(A. Limited c. B. AG). Recours contre l’arrêt rendu le 30 juin 2015 par le Tribunal cantonal de Zug.
Question de la qualification d’un jugement rendu par la Cour du Dubai International Financial Centre (DIFC) – en tant que décision judiciaire ou sentence arbitrale – laissée ouverte par la Tribunal cantonal au motif que le jugement ne pouvait de toute manière être reconnu, faute pour l’intimée d’avoir été citée régulièrement dans la procédure dubaïote (art. 27 al. 2 LDIP). La juridiction cantonale se devait de procéder à la qualification du jugement de la Cour DIFC, car de cette détermination dépend également la réponse à la question de savoir si sa reconnaissance et son exécution sont sujettes aux règles de la LDIP ou de la CNY (consid. 4.1-4.2). Recours admis ; renvoi de la cause à la cour inférieure pour qu’elle procède à la qualification et tranche le litige en conséquence (consid. 4.3). Note : nouvel arrêt du Tribunal cantonal, qualifiant le jugement de la Cour DIFC de décision judiciaire, rendu le 20 octobre 2016. Qualification non remise en cause par le Tribunal fédéral lors du recours (admis à nouveau) contre ce dernier arrêt (ATF 143 III 225).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( SA c. B. Ltd)
Recours contre l’arrêt rendu le 5 mars 2015 par la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois. Cas où le contrat, contenant une clause d’arbitrage GAFTA, n’a pas été signé par les parties mais par un courtier, selon l’usage de la branche, et l’accord des parties au sujet de ladite clause ne résulte pas non plus de la correspondance échangée entre elles ou avec le courtier. Convention d’arbitrage ne respectant ni la forme prescrite par l’art. II al. 2 CNY, ni les conditions de forme de l’art. 178 al. 1 LDIP, appliqué à titre de droit national plus favorable en vertu de l’art. VII al. 1 CNY (consid. 3.3). Selon le droit anglais régissant la validité matérielle de la convention d’arbitrage, les parties sont censées conclure une convention d’arbitrage en la forme écrite si, dans les écritures échangées en cours de litige, l’une d’entre elles allègue l’existence d’une telle convention et l’autre ne la conteste pas. La recourante, qui n’a pas contesté et a même allégué l’existence de la clause d’arbitrage dans ses écritures devant le tribunal arbitral et les cours anglaises, commet un abus de droit en se prévalant des exigences formelles de l’art. II al. 2 CNY au stade de l’exequatur (consid. 3-4). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( SA c. Y. GmbH)
Recours contre l’arrêt rendu le 23 janvier 2014 par la Cour d’appel du canton de Zurich.
En principe, une sentence obtenue par des manœuvres frauduleuses est contraire à l’ordre public procédural. Toutefois, l’ouverture d’une procédure pénale à l’encontre de témoins impliqués dans l’arbitrage dont il est allégué qu’ils auraient commis une fraude procédurale (faux témoignage) ne justifie pas à elle seule que le juge requis refuse d’exécuter la sentence en application de l’art. V ch. 2 let. b CNY. Encore faut-il établir que la prétendue conduite frauduleuse ait influencé la sentence, ce que la recourante n’a pas fait. L’art. 328 al. 1 CPC, auquel elle se réfère en soutenant qu’il devrait être appliqué par analogie à l’interprétation du motif de refus de l’art. V ch. 2 let. b CNY, va d’ailleurs dans le même sens (consid. 6.2). L’art. VI CNY permet au juge requis de surseoir à statuer sur l’exécution de la sentence en cas de demande d’annulation auprès de l’autorité compétente. Cette disposition laisse au juge une large marge d’appréciation quant à l’opportunité d’une telle décision. Un sursis ne se justifie en tout cas pas pour la seule raison qu’un recours en annulation a été déposé. C’est au vu des circonstances concrètes du cas d’espèce, y compris les chances de succès du recours, que le juge de l’exécution décidera s’il y a lieu d’appliquer l’art. VI CNY (consid. 7.1). En l’occurrence, les chances de succès de la recourante devant l’instance d’annulation sont manifestement faibles. De plus, le principe de la célérité s’oppose à ce que l’exécution de la sentence soit suspendue en attendant l’issue d’une procédure de recours tout juste entamée et dont la durée ne peut être déterminée d’avance (consid. 7.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. c. B.)
Recours contre l’arrêt rendu le 11 avril 2014 par la Cour de justice de Genève.
Question du droit que le juge de l’exequatur doit appliquer en statuant, selon l’art. V ch. 1 let. b CNY (violation du droit d’être entendu), sur la validité de la notification des actes relatifs à une procédure arbitrale. Savoir si cette disposition instaure un standard international ou renvoie au droit de l’Etat d’exécution est un point débattu. La pratique tend à partir de la conception du droit d’être entendu de l’Etat requis tout en tenant compte des spécificités de l’arbitrage et des critères internationaux. De ce point de vue, il est admis que la notification effectuée conformément au droit de l’Etat du domicile du destinataire est dans tous les cas suffisante pour assurer le respect du droit d’être entendu au sens de l’art. V ch. 1 let. b CNY.
Quant à l’adresse de notification, la jurisprudence considère que la communication des actes à la dernière adresse connue du destinataire, en conformité avec le règlement d’arbitrage adopté par les parties, doit également suffire, en particulier lorsque le destinataire doit raisonnablement s’attendre à une communication (consid. 5.2.2.2).
Grief tiré de l’art. V ch. 2 let. b CNY (violation de l’ordre public) en relation avec un pactum de quota litis fixant la rémunération de l’intimé en tant qu’avocat du recourant. Une méthode de fixation des honoraires d’avocat ne contrevient pas à l’ordre public du seul fait qu’elle est inconnue en droit suisse. La question déterminante est bien plutôt celle de savoir si l’écart entre les honoraires fixés de cette manière et le résultat auquel on arriverait en appliquant une méthode acceptée en droit suisse apparaît manifestement incompatible avec le sentiment de justice interne (consid. 7.2.2.2).
En l’espèce, l’autorité cantonale a considéré, à raison, que le rapport entre les honoraires litigieux et le gain de la cause ne justifiait pas le refus de l’exécution de la sentence (consid. 7.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( Ltd. [société de droit suisse] c. Société Z. [société de droit iranien])
Recours contre l’arrêt de la Cour de justice de Genève du 22 mars 2013 confirmant l’exequatur d’une sentence arbitrale étrangère et la mainlevée définitive de l’opposition à un commandement de payer. Sentence condamnant solidairement X. et trois sociétés israéliennes attraites à ses côtés à payer à Z. 96’993’890 USD pour cinq cargaisons de pétrole livrées en 1978. Griefs de la débitrice suisse fondés à divers titres sur l’embargo institué par la communauté internationale et les mesures prises par l’Etat d’Israël à l’encontre de la République islamique d’Iran (art. 5 al. 4 Cst. et art. 30 aLP, incompatibilité avec l’ordre public suisse (consid. 3) ; art. 29 al. 2 Cst., 81 al. 1 LP (consid. 4)). Recours rejeté. Communication d’une copie de l’arrêt du TF au Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) à titre d’information, en conformité avec l’ordonnance du Conseil fédéral du 19 janvier 2011 instituant des mesures à l’encontre de l’Iran (RS 946.231.143.6), la créance pour laquelle Z. a obtenu la mainlevée définitive de l’opposition pouvant tomber sous le coup de ladite ordonnance (consid. 6).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. c. B. et C.)
Art. IV CNY
Recours contre l’arrêt de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois du 12 avril 2012, considérant qu’un séquestre pouvait être ordonné sur présentation d’une sentence arbitrale étrangère en l’absence d’une décision d’exequatur préalable. Saisi d’un recours contre un arrêt sur opposition à séquestre, le TF ne revoit l’application du droit fédéral que sous l’angle restreint de l’arbitraire, s’agissant d’une procédure sur mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF. A la lumière du texte de la LP, tout comme de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires relatifs à la modification de cette loi suite à l’entrée en vigueur de la CL révisée de 2007, il n’est pas arbitraire d’admettre que la notion de titre de mainlevée définitive au sens de l’art. 271 al. 1 ch. 6 LP comprend tous les jugements suisses et étrangers, même « non Lugano », y compris les sentences arbitrales étrangères (consid. 4.5.1). Il doit également être admis que de telles décisions sont susceptibles de fonder un séquestre sur la base de l’art. 271 al. 1 ch. 6 LP sans avoir fait l’objet d’une procédure d’exequatur préalable. Ainsi, le juge du séquestre doit statuer à titre incident, à la suite d’un examen sommaire du droit et des faits rendus simplement vraisemblables, sur le caractère exécutoire d’une décision étrangère « non Lugano » (consid. 4.5.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. SA c. Y. [société anonyme de droit mauricien] et Z.)
Art. V CNY
Recours contre les décisions du Tribunal cantonal du canton du Valais du 5 décembre 2012. Sentence arbitrale CCI du 5 décembre 2011 invoquée comme titre de créance dans le cadre de deux requêtes de mainlevée définitive par les poursuivants, Y. et Z., à l’encontre de X. Jugement en première instance déclarant la sentence exécutoire et ordonnant la mainlevée définitive des oppositions aux commandements de payer interjetées par X. Recours contre ce jugement rejeté par le Tribunal cantonal. Caractère subsidiaire de la réserve de l’ordre public au sens de l’art. V ch. 2 let. b CNY en ce qui concerne la régularité de la procédure arbitrale, qui doit être examinée en premier lieu sous l’angle de l’art. V ch. 1 let. b CNY (consid. 4.2.1). Décision incidente, dans la procédure arbitrale, refusant la récusation d’un arbitre, rendue sans les motifs conformément au règlement applicable. L’exequatur de la sentence rendue au terme de cette procédure peut-il être refusé, sur requête de la partie contre laquelle la sentence est invoquée, au motif que son droit d’être entendue aurait été violé, faute pour elle d’avoir obtenu une décision motivée sur le rejet de sa requête de récusation? L’absence de motivation dans la sentence rend plus difficile la tâche du juge de l’exequatur, appelé à la contrôler, mais un tel risque doit être supporté par la partie qui a librement accepté de se soumettre à une juridiction arbitrale, dont les règles de procédure ne sont pas sujettes au mêmes contraintes formelles que celles d’une juridiction étatique (consid. 4.2.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. [société slovaque] c. B. [société syrienne])
Recours contre l’arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 20 mai 2011.
L’art. IV(1) let. b de la CNY prévoit que la partie qui se prévaut d’une sentence arbitrale étrangère doit produire, pour en obtenir la reconnaissance et l’exécution, l’original de la convention d’arbitrage « ou une copie réunissant les conditions requises pour son authenticité ». La jurisprudence commande que l’on évite de faire une application excessivement formaliste de cette disposition. En particulier, le grief d’absence d’authentification de la clause compromissoire ne doit pas être retenu lorsque la partie qui l’invoque ne conteste pas l’authenticité de la clause elle-même (consid. 5).
(X. [société avec siège en Suisse] SA c. Z. [société avec siège aux Etats-Unis] LLC)
Recours contre la décision de la Cour cantonale de Schwyz du 10 octobre 2011.
Question controversée de la nature impérative ou non de l’exigence, selon l’art. IV(2) CNY, du dépôt d’une traduction certifiée d’une sentence arbitrale rédigée en une langue autre que la ou les langues officielles du pays où la reconnaissance en est demandée. Eu égard à l’objet et au but de la CNY, qui est de faciliter la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, l’art. IV(2) CNY doit être interprété de manière souple, pragmatique et non-formaliste (consid. 5.4).
En l’espèce, la Cour cantonale schwyzoise aurait fait preuve d’un formalisme contraire à l’esprit et au but de la CNY si elle avait refusé de reconnaitre la sentence (en langue anglaise, dont la Cour cantonale avait déclaré posséder une connaissance suffisante pour examiner la sentence à la lumière des dispositions pertinentes de la CNY) au motif que ladite sentence n’était pas accompagnée d’une traduction intégrale, alors que le requérant avait déposé une traduction du dispositif et de la section de la sentence contenant la décision de l’arbitre sur les frais de l’arbitrage, à savoir précisément la section faisant l’objet des griefs de la partie s’opposant à la reconnaissance et exécution de la sentence (consid. 5.5).