audience, d’une élection de domicile ou d’une autre manière lui permettant de prendre part à la suite du procès. La régularité de la notification de l’acte introductif d’instance s’examine au regard des règles applicables dans l’Etat de domicile du destinataire (subsidiairement de sa résidence habituelle) ou, lorsque celui-ci est domicilié ou établi en Suisse et que l’Etat d’origine est partie à la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (CLaH 65), au regard des règles de cette convention. Une acceptation tacite de compétence ne peut être opposée au défendeur que s’il ne s’est pas réservé le droit de soulever l’irrégularité de l’acte introductif d’instance, au stade ultérieur de l’exécution. En cas de jugement rendu par défaut, il appartient au demandeur à la reconnaissance de prouver – par la production d’un exemplaire de l’acte introductif d’instance, ainsi que de l’attestation de notification de l’autorité compétente du domicile du défendeur défaillant – que l’acte introductif d’instance a été notifié régulièrement et en temps utile au défendeur défaillant. En l’absence de ces titres, la reconnaissance doit être refusée (cons. 3.3).

Art. 34, 35, 44 et 46 CL

Demande de suspension de la procédure ; motif de refus de reconnaissance.

L’art. 44 CL vise uniquement les recours sur le fond en lien avec la reconnaissance et l’exequatur. Il n’est pas possible de recourir contre le rejet d’une demande de suspension fondée sur l’art. 46 CL, qui n’est qu’une décision incidente. Il revient à celui qui se prévaut de motifs de refus énoncés aux art. 34 et 35 CL de prouver avec précision et clarté que les conditions de refus de reconnaissance sont remplies. Ces conditions sont examinées de manière restrictive, les motifs de refus n’étant acceptés que de manière exceptionnelle.

Art. 2 par. 2 CNY

Reconnaissance d’une sentence arbitrale dans le cadre d’une procédure de mainlevée ; abus de droit.

Une convention d’arbitrage signée par un courtier, mais non par les parties, ne respecte pas la forme de l’art. 2 par. 2 de la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (CNY). Cependant, fait preuve d’abus de droit la partie qui exerce son droit de s’opposer à l’exequatur de la sentence arbitrale – par le motif qu’il n’existerait pas de convention d’arbitrage entres les parties, ou de convention formellement valable, au sens de l’art. 2 par. 2 CNY, lorsqu’elle n’a à aucun moment durant la procédure arbitrale contesté l’existence d’une convention d’arbitrage et a, de surcroît, allégué elle-même l’existence et le contenu de cette convention en déclarant qu’elle liait les parties.

Art. 46 ch. 1, 47 ch. 2 et 48 ch. 1 aCL

Refus de reconnaissance et d’exequatur d’une décision étrangère lorsque la requête y relative n’est pas assortie de l’original de la décision.

L’autorité compétente de l’Etat d’origine de la décision dont la reconnaissance – et l’exequatur – est requise est compétente pour attester que l’expédition de la décision réunit les conditions nécessaires à son authenticité. C’est la loi de l’Etat d’origine qui règle les conditions de validité de l’expédition. Bien que l’art. 48 ch. 1 aCL permette à l’autorité de l’Etat requis d’impartir un délai pour produire ou accepter des documents équivalents, voire en dispenser, cette disposition ne se réfère qu’aux documents mentionnés aux art. 46 ch. 2 et 47 ch. 2 aCL, et non pas à l’art. 46 ch. 1 aCL, de sorte que la requête doit être déclarée irrecevable lorsqu’elle n’est pas accompagnée d’une expédition régulière de la décision étrangère. En l’espèce, la décision française n’a pas été produite en original, mais en copie certifiée conforme par un notaire genevois, sans que ne soit démontré que le droit français place celle-ci sur un pied d’égalité avec celle-là. Le requérant conserve la possibilité de former une nouvelle requête munie des documents réguliers (cons. 3).

Art. 27 al. 2 let. b LDIP

Reconnaissance et exequatur ; ordre public formel.

Le fait de soulever le moyen de violation de l’ordre public formel – telle une récusation pour cause de corruption – dans la procédure d’exequatur pour la première fois est contraire à la bonne foi et constitue un abus de droit (consid. 5).

Art. 146 al. 1 LDIP ; 1 ch. 2 let. a CL

Compétence s’agissant d’un litige portant sur une créance en remboursement de droits de succession ; qualification de la prétention.

La Convention de Lugano est applicable à un litige ayant pour objet une créance en remboursement des droits de succession, attribuée à l’un des héritiers lors du partage, puisqu’elle ne résulte à l’origine pas d’un décès. L’action n’est pas de nature successorale, mais est fondée sur une cession légale de créance, de sorte qu’elle tombe sous le coup de l’art. 146 al. 1 LDIP (consid. 2).

Art. 28, 29 al. 2, 166 al. 1, 167, 167 al. 1, 169 al. 1 LDIP

La notion de partie intéressée au sens de l’art. 28 LDIP ou de l’art. 17 al. 1 LP doit répondre aux critères de l’art. 6 PA qui s’applique par analogie. Dès lors, les personnes dont les droits ou les obligations pourraient être touchés par la décision à prendre, ainsi que les autres personnes, organisations ou autorités qui disposent d’un moyen de droit contre cette décision, ont la qualité de partie.

Théorie de la double pertinence.

Conformément à la théorie de la double pertinence – applicable lorsque les faits déterminants pour la compétence du tribunal sont également ceux qui sont déterminants pour le bien-fondé de l’action – le juge saisi examine sa compétence sur la base des allégués, moyens et conclusions de la demande, sans tenir compte des objections de la partie défenderesse. L’administration des preuves est renvoyée à la phase du procès au cours de laquelle est examiné le bien-fondé de la prétention au fond. Il est fait exception à ces principes en cas d’abus de droit du demandeur.

Art. 27 al. 1 LDIP

Ordre public suisse ; pactum de quota litis.

L’accord selon lequel l’avocat a droit à des honoraires consistant en une quote-part du résultat – pactum de quota litis – prévu dans une convention à laquelle s’applique un droit étranger ne viole pas l’ordre public suisse du seul fait que le droit suisse prohibe un tel pacte (consid. 7).

Art. 10 lit. b LDIP

Contributions d’entretien ; compétence des tribunaux suisses pour ordonner des mesures provisionnelles.

De manière similaire aux demandes en matière d’obligation alimentaire, les mesures provisionnelles visant à garantir les contributions d’entretien tombent dans le champ d’application de la Convention de Lugano. Si une procédure au fond est déjà pendante à l’étranger, il n’y a un intérêt légitime à ce que des mesures provisionnelles soient prononcées en Suisse en vertu de l’art. 10 let. b LDIP que dans certaines hypothèses spécifiques que le Tribunal fédéral a développées en relation avec l’ancien art. 10 LDIP.

Art. 10 LDIP

Mesures provisionnelles, liquidation du régime matrimonial. Les décisions rendues par une juridiction cantonale alors que le procès au fond est pendant devant une autorité étrangère peuvent

Art. 18 LDIP, 342 al. 2 CO

Employée de maison étrangère employée par la Mission permanente de la République du Chili auprès de l’OMC à Genève en qualité de gouvernante de la résidence privée de l’ambassadeur. Le contrat était régi par le droit chilien. Afin d’obtenir pour son employée une autorisation de travailler en Suisse, la Mission permanente a déposé une « Déclaration de garantie de l’employeur » par laquelle « [elle] s’engage à traiter son employée aux conditions de rémunération et de travail en usage dans la localité et la profession concernées ». En vertu de l’art. 342 al. 2 CO, cette obligation de droit public – relevant de l’ordre public suisse – produit des effets de droit civil et permet à l’employée d’agir civilement en vue d’obtenir l’exécution de cette obligation (consid. 2.3 et 2.4). L’art. 342 al. 2 CO constitue une disposition d’application immédiate au sens de l’art. 18 LDIP. Le droit chilien élu par les parties ne s’applique donc pas aux questions relatives au salaire.

Art. 25 ss CL

Mainlevée définitive ; reconnaissance d’une décision italienne. Un decreto ingiuntivo telematico, soit une ordonnance d’injonction télématique, est une décision au sens de l’art. 32 CL qui peut être reconnue et valoir titre de mainlevée. Ce type de décision a la particularité d’être émis sous forme télématique, par fax ou e‑mail, et ne comporte pas de signature manuscrite du magistrat qui l’a rendue. La reconnaissance et l’exécution de pareille décision ne contreviennent pas à l’ordre public procédural suisse (consid. 3).