Arbitrage

(A. c. B.). Recours contre l’arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la IIChambre civile du Tribunale d’appello del Cantone Ticino. Demande de reconnaissance et exécution d’une sentence arbitrale rendue par la Chambre européenne d’arbitrage de Bruxelles. Sentence condamnant A. à payer à B. USD 6’874’283 à titre d’honoraires pour les services rendus par B. en sa qualité de cabinet de conseil représentant A. dans un arbitrage LCIA. Argument selon lequel le Tribunale d’appello aurait violé l’art. 194 LDIP en appliquant la Convention entre la Suisse et la Belgique sur la reconnaissance et l’exécution de décisions judiciaires et de sentences arbitrales du 29 avril 1959 (CSB ; RS 0.276.191.721), au lieu de la CNY, à la reconnaissance et exécution de la sentence arbitrale. La CNY elle-même réserve, en son article VII al. 1, l’application du droit national ou conventionnel plus favorable à la reconnaissance et à l’exécution de la sentence en question, en vertu d’un examen au cas par cas que le juge de la reconnaissance est libre d’effectuer selon les circonstances. Le Message du Conseil fédéral relatif à l’adoption de la CSB avait lui aussi rappelé que les parties restaient libres de choisir si invoquer la CSB ou la CNY en matière de reconnaissance et exécution des sentences arbitrales. Enfin, le TF a déjà eu l’occasion de confirmer qu’en cas de concurrence entre dispositions conventionnelles, la priorité doit être donnée à la convention ou à la disposition rendant possible ou facilitant davantage la reconnaissance ou l’exécution, conformément au but des conventions bi- ou multilatérales en la matière, qui est de faciliter dans toute la mesure du possible la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales (consid. 5). Le Tribunale d’appello n’a pas violé le droit en retenant que les conditions formelles prévues par la CSB pour la reconnaissance et l’exécution de la sentence litigieuse étaient remplies (consid. 6-7). Enfin, la sentence arbitrale ne contrevient pas à la réserve de l’ordre public telle qu’elle s’applique en matière de reconnaissance et exécution des sentences étrangères (effet dit atténué de l’ordre public), même à supposer qu’elle consacre un pactum de palmario contraire au droit suisse (consid. 8). Recours rejeté.

(A. c. B. Ltd). Recours contre l’arrêt de l’Obergericht du Canton de Zurich du 31 octobre 2019. Procédure de mainlevée définitive portant sur une sentence arbitrale LCIA rendue à Londres dans un litige entre une partie étrangère (B.) et une partie suisse (C.) au sujet d’un contrat de financement de procès. La question litigieuse était si A. (ayant succédé à C.) avait valablement résilié le contrat de financement, dans lequel les parties d’origine (B. et C.) avaient convenu que B. apporterait un soutien pécuniaire à C. dans le cadre d’un autre arbitrage (CCI), opposant C. à D., en contrepartie de la moitié du montant remporté en cas de victoire. Pendant l’arbitrage l’opposant à B., C. a fait faillite. Peu après, l’Office des poursuites de Zug avait désigné A., ancien directeur de C., comme cessionnaire des droits de défense et contestation (art. 260 LP) au regard des prétentions en litige dans l’arbitrage. Dans sa sentence rendue deux ans plus tard, le Tribunal LCIA avait retenu que la résiliation du contrat de financement par A. n’était pas valable, avec la conséquence que A. restait redevable envers B. de 50% du montant qui serait éventuellement reconnu à C. (en liquidation) dans l’arbitrage CCI. De plus, le Tribunal LCIA avait condamné A. à payer à B. 74’298.60 GBP à titre de remboursement des frais de l’arbitrage, intérêts en sus. En janvier 2019, B. avait requis la mainlevée définitive de l’opposition au commandement de payer qu’il avait fait notifier à A. pour le montant des frais de l’arbitrage avec intérêts. Le juge des poursuites de Horgen avait déclaré la sentence exécutoire et ordonné la mainlevée, puis ce jugement avait été confirmé en appel par l’Obergericht ZH. Dans son recours à l’encontre de cette dernière décision, A. fait valoir essentiellement que le litige était devenu non arbitrable en raison de la faillite de C., de sorte que la sentence LCIA ne pouvait pas être reconnue et exécutée en Suisse, en application de l’art. V(2)(a) CNY. Il sied de rappeler qu’en droit suisse, l’arbitrabilité des litiges internationaux est régie par l’art. 177 LDIP, lequel prévoit que « toute cause de nature patrimoniale » peut faire l’objet d’un arbitrage. Les prétentions pécuniaires sujettes au régime de la faillite sont ainsi en principe arbitrables selon l’art. 177 LDIP, sauf dans la mesure où le litige porte sur les voies d’exécution, domaine réservé des juridictions étatiques (consid. 3.6). Le TF rappelle que selon sa jurisprudence l’action en collocation d’une dette n’est en principe pas arbitrable, compte tenu de ses liens étroits avec la procédure de liquidation de la faillite (consid. 3.8), mais il considère que ce principe n’empêche pas nécessairement d’admettre l’arbitrabilité d’un litige portant sur cette créance lorsque l’arbitrage était déjà un cours au moment où a été ouverte la faillite. Le droit interne suisse (art. 207 LP) prévoit la suspension automatique des procédures judiciaires pendantes en cas de faillite d’une partie, et leur prise en compte dans la procédure d’insolvabilité. La loi aménage la possibilité pour les créanciers de décider s’ils souhaitent assumer les risques inhérents à une procédure en cours, voire de désigner l’un d’entre eux comme titulaire du droit de participer à cette procédure. Toutefois, ce régime ne s’applique pas aux procédures (judiciaires ou arbitrales) étrangères (consid. 3.9-3.10). Le législateur a récemment renoncé à prendre position sur ce point, un choix qu’il a fait de manière délibérée, pour laisser la marge de manœuvre nécessaire au développement d’une jurisprudence adaptée aux cas concrets (consid. 3.11). Il est vrai que le TF a récemment décidé qu’un jugement rendu dans une procédure étrangère déjà pendante au moment de l’ouverture de la faillite ne lie pas sans autre le juge de la collocation suisse, mais cela n’empêche pas, contrairement à ce qu’affirme le recourant, que le jugement puisse être reconnu et exécuté en Suisse. La pratique veut que, en cas de procédure pendante à l’étranger, la prise en considération et coordination requises par l’art. 207 LP soient également mises en place, avant que le jugement étranger ne soit rendu, pour que ce dernier puisse ensuite être reconnu et exécuté en Suisse (consid. 3.12). Sur le vu de cette pratique, il n’est pas exclu qu’une sentence arbitrale étrangère rendue dans une procédure déjà pendante au moment de l’ouverture de la faillite suisse puisse être reconnue et exécutée en Suisse (consid. 3.13). En tout état de cause, l’ouverture de la faillite pendente lite ne peut pas être invoquée comme motif de refus de reconnaissance de la sentence, car cet évènement n’a pas pour effet, en droit suisse, de rendre le litige automatiquement inarbitrable au sens de l’art. V al. 2 a. CNY. Recours rejeté.

( c. B. SpA). Recours contre l’arrêt de la Cour de justice du canton de Genève du 19 mai 2017.

Arrêt cantonal rejetant le recours de A. contre une ordonnance du Tribunal de première instance, déclarant exécutoire (en application de la CLug) un jugement rendu par le Tribunal de Lucca, dans une cause opposant A. et B., aux termes duquel une sentence arbitrale émise en Italie à l’encontre de C. et en faveur de B. était également « efficace » vis-à-vis de A. (seul ayant droit économique de C., société-écran dont la personnalité juridique se confondait avec celle de A.). L’autorité cantonale a considéré que le jugement italien constituait une décision au sens de l’art. 32 CLug, et non une simple mesure d’exécution de la sentence arbitrale. En effet, ce jugement avait été rendu à l’issue d’une instruction complète, n’opposait pas les mêmes parties, et statuait sur une question différente de celle soumise aux Arbitres : ceux-ci avaient tranché la question de savoir si C. était tenue au paiement d’une facture émise par B., alors que le Tribunal de Lucca avait tranché celle de savoir si A. était tenu à un tel paiement en raison de son identité avec C. Ainsi, c’est à bon droit que la Cour cantonale a confirmé l’application de la CLug, car, en l’espèce, l’objet de la décision italienne dont l’exequatur est requis n’est pas l’arbitrage en tant que tel mais une question de droit civil matériel que le Tribunal arbitral n’a pas été amené à trancher et qui n’oppose pas les personnes qui étaient parties devant lui. La décision en cause ne sert donc pas à mettre en œuvre l’arbitrage. Partant, la décision italienne entre bien dans le champ d’application de la CLug, et il suit de là que le grief de la violation de l’art. III ss CNY doit être rejeté (consid. 5). Recours rejeté.

TF 4A_279/2010

2010-2011

(X.__ Holding AG, X.__ Management SA, A.__, B.__ c. Y. [société d’investissement établie aux Antilles] Investments N.V.)

Examen de la validité d’une convention d’arbitrage. Recours contre l’arrêt rendu par l’Obergericht de Zoug le 8 avril 2010. Lorsque le siège de l’arbitrage est à l’étranger, les instances judiciaires suisses procèdent à un examen complet, avec plein pouvoir de cognition en fait et en droit, de la validité d’une convention d’arbitrage selon les critères de la CNY (art. II(3)) (consid. 2). Si les termes de la clause arbitrale ne sont pas suffisamment précis pour établir avec certitude l’intention des parties de convenir de l’arbitrage comme mode exclusif de résolution des litiges, on est en présence d’une clause pathologique incurable (unheilbar pathologische Klausel) (consid. 3).

TF 4A_403/2008

2008-2009

Convention de New York

(Compagnie X. SA c. Fédération Y.)

La recourante s’oppose à une demande de reconnaissance en Suisse d’une sentence arbitrale. Premier motif : la sentence n’est pas encore « obligatoire » au sens de l’art. V ch. 1 lit. e CNY. Le TF estime que le simple fait qu’un recours en annulation est possible ou a été déposé dans l’Etat d’origine contre la sentence dont la reconnaissance est requise dans un Etat tiers ne retire pas son caractère « obligatoire » à cette sentence. Second motif : l’effet suspensif automatique découlant de l’art. 1506 NCPC (français) suffirait à empêcher l’exequatur de la sentence. Le TF confirme sa jurisprudence inaugurée à l’ATF 5P.371/1999 selon laquelle seul un effet suspensif accordé par une décision de justice (et non pas un effet suspensif ex lege) constitue un motif d’opposition au sens de l’art. V ch. 1 lit. e CNY.