Droit du développement territorial

ATF 148 II 417 (d)

2022-2023

Contrôle incident de la planification dans la procédure d’autorisation de construire, zone réservée communale. Des autorisations de construire des villas individuelles ou collectives ne peuvent être délivrées par la commune sans examen préjudiciel ou incident du plan d’affectation (art. 21 al. 2 LAT) sur l’ensemble du territoire communal, lorsque le plan a été approuvé en 2001 et consacre des zones à bâtir notoirement surdimensionnées (zones d’habitation, mixte et centre). Que les autorisations de construire aient été jugées compatibles avec la zone réservée en vigueur dans le secteur n’y change rien.

ATF 149 I 33 (d)

2022-2023

Recevabilité du recours au TF contre une autorisation de construire assortie de conditions suspensives. L’arrêt cantonal entrepris confirme une autorisation de construire contenant de nombreuses conditions suspensives. De telles conditions peuvent avoir pour effet que la procédure d’autorisation de construire n’est pas close, lorsqu’elles laissent une marge de manœuvre à l’autorité dans leur mise en œuvre, en particulier nécessitent le dépôt de nouveaux plans adaptés. Il s’agit alors de décisions incidentes. Avant d’examiner la compatibilité de telles clauses avec l’art. 25a LAT, il faut qualifier la décision de finale (art. 90 LTF) ou incidente (art. 93 LTF). Les décisions de renvoi sans marge de manœuvre sont des décisions « quasi finales » à l’encontre desquelles le recours au TF est recevable. Même si la qualification de telles décisions est délicate pour les parties, celles-ci ne sont pas prétéritées, car l’art. 93 al. 3 LTF leur permet de recourir une fois la décision finale rendue.

ATF 149 I 33 (f)

2022-2023

Conformité au droit supérieur d’une initiative cantonale législative genevoise introduisant un vote de principe communal en matière de plan localisé de quartier (PLQ) dans une loi au sens formel, sans base constitutionnelle. La loi peut prévoit une votation de principe communale sur un PLQ. Du point de vue formel, l’art. 51 al. 1 Cst. n’exige en effet pas que les cantons prévoient toutes leurs normes importantes ou seules leurs normes importantes dans leur constitution au sens formel. Les cantons disposent d’une grande autonomie en particulier pour déterminer l’étendue et les modalités d’exercice des droits politiques sur les plans cantonal et communal. L’art. 51 al. 1 Cst. n’exige pas que tous les droits politiques au niveau cantonal et communal soient réglés dans les constitutions cantonales au sens formel. Sur le plan matériel, l’introduction d’un nouveau droit politique sans base constitutionnelle est exceptionnellement admissible, et nécessite une analyse en fonction de la systématique de la constitution cantonale. L’extension d’espèce est mesurée et ponctuelle et est donc admissible face au silence de la constitution cantonale.

ATF 149 II 79 (d)

2022-2023

Possibilité pour un plan spécial de déroger au plan d’affectation général. Il résulte de l’obligation de planifier ancrée à l’art. 2 al. 1 LAT que l’autorité planificatrice ne peut faire usage de plans spéciaux ou localisés pour contourner le plan d’affectation communal et le vider ainsi de son contenu. Le système pyramidal de l’aménagement du territoire implique l’adoption d’un plan d’affectation pour l’ensemble du territoire communal, à l’occasion duquel l’ensemble des intérêts pertinents sont pris en compte, pondérés et coordonnés. La compétence et la procédure d’élaboration jouent également un rôle déterminant dans ce cadre. Il convient d’examiner la légitimité démocratique de l’instrument par lequel il est dérogé au plan d’affectation communal, même si à même légitimité démocratique, la dérogation au plan d’affectation communal est aussi soumise à des garde-fous. Dans ce cadre, le droit cantonal peut uniquement restreindre la possibilité de déroger au régime général d’affectation par des plans spéciaux, et non l’étendre. En l’espèce, le plan litigieux était soustrait au vote communal, ce qui entraine une appréciation plus sévère des dérogations au régime d’affectation. Or les dérogations d’espèce sont massives, puisqu’elles prévoient notamment un doublement voire triplement de la longueur maximale des bâtiments. Le plan en question contrevient donc à l’art. 2 al. 1 LAT et est annulé.

ATF 149 II 86 (f)

2022-2023

Plan d’affectation portant sur l’implantation de sept éoliennes d’une hauteur maximale de 210 m. (projet Eoljoux). Le projet de parc éolien figure en coordination en cours dans le plan directeur cantonal, car le Conseil fédéral a refusé de l’approuver en coordination réglée. Cette circonstance plaide en défaveur du plan partiel d’affectation Eoljoux. L’entrée en vigueur de l’art. 12 LEne ne permet pas de faire abstraction du vice dans la planification directrice, puisque la disposition exige une pesée complète des intérêts et ne permet pas en tant que telle de tenir la faisabilité juridique d’un projet comme plausible. Au-delà du refus d’approbation du Conseil fédéral, les offices fédéraux impliqués, la CFNP et le Tribunal cantonal ont identifié des risques importants d’atteinte au paysage et à la nature (Grand Tétras) dans le secteur d’espèce, objet inscrit à l’IFP, ce qui empêche de considérer la coordination du projet comme étant réglée. La coordination entre les deux intérêts nationaux à la protection du Grand Tétras et à la production d’énergie renouvelable n’a pas été valablement opérée, s’agissant d’un habitat de première importance pour le volatile. La protection du paysage n’a pas été suffisamment prise en compte au regard des objectifs de protection ressortant de la fiche IFP no 1022. Un projet à la coordination non réglée tel que celui-ci ne saurait donc faire l’objet d’une planification d’affectation.

TF 1C_115/2022 (f)

2022-2023

Parc national périurbain. Un parc national périurbain est un territoire situé à proximité d’une région très urbanisée, qui offre un milieu naturel préservé à la faune et à la flore indigènes et des activités de découverte de la nature au public. Un tel parc doit comprendre une zone centrale où la nature est livrée à elle-même et à laquelle le public a un accès limité (art. 23h al. 3 let. a LPN), et une zone de transition qui permet des activités de découverte de la nature et qui sert de tampon contre les atteintes pouvant nuire à la zone centrale (let. b). La zone de transition ne nécessite pas toujours la révision de la planification d’affectation en vigueur, en particulier si cette dernière permet déjà de répondre aux exigences. En l’espèce, la zone de transition est constituée de parcelles de forêt et agricoles en mains de la commune de Lausanne, initiatrice du parc. Le régime applicable ex lege en forêt (art. 5 LFo) assure à la zone de transition sa fonction écologique. Pour la portion agricole, les mesures nécessaires pourront être prises par la commune propriétaire. Le parc n’est en outre pas incompatible avec le projet de parc éolien du Jorat, les deux figurant au plan directeur, preuve de leur compatibilité de principe. Les autorités en charge du parc éolien ont démontré leur compatibilité à ce stade et le TF avant elles. La pérennité du parc est en outre garantie par la planification directrice, bien que la fiche topique concernant le parc n’ait été approuvée par le DETEC qu’après l’arrêt cantonal.

TF 1C_322/2022 (i)

2022-2023

Expropriation matérielle. La jurisprudence reconnaît que l’attribution d’un bien-fonds à une zone d’intérêt public, certes en soi constructible peut constituer une restriction à la propriété suffisamment grave pour constituer une expropriation matérielle et entraîner une obligation d’indemniser. Tel est le cas de la zone d’espèce, qui vise à faire de la commune la seule acquéreuse possible du bien-fonds, pour les revendre ensuite à des personnes qui s’établiraient sur son territoire. Encore faut-il déterminer si le changement de zone consacre un déclassement ou un non-classement, ce qui présuppose d’examiner la conformité à la LAT du plan d’affectation objet de la modification contestée. En cas de non-classement, ce n’est qu’exceptionnellement que la restriction liée à la nouvelle planification consacre une expropriation matérielle.

Densification ; inventaire communal des sites protégés ; pondération des intérêts. Le projet consiste en la démolition et la reconstruction d’un quartier par une coopérative dans le but de rendre le quartier plus dense avec en particulier de nombreuses unités résidentielles supplémentaires. Afin de rendre possible la réalisation du projet, la Ville de Zurich prend la décision de retirer le site de l’inventaire des biens protégés d’importance communale. La Ville de Zurich et la coopérative interjettent recours au TF contre l’arrêt du tribunal cantonal annulant la modification de l’inventaire. En substance, le TF retient que c’est à juste titre que le tribunal cantonal a reconnu au quartier un intérêt à être protégé comme monument historique et qu’il existe un intérêt public important à sa conservation. Le TF souligne que ce n’est pas parce que le site est digne de protection que des mesures de conservation doivent être ordonnées, mais que dans tous les cas l’autorité doit procéder à une pesée des intérêts. En l’espèce, le TF considère comme majeur l’intérêt public à la conservation du quartier en raison non seulement de son apport sur le plan historique, mais également en raison de ses qualités architecturales. S’agissant de l’intérêt public à la densification du milieu bâti, celui-ci est considéré comme mineur dans ce cas. En effet, la préservation des bâtiments historiques nécessite justement que la zone ne soit pas exploitée de manière intensive et quand bien même un objectif de densification devait être poursuivi dans cette zone, d’autres alternatives existent pour celle présentée dans ce cas au TF.

Compensation de la plus-value. Sur recours de la commune de Liestal, le TF est appelé à se prononcer sur la conformité de la réglementation cantonale relative à la plus-value à la lumière du droit fédéral. Selon l’art. 5 al. 1 LAT, le droit cantonal établit un régime de compensation permettant de tenir compte équitablement des avantages et des inconvénients majeurs qui résultent de mesures d’aménagement. Les changements d’affectation et les augmentations des possibilités de construire entrent dans le champ d’application de cette disposition. La réglementation cantonale prévoit une compensation de la plus-value lors de nouvelles mises en zone à bâtir tout en interdisant aux communes d’adopter leurs propres normes s’agissant des changements d’affectation et de l’augmentation des possibilités de bâtir. Le TF retient qu’une telle restriction n’est pas conforme à l’art. 5 LAT puisqu’elle interdit aux communes d’adopter des normes en vue de compenser la plus-value en cas de changement d’affectation ou d’augmentation des possibilités de bâtir.

Qualification des actes ; voies de droit. Saisi d’un recours direct, le TF est appelé à se prononcer sur la qualification de l’ordonnance thurgovienne sur les petites localités (Kleinsiedlungsverordnung). Après un rappel des distinctions entre normes générales et abstraites et décisions individuelles et concrètes, le TF s’attarde sur les caractéristiques des plans d’affectation en tant qu’acte hybride. Eu égard aux normes fédérales en matière d’instance de recours vis-à-vis de ce type d’acte juridique (art. 33 LAT), le TF doit trancher la question de savoir si l’ordonnance dont il est question en l’espèce entre dans la catégorie de plan d’affectation. Sur ce point, le TF souligne que la simple absence de plan annexé à l’ordonnance ne permet pas à elle seule d’exclure la qualification de plan d’affectation. La qualification de l’acte nécessite en effet un examen minutieux de son contenu. En cela, l’ordonnance dont il est question en l’espèce permet, par le biais de coordonnées géographiques, d’identifier précisément les parcelles touchées par la réglementation. En outre, elle contient des renvois au règlement d’affectation des zones agricoles et de protection ce qui correspond en pratique à une zone réservée au sens de l’art. 27 LAT ou éventuellement à une planification provisoire et permet de garantir une période transitoire jusqu’à la révision de la planification. A la lumière de ces considérations, le TF retient que l’ordonnance litigieuse constitue un plan d’affectation au sens matériel et par conséquent qu’elle doit pouvoir faire l’objet d’un recours au niveau cantonal. Pour cette raison, le recours est irrecevable devant le TF.

Egalité de traitement. Le principe de l’égalité de traitement ne peut pas être invoqué avec succès par des voisins qui se plaignent de ne pas avoir été autorisés en leur temps à construire un mur en panier de pierres et une clôture à distance et hauteur plus élevées que ne le permet le règlement cantonal, alors que l’autorité de police des constructions a renoncé à ordonner la remise en état d’une construction analogue réalisée ultérieurement dans le quartier, également à distance et hauteur plus élevées que les valeurs réglementaires. La situation n’est pas similaire dans la mesure où, dans le premier cas, la commune avait refusé de tolérer le dépassement de la hauteur en cours de travaux, alors que dans le second cas les travaux étaient déjà achevés.

Zone de verdure ; ISOS. Dans cet arrêt, le TF est appelé à examiner la possibilité pour un agriculteur de construire un pressoir en zone de verdure, zone qui, selon le règlement communal, se trouve être en zone à bâtir. La commune est inventoriée depuis 1992 dans l’ISOS et il appert qu’à l’époque la création de zones de verdure par la commune avait pour objectif de préserver les vignobles de nouvelles constructions. En s’appuyant sur sa jurisprudence, le TF confirme que le but principal de la zone prime le règlement communal. Aussi, l’objectif de préservation du site construit tend à exclure le caractère de zone bâtir de la zone de verdure.

Constructions et installations existantes sises hors de la zone à bâtir et non conformes à l’affectation de la zone. Dans cet arrêt de première importance, le TF précise sa jurisprudence s’agissant des ordres de démolition portant sur des constructions illégales. En effet, en zone à bâtir, une construction non conforme peut être maintenue – et sa non-conformité guérie – après l’écoulement d’une période de trente ans ; en cela elle bénéficie d’un délai de prescription qui lui est favorable. En revanche, comme le retient le TF dans cet arrêt, et ce pour la première fois, lorsque la construction illégale se trouve hors zone à bâtir, le principe cardinal de l’aménagement du territoire à savoir la séparation stricte des zones à bâtir et des autres zones prévaut et ni la sécurité juridique ni l’égalité de traitement ne peuvent y faire obstacle. En conséquence, hors zone à bâtir, aucune construction non conforme ne peut tirer profit de l’écoulement du temps.

Dans cette affaire, le TF examine la décision de modification du plan directeur s’agissant de la planification de décharges la lumière de l’autonomie dont jouissent les communes zurichoises en matière de gestion de déchets, subsidiairement en matière d’aménagement du territoire. Le TF débute son analyse en soulignant les compétences des communes en matière de gestion des déchets. Dans le canton de Zurich, les communes remplissent des tâches en la matière de manière indépendante conformément à la législation cantonale sur la gestion des déchets et disposent à ce titre d’une certaine autonomie au sens de l’art. 50 Cst. La révision du plan directeur cantonal, contestée en l’espèce, représente un changement d’orientation pour le canton en matière de planification des décharges en prévoyant un seul site par type de décharges. L’enjeu de cette affaire se concentre sur la participation des communes et association de communes dans ce changement d’orientation. Le TF rappelle que les communes doivent pouvoir participer à la préparation des plans directeurs dans les domaines qui touchent leurs intérêts. En outre, en raison de l’impact qu’exercent les décharges sur le territoire, domaine protégé par l’autonomie communale, le processus doit donner la voix aux communes pour que ces dernières puissent faire valoir leurs arguments. L’absence de participation des communes sur la révision du plan directeur cantonal constitue une lacune sur le plan de la coordination au sens de l’art. 2 al. 1 LAT. Au-delà de l’aspect formel, une participation effective des communes permet de sélectionner les sites les plus appropriés pour l’installation de décharges et participe dès lors à une planification de qualité.

ATF 146 I 70 (d)

2019-2020

Art. 26 Cst. al. 1, Art. 27 Cst. al. 1, Art. 36 Cst., Art. 49 Cst. al. 1, Art. 109 Cst. al. 1, Art. 122 Cst. al. 1

Constructions à loyer modéré ; primauté du droit fédéral ; contrôle abstrait. Dans le cadre de l’examen relatif à une réglementation communale sur les logements à loyer modéré, le TF commence par rappeler qu’un domaine peut être couvert en parallèle par le droit civil fédéral et par des réglementations cantonales lorsque le premier ne le règle pas de manière exhaustive et/ou lorsque le droit cantonal poursuit un intérêt public digne de protection. Une réglementation cantonale ou communale peut par ailleurs être justifiée lorsque celle-ci poursuit un autre objectif que celui prévu par le droit fédéral. Dans le domaine du logement, même si les cantons ne peuvent pas intervenir directement dans la relation entre le bailleur et le locataire, ils demeurent compétents pour prendre des mesures afin de lutter contre la pénurie de logements. La réglementation litigieuse en l’espèce vise à maintenir et augmenter l’offre de logements à loyer abordable. Le TF reconnaît que les mesures prises à cet effet poursuivent une orientation autre que celle des normes fédérales relatives à la lutte contre les loyers abusifs et reconnaît un intérêt digne de protection à la satisfaction des besoins de la population en termes d’offre suffisante de logements à loyer abordable. Le fait que les logements concernés ne bénéficient pas uniquement à des personnes à faibles revenus ne permet pas de nier l’intérêt digne de protection. Sur la base de ces considérations, le TF retient que la réglementation contestée n’est pas contraire au droit fédéral. En outre, à la lumière de la garantie de la propriété et de la liberté économique, au stade d’un recours abstrait, l’interprétation de la réglementation peut être opérée conformément à la Constitution.

Art. 16a LAT, Art. 24c LAT, Art. 24d LAT

Extension illicite d’un bâtiment situé en zone agricole ; proportionnalité de l’ordre de remise en état. Selon l’art. 16a LAT, pour être conformes à la zone agricole, les constructions et installations doivent être nécessaires à l’exploitation agricole. Au sens de cette disposition, l’évaluation de la nécessité de logements doit reposer sur des critères objectifs. En l’espèce, les recourants ne parviennent pas à démontrer une modification des conditions d’exploitation depuis la dernière transformation autorisée qui justifierait une transformation supplémentaire. Il y a lieu d’exclure l’application de l’art. 24c LAT dans le cas d’espèce dans la mesure où la transformation litigieuse est destinée à servir de logement non agricole aux enfants des exploitants. Le TF exclut par ailleurs l’application de l’art. 24d LAT puisque la transformation des combles sans isolation en pièce habitable excède la nécessité pour un bâtiment d’habitation qui répond aux exigences actuelles en matière de logement. Finalement, une régularisation a posteriori de la transformation réalisée n’est pas une alternative admissible à la lumière du principe de la proportionnalité. En effet, le TF estime que les mesures ordonnées en vue d’empêcher une utilisation résidentielle non autorisée des combles représentent un intérêt public qui prime les intérêts patrimoniaux des recourants qui savaient, ou à tout le moins, auraient dû savoir que la transformation nécessitait une autorisation de construire. Partant, l’ordre de remise en état se révèle proportionné.

Art. 18a LAT, Art. 33 LAT al. 3 let. b

Droit communal ; interprétation du droit communal à la lumière du droit fédéral. Selon l’art. 18a al. 4 LAT relatif aux installations solaires, l’intérêt à l’utilisation de l’énergie solaire sur les constructions existantes ou nouvelles l’emporte en principe sur les aspects esthétiques. Dans cet arrêt, le TF rappelle que les autorités compétentes pour la délivrance d’une autorisation de construire et partant pour évaluer l’impact esthétique d’une construction ne peuvent ignorer le droit fédéral, en particulier l’art. 18a al. 4 LAT. La commune dispose d’une large liberté d’appréciation dans l’interprétation de son propre règlement notamment en ce qui concerne l’orientation dominante des faîtes et pentes de toitures anciennes et l’autorité de recours doit exercer un contrôle avec retenue. Toutefois lorsque l’appréciation de l’autorité cantonale fait fi du droit supérieur, l’autorité de recours ne peut pas l’ignorer. Cela contreviendrait en substance à l’art. 33 al. 3 let. b LAT qui garantit une possibilité de recours auprès d’une autorité qui dispose d’un plein pouvoir de cognition. Dans cette affaire, le TF a retenu que le tribunal cantonal a violé l’art. 33 al. 3 let. b LAT en se limitant à l’arbitraire sans examiner le règlement communal à la lumière du droit fédéral. Une simple interprétation littérale du règlement communal comme unique motif permettant de retenir qu’est seule admissible l’orientation majoritaire, à l’exclusion de toute autre, ne suffit pas. Le droit fédéral aurait dû être pris en compte, tant par l’autorité communale que par l’autorité cantonale. Cette prise en compte aurait dû conduire tant les autorités communales que cantonales à privilégier les intérêts à l’utilisation de l’énergie solaire au détriment des considérations esthétiques. Dans ce cas, l’orientation nord-sud ferait baisser la production d’énergie solaire de 30% ; le TF parvient à la conclusion que le règlement communal doit être compris comme enjoignant l’orientation nord-sud ou est-ouest des faîtes selon les cas. La cause est renvoyée devant l’autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Art. 18 LPN, Art. 17 LAT

Ordonnance sur les zones alluviales d’importance nationale. Sur recours de plusieurs organisations, le TF examine une nouvelle planification visant notamment la réalisation d’un sentier pédestre moyennant en particulier une modification de la localisation et du périmètre de la zone de protection naturelle existante. Le chemin pédestre litigieux s’inscrit d’une part dans une zone listée par l’inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (IFP) et se trouve d’autre part dans une zone alluviale d’importance nationale. Le TF retient que la nouvelle planification ne permet pas de garantir la protection des zones alluviales et partant ne respecte pas les conditions imposées par le droit fédéral et doit par conséquent être annulée. En outre, la zone abrite le chevalier guignette, une espèce protégée et fortement menacée en Suisse, et espèce typique de la zone alluviale. Le sentier contesté en l’espèce ne présente pas, pour le TF, un intérêt public prépondérant justifiant l’octroi d’une dérogation au principe de la conservation. Sur le plan procédural, le droit cantonal prévoit un régime favorisant les organisations de protection de la nature dans l’exercice de leur droit de recours contre un plan d’affectation communal par rapport aux particuliers. Là où ces derniers doivent recourir auprès de l’exécutif cantonal, les organisations en sont dispensées et peuvent se contenter d’attendre que le dossier soit pendant devant l’exécutif cantonal pour approbation pour se manifester. Dans cet esprit favorisant, il n’est pas contraire au principe de l’égalité des armes (art. 29 al. 2 Cst.) que les organisations puissent ajouter des griefs et ainsi élargir l’objet de la contestation au stade d’un second échange d’écritures devant l’exécutif cantonal.

Art. 16 LAT al. 1, Art. 37a OAT, Art. 43 OAT al. 1, Art. 6 OBat, Art. 9 OBat, Art. 10 OBat, Art. 11 OBat

Protection des biotopes ; inventaire fédéral des sites de reproduction des batraciens d’importance nationale. Dans cette affaire, après avoir admis qu’une autorisation de construire est requise pour l’extension, la transformation et le changement d’affectation d’un bâtiment de collecte et de recyclage, le TF examine si celle-ci peut être délivrée en application des dispositions relatives aux constructions et installations à usage commercial en dehors de la zone à bâtir et non conformes à l’affectation de la zone, en particulier l’art. 43 al. 1 OAT, qui requiert une pesée des intérêts. En l’espèce, la zone touchée par l’autorisation litigieuse se trouve notamment être inscrite dans l’inventaire fédéral des sites de reproduction des batraciens d’importance nationale. En cela, et même si le canton n’a pas pris les mesures prescrites par la loi en termes de protection et d’entretien, il convient d’examiner l’admissibilité du projet à la lumière des objectifs de protection fixés à l’art. 6 OBat. Le TF retient que le projet n’est pas compatible avec la protection du biotope de reproduction des batraciens et qu’aucune autorisation dérogatoire ne peut être délivrée dans la mesure où les intérêts supérieurs de la conservation de la nature prévalent.

Art. 2 LAT al. 1, Art. 15 LAT, Art. 18 LAT, Art. 27 LAT

Selon l’art. 27 LAT, en l’absence d’un plan d’affectation ou si une adaptation d’un tel plan ne s’impose pas, l’autorité compétente a la possibilité de prévoir des zones réservées dans des territoires exactement délimités ; dès lors rien ne doit être entrepris à l’intérieur de ces zones qui puisse entraver une planification à venir. Dans cet arrêt, le TF retient que la création d’une zone réservée avait pour unique objectif de maintenir le surdimensionnement de la zone à bâtir et en aucun cas de garantir une future planification. En outre, à l’échéance du délai de cinq ans, prévu à l’art. 27 al. 2 LAT, les zones réservées sont à nouveau constructibles et cela sans prise en considération des besoins prévisibles pour les quinze années à venir conformément à l’art. 15 al. 1 LAT. Le plan contesté dans le cadre de ce recours est ainsi non seulement contraire à l’art. 27 LAT mais également à l’art. 15 LAT.

ATF 144 I 318 (f)

2018-2019

Art. 4 LRECA/VD ; 35 al. 1 let. b LAT ; 29 al. 1 Cst.

Responsabilité de l’Etat en matière de planification du territoire ; examen limité à la question de l’illicéité. Selon l’art. 4 LRECA/VD, la collectivité publique répond du dommage que ses agents causent à des tiers de manière illicite. En présence d’un dommage purement économique, la violation d’une norme ayant pour finalité la protection du bien juridique lésé (illicéité de comportement) est requise pour admettre l’illicéité. En l’espèce, le comportement reproché à l’autorité constitue une omission, l’examen de son caractère illicite revient donc à examiner si la règle en question imposait à la commune de prendre, en faveur du lésé, la mesure omise. En l’occurrence, la norme vise à assurer que le territoire soit planifié conformément à la législation fédérale dans un laps de temps déterminé et non à protéger les propriétaires fonciers contre la survenance éventuelle d’un préjudice patrimonial en lien avec un retard de planification. En revanche, en relation avec l’art. 29 al. 1 Cst., la Haute Cour estime que si sa violation est constatée dans le cadre d’un recours pour déni de justice, l’existence d’un acte illicite susceptible d’engager la responsabilité de la collectivité peut être retenue sans arbitraire. En l’espèce, l’omission présente un caractère individualisé et concret la rapprochant davantage de la décision que d’un acte législatif. Ainsi, l’autorité inférieure est tombée dans l’arbitraire en niant le caractère illicite du déni de justice constaté. La violation de l’art. 29 al. 1 Cst. suffit à elle seule pour retenir que la condition d’illicéité est remplie.

ATF 144 II 367 (f)

2018-2019

Art. 75b Cst. ; régime transitoire ; art. 26 Cst. ; indemnité pour expropriation

En premier lieu, le Tribunal fédéral tranche la question du destinataire de la demande d’indemnisation. A ce titre, il retient qu’il n’y a pas lieu de s’écarter du principe selon lequel la requête doit être adressée à la collectivité ayant ordonné la restriction, à savoir la commune et cela, indépendamment du fait que la demande d’indemnisation repose sur l’art. 75b Cst. Partant, la demande doit être adressée à la commune, cas échéant à la commission cantonale constituée ad hoc. Quant au fond, la question était de savoir si le refus de délivrer une autorisation de construire sur la base d’une restriction en matière de résidences secondaires représentait une atteinte grave au droit de propriété assimilable à une expropriation matérielle et pouvant ainsi faire l’objet d’une indemnisation. Le Tribunal fédéral rappelle que l’ensemble de l’ordre juridique tend à dresser les contours du droit de propriété et que nul n’est en droit de faire valoir un droit « au gel de l’ordre juridique ». Une nouvelle définition du droit de propriété peut dans certains cas entraîner des effets similaires à une restriction et exceptionnellement atteindre des propriétaires de la même façon qu’une expropriation de sorte qu’une indemnité devrait être accordée lorsque le passage au nouveau droit entraîne des inégalités crasses que le législateur n’avait pas envisagées et déploie des conséquences trop rigoureuses pour certains particuliers. En l’espèce, le recourant échoue à démontrer dans quelle mesure la modification de l’étendue du droit de propriété le touche de manière plus grave qu’un autre propriétaire, d’autant plus qu’il conserve la possibilité de construire en résidence principale.

ATF 145 I 156 (d)

2018-2019

Art. 26, 36 Cst. ; 16, 22 LAT

Distance à la limite de la zone agricole. Dans le cadre d’un projet de construction d’une route en zone à bâtir, mais à la limite de la zone agricole, le Tribunal fédéral examine si une distance entre la construction et la zone agricole doit être respectée. A ce titre, il retient que l’emplacement seul du projet ne permet pas d’apprécier la conformité du projet à la zone, mais qu’il convient de tenir compte des impacts prévisibles (approche fondée sur l’impact). Dans une telle hypothèse, les dispositions spécifiques des deux zones doivent être respectées. La nuisance sur l’utilisation des terres agricoles cultivées, le type d’utilisation, les conditions topographiques, l’ampleur de la construction projetée notamment sont autant d’éléments à prendre en considération pour examiner si la construction projetée en zone à bâtir a des impacts sur la zone agricole. En l’absence d’éléments lui permettant d’apprécier l’utilisation de la zone agricole notamment, le Tribunal fédéral renvoie la cause devant le tribunal de première instance. Au demeurant, notons que les juges de Mon-Repos soulignent que des normes cantonales instaurant des limites minimales pour les frontières zonales seraient souhaitables afin d’assurer la sécurité juridique et l’égalité de traitement.

ATF 145 I 52 (d)

2018-2019

Art. 50 al. 1, 29a Cst. ; 2 al. 3 LAT ; 238 PBG/ZH

Autonomie communale ; clause d’esthétique. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral précise le pouvoir d’examen de l’autorité de recours en matière d’appréciation de notions juridiques indéterminées en droit de la construction, en l’espèce portant sur la clause esthétique. En somme, l’autorité de recours peut s’écarter de la solution communale si cette dernière a outrepassé la liberté d’appréciation relevant de son autonomie. Il en va ainsi si la décision communale n’est objectivement pas justifiable, si l’autorité n’est pas partie du sens et du but de la disposition appliquée, s’il y a eu violation des principes d’égalité et de proportionnalité, et dans tous les cas si elle est arbitraire. En matière d’esthétique, les intérêts esthétiques locaux, les intérêts publics et privés à la réalisation du projet doivent être mis en balance afin de respecter le principe de la proportionnalité. En exigeant pour des raisons esthétiques une réduction de l’indice d’utilisation de masse, l’autorité doit se reposer sur des intérêts publics prépondérants, insuffisants en l’espèce, de sorte que le Tribunal fédéral rejette le recours communal sur ce point.

ATF 145 II 176 (d)

2018-2019

Art. 2 al. 1 let. b, 6, 8 LPN ; 19 LEaux ; 14 LAT

Plan d’affectation spéciale ; normes environnementales. Dans cet arrêt, il est revenu au Tribunal fédéral de déterminer si les normes relatives à la protection de la nature et du paysage s’appliquent en amont d’un projet de construction concret, c’est-à-dire au stade du plan de quartier. Le Tribunal fédéral retient à cet égard qu’en raison du niveau de détail du plan, celui-ci correspond en partie à un permis de construire. Le plan, en précisant de manière contraignante les possibilités de construire, acquiert les mêmes effets qu’un permis de construire dont la légalité ne pourra plus être vérifiée ultérieurement de sorte qu’il convient d’appliquer les dispositions sur la protection de la nature et du paysage déjà à ce stade du projet.

ATF 145 II 18 (f)

2018-2019

Art. 15, 38a LAT ; 30 al. 1bis, 52a OAT

Modification d’un plan d’aménagement communal ; création de nouvelles zones à bâtir ; dispositions transitoires. Sur recours de l’ARE, le Tribunal fédéral analyse la conformité d’un plan d’aménagement local prévoyant la mise en zone à bâtir avec une faible densité de six parcelles sises en périphérie de la zone construite. L’adoption du plan est intervenue entre l’entrée en vigueur de la révision de LAT et l’adoption du plan directeur cantonal de sorte que les règles ordinaires du droit de l’aménagement du territoire relatif au classement en zone à bâtir, en particulier l’art. 15 LAT, mais également les exigences plus restrictives du droit transitoire (38a LAT et 52a OAT) sont applicables. La condition d’équivalence entre les surfaces classées et déclassées est laissée indécise dans la mesure où dans un contexte de surdimensionnement notoire de la zone à bâtir, les règles ordinaires de l’aménagement du territoire ne sont déjà pas respectées. La localisation du projet en périphérie de la zone à bâtir, mais également l’indice d’utilisation réduit de la zone projetée vont à l’encontre du droit fédéral préconisant une densification. Soulevé par le Service cantonal du développement territorial l’argument de « l’identité jurassienne » accordant une place privilégiée à la villa individuelle ne permet pas de faire obstacle à l’exigence, aujourd’hui cardinale, de la densification vers l’intérieur du milieu bâti.

ATF 145 II 182 (d)

2018-2019

Art. 16a al. 1, 16abis LAT ; 34 al. 3, 34b al. 5 OAT

Autorisation de construire en zone agricole ; détention et utilisation de chevaux ; logement destiné à la génération qui prend sa retraite. Le Tribunal fédéral a dans cet arrêt examiné la relation entre l’art. 34 al. 3 OAT, qui déclare conformes à la zone les constructions destinées au logement de la génération qui prend sa retraite, et l’art. 34b al. 5 OAT, qui prescrit que la construction de nouveaux bâtiments d’habitation en rapport avec la détention et l’utilisation de chevaux n’est pas admissible. Il a retenu que le développement de l’activité équestre d’une exploitation agricole ne permet pas de justifier, par la suite, le besoin de disposer d’un logement pour la génération qui prend sa retraite.

ATF 145 II 189 (f)

2018-2019

Art. 22 LPE et 31, 39 OPB

Lorsque même en présence des mesures prévues à l’art. 31 al. 1 let. a et b OPB, les valeurs limites d’immission (VLI) ne sont pas respectées, le permis de construire ne sera délivré qu’après l’assentiment de l’autorité cantonale et pour autant que l’édification du bâtiment présente un intérêt prépondérant. Une telle autorisation dérogatoire nécessite une pesée d’intérêt pour laquelle le seul intérêt du propriétaire foncier d’assurer une meilleure utilisation de son bien-fonds ne suffit pas. L’utilisation projetée, l’ampleur des dépassements des VLI, la possibilité d’élever le degré de sensibilité de la zone, l’agencement des logements prévus, les impératifs liés à l’aménagement du territoire, tels que le comblement d’une brèche dans le milieu bâti, la densification des surfaces destinées à l’habitat, l’urbanisation vers l’intérieur du milieu bâti sont autant d’éléments à prendre en compte au moment de la pesée d’intérêts. En outre, a été déterminant en l’espèce le fait que le projet litigieux bénéficie d’un contexte particulier, à savoir de se trouver dans la zone urbaine d’une agglomération présentant un besoin accru en nouveaux logements. Dans ces circonstances, l’appréciation de l’autorité ayant délivré l’autorisation dérogatoire n’apparaît pas critiquable au sens de l’art. 31 al. 2 OPB.

ATF 145 II 83 (d)

2018-2019

Art. 18, 24d, 25 LAT ; 33, 39, 43a OAT ; 9 al. 2 LRS

Construction hors zone à bâtir ; résidence secondaire ; zone de maintien de l’habitat rural. L’arrêt concerne la transformation d’une étable sise dans une zone de maintien de l’habitat rural selon la terminologie cantonale. Le Tribunal fédéral retient premièrement que l’étable se situe dans une zone non constructible et deuxièmement qu’en raison de l’espace trop important entre les constructions qui ne sont par ailleurs pas des habitations, les conditions de l’art. 33 OAT permettant de la qualifier de zone de maintien de l’habitat rural ne sont pas remplies. La réaffectation demeure toutefois possible, mais uniquement aux conditions strictes de l’art. 24d al. 2 LAT et 39 al. 2 OAT (cf. art. 43a let. c OAT). Toutefois, en l’espèce, l’écurie ne présente pas un intérêt digne de protection et ne peut par conséquent pas être protégée pour elle-même. Même s’il était retenu qu’elle serait un élément caractéristique du paysage, l’art. 43a let. c OAT ne permet qu’une légère extension de l’équipement existant ; or la zone concernée n’est pas équipée de sorte que cette exigence ne peut être remplie. En outre, la LRS, en particulier l’art. 9 al. 2, représente une limite supplémentaire aux possibilités de réaffectation de ce type de construction. Par cet arrêt, le Tribunal fédéral met fin à une pratique contraire au droit fédéral et pourtant tolérée pendant des années.

ATF 145 II 99 (d)

2018-2019

Art. 75b Cst. ; 6, 7, 14 LRS

Résidence secondaire ; abus de droit. Lorsqu’il s’agit d’examiner l’utilisation future d’une construction projetée, en particulier si elle sera effectivement utilisée à titre de logement principal, les circonstances concrètes du cas sont déterminantes. L’emplacement, la zone, l’accessibilité durant l’année, la distance par rapport au lieu de travail, la conception structurelle du point de vue de son utilisation à l’année, le prix et les circonstances personnelles de celui qui entend y vivre sont autant d’éléments à prendre en compte. Lorsque les futurs locataires ne sont pas connus, il convient d’examiner la situation du marché immobilier et prioritairement la demande en logement principal répondant aux mêmes caractéristiques que le projet en cause. En présence d’une demande manifestement insuffisante, sous réserve de garanties sérieuses et concrètes d’acquisition par des résidents permanents, le permis de construire ne doit pas être délivré. Est sans pertinence le fait que l’initiateur du projet supporte le risque de ne pas trouver preneur. En l’espèce, à l’exception de la mention « use as first home », le projet conçu initialement comme des résidences secondaires n’a subi aucune modification, les infrastructures initialement planifiées sont restées identiques (espace bien-être, fitness, hammam et jacuzzi). Tout en reconnaissant que ces infrastructures n’excluent pas de facto une utilisation à titre de logement principal, le Tribunal fédéral se réfère à d’autres éléments pour retenir l’abus de droit, en particulier, le prix de vente en relation à la taille modeste (trois pièces), l’emplacement du projet, l’écart au centre-ville, le type de quartier (composé uniquement de résidences secondaires), le manque d’équipement de la zone en matière de transport en commun, mais encore l’offre existante (et prochaine) dans la commune pour ce type de biens, l’absence de croissance démographique prévisible et finalement l’absence de vente sur plan auprès des résidents locaux.

Art. 18 ss LCdF

Compétence de l’OFT pour l’approbation des plans d’un aménagement routier ; existence d’un lien suffisant avec un projet ferroviaire. Selon l’art. 18 LCdF, les constructions ou installations servant exclusivement ou principalement à la construction ou à l’exploitation d’un chemin de fer (installations ferroviaires) relèvent de la compétence de l’OFT dont l’approbation couvre toutes les autorisations requises par le droit fédéral. En l’espèce, il revenait au Tribunal fédéral de déterminer si un aménagement routier pouvait être considéré comme une « construction ou installation servant exclusivement ou principalement à la construction ou à l’exploitation d’un chemin de fer ». Selon la concession octroyée à l’entreprise de transport, la réalisation de deux lignes de transports en sites propres impliquait la fermeture de la rue à la circulation automobile de sorte que l’aménagement routier litigieux était conçu comme une mesure d’accompagnement destinée à absorber le trafic dévié et permettant ainsi le bon fonctionnement de l’ensemble du réseau. Dès lors, l’existence d’un lien suffisant entre les deux aménagements doit être admise et justifie de soumettre l’ensemble du projet à la compétence de l’OFT par le biais d’une procédure d’approbation fédérale unique.

Art. 679a et 684 CC par analogie

Expropriation des droits de voisinage ; demande d’indemnisation ; immissions causées par des travaux sur un ouvrage d’intérêt public ; condition de la gravité de l’atteinte. Selon l’art. 679a CC, lors de travaux de construction, le voisin doit tolérer les nuisances inévitables et excessives entraînant un dommage, mais peut demander le versement de dommages-intérêts et même si le dommage est purement économique. Lorsque les nuisances inévitables émanent de travaux sur un ouvrage d’intérêt public, le droit privé s’efface au profit de l’expropriation des droits de voisinage. Le Tribunal fédéral rappelle sa jurisprudence en matière de travaux, le juge de l’expropriation applique par analogie les règles du droit privé sans que les conditions de l’imprévisibilité et de la spécialité ne soient examinées. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a l’occasion de se pencher sur la condition de la gravité du dommage et rappelle que l’ensemble des circonstances du cas concret doivent être examinées. En l’espèce, les travaux ont duré plus de deux ans, sans toutefois engendrer un bruit excessif, surtout qu’une autoroute est déjà exposée au bruit de base, et les travaux n’ont pas conduit à des dépenses supplémentaires ; l’accès à la station a néanmoins été fortement entravé pendant dix mois et même rendu impossible pendant deux mois. Le chiffre d’affaires de l’exploitant de l’aire d’autoroute a chuté pendant toute la durée des travaux et réaugmenté à la fin de ceux-ci. En l’occurrence, le Tribunal fédéral reconnaît l’existence de nuisances excessives qui dépasse les risques commerciaux normaux d’une aire d’autoroute, le lien de causalité étant facilement démontrable par l’évolution du chiffre d’affaires de sorte qu’il y a lieu de retenir qu’il existe effectivement un cas d’expropriation des droits de voisinage.

ATF 143 II 485 (f)

2017-2018

Art. 24b al. 1 et 1ter LAT ; 40 al. 1 OAT

Exploitation d’une buvette dans un chalet d’alpage qui ne dispose plus de fonction agricole. L’art. 24b al. 1 LAT autorise les travaux de transformation destinés à l’exercice d’une activité accessoire non agricole lorsqu’une entreprise agricole ne peut subsister sans un revenu complémentaire. L’al. 1ter de cette disposition précise les conditions pour les centres d’exploitation temporaire, tels que les chalets d’alpage. Selon l’art. 40 al. 1 OAT, l’activité accessoire non agricole doit être proche de l’exploitation agricole. Est déterminante la proximité géographique, mais également la proximité matérielle, liée à la nature de l’activité en cause, et pour laquelle le caractère agricole de la ferme doit rester pour l’essentiel inchangé (art. 40 al. 1 let. c OAT). Or en l’espèce, le chalet d’alpage n’est plus nécessaire à l’exploitation agricole puisque le bétail qui est estivé dans les alentours demeure en permanence au pâturage. Il s’agit de plus uniquement de vaches allaitantes qui n’ont pas besoin d’être traites. Aucune infrastructure, existante ou prévue dans le projet de buvette, ne permet d’héberger ou de soigner les animaux. La fonction agricole au sens de l’art. 40 al. 1 OAT n’est plus remplie et le bâtiment ne peut pas être considéré comme un centre d’exploitation temporaire au sens de l’art. 24b al. 1ter LAT. Il ne peut dès lors bénéficier d’une autorisation pour l’exploitation d’une buvette.

ATF 143 II 568 (i)

2017-2018

Art. 5 al. 1, 1bis et 1quinquies let. b LAT ; 9 et 49 al. 1 Cst. ; 93 de la loi tessinoise sur le développement territorial (LST)

Compensation des avantages majeurs résultant de mesures d’aménagement ; exemption et limite à l’exemption de la taxe. L’art. 93 LST fixant la valeur-seuil à 100 000 CHF pour la perception de la taxe sur la plus-value résultant de toute augmentation de valeur d’un terrain est contraire au principe d’égalité sur lequel repose l’art. 5 al. 1 LAT. Elle viole particulièrement l’art. 5 al. 1quinquies let. b LAT, ne permettant dès lors pas la mise en œuvre d’une compensation adéquate des avantages et inconvénients majeurs, puisque le produit fiscal escompté pour ce montant pourrait, selon le système applicable, dépasser de manière excessive la couverture des frais de perception de l’impôt. Le Tribunal fédéral relève en outre un problème d’interprétation de la disposition tessinoise. Il n’est en effet pas clair de savoir si le montant de 100 000 CHF constitue une valeur-seuil (« Freigrenze ») ou un montant exempté en tant que tel (« Freibetrag »).

ATF 143 II 588 (d)

2017-2018

Art. 16, 16a et 18 LAT ; 38 OAT

Zone agricole spéciale. La création d’une arène de combat de reines et d’une halle marchande de la Chambre d’agriculture ne peut être envisagée dans le canton du Valais, le plan directeur cantonal ne prévoyant pas, de manière positive ou négative, l’implantation de zones agricoles spéciales. De plus, aucune autorisation ne peut être délivrée sur la base de l’art. 18 LAT, s’agissant d’une zone à bâtir spéciale dont la compensation est nécessaire en application de l’art. 38a al. 2 LAT et de l’art. 52a al. 2 OAT.

ATF 144 II 41 (f)

2017-2018

Art. 21 al. 2 LAT

Contrôle incident de la planification ; modification sensible des circonstances. Bien que relevant d’un intérêt public important, la réduction des zones à bâtir prévue par le nouvel art. 15 al. 2 LAT ne constitue toutefois pas en soi le seul critère pertinent pour déterminer la nécessité d’entrée en matière sur une demande de révision d’un plan au sens de l’art. 21 al. 2 LAT. Les dispositions transitoires de la LAT bloquent en effet l’extension de la zone à bâtir dans l’attente de l’adoption des plans directeurs conformes au droit mais n’interdisent pas la mise en œuvre de planifications existantes conformes à la LAT. Pour constituer une modification sensible des circonstances, d’autres circonstances, telles que la localisation de la parcelle par rapport à la zone à bâtir existante, le niveau d’équipement de la parcelle ou la date d’entrée en vigueur du plan d’affectation s’avèrent nécessaires, de même qu’une pesée complète des intérêts en présence.

ATF 144 II 49 (f)

2017-2018

Art. 7 al. 1 let. a et 14 al. 1 let. b LRS ; 75b Cst.

Abus de droit en matière de résidences secondaires. Il revient à l’autorité chargée de la délivrance du permis de construire de déterminer si les conditions pourront être respectées et de déterminer dans ce cadre si le requérant de l’autorisation de construire une résidence principale n’a pas en réalité pour but de réaliser une résidence secondaire par le biais de l’art. 14 al. 1 let. b LRS, ce qui serait constitutif d’un abus de droit. Le prix, la situation de l’immeuble, les circonstances tenant à la personne qui entend y habiter sont autant d’indices qui permettent de le déterminer. Lorsque les futurs occupants ne sont pas connus, l’autorité doit prendre en compte le critère de la demande de résidences principales dans le même secteur. En l’espèce, le requérant ne fait valoir aucune offre d’achat sérieuse et concrète, entraînant dès lors une incertitude quant à l’usage à des fins de résidence principale. En raison de la situation sur le marché immobilier (notamment la diminution du nombre d’habitants dans la commune et les nombreux biens de nature comparable disponibles à la vente), la demande de résidences principales n’est pas établie et suffisante pour justifier le projet du requérant.

Art. 25 al. 1 LRS

Résidences secondaires ; application de la LRS aux demandes d’autorisation contestées par recours après l’entrée en vigueur de la loi. Il ressort clairement du Message du Conseil fédéral du 19 février 2014 concernant la LRS et de l’art. 25 al. 1 LRS que la loi est applicable aux demandes d’autorisation de construire qui sont contestées par recours après son entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Bien que cette solution aille à l’inverse de celle développée par le Tribunal fédéral jusqu’à l’entrée en vigueur de la LRS et soit critiquée par la doctrine, elle apparaît toutefois claire et demeure celle choisie par le législateur fédéral.

Art. 27 et 94 Cst.

Compatibilité d’une zone touristique avec la liberté économique.

Une mesure qui sert un but d’aménagement du territoire mais qui entrave la liberté économique de certains individus n’est pas contraire au principe constitutionnel de la liberté économique, à moins qu’il ne s’agisse d’une mesure de politique économique cachée ou qu’elle prive la liberté économique de tout son sens. Ainsi, l’attribution d’une parcelle comportant un hôtel à la zone de tourisme ne contrevient pas au principe de la liberté économique dès lors que les conditions de l’art. 36 Cst. sont respectées.

Art. 50 al. 1, 75 Cst. ; 5 al. 1 LAT

Prélèvement d’une taxe sur les plus-values par une commune, autonomie communale pour les tâches d’importance locale.

Aussi longtemps que le législateur cantonal n’a pas fait usage de sa compétence dans la mise en œuvre du mandat fédéral le chargeant de prélever une taxe sur la plus-value générée par la mise en zone à bâtir ou l’augmentation des possibilités de construire, les communes sont habilitées à prélever cette contribution. La perception de la taxe sur la plus-value est étroitement liée à l’aménagement local du territoire qui incombe aux communes.

Art. 78 al. 2 Cst. ; 15 et 38a LAT ; 2 et 12 LPN

Classement de nouvelles surfaces en zone à bâtir ; qualité pour recourir des organisations de protection de la nature et du paysage.

Un classement en zone constructible au sens de l’art. 15 LAT révisée poursuit l’exécution d’une tâche fédérale au sens de l’art. 78 al. 2 Cst. Il en découle que les organisations de protection de la nature et du paysage selon l’art. 12 LPN disposent d’un droit de recours en la matière et peuvent invoquer une violation des dispositions transitoires de la LAT révisée, particulièrement l’art. 38a al. 2 LAT.

ATF 143 II 276 (f)

2016-2017

žArt. 6 ss, 14 et 33 LAT

Contestation de la qualification de plan directeur.

Le plan directeur cantonal (art. 6 ss LAT) est défini comme un plan de gestion continue du territoire ayant un caractère programmatoire. Il a force obligatoire pour les autorités mais ne produit aucun effet direct pour les particuliers, ces derniers ne pouvant dès lors pas recourir contre lui. Le droit cantonal peut prévoir des plans directeurs de rang inférieur, régionaux ou communaux. La qualification comme plan directeur du plan directeur de quartier en cause ne peut être contestée et considérée comme un plan d’affectation dans la mesure où la protection juridique des recourants est garantie par l’adoption subséquente d’une planification d’affectation imposée par le droit cantonal. De ce fait, la participation des recourants est assurée conformément à l’art. 33 al. 2 LAT.

žArt. 15a LAT ; 46 al. 2 LATeC-FR

Mise en œuvre insuffisante de l’art. 15a al. 2 LAT par le droit cantonal fribourgeois.

Dans la mise en œuvre de l’art. 15a LAT, les cantons disposent d’une marge d’appréciation suffisante pour déterminer les sanctions à l’abstention de construction en terrains constructibles, ainsi que pour la désignation de l’autorité compétente. En revanche, le droit fédéral impose de permettre à l’autorité compétente de pouvoir exiger de manière préalable et par voie décisionnelle qu’une construction soit réalisée dans un délai déterminé. De même, s’agissant de son champ d’application dans l’espace, le droit cantonal ne peut pas limiter ses sanctions à certaines parties du territoire constructible – comme en l’espèce aux zones d’activités d’importance cantonale telles que reconnues par le plan directeur cantonal –, mais doit les prévoir pour l’ensemble de la zone à bâtir. Le Tribunal fédéral renonce toutefois à annuler la disposition (décision incitative).

Art. 4 al. 1 et 2, 33 LAT ; 19, 71 LCAT-JU ; 54 DPC-JU

Modification de la loi jurassienne sur les constructions et l’aménagement du territoire et du décret concernant le permis de construire, frais de la procédure de conciliation.

L’art. 33 LAT, qui garantit une protection juridique globale en permettant à tout administré de prendre connaissance du plan, sert de point de départ de la procédure d’opposition dans les cantons qui connaissent l’institution – tel le canton du Jura – et permet l’exercice du droit d’être entendu. La collectivité publique, initiatrice d’une procédure de planification ou le propriétaire, initiateur de la procédure d’autorisation de construire, doit, selon le principe de causalité, supporter les frais de mise à l’enquête et de traitement des oppositions. Selon le principe du perturbateur, ce n’est pas aux opposants de s’acquitter des frais de l’opposition, accessoire de la requête principale. La jurisprudence s’en tient également au principe de causalité et protège particulièrement le droit d’être entendu, sans quoi la mise à charge de frais pour l’opposant entraînerait un effet dissuasif. On ne saurait toutefois accorder une gratuité inconditionnelle à la procédure d’opposition, en application de la règle générale de l’art. 41 CO, en cas de dol ou de négligence grave. Le droit cantonal peut ainsi mettre les frais à la charge d’un opposant dont l’intervention apparaît abusive au point d’engager sa responsabilité au sens de l’art. 41 CO, l’abus de droit devant être manifeste. Le seul fait que l’opposition soit déclarée irrecevable ou mal fondée ne suffit pas à mettre les frais à la charge de son auteur, tout comme l’échec de la conciliation lorsque les frais ont été occasionnés sans nécessité. La notion d’absence de nécessité est en effet sans lien avec celle d’acte illicite, un tel critère, particulièrement flou étant au demeurant inconnu dans le droit fédéral ou cantonal de l’aménagement du territoire et du droit des constructions.

Art. 15 et 38a al. 2 LAT ; 52a al. 1 OAT

Application des dispositions transitoires de la LAT révisée au recours pendant devant la dernière instance cantonale. En principe, une instance de recours applique le droit en vigueur au moment où l’autorité de première instance a statué. Toutefois, elle applique le nouveau droit lorsque la nouvelle règle répond à un intérêt public majeur et dont la mise en œuvre ne souffre aucun délai, étant tenu compte également du pouvoir d’examen complet dont elle doit disposer à cet effet. Dans un contexte de surdimensionnement notoire des zones à bâtir, la révision de la LAT est fondée sur la prémisse que les plans directeurs cantonaux jusqu’alors en vigueur ne sont pas conformes aux exigences légales définissant les besoins en zones à bâtir. L’art. 38a al. 2 LAT, qui limite l’extension de zones à bâtir dans l’attente des planifications directrices conformes au nouveau droit, relève d’un intérêt public majeur et est d’application immédiate.

Art. 38a LAT ; 52a al. 2 OAT

Application du moratoire sur l’extension de la zone à bâtir.

Selon les dispositions transitoires, à compter de l’entrée en vigueur de la révision de la LAT et pour une durée de cinq ans, seuls les classements compensés par des déclassements de même surface sont autorisés. Cela suppose une simultanéité entre les deux opérations. Exceptionnellement, le déclassement peut être différé si le projet présente un caractère urgent. Toutefois, quelle que soit l’urgence, cela ne lève pas l’obligation de déclasser une surface équivalente, le cas échéant de manière différée. Peuvent être reconnus comme projet urgent la construction d’un bâtiment public de grande importance ou d’autres zones d’importance cantonale. En revanche, toute nouvelle zone située dans un pôle de développement ne peut être qualifiée automatiquement de zone d’importance cantonale sans un examen concret du projet ni la réalisation de la condition de l’urgence, celle-ci devant en outre être appréciée à l’échelle d’un moratoire de 5 ans.