Arbitrage

(A. [ressortissant français domicilié en Suisse] c. B. [entrepreneur russe domicilié au Royaume-Uni], C. SA [société de droit suisse], D. [filiale de C. ayant son siège en France]). Recours contre la sentence rendue le 11 juin 2021 par un Tribunal arbitral avec siège à Lausanne. Litige issu d’un Contrat de service, aux termes duquel A., en sa qualité de mandataire, avait pour mission de développer et diriger la société C. SA et toutes ses filiales ou sociétés apparentées. Arbitrage initié par les intimées, visant à obtenir le remboursement, intérêts en sus, de l’intégralité des honoraires et de la prime de signature versés à A. en vertu du Contrat. Selon la jurisprudence, un tribunal arbitral ne statue pas ultra ou extra petita s’il n’alloue pas plus que le montant total réclamé par la demanderesse, tout en appréciant certains des éléments de la réclamation autrement que ne l’a fait la partie intéressée, ou encore si, saisi d’une action négatoire de droit qu’il estime infondée, il constate l’existence du rapport juridique litigieux dans le dispositif de la sentence plutôt que d’y rejeter l’action. Le tribunal arbitral ne viole pas non plus le principe ne eat iudex ultra petita partium s’il donne à une demande une autre qualification juridique que celle qui a été présentée par le demandeur. Le principe jura novit curia, applicable en arbitrage, exige que les arbitres appliquent le droit d’office, sans se limiter aux motifs avancés par les parties (à ce sujet, voir également le consid. 5.2 de cet arrêt, résumé en lien avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP ci-dessous). Un tribunal arbitral peut donc retenir des moyens qui n’ont pas été invoqués, dans la mesure où cela aboutit à une nouvelle qualification des faits de la cause plutôt qu’à une modification de la demande. Le tribunal arbitral est, en revanche, lié par l’objet et le montant des conclusions qui lui sont soumises. Enfin, selon l’adage a maiore minus, il est évident qu’un tribunal arbitral ne statue pas ultra ou extra petita s’il accorde à une partie moins que ce qu’elle demande. Le recourant reproche au Tribunal arbitral d’être sorti du cadre fixé par les conclusions en prononçant la réduction partielle des honoraires dus au mandataire alors que les intimés s’étaient contentés d’en réclamer la suppression totale. Selon lui, une demande tendant à la réduction partielle des honoraires aurait dû faire l’objet d’une conclusion spécifique. Les arbitres ont bien relevé que les demandeurs concluaient au remboursement intégral des honoraires versés au recourant et qu’ils n’avaient pas pris de conclusions subsidiaires tendant à la réduction partielle de cette rémunération. Toutefois, ils ont considéré que le principe de « qui peut le plus peut le moins » leur permettait d’allouer une proportion de réduction inférieure à ce que les demandeurs sollicitaient, sans être obligés de rejeter la demande en l’absence de conclusion ad hoc. Ils ont également estimé disposer des éléments de preuve nécessaires pour apprécier la mesure de la rupture de l’équilibre des prestations résultant des violations contractuelles imputables au mandataire. Ce faisant, le Tribunal arbitral n’est pas sorti du cadre fixé par la conclusion des demandeurs, qui réclamaient le paiement d’une certaine somme sans autres précisions, en leur allouant une somme inférieure à celle réclamée. Le point de savoir si les allégations des demandeurs et les preuves produites par eux permettaient bien au Tribunal arbitral de réduire la rémunération due au mandataire est une question qui échappe à la cognition du TF (consid. 6.2). Recours rejeté.

(A. Limitada [société de droit xxx] c. B. SA [société de droit xxx]). Recours contre la sentence rendue le 4 mars 2020 par un Tribunal arbitral avec siège à Genève. Litige opposant une entreprise de construction à sa sous-traitante dans le cadre des travaux pour le bâtiment d’un terminal maritime dans le pays xxx. Sentence retenant que la recourante avait indûment fait appel à des garanties bancaires pendant l’exécution des travaux, et la condamnant rembourser à l’intimée la valeur des montants libérés. La recourante reproche au Tribunal arbitral d’avoir statué extra petita, et plus précisément d’être sorti du cadre que lui fixaient les conclusions de l’intimée par sa décision d’allouer des sommes exclusivement en USD à titre de restitution des garanties appelées à tort, alors que l’intimée n’avait pas demandé la conversion en USD de la garantie libellée en la devise « xxx ». Le TF relève que l’intimée ne s’était pas limitée à réclamer uniquement la restitution des garanties dans les montants et les devises dans lesquelles celles-ci avaient été libérées. Dans ses conclusions, l’intimée avait en effet demandé que le Tribunal lui accorde 7’947’217’582 xxx et 3’755’269 USD ou, alternativement, « tout autre montant que celui-ci jugerait approprié ». Une telle formulation permettait assurément aux arbitres d’allouer un ou des montant(s) exprimé(s) uniquement en USD, même si l’intimée n’avait pas formulé de requête spécifique et expresse dans ce sens. A cet égard, il n’est pas contesté que l’appel injustifié aux garanties avait obligé l’intimée à conclure un accord de financement, libellé en USD, pour y faire front, ce qui justifiait également que, sur la base des conclusions qui lui étaient soumises, le Tribunal arbitral décide d’allouer à l’intimée la « valeur » exprimée en USD des garanties appelées à tort (consid. 5). Voir également le consid. 6, résumé ci-dessous en lien avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP.

(A. [investisseur turc actionnaire de D.], B. [investisseur turc actionnaire de D.], C. [investisseur turc actionnaire de D.], D. [société anonyme de droit turc active dans le domaine de la construction et dans la production de ciment] c. République Arabe Syrienne). Recours contre la sentence arbitrale rendue le 31 août 2020 par un Tribunal arbitral CCI avec siège à Genève. Sentence retenant que la Syrie avait enfreint ses obligations en vertu du Traité bilatéral d’investissement Syrie-Turquie, et devait indemniser les investisseurs (demandeurs dans l’arbitrage, recourants devant le TF) pour les pertes qu’ils avaient subies en raison du conflit armé qui avait ravagé le pays à partir de 2011. Décision condamnant l’Etat défendeur (intimé devant le TF) à verser la somme de 4,565,469,288.64 livres syriennes (SYP), majoré d’intérêts au taux de 10%, composés sur une base annuelle et courant dès la date de la sentence, avec la faculté pour les recourants d’exiger le paiement de leur créance en dollars étatsuniens (USD) convertis au taux de change appliqué par la Banque centrale syrienne le jour du paiement. Les recourants reprochent au Tribunal de leur avoir alloué une somme en SYP alors que leurs conclusions pécuniaires étaient libellées en USD, c’est-à-dire d’avoir statué extra petita. Dans le cadre du recours contre les sentences arbitrales rendues en Suisse, l’adage ne eat judex ultra vel extra petita partium est fréquemment interprété à la lumière de la jurisprudence relative au droit suisse. Il reflète le principe de l’autonomie privée et son corollaire procédural, la maxime de disposition, qui sont ancrés dans le droit des obligations. Depuis l’entrée en vigueur du Code de procédure civile, la maxime de disposition est consacrée à l’art. 58 CPC : elle s’oppose à ce que le juge émette une condamnation pécuniaire dans une monnaie autre que celle utilisée dans les conclusions du demandeur (consid. 5.3-5.4). Dans le cas d’espèce, les recourants ont formulé toutes leurs prétentions en USD : il faut dès lors reconnaître que, techniquement, le Tribunal leur a alloué un aliud, c’est-à-dire qu’il a décidé extra petita, en fixant le montant dû en SYP. Les singularités de la situation font toutefois qu’il n’y a pas lieu d’annuler la sentence. D’une part, il faut reconnaître que la question de la monnaie d’indemnisation, inévitable dans les litiges internationaux relatifs à la protection des investissements, ne fait pas l’objet de règles générales bien définies. Ainsi, sous réserve des dispositions plus ou moins spécifiques qu’on peut trouver dans le(s) traité(s) applicable(s), les arbitres disposent de latitude à cet égard. Il n’est en tout cas pas certain que la maxime de disposition s’applique en droit international avec la même rigueur qu’en droit suisse. La question peut de toute manière rester indécise, car les recourants ne justifient pas d’un intérêt digne de protection à obtenir l’annulation de la sentence (art. 76 al. 1 let. b LTF). Compte tenu du rejet du grief de la contrariété à l’ordre public de la décision des arbitres d’allouer l’indemnité en SYP (cf. le résumé des consid. 4 ci-dessous, en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP), ainsi que des circonstances particulières de cette affaire, l’intérêt des recourants à formuler une nouvelle demande après l’annulation de la sentence attaquée n’est pas démontré (consid. 5). Grief irrecevable.

ATF 137 III 85

2010-2011

Le Tribunal arbitral ne statue pas au-delà ou en dehors des limites des demandes qui lui sont soumises si la formulation des conclusions topiques d’une partie, au besoin interprétées en fonction des motifs développés à leur appui dans ses écritures, manifestent, sinon expressément, à tout le moins d’une manière implicite aisément reconnaissable, que cette partie entendait bien requérir de l’arbitre les prétentions retenues par ce dernier (consid. 3).

TF 4A_428/2010

2010-2011

[(X. [société avec siège en Allemagne] GmbH c. Y. [société avec siège en Autriche] GmbH & Co. KG)]

Principe ne eat judex ultra petita partium. Selon la jurisprudence, le tribunal arbitral ne statue pas au-delà des demandes s’il n’alloue en définitive pas plus que le montant total réclamé par la partie demanderesse, mais apprécie ou qualifie juridiquement certains des éléments de la réclamation autrement que ne l’a fait cette partie (consid. 3.1).

Arrêt 4P.148/2006

2008-2009

(X. c. AMA, UCI, Swiss Cycling Federation, Swiss Olympic Association)

Arbitrage interne car le siège du TAS se trouve en Suisse et toutes les parties ont leur domicile ou siège dans ce pays. Une suspension de deux ans, correspondant au maximum prévu par le règlement applicable pour une première infraction aux règles antidopage, n’est pas incompatible avec l’ordre public. Le TF ne peut pas procéder à un contrôle abstrait du système de sanctions établi par le CMA et mis en œuvre par le RAD dans le domaine du cyclisme professionnel. La question de la proportionnalité des sanctions disciplinaires infligées aux sportifs professionnels est une question disputée et la solution retenue par le TAS est à tout le moins défendable et donc dépourvue d’arbitraire.

Arrêt 4P.298/2006

2008-2009

(X. [joueur de football] c. Y. [club de football])

Recours contre une décision du TAS qui admet la validité d’une option de prolongation de contrat exercée par un club de football contre un joueur et renvoie la cause à la « Commission du Statut du Joueur » de la FIFA sans se prononcer sur les conséquences découlant de l’exercice de cette option. Selon le TF, la sentence du TAS est une décision incidente à l’encontre de laquelle sont seuls recevables les griefs mentionnés à l’art. 190 al. 2 lit. a et b. Recours déclaré irrecevable car le recourant limite son argumentation à l’art. 190 al. 2 lit. e.

Arrêt 4P.96/2002

2008-2009

Art. 190 al. 2 lit. c LDIP

(X. Sàrl [société française active dans le domaine des télécommunications] c. Masse en faillite de Y. SA [société de droit suisse spécialisée dans le routage des télécommunications)

Déni de justice au motif d’avoir omis de rendre une décision formelle au sujet d’une requête en jonction de causes que la recourante lui avait soumise ? Non selon le TF, car la requête de la recourante fut rejetée par un courrier de la présidente du TA, transmis en copie aux co-arbitres. En toute hypothèse, un vice de procédure doit être invoqué sur-le-champ, et non pas seulement dans le cadre du recours au TF. Violation du droit d’être entendu en raison du refus d’ordonner un complément d’expertise ? Le TF ne revoit une appréciation anticipée des preuves que sous l’angle restreint de l’arbitraire, les conditions de l’arbitraire ne sont pas réalisées en l’espèce.