Propriété intellectuelle

Art. 9 Cst. ; 93 al. 1 lit. a, 261 al. 1 lit. b LTF ; 5 al. 1 lit. a, 5 al. 2 CPC

Les décisions en matière de mesures provisionnelles sont incidentes, aux termes de l’art. 93 al. 1 LTF, lorsque l’effet des mesures en cause est limité à la durée d’un procès en cours ou à entreprendre, dans un délai qui lui est imparti, par la partie requérante. En conséquence, la recevabilité d’un recours en matière civile suppose que la décision soit de nature à causer un préjudice irréparable aux termes de l’art. 93 al. 1 lit. a LTF. Selon la jurisprudence relative à ladite exigence, un préjudice irréparable n’est réalisé que lorsque la partie recourante subit un dommage qu’une décision favorable sur le fond ne fera pas disparaître complètement ; il faut en outre un dommage de nature juridique, tandis qu’un inconvénient seulement matériel, résultant par exemple d’un accroissement de la durée et des frais de procédure, est insuffisant. Il incombe à la partie recourante d’indiquer de manière détaillée en quoi elle se trouve menacée d’un préjudice juridique irréparable par la décision de mesures provisionnelles qu’elle conteste ; à défaut, le recours est irrecevable. La jurisprudence actuelle n’admet plus qu’une décision en matière de mesures provisionnelles entraîne de par sa nature un préjudice juridique irréparable ; elle exige au contraire que la partie recourante fournisse des indications topiques sur ce point (consid. 4), ceci que la décision attaquée accorde ou refuse les mesures provisionnelles requises (consid. 5). La simple déclaration que l’usage abusif d’une marque par un tiers entraînerait sa dilution ne suffit pas à montrer en quoi le recourant se trouve censément menacé par la décision de refus des mesures provisionnelles sollicitées, d’un préjudice juridique irréparable. Alors que la défenderesse avait probablement exercé une activité dans le domaine de la publicité depuis son inscription au registre du commerce en 2005, le recourant n’est pas intervenu, sinon par quelques lettres de protestation en 2010 et au début de 2011, et il n’a entrepris d’aller en justice que le 6 août 2013. Il a ainsi toléré une situation prétendument contraire à ses droits durant plusieurs années. Il en découle que même dans l’éventualité où cette situation se prolongerait durant le procès à entreprendre par le recourant, celui-ci n’en subirait pas de préjudice difficilement réparable aux termes de l’art. 261 al. 1 lit. b CPC. Le recours est rejeté.

TFB S2013_003 (d)

2013-2014

Art. 107 al. 1 lit. e, 261 al. 1 CPC ;

Selon l’art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles lorsque le requérant rend vraisemblable qu’une prétention dont il est titulaire soit l’objet d’une atteinte ou risque de l’être (lit. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (lit. b). Pour que la vraisemblance soit donnée, le juge n’a pas besoin d’être totalement convaincu de la véracité de l’allégation ; il suffit qu’il la considère globalement comme vraie, même si tout doute n’est pas écarté. Il suffira également à la partie adverse de rendre vraisemblables les objections et les exceptions qu’elle soulève. Enfin, une certaine urgence doit être donnée et la mesure provisionnelle requise doit être proportionnée (consid. 4.1). Un préjudice peut s’avérer difficilement réparable en particulier si un dommage matériel ne peut plus être déterminé ou mesuré, respectivement s’il ne peut plus être réparé (consid. 5.10). Pour ce qui est de l’urgence, un délai de cinq mois entre la saisie d’un produit et le dépôt d’une demande de mesure provisionnelle n’est pas considéré comme exagéré dans le domaine des brevets ; en effet, les recherches juridiques préalables et la rédaction d’un mémoire dans les litiges relatifs aux brevets nécessitent la plupart du temps un effort important (consid. 5.11).

TFB S2013_004 (d)

2013-2014

Art. 183 al. 3, 261 al. 1 CPC ; 292 CP

Selon l’article 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne des mesures provisionnelles lorsque le demandeur rend vraisemblable qu’une prétention dont il est titulaire réunit les deux conditions suivantes : cette prétention est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être ; cette atteinte peut causer au demandeur un préjudice difficilement réparable. Le tribunal ajoute à ces critères les conditions d’urgence et de proportionnalité de la mesure requise (consid. 4.1). En l’espèce, le demandeur, une société pharmaceutique, soutient que le défendeur doit cesser de mettre en circulation des médicaments génériques, utilisés pour traiter certaines maladies digestives, car ils violeraient le brevet européen, protégé en Suisse, dont il est le titulaire (consid. 3.2). Ce brevet, dans un premier temps révoqué par la division d’opposition de l’OEB, a ensuite été reconnu valable par une des Chambres de recours de cet office, l’affaire étant pendante devant la Grande Chambre de recours de l’OEB à la date du présent arrêt (consid. 3.3 et consid. 4.2). Suite à la décision rendue par la Chambre de recours de l’OEB, le défendeur prétend avoir cessé de distribuer les médicaments litigieux et avoir modifié la composition de ses médicaments. L’analyse des médicaments modifiés, réalisée par le demandeur pour démontrer la violation de son brevet, est contestée par le défendeur. Selon le tribunal, des doutes existent quant à l’arrêt de la distribution des médicaments litigieux, car le défendeur continue de contester toute violation du brevet dont est titulaire le demandeur (consid. 4.3). Le tribunal, qui se fonde sur l’avis du juge suppléant de formation technique (article 183 al. 3 CPC), considère que le brevet du demandeur est valable (consid. 4.4) et qu’il s’agit d’un cas de violation du brevet, le défendeur n’ayant pas rendu vraisemblable la nullité du brevet (consid. 4.6). Le tribunal constate l’existence d’un préjudice difficilement réparable, l’urgence (consid. 4.7 et 4.8) et ordonne des mesures provisionnelles. Le tribunal interdit au défendeur, jusqu’à l’expiration de la période de protection du brevet dont le demandeur est titulaire, d’importer lui-même ou de faire importer par des tiers les médicaments litigieux, de les stocker, de les vendre ou de les faire distribuer sur le marché suisse. Le tribunal ordonne également le rappel des médicaments litigieux.

ATF 139 III 86 (f)

2012-2013

Art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 98 LTF, art. 30 LPM, art. 161 al. 1 CPC, art. 261 al. 1 lit. b CPC, art. 265 al. 2 CPC, art. 308 al. 1 lit. b CPC, art. 319 lit. a CPC

Suite à l’arrêt TF 4A_36/2012 (cf. sic! 10/2012, 627-632) renvoyant la cause au juge délégué de la Cour civile vaudoise pour qu’il demande une expertise sommaire à un technicien indépendant avant de trancher la question controversée et décisive de savoir si la forme des capsules Nespresso est techniquement nécessaire et partant si l’absence de validité de la marque est vraisemblable, le juge délégué a rendu le 21 août 2012 une nouvelle ordonnance qualifiée d’ordonnance de mesures superprovisionnelles. Il s’agit de déterminer si cette dernière peut ou non faire l’objet d’un recours au TF. Les mesures superprovisionnelles sont rendues en cas d’urgence particulière. Le juge doit ensuite rapidement entendre la partie adverse et statuer sans délai sur la requête de mesures provisionnelles proprement dite. Il rend alors une décision sur mesures provisionnelles qui remplace la décision superprovisionnelle. Les mesures provisionnelles restent en principe en vigueur jusqu’à l’entrée en force de la décision au fond, mais elles peuvent être modifiées ou révoquées si les circonstances ont changé après leur prononcé ou s’il s’avère par la suite qu’elles sont injustifiées. Les mesures provisionnelles rendues par un tribunal de première instance peuvent être déférées à l’autorité cantonale supérieure par la voie de l’appel ou du recours stricto sensu (art. 308 al. 1 lit. b et art. 319 lit. a CPC) ; tandis que celles rendues par le tribunal supérieur statuant sur recours ou comme instance cantonale unique peuvent être portées devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile ou du recours constitutionnel subsidiaire (art. 98 LTF). Les mesures superprovisionnelles ne sont en revanche susceptibles d’aucun recours ni devant l’autorité cantonale supérieure lorsqu’elles émanent d’une autorité inférieure, ni devant le Tribunal fédéral. L’exclusion de tout recours au Tribunal fédéral contre les mesures superprovisionnelles découle de l’obligation d’épuiser les voies de recours cantonales et se justifie aussi pour des questions de rapidité de la procédure. La procédure provisionnelle doit être poursuivie devant l’autorité saisie afin d’obtenir le remplacement des mesures superprovisionnelles par des mesures provisionnelles. Lorsqu’un recours dirigé contre des mesures provisionnelles est admis et que la décision attaquée est annulée, la cause est renvoyée au juge précédent pour nouvelle décision. La procédure se trouve ramenée au stade où elle se trouvait juste avant que la décision annulée soit rendue. L’annulation de la décision de mesures provisionnelles fait ainsi renaître les mesures superprovisionnelles (consid. 1.1.1). Le juge à qui la cause est renvoyée doit à nouveau, et sans délai, statuer sur la requête de mesures provisionnelles proprement dite et donc rendre une nouvelle décision de mesures provisionnelles ordinaires terminant en principe la procédure provisionnelle. Si le juge n’est pas en mesure de statuer à bref délai, par exemple parce qu’il est tenu de requérir au préalable une expertise technique sommaire, il lui appartient le cas échéant de statuer sur le maintien, la modification ou la suppression des mesures précédemment ordonnées à titre superprovisionnel, pour la durée restante de la procédure provisionnelle jusqu’à ce qu’il ait réuni les éléments nécessaires pour se prononcer en principe définitivement sur les mesures provisionnelles requises. Cette décision est une décision intermédiaire qui ne met pas fin à la procédure provisionnelle et sera remplacée par une décision de mesures provisionnelles dès que le juge disposera des éléments nécessaires pour la rendre. Cette décision intermédiaire est prononcée après audition des parties et susceptible de rester en vigueur un laps de temps important. Elle ne saurait être assimilée à une décision sur mesures superprovisionnelles. Ainsi, lorsque le juge statue sur le sort de mesures superprovisionnelles réactivées par l’annulation d’une décision sur mesures provisionnelles et qu’il le fait à titre intermédiaire, pour la durée restante de la procédure provisionnelle, il rend une décision de mesures provisionnelles susceptible de recours (consid. 1.1.2). À défaut d’éléments nouveaux, et en particulier avant le dépôt de l’expertise exigée par l’arrêt du 26 juin 2012 (4A_36/2012), le juge précédent ne peut pas rendre une nouvelle décision mettant fin à la procédure de mesures provisionnelles. La décision attaquée est ainsi une décision intermédiaire rendue sur la base des éléments disponibles à ce stade, non assimilable à une nouvelle décision mettant fin à la procédure de mesures provisionnelles (consid. 4.1). Celui qui requiert des mesures provisionnelles doit rendre vraisemblable qu’une prétention dont il est titulaire fait l’objet d’une atteinte ou risque de le faire et qu’il s’expose ainsi à un préjudice difficilement réparable. L’enregistrement d’une marque n’intervient que si l’IPI n’a constaté aucun motif de nullité formel ou matériel. Il n’est pas arbitraire d’en déduire que la marque est, de prime abord et à défaut d’autres éléments, vraisemblablement valable. Il appartient à ceux qui contestent le bien-fondé de mesures provisionnelles de rendre vraisemblable que la marque sur la base de laquelle elles ont été rendues, ne pouvait pas être protégée (consid. 4.2). Dans l’appréciation de l’existence d’un préjudice difficilement réparable, il n’y a pas à opposer les préjudices auxquels les parties sont exposées pour décider s’il y a lieu d’interdire ou non la commercialisation d’un produit par voie de mesures provisionnelles. Pour que des mesures provisionnelles soient justifiées, il suffit que la partie requérante risque un préjudice difficilement réparable. Il n’est pas nécessaire que ce préjudice soit plus important ou plus vraisemblable que celui qu’encourrait la partie adverse au cas où les mesures requises seraient ordonnées (consid. 5).

Art. 9 Cst., art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM, art. 3 LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 55 al. 4 LPM, art. 59 lit. d LPM, art. 2 LCD, art. 3 LCD

La Ire Cour civile du Tribunal fédéral est saisie d’un recours contre une décision sur mesures provisoires rendue par le juge délégué du Tribunal cantonal vaudois dans une cause opposant les sociétés Nestlé SA (ci-après : Nestlé) et Nestlé Nespresso SA (ci-après : Nespresso) à celles Ethical Coffee Compagnie SA et Ethical Coffee Companie (Swiss) SA (ci-après : ECC) et à Media Markt, qui ont commercialisé dès septembre 2011 des capsules de café concurrentes de celles de Nespresso et compatibles avec les machines du même nom. Les sociétés ECC ont interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral pour arbitraire et violation du droit d’être entendues contre l’ordonnance du 11 novembre 2011 leur faisant interdiction en particulier d’offrir, de commercialiser, de distribuer des capsules de café dont la forme correspond à celle de la marque enregistrée par Nestlé. Une décision sur mesures provisionnelles est une décision incidente susceptible d’un recours au Tribunal fédéral uniquement si elle peut causer un préjudice irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 lit. a LTF (consid. 1.1). Ce préjudice doit être de nature juridique et non de fait ou purement économique. Il doit en outre4A_508/2012 être irréparable, soit non susceptible d’être supprimé par une décision finale ultérieure (consid. 1.2). Dans le cas d’espèce, comme les recourantes ne sont pas encore solidement implantées sur le marché et comme les mesures attaquées les empêchent de lancer leurs produits, le dommage qu’elles risquent de subir ne se limite pas à un seul préjudice financier (perte de certaines affaires déterminées) mais consiste en une entrave générale à leur développement économique par rapport à Nestlé et Nespresso avec lesquelles elles se trouvent en concurrence. Le dommage correspond ainsi à une perte de parts de marché qui n’est pas « indemnisable » ou réparable par l’octroi de dommages et intérêts, faute de pouvoir établir quel aurait été le développement économique auquel une partie aurait pu prétendre si elle avait pu lancer son produit sur le marché sans en être empêchée par les mesures provisoires ordonnées. À défaut de pouvoir établir leur dommage, il ne sera pas possible aux sociétés ECC d’en obtenir réparation (consid. 1.3.1).

Art. 93 al. 1 lit. a LTF

Un préjudice irréparable, exposant les décisions rendues en matière de mesures provisionnelles à un recours en matière civile, au sens de l’art. 93 al. 1 lit. LTF, n’est réalisé que lorsque la partie recourante subit un dommage qu’une décision favorable sur le fond ne fera pas disparaître complètement. Un seul inconvénient matériel résultant d’un accroissement de la durée et des frais de procédure est insuffisant (consid. 4). Ces exigences concernent tant les recours dirigés contre une décision accordant des mesures provisionnelles que contre une décision les refusant (consid. 5). Il incombe à la partie recourante d’indiquer de manière détaillée en quoi elle se trouve menacée d’un préjudice irréparable (consid. 4). Elle doit, sous peine d’irrecevabilité, le faire dans son mémoire de recours déjà, et est tardive à l’invoquer dans sa réplique intervenant après l’échéance du délai de recours (consid. 6).

art. 261 CPC

sic! 7/8/2012, p. 473-474, « Dichtscheiben »

Dans le cadre de mesures provisionnelles comme d’une demande au fond, la demanderesse avait demandé au Tribunal de commerce BE d’interdire notamment la production, l’utilisation, la vente, la livraison, ainsi que toute mise en circulation en Suisse et au Liechtenstein d’un dispositif d’étanchéité. Une expertise commandée par le tribunal arrivait à la conclusion que la description de ce dispositif comprise dans la demande allait au-delà de la sphère de protection conférée par le brevet et correspondait en partie à l’état de la technique. Suivant les indications de l’expertise, la demanderesse proposa une nouvelle formulation de sa demande et demanda que l’expert la réexamine. Selon le TFB, une requête consistant à faire « tester » une nouvelle formulation de conclusions avant de les inclure dans une demande modifiée n’est pas acceptable. En effet, un tribunal ne juge que des demandes formulées. Au surplus et dans la mesure où les mesures provisionnelles ont été refusées, le TFB ne répond pas à la question de savoir si les conditions de temps relatives à l’octroi de mesures provisionnelles sont remplies, sachant que la demanderesse était au courant des agissements de la défenderesse depuis 2007 et qu’elle avait depuis été en négociation avec elle (consid. 14-17).