(X. Inc. [société sise aux Iles Vierges Britanniques] c. Z. Ltd. [société sise à Hong Kong]). Recours contre la sentence rendue le 23 novembre 2016 par un Tribunal arbitral statuant sous l’égide de la SCAI.
Le Tribunal arbitral constate dans sa sentence qu’un séquestre a été régulièrement validé par une action en reconnaissance de dette. Le Tribunal fédéral et la doctrine reconnaissent la possibilité pour l’action en validation de séquestre d’être soumise à un tribunal arbitral. Qu’un tribunal arbitral soit compétent pour statuer sur l’existence de la créance formant l’objet de l’action en validation de séquestre et condamner le débiteur à s’exécuter n’implique pas nécessairement qu’il puisse aussi se prononcer sur une conclusion en mainlevée définitive de l’opposition au commandement de payer prise par le créancier demandeur. C’est le contraire qui est vrai. Le prononcé de mainlevée est un incident de pur droit des poursuites qui ressortit exclusivement à une autorité étatique et échappe, partant, à la compétence d’un tribunal arbitral, faute d’arbitrabilité. L’exception d’incompétence du tribunal arbitral doit être soulevée préalablement à toute défense sur le fond, sous peine de forclusion (art. 186 al. 2 LDIP). La question de savoir si l’exception d’inarbitrabillité obéit à la même règle est controversée. En l’espèce, elle peut être laissée ouverte car l’action en reconnaissance de dette est arbitrable (consid. 3.2.2.1), et le chef du dispositif de la sentence où le Tribunal constate, sans en avoir la compétence, que le séquestre a été « valablement validé » est à la fois superflu et sans portée propre. Dès lors, la recourante ne peut se prévaloir d’un intérêt digne de protection pour conclure à l’annulation de la sentence sur cette base (consid. 3.2.2.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler, Juliette van Berchem
(A.[avocat] c. Stiftung B. [Fondation indépendante à but non lucratif de droit allemand]). Recours contre la sentence incidente rendue le 5 octobre 2017 par un Tribunal arbitral ad hoc.
Clause d’arbitrage contenue dans un contrat de mandat conclu entre A. et le feu Dr C., dont la fondation B. était seule héritière, au sujet de la Corporation X. Refus de A. de transférer à B. le certificat d’actions de X. qu’il détenait pour le compte du Dr C. Ce faisant, A. alléguait exercer un droit de rétention découlant de créances dont il était titulaire, en rapport avec le mandat et d’autres accords. Argument de A. selon lequel le Tribunal arbitral n’était pas compétent pour décider de toutes les prétentions à l’origine du droit de rétention. Si l’interprétation de la convention d’arbitrage ne permet pas d’établir l’intention commune des parties, elle doit être interprétée à la lumière du principe de confiance. En l’espèce, malgré le choix d’une formulation peu expansive pour décrire la portée de la clause d’arbitrage (visant les différends « découlant du présent contrat »), rien n’indique que les parties souhaitaient restreindre la compétence du Tribunal arbitral dans leur convention. La clause d’arbitrage contenue dans un contrat s’applique en principe également aux différends relatifs à la formation et à la résiliation de ce contrat, ainsi qu’aux droits accessoires par rapport aux obligations principales résultant du contrat. Le Tribunal arbitral a donc eu raison de se déclarer compétent pour toutes les prétentions du recourant en lien avec le mandat et sa résiliation, y compris les éventuelles créances présentant un tel lien et couvertes par le droit de rétention invoqué par lui (consid. 3.2-3.5). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler, Juliette van Berchem
(X. Ltd [société de droit turc] c. Z. Ltd [société ayant son siège à Kowloon (Hong-Kong)]). Recours contre la sentence finale rendue le 25 février 2016 par une Arbitre unique statuant sous l’égide de la SCAI, au terme d’une procédure accélérée au sens de l’art. 42 Swiss Rules.
Reproche fait à l’arbitre d’avoir rendu la sentence un jour après l’échéance du délai de six mois stipulé à l’art. 42(1)(d) dudit règlement, soit après que ses pouvoirs s’étaient éteints. En réalité l’arbitre a rendu la sentence le jour même de l’échéance du délai (soit six mois à compter du lendemain de la date à laquelle elle avait reçu le dossier de l’arbitrage, en accord avec l’art. 2(2) Swiss Rules), donc dans les temps (consid. 4.2.1-4.2.2). A supposer même que le délai ait été dépassé d’un jour, quod non, la situation où l’arbitre se serait par hypothèse trompé d’un jour en calculant le délai résultant du règlement d’arbitrage serait sans commune mesure avec celle sous-jacente à l’ATF 140 III 75, invoqué par la recourante, où l’arbitre n’avait pas respecté un accord passé avec les parties quant à la date de fin de sa mission, après que celles-ci lui avaient adressé de nombreuses mises en demeure - toutes restées sans effet (consid. 4.2.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. A.S. [société de droit turc] c. B. Co. Ltd. [société de droit irakien]). Recours contre la sentence partielle rendue le 11 avril 2016 par un Tribunal arbitral CCI.
Shareholders’ Agreement, contenant une convention d’arbitrage, conclu entre A. et D., actionnaires de B., amendé par des protocoles ultérieurs, dont un prenant acte du fait que E. avait succédé à D. suite au rachat des actions de cette dernière. Accords connexes contenant des clauses compromissoires divergentes. Dépôt d’une demande d’arbitrage par A. à l’encontre de E. et B. Sentence partielle portant déclaration d’incompétence du Tribunal à l’égard de B., ainsi que des prétentions de A. tirées des accords connexes. Question de la portée subjective de la convention d’arbitrage, examinée par le Tribunal arbitral au regard du droit suisse. La recourante tente en vain de remettre en question le processus d’interprétation par lequel le Tribunal est parvenu à mettre au jour la volonté réelle des parties, par une appréciation des preuves qui échappe au contrôle du TF dans le cadre d’un recours contre une sentence arbitrale internationale (consid. 3.2.1-3.2.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. Corporation, B. Company [sociétés détenues directement ou indirectement par l’Etat d’Egypte, actives dans le commerce du pétrole et du gaz naturel], désignées collectivement sous l’acronyme B., c. X. [société de droit égyptien], Y. Corporation Ltd [société de droit israélien, détenue par l’Etat d’Israël, active dans la production et commercialisation d’électricité]).
Recours contre la sentence rendue le 4 décembre 2015 par un Tribunal arbitral CCI. Complexe de contrats, tous soumis au droit anglais, conclus dans le cadre du Gas for Peace Deal passé entre l’Egypte et Israël en 2005, et relatifs à la fourniture et livraison de gaz à la société israélienne Y. par les deux sociétés égyptiennes B. et X. (cette dernière agissant en tant qu’intermédiaire entre B. et Y.). Plus spécifiquement, conclusion d’un contrat de fourniture entre B. et X., prévoyant l’arbitrage sous l’égide du Cairo Regional Center for International Commercial Arbitration (CRCICA) comme mode de résolution des différends, suivi d’un contrat de vente entre B. et X., prévoyant l’arbitrage CCI en cas de différend, et accompagné d’un accord tripartite (Tripartite Agreement) entre B., X. et Y., prévoyant lui aussi l’arbitrage CCI. Litige survenu suite à des retards de livraison, aggravés par les événements liés au mouvement révolutionnaire du Printemps arabe. Initiation de plusieurs procédures d’arbitrage, CCI et CRCICA. En l’espèce, reproche fait par B. au Tribunal CCI saisi par X. de s’être déclaré à tort compétent pour statuer sur le litige la divisant d’avec B. sur la base de la clause compromissoire contenue dans le Tripartite Agreement. L’existence d’une créance de X. envers B. au titre de cet accord (légitimation active de X.) constitue la condition sine qua non de la compétence du Tribunal CCI (consid. 3.4.1). Question à résoudre en interprétant l’art. 1 du Tripartite Agreement, clause substantielle non sujette au rattachement in favorem validitatis de l’art. 178 al. 2 LDIP, qui s’applique uniquement à la clause compromissoire, quand bien même l’art. 1 du Tripartite Agreement règle une question préliminaire pertinente pour déterminer la compétence du Tribunal (consid. 3.4.2). La méthode des recourantes, consistant à présenter six arguments distincts pour étayer leur grief fondé sur l’art. 190 al. 2 let. b LDIP est critiquable, car la question de la compétence suppose une appréciation globale de la situation juridique. Cela étant, les six arguments en question sont sans fondement (consid. 3.5.1). Recours rejeté (voir également les consid. 4.2-4.5 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A., B. [sociétés de droit libyen] c. C. [société de droit libyen]). Recours contre la sentence incidente rendue le 15 mai 2016 par un Tribunal arbitral CCI.
Conclusion entre la première recourante (A.) et l’intimée (C., demanderesse à l’arbitrage) d’un contrat portant sur la construction d’un immeuble en Libye, soumis aux règles FIDIC et contenant une clause d’arbitrage CCI, suivi deux mois plus tard d’un Public Works Contract entre les mêmes parties, contenant une clause d’élection de for en faveur des tribunaux libyens. Dépôt d’une demande d’arbitrage par C. suite aux difficultés engendrées sur le terrain par le mouvement révolutionnaire du Printemps arabe. Exception d’incompétence soulevée par A. et B., qui avaient entretemps entamé une procédure judiciaire devant les cours libyennes, rejetée par le Tribunal arbitral dans un Interim award réglant également la question du droit applicable au fond. Recours au motif que le Tribunal aurait violé le droit d’être entendues de A. et B. dans l’instruction de la cause relative à la question de sa compétence (au sujet de l’admissibilité d’un tel recours, voir le résumé de l’ATF 140 III 477 dans l’édition 2014/2015 de cette chronique). La garantie du droit d’être entendu inclut certes la faculté pour chaque partie de présenter son argumentation juridique et moyens de preuve sur les questions à décider, à condition toutefois qu’une telle faculté soit exercée à temps et dans les formes requises (consid. 3.1.1). Or, les allégations et arguments que les recourantes reprochent au Tribunal d’avoir ignoré dans la sentence – outre le fait qu’en réalité le Tribunal ne les a pas ignorés, mais plutôt implicitement rejetés – ont été présentés de manière tardive dans l’arbitrage, en partie même après la clôture des débats (consid. 3.2.2-3.3.3). Par ailleurs, les recourantes sont forcloses d’invoquer le fait que B. n’aurait pas été partie au contrat FIDIC – de sorte que le Tribunal ne serait pas compétent à son égard –, car elles n’ont pas soulevé l’objection correspondante dans l’arbitrage (consid. 3.4). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. SA [société de droit français] c. La République socialiste du Vietnam]). Recours contre la sentence finale rendue le 28 septembre 2015 par un Tribunal arbitral CNUDCI.
Notion d’investissement au sens du Traité bilatéral d’investissement (TBI) conclu entre la France et le Vietnam en 1992. Il n’existe à ce jour aucune définition universellement acceptée de cette notion dans les traités de protection et promotion des investissements. C’est donc à raison que le Tribunal s’est focalisé, lors de l’examen de sa propre compétence, sur le texte du TBI topique. Compte tenu de l’expérience et renommée internationale des arbitres en question (reconnues par les deux parties), le TF ne s’écartera pas sans nécessité de leur opinion unanime sur ce point, bien qu’il jouisse d’une pleine cognition à cet égard (consid. 3.4.1). Le Tribunal arbitral a interprété l’art. 1(1) TBI (définissant les investissements protégés) en conformité avec les principes d’interprétation de l’art. 31 al. 1 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. C’est donc à bon droit qu’il a décliné sa compétence pour connaître de la demande de la recourante, qui n’entrait pas dans les prévisions du TBI ainsi élucidées (consid. 3.4.4). Le moyen pris de la violation de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP tombe à faux. Recours rejeté (voir également le consid. 4.3.1 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. GmbH [société allemande] c. B. Inc. [société grecque]). Recours contre la sentence finale rendue le 18 octobre 2016 par un Tribunal arbitral CCI, au motif que ce dernier se serait déclaré à tort compétent.
Contrat de vente stipulant que « [a]ll disputes arising out of or in connection with this agreement shall be finally settled […] by the International Chamber of Commerce of Geneva, under the Rules of Conciliation and Arbitration of the International Chamber of Commerce […] ». Clause arbitrale pathologique, désignant une institution qui n’existe pas. Interprétation selon le principe de la confiance, faute pour le Tribunal arbitral d’avoir pu établir la volonté réelle et commune des parties. C’est à bon droit que le Tribunal a conclu que la référence à l’« International Chamber of Commerce of Geneva » devait être comprise comme la soumission à un tribunal CCI ayant son siège à Genève, compte tenu en particulier du choix (clair) des parties d’avoir un arbitrage régi par le Règlement CCI, et sachant qu’il ne va pas de soi qu’une institution tierce (en l’espèce, selon l’argumentation de la recourante, la Swiss Chambers’ Arbitration Institution), accepte d’administrer une procédure conduite sous un règlement autre que le sien, ce qui aurait de toute évidence créé des difficultés. Rappel du principe voulant que l’interprétation selon le principe de la confiance doive viser un résultat rationnel ; il n’y a pas lieu de présumer que les parties auraient opté pour une solution inadéquate (consid. 3.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(Fédération X. c. Z. Sàrl), destiné à la publication aux ATF. Recours contre la sentence incidente sur compétence rendue le 18 janvier 2013 par un Tribunal arbitral constitué conformément au Traité sur la Charte de l’énergie.
Actionnée dans l’arbitrage, la Fédération X. a soulevé cinq exceptions d’incompétence distinctes. Le Tribunal arbitral a décidé de scinder la procédure et de n’examiner, dans la première phase, que les motifs afférents à trois de ces cinq exceptions, les deux exceptions résiduelles devant être traitées en même temps que le fond du litige. Sentence écartant les trois exceptions examinées dans cette première phase. La sentence attaquée est donc une sentence incidente sur compétence au sens des arts 186 al. 3 et 190 al. 3 LDIP, qui a la particularité d’être ‘partielle’ du fait qu’elle ne se prononce que sur une partie des exceptions d’incompétence soulevées par la recourante. La recevabilité d’un recours qui ne tranche que partiellement la question de la compétence du tribunal arbitral n’a pas, à ce jour, été examinée par le Tribunal fédéral et la doctrine spécialisée. Cette question met en exergue la tension existante entre le principe de l’économie de procédure, voulant qu’un recours contre une décision sur compétence soit intenté immédiatement, sous peine de forclusion, et le principe selon lequel le Tribunal fédéral, autorité judiciaire suprême du pays dont la mission principale est d’assurer l’application uniforme du droit fédéral et garantir le respect des droits fondamentaux, ne devrait pas avoir à connaître à plusieurs reprises d’une même affaire, qui plus est en matière d’arbitrage, une méthode privée de règlement des conflits n’intéressant qu’un nombre limité d’initiés en Suisse, et pour des raisons tactiques ou résultant de la manière dont les arbitres choisissent de conduire la procédure. Pour répondre à la question, il convient de se référer à la disposition topique, soit l’art. 190 al. 2 let. b LDIP, lequel requiert, pour que le grief correspondant puisse être invoqué, que le tribunal arbitral ait rendu une décision au sujet de sa compétence, en d’autres termes qu’il ait tranché de manière définitive cette question. Tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque le Tribunal arbitral pourrait encore se déclarer incompétent une fois qu’il aura examiné les deux exceptions réservées pour la phase au fond du litige (consid. 3.2.1-3.2.2). Le recours est donc irrecevable. Cela étant, lorsque le Tribunal aura statué définitivement sur sa compétence, il va de soi que sa décision pourra être attaquée par la recourante, y compris pour les trois motifs ayant été écartés dans la sentence incidente ici examinée, sans que celle-ci puisse voir s’imputer un comportement contraire aux règles de la bonne foi (consid. 3.3).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(République A. [Hongrie] c. B. International [société holding de droit français])
Recours contre la sentence finale rendue le 3 décembre 2014 par un tribunal constitué conformément au Traité sur la Charte de l’énergie (TCE) et au Règlement d’arbitrage CNUDCI. Notions de contract claims, treaty claims et umbrella clause (clause parapluie) au sens des arts 10(1) et 26 TCE. Principes régissant l’interprétation des traités internationaux et des réserves y afférentes : comme tout traité, le TCE doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but (art. 31 al. 1 CVDT).
Les mêmes principes valent pour l’interprétation de la réserve formulée par la recourante à l’art. 10 al. 1 TCE, dernière phrase (exclusion des litiges relatifs à d’éventuelles violations de la clause parapluie de la portée ratione materiae de la convention d’arbitrage contenue dans le TCE), car une réserve doit être considérée comme faisant partie intégrante du traité auquel elle se rapporte. En vertu d’un principe général de procédure, le contenu et le fondement juridique des prétentions élevées par le demandeur constituent le point de départ pour l’analyse de la compétence du tribunal. D’autre part, ce dernier n’est pas lié par l’argumentation du demandeur dans son appréciation juridique des faits allégués à l’appui de la demande. A la lumière de ces principes, c’est à raison que le tribunal arbitral s’est déclaré compétent pour connaître du litige porté devant lui sur le fondement de l’art. 10 al. 1 TCE, première partie (consid. 3.5). Recours rejeté (voir également les consid. 4.3 et 5.3 de cet arrêt, résumés ci-dessous en relation avec les art. 190 al. 2 let. d et e respectivement).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( Co. [société iranienne] c. Z. Limited [société chypriote])
Recours contre la sentence rendue le 2 janvier 2015 par l’arbitre unique siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Principe de l’autonomie de la convention d’arbitrage (consid. 3.2.1). Situation exceptionnelle dans laquelle une clause compromissoire revêtue de la forme requise (consid. 3) et correspondant à la volonté réelle et commune des parties (consid. 4 et 5) doit être jugée valable, indépendamment de la question de savoir si le contrat dans lequel elle figurait est ou non venu à chef (consid. 6). Volonté réelle des parties ressortant, in casu, de l’échange de plusieurs projets d’un contrat-cadre dans lesquels, après avoir été modifiée par chaque partie, la clause compromissoire est restée inchangée, alors que les pourparlers se poursuivaient sur d’autres points (consid. 5).
Possibilité pour les parties de convenir de soumettre la clause compromissoire à des exigences de forme plus strictes que celle de l’art. 178 al. 1 LDIP (par exemple, signature au sens de l’art. 13 CO) : question laissée ouverte (consid. 3.3.1). Application de la théorie du groupe de contrats : lorsque plusieurs contrats se trouvent dans une relation de connexité matérielle, tels le contrat-cadre et les différents contrats qui s’y rattachent, mais qu’un seul d’entre eux contient une clause d’arbitrage, il y a lieu de présumer, à défaut d’une règle explicite stipulant le contraire, que les parties ont entendu soumettre également les autres contrats du même groupe à cette clause d’arbitrage (consid. 5). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( Ltd [société active dans l’exploration et la production d’hydrocarbures] c. Y. S.p.A. [société active dans l’exploration, la production, le transport par canalisations, la transformation et la commercialisation d’hydrocarbures et de leurs dérivés])
Recours contre la sentence sur compétence rendue le 13 octobre 2015 par un Tribunal CNUDCI. Clause compromissoire prévoyant que tout différend survenant au sujet du contrat sous-jacent devra faire l’objet d’une tentative préalable de conciliation selon le Règlement ADR CCI, l’arbitrage selon le règlement CNUDCI étant prévu pour les différends non résolus par voie de conciliation. Comme le tribunal arbitral l’a déjà correctement constaté, le préalable de conciliation convenu entre les parties est obligatoire. Or, contrairement à l’avis du tribunal, la tentative de conciliation prévue dans la clause litigieuse n’a pas eu lieu, car la procédure initiée à cette fin a été interrompue prématurément (consid. 2.4.2).
Par ailleurs, l’invocation par la recourante du non-respect de l’obligation de conciliation préalable ne relève pas de la mauvaise foi (consid. 2.4.3). Dès lors, se pose la question de la sanction appropriée pour la violation d’une telle obligation. Le fait que le TF envisage le grief tiré de la violation d’un mécanisme contractuel constituant un préalable obligatoire à l’arbitrage sous l’angle de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP ne dicte pas nécessairement la solution à retenir à cet égard. Sanctionner un tel manquement par des dommages-intérêts n’est généralement pas une solution satisfaisante. Déclarer la demande irrecevable et clore la procédure comporte de nombreux inconvénients, notamment la nécessité – au cas où la tentative de conciliation s’achèverait par un échec – de reconstituer le tribunal, et le risque qu’un délai de prescription échoue avant que le demandeur ne puisse réintroduire l’arbitrage. La solution préférable est donc la suspension de l’arbitrage, couplée avec la fixation d’un délai permettant aux parties d’achever la procédure de conciliation (consid. 2.4.4). Recours admis. La sentence sur compétence est annulée et la procédure d’arbitrage pendante est suspendue, selon des modalités à fixer par le tribunal, jusqu’à l’achèvement de la procédure conciliation.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(Laboratoire A. [société de droit français] c. B. Ltd. [société de droit anglais] et C. [société de droit russe])
Recours contre la sentence incidente sur compétence rendue le 3 février 2015 par l’arbitre unique siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Interprétation de la convention d’arbitrage selon le droit suisse. Contrat de distribution contenant une clause pathologique intitulée « Arbitration » et prévoyant qu’en cas de litige « the parties shall submit their dispute to the empowered jurisdiction of Geneva, Switzerland ». L’interprétation subjective de l’arbitre, qui est parvenu à établir la volonté réelle et commune des parties d’arbitrer sur la base du texte de la clause litigieuse et de leur comportement subséquent, est une constatation de fait qui lie le TF. Au demeurant, même une interprétation objective, visant à établir le sens que les parties pouvaient et devaient – de bonne foi – donner à la clause en question en fonction de l’ensemble des circonstances – y compris le fait que l’arbitrage tend à devenir la justice de droit commun du commerce international – démontrerait qu’il s’agit bel et bien d’une convention d’arbitrage (consid. 2.2.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. [avocat], B. AG [société de négoce de titres] c. C. [investisseur privé])
Recours contre la sentence rendue le 10 février 2015 par l’arbitre unique CCI. L’exception d’incompétence doit être soulevée préalablement à toute défense sur le fond (art. 186 al. 2 LDIP). Les recourantes ne sauraient invoquer le fait que, sur la base d’une interprétation différente de celle défendue par elles, l’arbitre se serait fondé sur un accord autre que le contrat principal, ne contenant pas – contrairement à ce dernier – de clause compromissoire, pour donner raison au demandeur à l’arbitrage, dès lors que cette interprétation était loin d’être surprenante. Faute d’avoir excipé de l’incompétence de l’arbitre à l’égard de cet accord distinct en temps voulu, les recourantes sont forcloses à le faire au stade du recours (consid. 3.2).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. et B. S.r.l. c. C.A., D.A. et E.A.)
Recours contre la sentence sur compétence rendue le 28 août 2015 par un arbitre unique ad hoc. La question de la légitimation active et passive relève du fond de la controverse et non pas de la détermination de la compétence arbitrale (consid. 4). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( AG c. B. AG)
Recours contre la sentence sur compétence rendue le 18 décembre 2015 par un tribunal ad hoc siégeant à Bâle. Extension de la convention d’arbitrage à un tiers non-signataire. Contrat-cadre contenant une stipulation par laquelle les parties se garantissaient mutuellement que leurs filiales respectives observeraient toutes les obligations découlant du contrat. Le tribunal a retenu – à raison – que la recourante, ayant succédé à l’une des parties au contrat-cadre suite à une restructuration, est liée par la clause compromissoire qu’il contient en vertu de cette garantie mutuelle, qui constitue une obligation transférable dont la convention d’arbitrage partage le sort en tant qu’accessoire (consid. 3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. SA [société luxembourgeoise] c. B. [société turque])
Recours contre la sentence incidente rendue le 17 décembre 2013 par un arbitre unique siégeant à Bâle. Clause stipulant que « [f]or all disputes arising out of this contract, the Arbitration Committee, to be established in Basel (Switzerland), is authorized and the law to be applied is Swiss law […] ». Les conventions d’arbitrage incomplètes, peu claires ou comportant des éléments contradictoires sont dites « pathologiques ». Pour autant que les défauts les affectant ne touchent pas aux éléments devant impérativement figurer dans une convention d'arbitrage, de telles clauses ne sont pas nécessairement nulles. Selon la jurisprudence, il faut, bien plutôt, en élucider le sens en recherchant par la voie de l’interprétation une solution qui respecte la volonté fondamentale des parties de se soumettre à une juridiction arbitrale. En droit suisse, l’interprétation d’une convention d'arbitrage se fait selon les règles générales d'interprétation des contrats. Si le juge (ou l’arbitre) ne parvient pas à déterminer la commune et réelle volonté des parties, il doit alors rechercher, en appliquant le principe de la confiance, le sens qu’elles pouvaient et devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques en fonction de l'ensemble des circonstances. En conformité avec ces règles, l’arbitre unique a interprété la clause litigieuse selon le principe de la confiance. Il est ainsi parvenu, suivant une démarche qui ne prête pas le flanc à la critique, à la conclusion qu’il s’agissait d’une convention visant l’arbitrage selon les Swiss Rules of International Arbitration, administré par la Chambre de commerce des deux Bâle, et non un arbitrage ad hoc avec siège à Bâle, comme soutenu par la recourante (consid. 5.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. [Fondation de droit néerlandais] c. B. [société de droit américain] et C. [CEO de B.]
Recours contre la sentence rendue par un tribunal siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Pour être valable, une convention d’arbitrage doit prévoir l’obligation pour les parties de déférer leur litige à un tribunal arbitral privé, appelé à rendre une décision à caractère contraignant en lieu et place de la juridiction étatique normalement compétente. Clause dans un accord transactionnel stipulant que ledit accord sera « interpreted in accordance with and governed in all respects by the provisions and statutes of the International Chamber of Commerce in Zürich, Switzerland and subsidiary by the laws of Germany ». En l’absence de toute référence, non seulement à l’arbitrage, mais aussi et de manière plus significative, à la résolution d’éventuels différends ou litiges, une telle clause ne constitue pas une convention d’arbitrage valable selon le droit suisse (fût-elle « pathologique », au sens de la jurisprudence résumée en marge de l’ATF 140 III 477 ci-dessus), en tant qu’elle ne permet pas d’établir la volonté des parties de faire trancher leurs litiges par la voie arbitrale. Il pourrait s’agir, tout au plus, d’une clause d’élection de droit, au demeurant imprécise et au sens relativement obscur (consid. 3.2.3.2). C’est donc à raison que le tribunal arbitral s’est déclaré incompétent à statuer sur le litige qui lui a été soumis sur la base de cette clause. Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( c. A.Y. AG et B.Y. Inc.)
Recours contre la sentence préliminaire rendue par un tribunal CCI le 30 juillet 2013. Droit suisse applicable à la détermination de la portée objective de la clause d’arbitrage (art. 178 al. 2 LDIP) : volonté hypothétique des parties établie selon le principe de la confiance. L’existence et la validité de la clause d’arbitrage n’étant pas contestées, il convient de présumer que les parties ont voulu conférer une compétence étendue au tribunal arbitral (consid. 3.3.2). En l’espèce, la clause litigieuse est formulée de manière large : « any dispute or disagreement […] relating to or arising out of any provision of this Agreement».
Dès lors, la compétence des arbitres s’étend en principe aux litiges relatifs non seulement à la formation et à la validité du contrat principal, mais également à sa résolution. En vertu du principe de l’autonomie de la convention d’arbitrage, la résiliation ou l’expiration du contrat principal n’est pas présumée emporter celle de la clause d’arbitrage.
Un accord des parties à cet effet ne peut être admis à la légère et doit être stipulé de façon claire et non équivoque. Interprétées selon le principe de la confiance, les dispositions contractuelles (autres que la convention d’arbitrage) auxquelles se réfère la recourante ne laissent pas apparaître la volonté présumée des parties de voir la résiliation ou l’expiration du contrat principal mettre fin à la compétence du tribunal arbitral (consid. 3.3.3). Des considérations d’utilité et d’efficacité, mais aussi d’ordre pratique, conduisent à la même conclusion (consid. 3.3.3-3.3.5). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. AG [société de droit suisse] c. Z. [société de droit français])
Recours contre la sentence rendue le 3 septembre 2013 par un arbitre unique ad hoc. Le contrat d’arbitre (receptum arbitri) est généralement qualifié de mandat sui generis. Cependant, le statut particulier de l’arbitre entraîne l’exclusion d’une bonne partie des règles régissant le mandat, y compris les conditions dans lesquelles celui-ci prend fin. Le contrat d’arbitre s’éteint normalement en même temps que l’instance, à savoir au moment où la sentence finale est rendue. Il peut toutefois se terminer de manière anticipée dans certaines situations, notamment en cas de récusation, révocation, destitution ou démission de l’arbitre (consid. 3.2.1).
Dans le cas d’espèce, il y a lieu de retenir que les parties ont conclu entre elles d’une part, et conjointement avec l’arbitre d’autre part, un accord tripartite en cours d’instance, prévoyant l’extinction prématurée du contrat d’arbitre au cas où la sentence ne serait pas rendue dans un délai précis (consid. 3.2.2). Une sentence rendue après l’expiration de la mission de l’arbitre n’est pas nulle mais annulable. A la lumière de la jurisprudence fédérale récente, ce vice de procédure doit être traité comme un motif de recours au sens de l’art. 190 al. 2 let b LDIP (et non de l’art. 190 al. 2 let a LDIP) (consid. 4.1). Recours admis.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( Ltd. [société de droit chypriote] c. Y. Ltd. [société de droit chypriote])
Recours contre la sentence partielle rendue le 14 janvier 2014 par un arbitre unique CCI siégeant à Genève. L’arbitrabilité subjective, qui, au sens large, comprend le pouvoir de représentation des parties, relève du grief de l’art. 190 al. 2 let. b (consid. 3.1). Procédure d’arbitrage initiée par la titulaire d’une procuration émise par l’administrateur (Official Receiver) ad interim de Y. Ltd. (en liquidation). Anti-suit injunctions prononcées à l’encontre de la procédure d’arbitrage par la District Court de Limassol (consid. B.a.). « Sentence partielle » de l’arbitre admettant sa compétence, la capacité à être partie et à agir dans l’arbitrage de Y. Ltd. et la validité de la procuration en faveur de son conseil, à la lumière, pour ce dernier aspect, d’une décision rendue par la District Court de Limassol le 19 juillet 2013, reconnaissant qu’une autorisation judiciaire (ou des représentants des créditeurs) n’est pas requise pour l’érogation d’une procuration au procès par l’Official Receiver (consid. 3.2). Suspension de la procédure de recours par le TF, en attendant l’issue de l’appel déposé devant la Cour Suprême de Chypre à l’encontre de cette dernière décision de la District Court, la compétence de l’arbitre dépendant de la question préliminaire de la validité de la procuration du conseil de Y. Ltd. selon le droit chypriote (consid. 3.5).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( SA [société d’Etat en charge des autoroutes et routes nationales] c. B. SA [société de droit français spécialisée dans les travaux routiers])
Recours contre la sentence partielle rendue le 21 janvier 2014 par un tribunal arbitral CCI. Reproche fait au tribunal de s’être reconnu compétent en violation du mécanisme préalable et obligatoire de recours à un Dispute Adjudication Board (DAB) ad hoc selon la clause 20.8 des Conditions Générales FIDIC applicables aux contrats de construction (1ère éd. 1999).
La règle in favorem validitatis de l’art. 178 al. 2 LDIP s’étend au choix du droit applicable à la validité d’une clause prévoyant un mécanisme de règlement des litiges préalable à l’arbitrage (consid. 3.3). Contrairement à l’avis des arbitres majoritaires, ladite clause institue une procédure impérative, en ce sens qu’elle doit être terminée pour que l’arbitrage puisse commencer.
Cela étant, le principe de la bonne foi commande que l’on tienne également compte des circonstances du cas d’espèce, y compris les spécificités de la clause litigieuse et le comportement de la recourante dans la phase préalable à l’arbitrage, pour déterminer si le tribunal a valablement été saisi alors que le DAB ad hoc n’avait pas pu être mis sur pied (consid. 3.4–3.5). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( [cycliste professionnel] c. Nationale Anti-Doping Agentur Deutschland)
Recours contre la sentence rendue par le TAS le 21 février 2014. Assistance judiciaire et accès à la justice : question de savoir si le recourant était en droit de résilier la convention d’arbitrage au motif que l’assistance judiciaire nécessaire à sa défense lui a été refusée par le TAS ; laissée ouverte (consid. 3-4 ; cf. le résumé de cet arrêt dans le chapitre Droit du sport du présent ouvrage).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( SA [société de droit grec] c. Z Ltd. [société de droit anglais])
Recours contre la sentence rendue le 25 février 2013 par un tribunal arbitral CCI. Compétence du tribunal pour se prononcer sur la prétendue violation de la clause arbitrale résultant de la mise en œuvre par la recourante des tribunaux étatiques grecs, et pour connaître de la demande de l’intimée visant à obtenir des dommages-intérêts à titre d’indemnisation du préjudice qu’elle pourrait subir à la suite de ces actions : admise à la lumière du libellé de la clause arbitrale en cause et du droit anglais applicable au fond, permettant de qualifier une telle demande de prétention contractuelle relevant du champ d’application de la convention d’arbitrage (consid. 3.4.1). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( AG [société de droit allemand] et X. Technologies S.A.E [société de droit égyptien] c. Y. [société de droit égyptien])
Recours contre la sentence rendue par un tribunal arbitral CCI le 6 mai 2013. Les parties peuvent convenir en tout temps de l’extinction de la convention d’arbitrage. Un tel accord n’est soumis à aucune forme particulière (consid. 3.2.1). Recours irrecevable du fait qu’en déclinant sa compétence le tribunal a constaté, en procédant à une interprétation subjective, la concordance des volontés réelles des parties de mettre un terme à la convention d’arbitrage, question de fait qui échappe à l’examen du TF dans le cadre d’un recours en annulation (art. 105 al. 1 LTF) (consid. 3.4). Pas d’entrée en matière.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. c. Y. Engineering S.p.A. et Y. S.p.A.)
Recours contre la sentence finale rendue le 31 juillet 2013 par un tribunal arbitral CCI, niant sa compétence à l’égard de l’une des sociétés parties au litige (Y. S.p.A.) et rejetant les demandes reconventionnelles de la recourante dans la mesure où elles visaient cette société. En vertu du principe de la relativité des contrats, la clause d’arbitrage ne lie que les cocontractants. La jurisprudence admet toutefois que certaines situations peuvent faire exception à cette règle, notamment en cas de cession de créance, reprise de dette ou transfert de la relation contractuelle, voire dans les cas où un tiers s’étant immiscé dans l’exécution du contrat est reputé avoir adhéré à la convention d’arbitrage par actes concluants, ou encore les circonstances où une société mère agissant dans la confusion des sphères avec la société fille peut se voir imputer des obligations contractuelles souscrites par cette dernière (consid. 3.2). Thèse principale de la recourante faisant valoir que la société Y. Group, détentrice de Y. Engineering, avait adhéré par le biais d’une convention tripartite aux contrats contenant les clauses arbitrales litigieuses, en qualité de codébitrice de Y. Engineering à l’égard de X. (condition nécessaire pour que Y. S.p.A., constituée à une époque ultérieure, puisse être reconnue, elle aussi, comme partie contractante du fait qu’elle avait acquis une division (Y.D.) de Y. Group) : argumentation rejetée par le tribunal, précisant dans la sentence que la question subsidiaire de savoir si l’acquisition de ladite division avait entraîné le transfert des clauses d’arbitrage de Y. Group à Y. S.p.A. devenait sans objet du fait que la recourante n’avait pas établi qu’Y. Group avait adhéré aux contrats (consid. 3.5.1). Arguments supplémentaires dévoloppés par la recourante pour fonder la compétence du tribunal à l’égard d’Y. S.p.A., tous reposant sur les règles de la bonne foi, également rejetés (consid. 3.3.3). Or, sur le vu des faits retenus dans la sentence, interprétés selon le principe de la confiance (et indépendamment de la construction juridique à retenir pour fonder la conclusion correcte), c’est à tort que le tribunal a exclu sa compétence à l’égard de Y. S.p.A au motif que Y. Group n’était pas liée par les contrats litigieux. Y. Group doit donc se laisser opposer ces contrats et les conventions d’arbitrage qu’ils contiennent. Toutefois, savoir si X. peut opposer ces mêmes contrats à Y. S.p.A. dépend de la réponse qui sera donnée à la question subsidiaire des conséquences de l’acquisition de Y.D. par Y. S.p.A., laissée en suspens dans la sentence. Recours partiellement admis : annulation par le TF du ch. 1 du dispositif, sans constatation quant à la compétence (ou non) du tribunal à l’égard de Y. Sp.A., et renvoi de la cause aux arbitres pour qu’ils se déterminent sur cette question et les conséquences à en tirer, en effectuant les modifications ultérieures du dispositif, qui se rendraient nécessaires sur cette base (consid. 3.6).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( Kft. c. B. GmbH)
Recours contre la sentence rendue le 1er novembre 2013 par un arbitre unique siégeant à Zurich. La partie qui veut récuser un arbitre (art. 180 al. 2 LDIP), exciper de l’incompétence du tribunal arbitral (art. 186(2) al. 2 LDIP), ou qui se considère désavantagée par d’autres manquements du tribunal dans la conduite de la procédure, doit agir immédiatement, pendant l’arbitrage, donnant ainsi au tribunal l’opportunité de rémédier à d’éventuelles irrégularités en temps utile. A défaut, elle est forclose à se prévaloir des griefs correspondants dans le cadre d’un recours en annulation contre la sentence. En l’espèce, l’exception d’incompétence de la recourante, qui n’a pas été soulevée devant l’arbitre, est périmée (consid. 2.2) (voir également le résumé de cet arrêt sous art. 190 al. 2 let. d LDIP ci-dessous). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. Lda [société de droit portugais] c. Y. Ltd [société de droit chinois])
Recours contre la sentence sur compétence rendue le 23 novembre 2011 par un Tribunal arbitral CCI. L’arbitrabilité subjective (ou ratione personae), qui comprend la capacité de compromettre et celle d’être partie à l’arbitrage, doit être examinée, en tant que condition de validité de la convention d’arbitrage, sous l’angle de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP (consid. 3.2). A l’exception de l’art. 177 al. 2 pour les entreprises d’Etat, le chapitre 12 LDIP ne contient pas de disposition spéciale régissant cette question. Selon la jurisprudence du TF, celle-ci relève du principe général de procédure qui veut que la capacité d’être partie (Parteifähigkeit) dépend de la question préalable de la capacité de jouissance, soit la capacité d’être titulaire de droits et obligations, ou capacité juridique (Rechtsfähigkeit) (consid. 3.3.1 et 3.3.4). Dans un arbitrage international ayant son siège en Suisse, la capacité juridique relèvera du droit désigné par les art. 33 ss LDIP pour les personnes physiques ou 154 et 155 let. c LDIP pour les personnes morales (consid. 3.3.2). Une entité étrangère jouissant de la capacité juridique selon son droit d’incorporation sera réputée avoir cette même capacité, et par là, la capacité d’ester en justice ou d’être partie à une procédure d’arbitrage en Suisse. La recourante est une société à responsabilité limitée de droit portugais. Selon ce droit, une telle société maintient sa capacité juridique même si elle est mise en faillite. Il s’ensuit qu’elle a la capacité d’être partie à un arbitrage international en Suisse. Toute restriction imposée en relation avec l’arbitrage par le droit étranger régissant une personne morale est sans effet du point de vue de la lex arbitri suisse, tant qu’elle n’affecte pas la capacité juridique de cette personne (consid. 3.3.4). Effet d’une loi d’application immédiate étrangère (Eingriffsnorm) sur la validité d’une convention d’arbitrage sous l’angle de la LDIP : question laissée ouverte (consid. 4). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(FC X. [club de football] c. Y. [entraîneur professionnel de football])
Recours contre la sentence rendue par le TAS le 19 mars 2012. Employment Agreement conclu en 2009 entre le club et l’entraîneur, suivi d’un Second Agreement concernant le même rapport de travail, et, en 2010, d’un Settlement Agreement mettant un terme à la relation et prévoyant le paiement d’une indemnité à l’entraîneur. Contrats contenant à la fois une clause d’arbitrage prévoyant la compétence « exclusive » du TAS et des clauses d’élection de for « non exclusives » en faveur des tribunaux suisses (Faits, A.b-A.d). Arbitrage TAS initié par l’entraîneur faute de paiement de l’indemnité par le club. Sentence accueillant partiellement la demande de l’entraîneur, rendue au terme d’une procédure menée par défaut suite à l’objection d’incompétence soulevée par le club. Lorsqu’une clause compromissoire ne permet pas d’établir la volonté concordante des parties de se soumettre à l’arbitrage, elle doit être interprétée conformément au principe de la confiance (interprétation objective). En l’espèce, une interprétation objective des clauses contenues dans les différents contrats ne permet pas de conclure à l’existence d’une volonté concordante des parties de renoncer à la juridiction étatique. Le TAS a, en particulier, méconnu la jurisprudence du TF selon laquelle une clause d’élection de for contenue dans un accord transactionnel subséquent prime sur la clause d’arbitrage contenue dans le contrat originaire (consid. 4.4 – 4.6). Conditions de validité d’un accord prévoyant des compétences juridictionnelles alternatives, selon le choix du demandeur : question laissée ouverte (consid. 4.4) (voir également TF 4A_515/2012, consid. 5.2, dans le cadre d’un arbitrage interne). Recours admis.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. [citoyen bulgare ; entraîneur de l’équipe nationale bulgare de football] c. Bulgarische Fussballunion)
Recours contre une sentence rendue par le TAS le 24 mai 2012, déniant sa compétence. Saisi du grief de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP, le TF en examine librement tous les aspects juridiques (jura novit curia), ce qui peut le conduire à rejeter le grief sur la base d’un autre motif que celui qui est indiqué dans la sentence entreprise (consid. 3.1). Selon la règle matérielle de l’art. 177 al. 1 LDIP, un litige surgissant d’un contrat de travail est arbitrable dans la mesure où il porte sur une prétention de nature patrimoniale, sous réserve de dispositions de droit étranger exigeant impérativement la juridiction des tribunaux étatiques et relevant de l’ordre public, ce qui n’est pas le cas de la disposition du Code de procédure civile bulgare invoquée en l’espèce. Ainsi, c’est à tort que le TAS a conclu à l’inarbitrabilité du litige. De même, il n’y avait pas lieu pour le TAS de prendre en considération le risque éventuel que la sentence ne soit pas exécutée en Bulgarie, un tel risque étant sans pertinence aux fins de sa décision sur compétence (consid. 3.2-3.3). Cela étant, la clause compromissoire en question n’est pas valable au sens de l’art. 178 al. 2 LDIP : la sentence du TAS était donc correcte dans son résultat (consid. 3.4). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. c. Z.)
Recours contre la sentence rendue le 6 juin 2012 par un Tribunal arbitral CCI. Cas dans lequel le TA a rendu une première « sentence partielle », en juin 2011, se déclarant compétent pour connaître du litige. Savoir si l’intimée disposait de la capacité d’être partie au moment où cette première sentence a été rendue est une question qui relève de l’arbitrabilité subjective, en d’autres termes de la compétence ratione personae. Cette question doit donc être examinée sous l’angle de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP (consid. 1.2) (voir aussi ATF 138 III 714, consid. 3.2 et 3.3). La recourante ne conteste pas l’interprétation du droit étranger faite par le TA dans la sentence entreprise, rendue après la première sentence sur compétence, et concluant à l’effet rétroactif de la réinscription de Z., en août 2011, au registre des sociétés dont elle relevait. Dès lors, on doit tenir pour acquis que l’intimée n’a pas cessé d’exister (et avait ainsi la capacité d’être partie) durant la période de quelques mois où elle ne figurait plus dans ce registre, quand la première sentence a été rendue. Par ailleurs, selon la jurisprudence du TF, la capacité d’être partie doit être réalisée, comme les autres conditions de recevabilité, au moment où le jugement au fond est rendu. En l’espèce, les deux sentences rendues par le TA n’ont qu’un caractère incident (consid. 2.3.1.1). Recours rejeté (voir également le consid. 3.2 du même arrêt, résumé en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. [société française] c. Y. [société irakienne] Ltd.)
Recours contre la sentence rendue le 9 juillet 2012 par un Tribunal arbitral CCI. Le grief selon lequel le TA se serait déclaré à tort compétent pour connaître d’une demande d’arbitrage introduite par un représentant sans pouvoir relève de la compétence ratione personae au sens large, donc de l’art. 190 al. 2 let b LDIP, et non pas de la régularité de la constitution du tribunal au sens de l’art. 190 al. 2 let. a LDIP. Cette dernière disposition a trait uniquement aux griefs tirés de la manière dont les arbitres ont été nommés ou remplacés (art. 179 LDIP) ou aux questions relatives à leur indépendance et impartialité (art. 180 LDIP) (consid. 4.3). Recours rejeté (voir également le consid. 5.1 du même arrêt, résumé en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. (International) AG c. A. [résidant en Allemagne])
Recours contre le Procedural Order Nr. 7 du 11 septembre 2012 (PO 7) et le Procedural Order Nr. 8 du 3 octobre 2012 (PO 8), rendus par un Tribunal arbitral (arbitre unique) CCI avec siège à Saint-Gall. Sentence « partielle » rendue par l’arbitre en février 2012, statuant sur sa compétence et ordonnant à la recourante de produire les documents requis dans la demande d’arbitrage, à laquelle la recourante n’a pas donné suite. PO 7 et PO 8 ordonnant à la recourante de produire de nouveaux documents. Recours au TF au motif qu’en prononçant de telles ordonnances l’arbitre aurait statué implicitement sur sa compétence à ordonner la production de documents non couverts par sa sentence partielle. Selon la doctrine, les ordonnances sur production de documents sont des décisions de nature procédurale (consid. 3.3). En l’espèce, l’arbitre a expressément indiqué dans ses POs 7 et 8 que « the list ordered for production is not based on a substantive claim of Claimant against Respondent, but rather on procedural rules » et que, par ailleurs, l’ordre de produire ne devait pas être confondu avec une ordonnance d’exécution de la sentence partielle (consid. 3.4). Ainsi, les ordonnances en question sont de simples décisions portant sur la conduite de la procédure, pouvant être révoquées à un stade ultérieur de l’arbitrage. De jurisprudence constante, de telles décisions ne sont pas susceptibles de recours (consid. 3.7). Recours irrecevable.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X.__ c. Y.__ Sàrl)
Recours contre la sentence rendue le 17 mars 2011 par le TAS.
Clause arbitrale dans un contrat de transfert de footballeurs entre un club et une agence de joueurs prévoyant que « [t]he competent instance in case of a dispute concerning this Agreement is the FIFA Commission or the UEFA Commission which will have to decide the dispute that could arise between the club and the agent ». Une clause compromissoire incomplète, peu claire ou contradictoire, est une clause arbitrale dite pathologique. S’il n’est pas possible de constituer le tribunal arbitral en appliquant les dispositions prévues par les parties dans la clause compromissoire, cela n’entraîne pas sans autre la nullité de la clause, pour autant que celle-ci fasse clairement ressortir la volonté des parties de soumettre leurs différends à une juridiction arbitrale à l’exclusion des juridictions étatiques. Il s’agira alors d’interpréter, voire au besoin compléter la clause selon les principes du droit des contrats, afin de dégager une solution qui respecte la volonté des parties de soumettre leurs litiges à une juridiction arbitrale.
Ainsi, l’arbitre (ou le juge) interprétera la clause comme toute déclaration de volonté privée : là où la volonté réelle des parties ne peut pas être établie quant à la procédure d’arbitrage spécifique que les parties envisageaient, il convient d’appliquer la théorie de la confiance ainsi que le principe dit de l’effet utile (consid. 2.2.2).
La nullité partielle peut également être prononcée si une partie de la clause a un objet impossible. Il y a lieu de se demander ce que les parties auraient convenu si elles s’étaient rendu compte du vice partiel au moment où elles ont adopté la clause, et de se fonder sur cette volonté hypothétique pour compléter leur accord dans le sens voulu.
En l’espèce le TAS a retenu, conformément à ces principes, que la clause litigieuse manifestait la volonté des parties de soumettre leur litige à un tribunal arbitral siégeant en Suisse et disposant de connaissances en matière de droit du sport - même si la clause ne contenait pas les mots « arbitrage », « arbitre » ou « tribunal arbitral ». La référence faite à la FIFA et à l’UEFA montre que les parties souhaitaient confier la résolution du litige à une organisation disposant de l’expertise nécessaire en matière de transferts.
Enfin, il sied d’observer que le TAS serait de toute manière compétent pour statuer sur appel contre les décisions rendues dans ce domaine par la Commission décidant des transferts au sein de la FIFA. Compte tenu de ces circonstances, force est de conclure que, si les parties avaient réalisé que les organisations désignées dans la clause compromissoire n’avaient pas compétence pour statuer sur les litiges relatifs à leur accord, elles auraient soumis ces litiges directement au TAS, une institution (d’arbitrage en matière sportive) qui décide régulièrement des affaires de transferts de joueurs (consid. 2.3.2).
Ainsi, c’est à bon droit que le TAS s’est jugé compétent pour statuer sur le litige en question. Recours rejeté.
(Association X. [association sportive] c. Y. [société privée qui produit et commercialise du matériel de sport] Limited)
Recours contre la sentence rendue par le TAS le 5 janvier 2011.
Contrat de licence conférant à Y. le droit de produire des équipements de boxe approuvés par X. moyennant le paiement d’une redevance annuelle, contenant une clause compromissoire visant la résolution de tout « disagreement over the interpretation of any terms of this Agreement ».
Contrats non écrits portant sur la vente des mêmes équipements conclus subséquemment entre les parties. La jurisprudence du TF préconise une approche restrictive dans la détermination de la volonté de principe des parties de recourir à l’arbitrage lorsque ce point est contesté (consid. 3.2.1).
En revanche, une fois que l’existence d’une convention d’arbitrage est indubitablement établie, cette même jurisprudence fait preuve de souplesse quant à l’interprétation de sa portée, y compris l’étendue du litige qui en est couvert, en vertu des principes d’utilité et d’économie de la procédure (sans pour autant aller jusqu’à établir une présomption en faveur de la compétence des arbitres).
Le TAS a admis sa compétence pour statuer au sujet de la prétention litigieuse (relative aux contrats de vente d’équipement) en interprétant la clause compromissoire en question en ce sens qu’elle visait tout litige en rapport avec le contrat de licence. Il s’agit là d’une interprétation subjective relevant du fait, qui échappe à l’examen du TF, même dans le cadre du grief tiré du défaut de compétence du tribunal arbitral. Il est généralement admis qu’une clause de ce genre s’étend également aux contrats accessoires ou annexes au contrat dans lequel elle figure, à moins que ceux-ci ne comportent une clause de résolution des litiges de contenu différent.
S’il est vrai que le texte même de la clause en question semble vouloir restreindre son champ d’application aux prétentions fondées directement sur le contrat de licence, sa portée doit être déterminée à la lumière de la jurisprudence pertinente et des circonstances du cas concret. En l’espèce, l’ensemble des circonstances, telles l’étendue et la spécificité des relations contractuelles entre les parties, l’identité des biens faisant l’objet des différents accords, ainsi que l’absence de clauses de résolution de litiges spécifiques dans les contrats de vente conclus de manière informelle à la suite du contrat de licence, conduisent à admettre que la prétention en cause tombait sous le coup de la clause compromissoire insérée dans ce premier contrat (consid. 3.2.2).
Dès lors, c’est à bon droit que le TAS s’est déclaré compétent pour connaître du litige porté devant lui. Recours rejeté.
(X.__ GmbH (précédemment V. GmbH) c. Y. __ Sàrl)
Recours contre la sentence rendue par le tribunal ad hoc le 20 novembre 2011.
Une sentence arbitrale est définitive dès sa communication (art. 190 al. 1 LDIP). L’arbitre est, sous réserve de quelques exceptions, functus officio à partir du moment où il a rendu sa sentence. Toutefois, si cette dernière est annulée, une nouvelle situation juridique vient à s’établir, équivalente à celle qui existait avant la communication de la sentence aux parties : celles-ci sont derechef dans l’attente d’une décision finale tranchant leur litige et mettant fin à la procédure arbitrale pendante, et la mission du tribunal est (à nouveau) inachevée. Il n’y a aucune objection de principe à ce que les mêmes arbitres statuent à nouveau lorsque leur sentence finale a été annulée, sauf si la cause de l’annulation était la composition irrégulière ou le défaut de compétence du tribunal. Une base légale expresse à cet effet n’est pas requise (base légale qui, au demeurant, existe en droit de l’arbitrage interne en Suisse, cf. art. 395 al. 2 CPC, dont le TF a déjà indiqué qu’il incarne un principe s’appliquant également en arbitrage international), pour autant que la loi du siège ou l’accord des parties n’excluent pas pareille compétence (consid. 3.1.1).
Cette solution se justifie d’autant plus qu’elle satisfait aux exigences de l’économie de la procédure (consid. 3.1.4).
Partant, c’est à bon droit que le tribunal arbitral s’est estimé compétent pour se prononcer sur la question qu’il avait omis de trancher dans sa première sentence finale, omission ayant conduit à l’annulation de celle-ci. L’usurpation du pouvoir de statuer en équité est une irrégularité qui n’affecte pas la compétence du tribunal. Par conséquent, le grief correspondant n’est pas celui de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP. La question de savoir s’il relève de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (violation de l’ordre public), déjà abordée dans la jurisprudence du TF, demeure ouverte (consid. 3.2).
(A. [joueur de tennis professionnel affilié à la VTV], B. [joueuse de tennis professionnel affiliée à la VTV] c. Agence Mondiale Antidopage [AMA], Fédération flamande de tennis [VTV])
Recours contre les « sentences partielles » rendues le 10 juin 2011 par le TAS.
De jurisprudence constante, le TF examine avec « bienveillance » le caractère consensuel de l’arbitrage dans les litiges sportifs. On considère désormais la clause d’arbitrage du TAS comme branchentypisch en matière sportive : en effet, il n’y a guère de sport d’élite sans consentement à l’arbitrage du sport (consid. 3.2.3).
Problématique de la concurrence entre le droit national et la réglementation sportive internationale. Au vu de ce qui précède, les recourants, deux joueurs de tennis professionnels, ne peuvent invoquer l’invalidité d’une clause arbitrale TAS (qu’elle soit imposée par la loi ou par les règlements d’une fédération ou autre organisme sportif compétent) « faute d’autonomie » dans sa conclusion. Compétence du TAS fondée sur la réglementation antidopage de la VTV et sur la jurisprudence du TF relative à la clause arbitrale par référence (consid. 3.2.3).
Compétence du TAS pour se saisir des appels de l’AMA : question de l’intérêt à recourir de cette fondation. Dans l’arbitrage atypique, tel l’arbitrage sportif, et plus particulièrement dans les affaires disciplinaires, où la compétence du tribunal arbitral résulte d’un renvoi aux statuts d’une fédération sportive prévoyant l’arbitrage pour résoudre les litiges relatifs à l’application des règles et dispositions légales pertinentes, la question de savoir si une partie est recevable à attaquer la décision d’un organe de la fédération ne concerne pas la compétence (ratione personae) du tribunal arbitral saisi de la cause mais la question de la qualité pour agir, qui elle, est à résoudre en application des règles procédurales pertinentes, application que le TF ne peut pas revoir (consid. 4.1.1).
Procédures parallèles introduites par les recourants devant les juridictions étatiques belges et la Commission européenne. Requête de suspension des procédures initiées par l’AMA devant le TAS (rejetée).
Possibilité de recourir contre une décision de suspendre (ou non) l’arbitrage prise en application de l’art. 186 al. 1 bis LDIP lorsque, en prononçant une telle décision, le tribunal arbitral statue de manière implicite sur sa compétence (ou sur la régularité de sa composition là où celle-ci était contestée). En son état actuel, la jurisprudence admet ce type de recours, mais une partie de la doctrine conteste le bien-fondé de cette approche (consid. 5.1.1).
La question peut être laissée ouverte car, en l’espèce, le grief tiré d’une violation de l’art. 190 al. 1 let. b LDIP est irrecevable pour une autre raison : lorsqu’une décision repose sur plusieurs motivations indépendantes, le recourant doit indiquer en quoi chacune de ces motivations viole le droit. Le TAS a retenu que l’exception de litispendance selon l’art. 186 al. 1 bis LDIP implique le respect de trois conditions cumulatives, qu’il a analysées dans les sentences attaquées avant de conclure qu’elles n’étaient pas réunies en l’espèce.
Pour leur part, les recourants s’en prennent uniquement aux motifs concernant la troisième de ces conditions.
S’agissant de conditions cumulatives, la lacune est rédhibitoire (consid. 5.2.2-5.2.3). Recours rejeté.
([Pellizotti] c. UCI, CONI et FCI)
Recours (rejeté) contre la sentence rendue par le TAS le 8 mars 2011.
Le non-respect du délai d’appel prévu par le Code TAS (ou des dispositions statutaires ou réglementaires équivalentes) met-il en cause la compétence du TAS ou entraîne-t-il l’irrecevabilité d’un appel déposé tardivement, voire le rejet des prétentions du recourant sur le fond ? Question « délicate », laissée ouverte en l’espèce.
Force est d’observer cependant que le principe selon lequel la validité temporelle de la convention d’arbitrage a trait aux conditions d’exercice de la compétence des arbitres, qui s’applique en matière d’arbitrage de source contractuelle, ne semble pas avoir sa place dans l’arbitrage atypique, tel l’arbitrage sportif, et plus spécifiquement dans les litiges de nature disciplinaire, où la compétence du tribunal arbitral résulte du renvoi aux statuts d’une fédération sportive.
L’opinion doctrinale selon laquelle le délai d’appel devant le TAS doit être considéré comme un délai de péremption (dont le non-respect entraîne, non pas l’incompétence du tribunal arbitral, mais la perte du droit d’entreprendre la décision querellée devant toute instance juridictionnelle, et donc le déboutement de l’appelant) apparaît convaincante prima facie (consid. 4.3.1).
Cf. aussi consid. 6.2 (résumé ci-dessous), sur la notion d’ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP).
(Association serbe de football c. M. [entraîneur de football professionnel])
Recours contre la sentence rendue par le TAS le 23 septembre 2011.
Saisi du grief d’incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les questions de droit, y compris les questions préalables telle l’arbitrabilité du litige, qui déterminent la compétence ou l’incompétence du tribunal arbitral. Comme l’exception d’incompétence, l’exception d’inarbitrabilité doit être soulevée préalablement à toute défense sur le fond (consid. 3.2).
Le législateur suisse a délibérément exclu l’adoption d’une règle conflictuelle pour la détermination de l’arbitrabilité des litiges dans le domaine de l’arbitrage international. L’arbitrabilité au sens de l’art. 177 al. 1 LDIP est exclusivement soumise à une règle matérielle, fondée sur le critère de la « patrimonialité » de la cause. Dans sa jurisprudence, le TF a, il est vrai, envisagé la possibilité de nier l’arbitrabilité de prétentions dont le traitement aurait été réservé exclusivement à une juridiction étatique par des normes étrangères qu’il s’imposerait de prendre en considération sous l’angle de l’ordre public. Toutefois, le recourant ne démontre pas que la disposition du droit international privé serbe à laquelle il se réfère relève de l’ordre public au sens de la jurisprudence du TF et prévoit la compétence exclusive des tribunaux étatiques pour connaître du litige en question (consid. 3.4).
Cf. aussi consid. 5.2 (résumé ci-dessous), sur le grief de décision extra petita (art. 190 al. 2 let. c LDIP). Recours rejeté.