Propriété intellectuelle

Art. 8, 9, 27 Cst., art. 14 al. 2 LAgr, art. 1 al. 2 Ordonnance sur les AOP et IGP

Le cahier des charges peut contenir des exigences supplémentaires à celles de l’art. 7 Ordonnance sur les AOP et IGP pour des raisons techniques ou d’hygiène par exemple. Cependant, ces dispositions doivent respecter le droit supérieur et notamment les principes de l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.), la liberté économique (art. 27 Cst.), le principe de la porte ouverte (art. 1 al. 2 Ordonnance sur les AOP et IGP) et celui du caractère volontaire (art. 14 al. 2 LAgr) (consid. 2.5). Les dispositions du cahier des charges ne doivent ainsi pas être utilisées de façon discriminatoire (consid. 2.5). Les dispositions qui ne servent pas les buts visés par l’ordonnance ne peuvent être appliquées et ne justifient aucune atteinte aux droits fondamentaux. Seules les dispositions du cahier des charges ayant pour but la protection des caractéristiques liées à la provenance géographique des AOP et IGP peuvent justifier une atteinte aux droits fondamentaux (consid. 2.7). La question de savoir si l’utilisation de l’ensilage peut engendrer un risque accru pour la santé et diminuer la qualité du fromage est du ressort des chimistes cantonaux, qui doivent déterminer l’ampleur dudit risque (consid. 3.5). S’il demeure à un niveau acceptable et qu’il est gérable grâce, par exemple, à de nouvelles technologies, alors son utilisation peut être autorisée, durant la période transitoire (jusqu’au 30 avril 2013) à condition de l’être pour tous les producteurs. Dans le cas contraire, il sera interdit à tous les producteurs. La limitation à une partie des producteurs uniquement de l’autorisation du recours à cette méthode viole notamment le principe de l’égalité de traitement (art. 8 Cst.) (consid. 3.6). Un régime différencié relatif à la livraison du lait constitue une inégalité de traitement (art. 8 Cst.) et viole le principe de la porte ouverte si elle n’a pas de réelle justification (art. 1 al. 2 Ordonnance sur les AOP et IGP) (consid. 4.4). Bien que l’exception permettant de livrer le lait une fois par jour plutôt que deux fois (comme le prévoit le cahier des charges) ne concerne qu’une très petite partie des producteurs, il n’est pas moins incontesté qu’elle donne lieu à un avantage (économique) non négligeable à ceux qui peuvent en bénéficier. Il en résulte ainsi une inégalité de traitement inacceptable (consid. 4.6).

Art. 27 Cst., art. 18 LDAl, art. 21 al. 1 LDAl, art. 14 LAgr, art. 1 al. 2 ODMA (2006), art. 1 ODMA (2011), art. 3 ODMA (2011), art. 4 ODMA (2011), art. 8 ODMA (2011), art. 16 al. 5 ODMA (2011)

Vu que, du fait de l’effet suspensif accordé au recours (en matière de droit public), la recourante a pu continuer à utiliser la dénomination litigieuse « Heidi-Alpen Bergkäse », seule doit être examinée la situation à partir du 1er janvier 2012, c’est-à-dire à partir de la date de l’entrée en vigueur du nouveau droit (ODMA [2011] ; consid. 2.2). Si le nouveau droit autorise l’utilisation de la dénomination litigieuse, la recourante n’a pas d’intérêt à recourir en ce qui concerne la période qui s’est achevée le 31 décembre 2011. Si le nouveau droit n’autorise pas l’utilisation de la dénomination litigieuse, la recourante a malgré tout un intérêt à recourir en ce qui concerne la période qui s’est achevée le 31 décembre 2011, car les dispositions transitoires du nouveau droit (art. 16 al. 5 ODMA [2011]) permettent de continuer d’utiliser jusqu’au 31 décembre 2013 les dénominations autorisées par l’ancien droit (ODMA [2006] ; consid. 2.1) (consid. 1.4-1.5). Vu que le fromage de la recourante provient d’une région de montagne, il peut être désigné par la dénomination « Bergkäse » (art. 4 al. 1 ODMA [2011]). En revanche, du fait qu’il ne provient pas d’une région d’estivage, il ne peut pas être désigné par la dénomination « Alpkäse » (art. 4 al. 2 ODMA [2011]) (consid. 1.3, 2.3 et 5.1). Bien que l’ODMA ne s’applique à l’utilisation des dénominations « montagne » et « alpage » qu’en lien avec des produits agricoles produits en Suisse (art. 1 al. 2 ODMA [2006], art. 1 ODMA [2011] ; consid. 4.4), les produits suisses ne sont pas défavorisés par rapport aux produits étrangers, car – du fait que, en application de l’art. 21 al. 1 LDAl, le pays de production doit être mentionné sur l’emballage de denrées alimentaires préemballées et que, selon l’art. 18 LDAl, les indications sur la provenance ne doivent pas être trompeuses – les produits étrangers peuvent certes être désignés comme « Berg- oder Alpprodukt », mais pas comme « ‹ Schweizer › Berg- oder Alpprodukt » (consid. 4.5). Combinée avec la LDAl, l’ODMA atteint le but fixé par l’art. 14 LAgr (consid. 4.3-4.4) et ne viole ni l’égalité de traitement entre concurrents ni la liberté économique (art. 27 Cst., consid. 4.2) (consid. 4.5). Le but de l’ODMA étant de permettre au consommateur de faire la différence entre les produits provenant d’une région d’estivage et ceux provenant d’une région de montagne, il convient d’interpréter l’ODMA selon la compréhension du consommateur et non pas selon celle du producteur (consid. 5.2.1). À la différence de l’élément « Alp- » et – clairement – de la notion d’« alpage » (art. 8 ODMA), qui se rapporte à la région d’estivage, l’élément « Alpen- » se rapporte aux Alpes en tant que massif géographique au sens de l’art. 3 al. 1 ODMA (2011) (consid. 5.2 et 5.2.2). L’art. 3 al. 2 ODMA (2011) n’empêche pas qu’un fromage qui ne provient pas d’une région d’estivage puisse être désigné par l’expression « Alpenkäse » (consid. 5.2.3). Sous réserve de la violation de l’art. 18 LDAl (consid. 6-6.6), l’art. 3 ODMA (2011) (interprété conformément à la Constitution) permet de désigner par l’élément « Alpen » – en l’espèce par l’expression « Heidi-Alpen Bergkäse » – un fromage qui – sans provenir d’une région d’estivage – provient d’une région de montagne (art. 8 al. 1 ODMA [2011]) pour autant que, comme en l’espèce, la dénomination ne donne pas l’impression – trompeuse – que le fromage provient d’une région d’estivage (consid. 5.2.4). L’expression « Heidi-Alpen Bergkäse » n’est pas trompeuse au sens de l’art. 18 LDAl (consid. 6.1-6.2), car le consommateur ne s’attend pas à ce qu’un fromage désigné par cette expression provienne d’une région d’estivage (consid. 5.2.2 et 6.4) ; l’élément « Heidi » – qui n’est pas une référence à la seule région Sargans/Maienfeld – n’est pas non plus trompeur (consid. 6.5-6.6).