Propriété intellectuelle

La demanderesse, alléguant l’utilisation et la transmission non autorisées de logiciels nouvellement développés, a demandé sans succès l’octroi de mesures provisionnelles. Un recours contre une décision rendue en matière de mesures provisionnelles, lorsqu’elle constitue une décision incidente, n’est recevable que si lesdites mesures peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 lit. a LTF). La réalisation de cette condition suppose que la partie recourante soit exposée à un préjudice de nature juridique, qu’une décision favorable ultérieure ne permettrait pas de faire disparaître. Les inconvénients de pur fait, tels que l’accroissement des frais de procédure ou la prolongation de celle-ci, ne sont pas considérés comme un préjudice irréparable de ce point de vue (consid. 1.2). En l’espèce, c’est à juste titre que la plaignante affirme être exposée à un préjudice qui dépasse l’inconvénient de pur fait. Par sa demande de mesures provisionnelles, elle cherche notamment à prévenir la divulgation de secrets à des tiers, qui ne pourrait être empêchée par un jugement au principal qui lui serait favorable. Par ailleurs, en ce qui concerne les autres actes couverts par l’interdiction requise, le préjudice dont elle est concrètement menacée ne peut pas non plus être éliminé par une éventuelle décision future qui lui serait favorable, d’autant plus que les fonctions de programme du logiciel litigieux prétendument utilisées par le défendeur constituent les éléments d’un nouveau produit, pour lequel le chiffre d’affaires et le bénéfice sont inconnus. Il faut en outre partir du principe, avec la plaignante, que les motifs pour lesquels la clientèle pourrait être amenée à choisir des produits de la concurrence, élaborés en utilisant des composants logiciels protégés, sont peu susceptibles d’être démontrables. Dans ces circonstances, contrairement à l’opinion de la partie défenderesse, il ne faut pas s’attendre à ce que le préjudice dont la plaignante est menacée puisse être réparé par le versement de dommages et intérêts, par une réparation du tort moral ou par la remise du gain (consid. 1.3). Relativement aux mesures provisionnelles qu’elle a requises en se fondant sur le droit d’auteur, sur le droit de la concurrence déloyale et sur le droit des contrats, la demanderesse invoque une violation par l’autorité inférieure de son droit d’être entendue (art. 29 al. 2 Cst.) et de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.). Aucune violation du droit d’être entendu ne peut être reprochée à l’instance inférieure (consid. 4). Quant à l’arbitraire, il ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération, ou même qu’elle serait préférable, mais seulement du fait que la décision attaquée apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d’un droit certain. Il ne suffit en outre pas que les motifs de la décision soient insoutenables, mais il faut encore que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (consid. 5.1). Selon la demanderesse, l’autorité inférieure a violé de manière « flagrante et arbitraire » plusieurs dispositions de droit fédéral en considérant que, dans la demande de mesures provisionnelles, aucune violation du droit d’auteur n’a été rendue vraisemblable, au motif qu’elle n’a pas démontré les fonctions du programme qui auraient été copiées et la contribution personnelle créative de son employé. La demanderesse ne parvient pas à démontrer l’existence d’une violation de l’art. 9 Cst. : outre le fait qu’elle se fonde de manière irrecevable sur des éléments factuels relatifs au contexte technique de son logiciel et à l’effort de développement qui a été consenti, qui ne peuvent être déduits de la décision attaquée, elle se contente de présenter son avis juridique sur la protection des programmes d’ordinateur et des parties de programmes ainsi que son avis selon lequel son logiciel est protégé par le droit d’auteur. Elle ne peut démontrer que les considérations de la décision attaquée, selon lesquelles elle n’a ni expliqué le contenu des fonctions prétendument copiées, ni fait de déclarations quant à la contribution créative de son employé, sont arbitraires. Elle affirme avoir montré le contenu des fonctions du programme copiées, mais, dans sa demande de mesures provisionnelles, elle ne révèle pas le code du programme, mais se contente d’une brève description de son objectif, avec des mots-clés individuels. Du point de vue de l’arbitraire, l’objection de la juridiction inférieure selon laquelle la demande de mesures provisionnelles n’était pas suffisamment motivée ne peut pas être contestée. La demanderesse ne parvient pas non plus à démontrer une application anticonstitutionnelle de l’art. 2 LDA en soulignant que l’instance inférieure a elle-même, dans une décision en matière de mesures super-provisionnelles, initialement assumé la protection par le droit d’auteur des composants logiciels en question, l’instance inférieure n’étant bien entendu pas liée par cette décision (consid. 5.2). Concernant ses prétentions reposant sur le droit de la concurrence déloyale, la demanderesse ne parvient pas non plus à démontrer une violation de l’interdiction de l’arbitraire. En alléguant une prétendue violation de l’art. 5 LCD, elle s’appuie sur des éléments de fait qui ne peuvent être déduits de la décision attaquée. Elle n’est pas non plus en mesure de démontrer que l’appréciation de l’instance précédente, selon laquelle les faits à l’origine de la demande n’ont pas été exposés de manière suffisamment étayée, est arbitraire (consid. 5.3). La plaignante ne parvient pas non plus à démontrer une violation de l’interdiction d’arbitraire en ce qui concerne ses prétentions contractuelles (consid. 5.4). Le recours est rejeté (consid. 6).

L’intimée SUISA, en tant que société de gestion, est tenue vis-à-vis des titulaires de droits, d’après l’art. 44 LDA, de faire valoir les droits relevant de son domaine d’activité. Cela implique aussi, le cas échéant, d’exercer des droits d’interdiction contre les utilisateurs : lorsqu’il y a un risque aigu que ces derniers manquent à leurs obligations financières, la société de gestion s’opposera à l’utilisation, en prenant garde de respecter l’égalité de traitement. En l’espèce, on ne voit pas en quoi la recourante pourrait tirer argument du fait que l’intimée a prononcé l’interdiction seulement quelques mois après la résiliation du contrat de licence (consid. 3.2.1). Au surplus, la recourante remet en cause l’établissement de l’état de fait par l’autorité inférieure, sans que les conditions ne soient remplies (consid. 3.2.2). La recourante ne montre pas en quoi le tarif commun S créerait des droits à rémunération incompatibles avec des dispositions légales impératives, ni en quoi la fiction tarifaire d’acceptation d’une facture établie par estimation serait illicite (consid. 5.1). Mais, selon l’état de fait, il n’est pas établi que les données fournies par la recourante à l’intimée pour les années 2014 et 2016 aient été inexactes ou lacunaires. Les conditions pour des factures par estimation n’étaient donc pas remplies, si bien que la fiction d’acceptation de celles-ci ne peut pas s’appliquer. L’autorité inférieure a ainsi renoncé à tort à une preuve des bases de calcul des factures, si bien que l’affaire doit lui être renvoyée (consid. 5.2.2). S’agissant de la facture pour l’année 2015, on ne peut pas admettre que la fiction d’acceptation concerne aussi le doublement des redevances. L’avis de l’autorité inférieure, selon lequel cette fiction porte sur le résultat de l’estimation, et non sur la possibilité tarifaire de doubler la redevance en cas de violation du droit, est compatible avec le texte du tarif. De plus, le doublement est subordonné à la condition que des données fausses ou incomplètes aient été fournies intentionnellement ou par négligence grossière. Il s’agit d’une condition supplémentaire par rapport à celles qui permettent l’estimation, dont la réalisation ne pourrait pas être vérifiée si la fiction d’acceptation portait aussi sur le doublement (consid. 7.2). En ce qui concerne la preuve de la réalisation de cette condition supplémentaire, l’art. 97 CO n’est pas applicable. On ne comprend pas pourquoi l’autorité inférieure aurait dû faire abstraction des problèmes de restructuration et de personnel que la recourante prétend avoir rencontrés pour établir son décompte de l’année 2015 (consid. 8.1). A cet égard, une constatation arbitraire des faits pertinents n’est pas démontrée (consid. 8.2).

Un conseil en brevets qui agit en tant que juge peut être considéré comme partial indépendamment du fait que le mandat ait ou non un lien factuel avec l’objet du litige. Le juge est également considéré comme partial si, en tant qu’avocat, il représente ou a représenté l’une des parties au litige dans une autre procédure ou si un tel rapport existe ou existait avec la partie adverse dans la procédure en cours (consid. 4.2.2). La partialité peut également apparaître lorsqu’un autre avocat dans le même cabinet a déjà été mandaté plusieurs fois par l’une des parties, a fortiori dans le cas d’une relation permanente. En effet, le client s’attend non seulement à ce que son avocat respecte ses obligations envers lui, mais que, dans une certaine mesure, il en soit de même pour les autres avocats au sein du cabinet (consid. 4.2.3). Toutefois, certaines situations ne peuvent remettre en cause l’impartialité du juge. Tel est le cas d’activités purement administratives, à condition que l’intensité de la relation ne puisse susciter de crainte de partialité. Cette intensité est appréciée sur la base des circonstances objectives du cas d’espèce (consid. 5.2). Dans le cas d’un brevet européen, l’activité du représentant de la partie suisse du brevet qui se limite à fournir un domicile de notification pour la correspondance de l’OEB ou d l’IPI, est purement administrative. Dans pareille situation, le conseil en brevets joue un rôle d’intermédiaire passif et non de représentation active ou de conseil. Dès lors, l’examen de l’impartialité ne se fait pas de manière aussi sévère que dans le cas d’une activité de conseil (consid. 6.2). En outre, même s’il existe des directives internes en la matière comme celles du TFB, elles n’ont pas de valeur normative, mais sont utiles au juge afin qu’il évalue sa partialité. Dès lors, un motif de récusation s’apprécie uniquement à la lumière de l’art. 47 CPC en tenant compte des principes découlant de l’art. 30 al. 1 Cst. (consid. 6.3).

Le recours en matière civile est en principe recevable contre les jugements du TF des brevets, sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. e LTF et art. 75 al. 1 LTF) (consid. 1). Toutefois, dans les cas d’erreurs d’écriture ou de calcul que vise l’art. 334 CPC, la voie du recours en matière civile n’est disponible qu’après l’échec d’une demande de rectification. En l’espèce cependant, l’objet du recours en matière civile (annulation du jugement du TFB et nullité complète du brevet concerné) ne recoupait pas une hypothétique demande en rectification (reproduction dans le dispositif du jugement du TFB de l’ensemble des nouvelles revendications du brevet limité par la défenderesse et intimée), de sorte que le recours en matière civile est recevable (consid. 2). La renonciation partielle à un brevet est prévue par les art. 24 et 25 LBI. Elle permet au titulaire de conserver certains éléments du brevet menacé de nullité, lorsque les revendications se révèlent formulées de manière trop large, en méconnaissance de l’état de la technique. Elle suppose une modification des revendications dans le cadre des modalités prévues par l’art. 24 LBI. Elle s’accomplit en principe par une requête adressée à l’IPI, mais peut intervenir aussi devant le tribunal saisi d’une action en nullité. Ce tribunal doit alors vérifier si les revendications nouvellement énoncées réduisent valablement la portée du brevet litigieux. Parce que cette vérification nécessite de constater et d’apprécier aussi des faits, la renonciation partielle au brevet litigieux est assimilée à l’introduction de faits ou de moyens de preuves nouveaux dans le procès civil. La renonciation partielle doit donc intervenir avant la clôture de la phase de l’allégation ; elle ne peut intervenir plus tard qu’aux conditions de l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. En l’espèce, la phase de l’allégation s’est terminée avec la réplique pour la demanderesse et avec la duplique pour la défenderesse (2e échange d’écritures selon les art. 225 et 229 al. 2 CPC). La renonciation partielle déclarée au stade de la duplique était inconditionnellement recevable. Si la demanderesse voulait contester la validité de cette renonciation, notamment au regard de l’art. 24 LBI, ou contester la validité de la partie restante du brevet consistant dans les revendications nouvellement énoncées par la défenderesse, sur la base de faits non encore allégués mais dont l’allégation se justifiait objectivement aux fins de ces constatations, ladite allégation lui était encore permise par l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. La renonciation partielle au brevet litigieux équivaut à un acquiescement partiel à la demande en justice. C’est pourquoi le TFB, alors même qu’il rejetait l’action en nullité et aussi l’action en cession du brevet, a réparti les frais judiciaires entre les parties et compensé les dépens (consid. 3). Les moyens développés à l’appui du recours en matière civile ne sont pas mentionnés dans le jugement attaqué et encore moins discutés dans ce jugement. Les précédents juges n’y discutent que les moyens soulevés à l’encontre du brevet dans son état antérieur à la renonciation partielle. Celle-ci a de toute évidence introduit une modification très importante de l’objet du litige. Ni le Code de procédure civile, ni la LTFB ne prévoient explicitement une procédure appropriée à cette situation. D’ordinaire, toutefois, une renonciation partielle est apte à permettre une simplification du procès. A première vue, il eût été opportun de rendre une décision incidente selon l’art. 237 CPC sur les conclusions en renonciation partielle articulées par la défenderesse, puis d’inviter la demanderesse à recentrer son argumentation. Une pareille solution pouvait s’inscrire dans le cadre de l’art. 125 CPC car cette disposition n’énumère pas limitativement les mesures de simplification du procès. Selon la jurisprudence relative à l’art. 75 al. 1 LTF, les moyens soumis au TF doivent avoir été autant que possible déjà soulevés devant l’autorité précédente ; à défaut, ils sont irrecevables. Cette exigence n’est en l’occurrence pas satisfaite. L’argumentation développée dans le cadre du recours est nouvelle et elle ne s’impose pas en raison des motifs du jugement attaqué. La demanderesse ne paraît pas avoir été empêchée de la soulever déjà devant le TFB, notamment au stade des débats principaux. Elle a simplement omis de le faire. Le recours en matière civile se révèle par conséquent irrecevable dans la mesure où il tend à la nullité du brevet litigieux (consid. 4). La valeur litigieuse est un des critères de fixation de l’émolument judiciaire à percevoir par le TFB selon l’art. 31 al. 1 à 3 LTFB. Cette valeur est aussi l’un des critères de fixation des dépens qu’une partie doit à une autre partie, le cas échéant, selon les art. 4 et 5 du tarif prévu par l’art. 33 LTFB. La valeur litigieuse doit être elle-même estimée conformément à l’art. 91 al. 2 CPC lorsque, comme en l’espèce, l’action intentée devant le tribunal ne porte pas sur le paiement d’une somme d’argent déterminée. L’issue du litige ne saurait influencer l’estimation litigieuse et il importe donc peu qu’en définitive le brevet soit éventuellement jugé nul. Pour le surplus, la valeur économique du droit d’exclusivité qui est l’enjeu du brevet et de la contestation est sans aucun doute un critère d’estimation pertinent à propos duquel le TFB dispose d’un pouvoir d’appréciation (consid. 5).

L’un des plus anciens groupes industriels de Suisse, le groupe Von Roll, s’est restructuré en 2003. Les contrats conclus au moment de la scission ont fait l’objet de plusieurs contentieux. L’un d’entre eux prévoyait notamment que la défenderesse avait le droit d’utiliser et/ou de faire protéger la dénomination sociale « vonRoll » avec les adjonctions « infratec », « hydro », « casting » et « itec », en tant que raison sociale et/ou en tant que marque. En 2017, la défenderesse a déposé quatre marques combinées contenant ces désignations. Après que la demanderesse ait fait opposition à ces enregistrements, la défenderesse a intenté avec succès devant le tribunal cantonal soleurois une action en constatation de droit contre elle. La demanderesse, qui recourt contre le jugement du tribunal cantonal, ne parvient pas à démontrer l’existence d’une violation de son droit d’être entendue au sens de l’art. 29 al. 2 Cst. ou de l’interdiction de l’arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. par l’instance précédente (consid. 2.2 – 2.4). Elle fait aussi valoir que l’instance inférieure aurait estimé à tort que la défenderesse avait un intérêt à la constatation et qu’elle aurait violé, en entrant en matière sur le recours, les art. 59 al. 2 lit. a et 88 CPC, ainsi que l’art. 52 LPM (consid. 3). L’action en constatation de droit vise à faire constater l’existence ou l’inexistence d’un droit ou d’un rapport de droit. Le demandeur doit établir un intérêt digne de protection à la constatation immédiate. Cet intérêt n’est pas nécessairement de nature juridique, il peut s’agir d’un pur intérêt de fait. Cette condition est notamment remplie lorsque les relations juridiques entre les parties sont incertaines et que cette incertitude peut être levée par la constatation judiciaire. Toute incertitude n’est pas suffisante : il faut qu’on ne puisse plus attendre du demandeur qu’il en tolère le maintien, parce qu’elle l’entrave dans sa liberté de décision. Dans le cas d’une action en constatation négative, notamment, il faut également tenir compte des intérêts de la partie intimée, qui est contrainte d’entrer de manière prématurée dans une procédure. Cela enfreint la règle selon laquelle c’est en principe au créancier, et non au débiteur, de déterminer à quel moment il entend faire valoir son droit. Une procédure judiciaire précoce peut désavantager le créancier s’il est obligé de fournir des preuves avant qu’il ait la volonté et les moyens de le faire. En règle générale, l’intérêt à la constatation fait défaut lorsque le titulaire d’un droit dispose d’une action en exécution ou d’une action formatrice, immédiatement ouverte, qui lui permettrait d’obtenir directement le respect de son droit ou l’exécution de l’obligation. En ce sens, l’action en constatation de droit est subsidiaire par rapport à ces actions (consid. 3.2). C’est à tort que la demanderesse nie l’intérêt à la constatation de la défenderesse, en faisant valoir que l’IPI peut examiner avec un plein pouvoir de cognition s’il existe un risque de confusion, et donc un motif d’exclusion, dans le cadre de la procédure d’opposition pendante en vertu des art. 31 al. 1 et 33 LPM. En réalité, sa cognition est strictement limitée, le conflit de signes devant être évalué tel qu’il ressort du registre. Par conséquent, dans une procédure d’opposition, l’intimé ne peut pas se défendre en faisant valoir que l’opposant ne tient pas compte des accords contractuels. La demanderesse ne peut pas non plus être suivie lorsque, dans le même contexte, elle estime qu’il est (matériellement) sans importance dans la présente procédure que la défenderesse soit habilitée à enregistrer les marques en cause sur la base de la relation contractuelle existant entre les parties. Si la demanderesse est contractuellement obligée de tolérer les enregistrements litigieux, elle ne peut pas invoquer son droit à la marque prioritaire pour les empêcher. Le titulaire de la marque ne peut faire valoir son droit exclusif à l’encontre de la partie contractante que si celle-ci viole le contrat (consid. 3.3). L’argument de la demanderesse selon lequel, en vertu du principe de subsidiarité de l’action en constatation, la défenderesse aurait pu introduire une action en exécution pour mettre fin à la situation illicite ne peut pas non plus être suivi. Compte tenu des incertitudes découlant de la relation contractuelle spécifique entre les parties quant à l’admissibilité de l’usage respectif des signes, ainsi que des différents litiges juridiques survenus entre les parties ou entre les sociétés de leurs groupes, la défenderesse a un intérêt digne de protection à ce qu’il soit établi, au-delà de la procédure d’opposition en cours, que ses signes ne portent pas atteinte aux marques de la plaignante. L’incertitude existant dans la relation juridique entre les parties peut être levée par la décision judiciaire demandée, et on ne peut attendre de la défenderesse qu’elle tolère le maintien de cette incertitude (consid. 3.4). La demanderesse reproche à l’instance précédente, en se basant sur l’art. 18 al. 1 CO, une interprétation erronée des conventions passées entre les parties (consid. 4). Compte tenu de la formulation et des circonstances concrètes de la conclusion des deux contrats en cause, la juridiction inférieure a considéré que les parties n’avaient pas eu l’intention, en utilisation la désignation « vonRoll » dans le second contrat, de restreindre l’orthographe de cet élément du signe. Ce faisant, elle a notamment tenu compte du comportement ultérieur de la demanderesse, qui a elle-même utilisé le signe verbal « vonRoll » dans cette orthographe. Le TF est lié par ces constatations. Même si l’on n’admettait pas qu’il existait une concordance de volontés entre les parties, on ne pourrait reprocher à l’instance précédente de ne pas avoir tenu compte des principes d’interprétation pertinents du droit des contrats, conformément au principe de la confiance. Une partie ne peut en effet s’appuyer sur le fait que son cocontractant aurait dû comprendre une disposition contractuelle de bonne foi dans un certain sens que dans la mesure où elle a elle-même effectivement compris cette disposition de cette manière. Si la demanderesse n’a pas compris l’utilisation de l’orthographe « vonRoll » au moment de la conclusion du second contrat comme une restriction de l’utilisation autorisée du signe, elle ne peut attribuer, selon le principe de la bonne foi, un tel sens à cette disposition. En tout état de cause, compte tenu de la disposition contractuelle permettant expressément à la défenderesse d’enregistrer le signe « VON ROLL » avec certains ajouts en tant que « marque verbale et/ou figurative », la simple utilisation d’une orthographe différente dans la deuxième convention, qui ne sert en outre qu’à « confirmer, préciser et compléter » la première, ne saurait être comprise, même d’un point de vue objectif, comme une restriction de la forme d’usage autorisée sans autre indication particulière. Selon le principe de la bonne foi, il ne pouvait être déduit du simple fait de l’orthographe spécifique utilisée qu’une représentation graphique des éléments du mot, telle qu’elle était utilisée dans les marques déposées par la défenderesse, n’était pas contractuellement autorisée (consid. 4.3.2). Compte tenu des accords passés entre les parties, la demanderesse ne peut pas s’opposer aux enregistrements effectués en se fondant, sur la base de l’art. 3 LPM, sur ses propres marques prioritaires « VON ROLL » et « VON ROLL ENERGY ». Elle ne dispose d’aucun droit de priorité fondé sur le droit des marques sur le logo déposé par la défenderesse, puisqu’elle admet elle-même que sa marque « VON ROLL » (fig.), incorporant ce logo, a été radiée, et que les marques opposantes sont des marques purement verbales. En conséquence, c’est à raison que l’instance précédente a considéré que, compte tenu des accords conclus entre les parties, les marques déposées par la défenderesse ne violent pas les marques verbales « VON ROLL » et « VON ROLL ENERGY » détenues par la requérante, et que celles-ci ne font pas obstacle à leur enregistrement (consid. 4.4). Le recours est rejeté (consid. 5)

Art. 67 LDA, Art. 30 CP, Art. 31 CP, Art. 98 CP al. b, Art. 98 CP al. c

Le délit défini à l’art. 67 LDA est poursuivi sur plainte. La plainte pénale au sens des art. 30 ss CP est une déclaration de volonté inconditionnelle par laquelle le lésé demande l’introduction d’une poursuite pénale. L’art. 31 CP prévoit que le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Le délai court du jour où l’ayant droit a eu connaissance de l’auteur de l’infraction mais aussi de l’infraction elle-même. En présence d’une pluralité d’infractions, la détermination du début du délai de plainte s’opère par analogie avec la fixation du point de départ de la prescription. Le TF a abandonné la figure de l’unité sous l’angle de la prescription – et donc par analogie de la plainte pénale –, le délai de plainte devant dorénavant être calculé pour chaque infraction de manière séparée. Il existe toutefois des exceptions pour les infractions représentant une unité juridique ou naturelle d’actions, celles-ci devant toujours être considérées comme un tout et le délai de prescription ne commençant alors à courir qu’avec la commission du dernier acte délictueux ou la cessation des agissements coupables (art. 98 lit. b et c CP). L’unité juridique d’actions existe lorsque le comportement défini par la norme présuppose la commission d’actes séparés, tels le brigandage (art. 140 CP), mais aussi lorsque la norme définit un comportement durable se composant de plusieurs actes, par exemple les délits de gestion fautive (art. 165 CP) ou de services de renseignements politiques ou économiques (art. 272 et 273 CP). L’unité naturelle d’actions existe lorsque des actes séparés procèdent d’une décision unique et apparaissent objectivement comme des événements formant un ensemble en raison de leur relation étroite dans le temps et dans l’espace. Elle vise ainsi la commission répétée d’infractions ou la commission d’une infraction par étapes successives, une unité naturelle étant cependant exclue si un laps de temps assez long s’est écoulé entre les différents actes, quand bien même ceux-ci seraient liés entre eux. La notion d’unité naturelle d’actions doit être interprétée restrictivement afin de ne pas réintroduire sous une autre forme la figure du délai successif ou celle de l’unité du point de vue de la prescription. Il s’agit d’une question de droit (consid. 2.2). Le comportement défini par l’art. 67 LDA ne présuppose pas l’accomplissement d’actes séparés ni un comportement durable, de sorte que l’on ne saurait retenir une unité juridique d’actions (consid. 2.3.1).

Art. 9 Cst., Art. 8 CC, Art. 42 CO al. 2, Art. 62 CO, Art. 423 CO, Art. 70 CP, Art. 62 LDA

Selon l’art. 423 al. 1 CO, auquel renvoie l’art. 62 al. 2 LDA, lorsque la gestion n’a pas été entreprise dans l’intérêt du maître, celui-ci n’en a pas moins le droit de s’approprier les profits qui en résultent (consid. 3.1). Cette disposition vise l’hypothèse de la gestion d’affaires imparfaite de mauvaise foi, le gérant intervenant illicitement dans les affaires du maître en agissant non pas dans l’intérêt de ce dernier mais dans son propre intérêt ou celui d’un tiers. L’art. 423 CO a pour but essentiel d’éviter que le gérant, auteur de l’ingérence, ne profite de celle-ci et qu’il en conserve les profits. La remise du gain remplit ainsi aujourd’hui également une fonction préventive (ou punitive) et plus seulement une fonction de rééquilibrage. Pour que la règle de l’art. 423 CO trouve application, trois conditions cumulatives doivent être réalisées : 1) une atteinte illicite aux droits d’autrui, l’intervention du gérant ayant lieu sans cause et ne reposant ni sur un contrat, ni sur la loi. En matière de droit d’auteur, toute utilisation non autorisée des droits appartenant à des tiers est considérée comme une intervention illicite ; 2) le gérant intervenant sans droit dans les affaires d’autrui doit avoir la volonté de gérer celle-ci exclusivement ou de manière prépondérante dans son propre intérêt ; 3) la mauvaise foi du gérant est nécessaire, qui est donnée s’il sait ou doit savoir qu’il s’immisce dans la sphère d’autrui sans avoir de motif pour le faire (consid. 3.1.1). Si ces conditions sont remplies, le gérant est tenu de restituer au maître le profit qu’il a réalisé, soit tout avantage pécuniaire résultant de l’ingérence qui réside dans la différence entre le patrimoine effectif de l’auteur de la violation et la valeur qu’aurait ce patrimoine en l’absence de toute violation. Le profit doit être en lien de causalité avec l’atteinte illicite incriminée. Il incombe au maître de rapporter la preuve d’un lien de causalité entre l’atteinte illicite à ses biens juridiques et les profits nets réalisés par le gérant. A cet égard, une vraisemblance prépondérante suffit (consid. 3.1.2). On est en présence d’une « atteinte combinée » ou d’un « concours de causes » lorsque le profit réalisé par le gérant résulte aussi bien de l’atteinte aux biens juridiquement protégés d’un tiers (le maître) que de l’activité licite menée par le gérant lui-même. La restitution ne peut alors porter que sur la partie du profit qui découle de l’atteinte, par le gérant, aux biens juridiquement protégés du maître. Ce concours de causes a été envisagé par le législateur puisque celui-ci a explicitement exprimé sa volonté de laisser le juge apprécier librement (parmi les divers facteurs ayant permis au gérant de réaliser un gain) la mesure dans laquelle celui-ci résulte de l’atteinte illicite aux biens du maître. Lorsque le gérant ayant porté atteinte aux droits de propriété intellectuelle du maître a également commis une infraction pénale au détriment d’une tierce personne, la part du profit qui en découle ne devra pas être restituée au maître. Dans cette situation, le comportement du gérant, qui s’est enrichi illégitimement au dépens du consommateur, donne naissance à un fondement juridique distinct de celui à l’origine de la remise de gain permettant exclusivement à ce lésé de faire valoir sa prétention tendant au remboursement du montant qu’il a versé sans cause (consid. 3.1.3). Dans la mesure où la restitution porte sur l’enrichissement net du gérant, le maître a la charge de prouver le montant de la recette brute, alors que le gérant doit établir le montant des coûts engagés. Une évaluation par application analogique de l’art. 42 al. 2 CO n’est admissible que si les conditions en sont remplies. La preuve facilitée prévue par cette règle ne libère pas le demandeur de la charge de fournir au juge, dans la mesure où cela est possible et où on peut l’attendre de lui, tous les éléments de faits qui constituent des indices de l’existence du profit et qui permettent ou facilitent son estimation ; elle n’accorde pas au lésé la faculté de formuler, sans indication plus précise, des prétentions en remise de gain de n’importe quelle ampleur. Par conséquent, si le lésé ne satisfait pas entièrement à son devoir de fournir des éléments utiles à l’estimation, l’une des conditions dont dépend l’application de l’art. 42 al. 2 CO n’est pas réalisée, alors même que, le cas échéant, l’existence d’un dommage est certaine. Le lésé est alors déchu du bénéfice de cette disposition (consid. 3.1.4). In casu, l’enrichissement du défendeur découle de la mise en scène, constitutive d’une infraction pénale, que celui-ci a élaborée au préjudice de ses clients. Lésés par les agissements du défendeur, ce sont ses clients qui, sur le plan civil, sont légitimés à demander la restitution de l’indu au défendeur qui s’est enrichi illégitimement. La défenderesse ne saurait dès lors prétendre au paiement d’un montant dont un tiers (le client lésé) est le seul créancier et qui repose sur un fondement différent de celui qui sous-tend l’art. 423 CO (consid. 3.2.1).

Art. 125 CPC let. a, Art. 222 CPC al. 3, Art. 229 CPC al. 1, Art. 236 CPC, Art. 237 CPC

Selon la jurisprudence désormais constante, les parties bénéficient, tant en procédure ordinaire que simplifiée [mais pas en procédure sommaire] de la possibilité de s’exprimer par deux fois de manière non limitée sur la cause et notamment d’introduire de nouveaux faits dans la procédure. Elles n’ont plus ensuite la possibilité de présenter de nouveaux faits et de nouveaux moyens de preuve qu’aux conditions restrictives de l’art. 229 al. 1 CPC. Etant donné l’importance fondamentale du droit des novae en procédure civile, il est indispensable qu’il existe des règles générales claires et non équivoques permettant aux parties de déterminer de manière sûre jusqu’à quel point de la procédure elles sont admises à s’exprimer de manière non limitée sur la cause. Il n’est par conséquent pas possible que la clôture des échanges soit laissée à l’appréciation du tribunal. La limitation de l’admissibilité de nouveaux faits et moyens de preuve ne peut en particulier pas être contournée par le fait que des débats d’instruction sont organisés dans le cadre desquels des novae additionnels pourraient être présentés sans limite. Le juge instructeur a par contre la latitude de tenir une audience d’instruction à la seule fin de tenter une conciliation pour autant que celle-ci ne constitue pas une deuxième opportunité offerte aux parties d’alléguer sans limitation des nouveaux faits et moyens de preuve, et ceci sans que la clôture des échanges suive immédiatement (consid. 2.3.1). Selon l’art. 125 lit. a CPC, le tribunal peut, afin de simplifier la procédure, en particulier la limiter à certaines questions ou à certains points de droit. A la suite d’une telle limitation de la procédure, est rendu un jugement partiel (art. 236 CPC) respectivement un jugement intermédiaire au sens de l’art. 237 CPC. Une telle limitation peut être ordonnée par le tribunal en particulier avec la fixation d’un délai pour le dépôt de la réponse (art. 222 al. 3 CPC). Demeure ouverte la question de savoir si une limitation de la procédure peut encore intervenir au moment de la fixation du délai pour le dépôt de la réplique. Dans le cas d’espèce en effet, le juge instructeur n’a pas ordonné une limitation de la procédure en vue d’un jugement partiel ou intermédiaire sur la nullité du brevet à l’origine de la demande. Il a bien plutôt unilatéralement octroyé à la partie demanderesse la possibilité de prendre position avant l’audience d’instruction sur une partie des arguments de la réponse et d’y répliquer dans ce cadre en introduisant ainsi des novae non limités dans la procédure (consid. 2.3.2). Si l’admissibilité d’une scission thématique de la réplique est discutée, outre le fait qu’il paraisse douteux qu’une telle manière de faire soit judicieuse, il est au moins nécessaire que la question débattue soit clairement délimitée du reste de la procédure, ce que l’intimée conteste de manière convaincante en ce qui concerne la question de la nullité du brevet en lien avec celle de sa violation. Une telle partition thématique de la cause ne doit en aucun cas amener à ce que la demanderesse puisse s’exprimer plus de deux fois de manière illimitée (consid. 2.4). Dans le cas d’espèce, l’intimée a eu l’occasion de s’exprimer une première fois sur la cause de manière illimitée dans sa demande. Elle a eu la possibilité de le faire une deuxième fois dans une réplique limitée, selon ordonnance expresse de l’autorité précédente, à la question de la validité du brevet concerné. Enfin, l’intimée s’est exprimée une troisième fois, sans limitation à une thématique particulière, dans sa réplique complémentaire. L’intimée a ainsi bénéficié, par trois fois, de la possibilité d’alléguer de nouveaux faits et de proposer de nouveaux moyens de preuve, deux fois de manière thématiquement illimitée et une fois supplémentaire sur la question exclusive de la validité du brevet. Cela n’est pas conforme à la jurisprudence du TF selon laquelle les parties ne bénéficient, en procédure ordinaire, que deux fois de la possibilité de s’exprimer sur la cause et d’introduire de nouveaux faits dans la procédure (consid. 2.4.1). Il est pleinement possible à la demanderesse d’annihiler, déjà au stade de la demande, les effets d’une éventuelle objection de nullité du brevet. Il n’est pas relevant qu’elle n’ait pas eu d’indication que la défenderesse soulèverait ce moyen de défense. Car la possibilité de s’exprimer librement dans la procédure et d’alléguer tous les faits et moyens de preuve quels qu’ils soient, se caractérise aussi justement par le fait qu’elle est donnée indépendamment de ce que la partie adverse ait suscité une prise de position ou une réaction particulière. Cela fait partie de l’essence même de la procédure (civile) que la demanderesse, au moment du dépôt de la demande – soit du point de vue du droit des novae au moment de la première possibilité qui lui est donnée de s’exprimer sans limitation – ne connaisse pas encore de manière sûre l’axe de défense de la partie défenderesse. L’existence de règles claires fondamentalement respectée par tous les tribunaux dans le cadre de l’application du CPC est d’une importance centrale du point de vue de la sécurité du droit. Une différenciation en fonction de la prévisibilité des exceptions, respectivement des objections de la partie adverse, nuirait grandement à la sécurité du droit, de sorte qu’une exception à la règle générale de la possibilité de ne s’exprimer que deux fois librement ne se justifie pas dans le domaine du droit des brevets. Que l’exception de nullité du brevet invoquée dans la demande pose de nouvelles questions en lien avec l’objet du litige n’est d’ailleurs pas fondamentalement différent de ce qui se passe lorsque l’exception de prescription est soulevée à l’encontre d’une prétention ou lorsqu’une autre prétention est invoquée en compensation. Lorsque des allégations nouvelles de ce type sont présentées dans la réponse, cela ne conduit pas à ce que la partie demanderesse puisse s’exprimer trois fois librement les concernant (consid. 2.4.2). L’autorité précédente a ainsi violé le droit fédéral en permettant à l’intimée, en tout cas pour ce qui est de la question de la validité du brevet, de proposer à trois reprises de manière illimitée des faits et moyens de preuve nouveaux et sur cette base de reformuler les revendications de son brevet, sans examiner si ces novae étaient exceptionnellement admissibles selon les conditions de l’art. 229 al. 1 CPC (consid. 2.4.3).

Art. 74 LTF al. 2 let. e, Art. 75 LTF al. 1, Art. 31 LTFB al. 1, Art. 31 LTFB al. 2, Art. 31 LTFB al. 3, Art. 33 LTFB, Art. 4 FB-LTFB, Art. 5 FP-LTFB, Art. 24 LBI, Art. 25 LBI, Art. 26 LBI, Art. 91 CPC al. 2, Art. 125 CPC, Art. 225 CPC, Art. 229 CPC, Art. 237 CPC

Le recours en matière civile est en principe recevable contre les jugements du Tribunal fédéral des brevets, sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. e LTF et art. 75 al. 1 LTF) (consid. 1). Toutefois, dans les cas d’erreurs d’écriture ou de calcul que vise l’art. 334 CPC, la voie du recours en matière civile n’est disponible qu’après l’échec d’une demande de rectification. En l’espèce cependant, l’objet du recours en matière civile (annulation du jugement du TFB et nullité complète du brevet concerné) ne recoupait pas une hypothétique demande en rectification (reproduction dans le dispositif du jugement du TFB de l’ensemble des nouvelles revendications du brevet limité par la défenderesse et intimée), de sorte que le recours en matière civile est recevable (consid. 2). La renonciation partielle à un brevet est prévue par les art. 24 et 25 LBI. Elle permet au titulaire de conserver certains éléments du brevet menacé de nullité, lorsque les revendications se révèlent formulées de manière trop large, en méconnaissance de l’état de la technique. Elle suppose une modification des revendications dans le cadre des modalités prévues par l’art. 24 LBI. Elle s’accomplit en principe par une requête adressée à l’IPI, mais peut intervenir aussi devant le tribunal saisi d’une action en nullité. Ce tribunal doit alors vérifier si les revendications nouvellement énoncées réduisent valablement la portée du brevet litigieux. Parce que cette vérification nécessite de constater et d’apprécier aussi des faits, la renonciation partielle au brevet litigieux est assimilée à l’introduction de faits ou de moyens de preuves nouveaux dans le procès civil. La renonciation partielle doit donc intervenir avant la clôture de la phase de l’allégation ; elle ne peut intervenir plus tard qu’aux conditions de l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. En l’espèce, la phase de l’allégation s’est terminée avec la réplique pour la demanderesse et avec la duplique pour la défenderesse (2e

échange d’écritures selon les art. 225 et 229 al. 2 CPC). La renonciation partielle déclarée au stade de la duplique était inconditionnellement recevable. Si la demanderesse voulait contester la validité de cette renonciation, notamment au regard de l’art. 24 LBI, ou contester la validité de la partie restante du brevet consistant dans les revendications nouvellement énoncées par la défenderesse, sur la base de faits non encore allégués mais dont l’allégation se justifiait objectivement aux fins de ces constatations, ladite allégation lui était encore permise par l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. La renonciation partielle au brevet litigieux équivaut à un acquiescement partiel à la demande en justice. C’est pourquoi le TFB, alors même qu’il rejetait l’action en nullité et aussi l’action en cession du brevet, a réparti les frais judiciaires entre les parties et compensé les dépens (consid. 3). Les moyens développés à l’appui du recours en matière civile ne sont pas mentionnés dans le jugement attaqué et encore moins discutés dans ce jugement. Les précédents juges n’y discutent que les moyens soulevés à l’encontre du brevet dans son état antérieur à la renonciation partielle. Celle-ci a de toute évidence introduit une modification très importante de l’objet du litige. Ni le Code de procédure civile, ni la LTFB ne prévoient explicitement une procédure appropriée à cette situation. D’ordinaire, toutefois, une renonciation partielle est apte à permettre une simplification du procès. A première vue, il eût été opportun de rendre une décision incidente selon l’art. 237 CPC sur les conclusions en renonciation partielle articulées par la défenderesse, puis d’inviter la demanderesse à recentrer son argumentation. Une pareille solution pouvait s’inscrire dans le cadre de l’art. 125 CPC car cette disposition n’énumère pas limitativement les mesures de simplification du procès. Selon la jurisprudence relative à l’art. 75 al. 1 LTF, les moyens soumis au TF doivent avoir été autant que possible déjà soulevés devant l’autorité précédente ; à défaut, ils sont irrecevables. Cette exigence n’est en l’occurrence pas satisfaite. L’argumentation développée dans le cadre du recours est nouvelle et elle ne s’impose pas en raison des motifs du jugement attaqué. La demanderesse ne paraît pas avoir été empêchée de la soulever déjà devant le TFB, notamment au stade des débats principaux. Elle a simplement omis de le faire. Le recours en matière civile se révèle par conséquent irrecevable dans la mesure où il tend à la nullité du brevet litigieux (consid. 4). La valeur litigieuse est un des critères de fixation de l’émolument judiciaire à percevoir par le TFB selon l’art. 31 al. 1 à 3 LTFB. Cette valeur est aussi l’un des critères de fixation des dépens qu’une partie doit à une autre partie, le cas échéant, selon les art. 4 et 5 du tarif prévu par l’art. 33 LTFB. La valeur litigieuse doit être elle-même estimée conformément à l’art. 91 al. 2 CPC lorsque, comme en l’espèce, l’action intentée devant le tribunal ne porte pas sur le paiement d’une somme d’argent déterminée. L’issue du litige ne saurait influencer l’estimation litigieuse et il importe donc peu qu’en définitive le brevet soit éventuellement jugé nul. Pour le surplus, la valeur économique du droit d’exclusivité qui est l’enjeu du brevet et de la contestation est sans aucun doute un critère d’estimation pertinent à propos duquel le TFB dispose d’un pouvoir d’appréciation (consid. 5).

Art. 13 LPM al. 2bis, Art. 5 LPM

Selon l’art. 13 al. 2bis LPM, le titulaire d’une marque peut interdire à des tiers de l’utiliser pour importer, exporter ou faire transiter des produits de fabrication industrielle même lorsque ces actes sont effectués à des fins privées (consid. 4.1). Les actions civiles de l’art. 55 LPM sont également ouvertes contre les actes visés par l’art. 13 al. 2bis LPM. L’importateur agissant à des fins privées (importations capillaires) peut être actionné même s’il n’a commis aucune faute (sauf dans les cas visés par l’art. 55 al. 2 LPM) (consid. 8.1.3). L’action en interdiction de l’art. 55 al. 1 lit. a LPM présuppose l’existence d’un intérêt digne de protection, qui n’existe qu’en présence d’une menace de violation, supposant que le comportement du défendeur fasse sérieusement craindre une violation future. Tel peut notamment être le cas lorsque des violations similaires ont été commises dans le passé, ou lorsque le défendeur nie le caractère illicite des actes commis (consid. 9.3.1). Selon l’instance précédente, rien ne permet d’établir que le défendeur avait l’intention d’importer en Suisse des montres « ROLEX » contrefaites, notamment parce que les montres étaient affichées sans marque sur Internet, et qu’il ne devait donc pas s’attendre à ce que des montres portant les marques verbales et figuratives en question lui soient livrées. En outre, il n’a pas contesté que l’importation de montres contrefaites constitue une violation du droit à la marque de la demanderesse. Selon l’instance précédente, rien n’indique donc qu’il risque de passer à l’avenir d’autres commandes de ce type (consid. 9.3.2).

Art. 55 al. 1, al. 2, 56 LPM ; 64 al. 1 lit. a aLPM ; 115 al. 1 CPP

Selon le Message du Conseil Fédéral concernant la LPM, sont lésés au sens de l’art. 64 al. 1 lit. a aLPM, celui qui est légitimé à utiliser l’indication de provenance concernée et, suivant les circonstances du cas particulier, éventuellement aussi le consommateur trompé. La doctrine en a déduit que le droit de déposer plainte pénale au sens de l’art. 64 al. 1 lit. a aLPM revenait ainsi à toute personne autorisée à utiliser l’indication de provenance concernée. Jusqu’au 1er janvier 2017, la doctrine considérait par contre que la qualité pour déposer plainte pénale ne revenait pas à la collectivité publique concernée, parce que reconnaître la qualité pour déposer plainte pénale à une entité publique serait revenu à ériger la violation de l’art. 64 al. 1 lit. a aLPM en une infraction poursuivie d’office [alors que la lettre même de l’art. 64 al. 1 aLPM indiquait que l’usage d’indications de provenance inexactes était poursuivi sur plainte du lésé uniquement, hormis dans les cas où l’auteur de l’infraction avait agi par métier au sens de l’art. 64 al. 2 aLPM] (consid. 1.3.3). Du point de vue de la qualité pour agir en vertu de l’art. 55 al. 1 LPM, il convient également de déterminer qui est lésé du fait de l’utilisation d’une indication de provenance inexacte. L’action en exécution d’une prestation n’est accordée selon l’art. 55 al. 1 LPM qu’à « la personne qui subit ou risque de subir une violation de son droit (…) à une indication de provenance ». Seules les personnes se trouvant dans une telle situation peuvent exiger, sur la base de l’art. 55 al. 1 lit. a et lit. b LPM, qu’une violation imminente soit interdite ou qu’il soit mis fin à une violation en cours. La doctrine se rapportant à l’art. 55 LPM soumet l’existence de la qualité pour agir à la condition que le demandeur soit établi au lieu de l’indication de provenance et qu’il produise ou distribue les mêmes genres de produits que l’auteur de la violation. Un autre courant doctrinal admet que la qualité pour agir puisse revenir également aux personnes qui ne sont pas établies au lieu de l’indication de provenance, dans la mesure où elles fabriquent ou distribuent des produits du même genre en utilisant l’indication de provenance concernée et en étant ainsi aussi des personnes légitimées à le faire (consid. 1.3.5). Il convient de limiter la notion de personne lésée de la même manière concernant la qualité pour déposer plainte pénale, dans la mesure où l’art. 115 al. 1 CPP exige lui aussi qu’une atteinte ait été portée aux droits de la personne touchée par une infraction. Tel n’est pas le cas lorsque, comme en l’espèce, la personne ayant déposé plainte pénale n’est pas directement touchée dans ses droits parce qu’elle ne fabrique, ni ne commercialise des luges en bois. Ce même si elle indique agir dans l’intérêt d’un de ses membres qui lui fabrique de telles luges, du moment que l’art. 56 al. 1 lit. a LPM, dont elle pourrait se prévaloir, ne l’autorise à invoquer parmi les actions en exécution d’une prestation que celles de l’art. 55 al. 1 LPM et pas celle en dommages et intérêts de l’art. 55 al. 2 LPM. Outre qu’elle n’est pas économiquement lésée, elle ne peut pas légalement agir sur la base de l’art. 55 al. 2 LPM et ne peut pas non plus en déduire un droit à déposer plainte pénale (consid. 1.3.5). Le TF relève que la recourante aurait pu, pour clarifier la situation juridique, introduire d’abord un procès civil pour lever d’éventuels doutes plutôt que de déposer une plainte pénale (consid. 5.2.2 et consid. 5.2.3).

Art. 29 al. 3 Cst. ; 119 al. 2 CPC

La requête d’assistance judiciaire tout comme la demande d’être défendu par un conseil juridique précis, adressées par le bénéficiaire de l’assistance judiciaire au tribunal, peuvent être rejetées par ce dernier. Selon la jurisprudence, ce refus n’entraîne, en principe, pas de préjudice difficilement réparable. Cependant, il peut y avoir un préjudice difficilement réparable lorsque l’avocat désigné est sujet à un conflit d’intérêts ou bien s’il viole grossièrement les droits et devoirs de son métier. Même si le bénéficiaire de l’assistance judiciaire ne peut pas choisir son avocat, l’autorité compétente doit examiner sa requête. Un préjudice difficilement réparable n’est pas exclu si la demande justifiée objectivement par le bénéficiaire de l’assistance judiciaire n’a pas été examinée par l’autorité compétente qui se comporte ainsi de manière arbitraire (consid. 3. 2). L’article 29 al. 3 Cst. et l’article 119 al. 2, 2e phrase CPC n’accordent pas de droit au bénéficiaire de l’assistance judiciaire de choisir son conseil juridique. Néanmoins, l’article 119 al. 2, 2e phrase CPC énonce que le nom du conseil juridique souhaité peut figurer dans la requête d’assistance judiciaire. D’après la jurisprudence, le bénéficiaire de l’assistance judiciaire a le droit d’être impliqué dans le choix de son avocat s’il a une relation de confiance particulièrement forte avec lui, ou si l’avocat était déjà en charge de l’affaire précédemment, ou encore si le bénéficiaire de l’assistance judiciaire ne comprend ni la langue du procès ni celle de l’avocat qui lui a été attribué, ce qui l’atteindrait dans l’exercice de ses droits en justice (consid. 3.2.1).

Art. 11 Protocole sur la compétence judiciaire et la reconnaissance de décisions portant sur le droit à l’obtention du brevet européen ; 2 al. 1 CL ; 23 al. 1 lit. b, 26 al. 1, al. 2 LTFB ; 1 LDIP

Le demandeur, une personne physique, a sa résidence en France. La défenderesse est une société anonyme ayant son siège en Suisse. Il s’agit ainsi d’un état de fait international. La LDIP s’applique ainsi à la question de la compétence (art. 1 LDIP). D’après l’art. 1 al. 2 LDIP, les traités internationaux sont réservés. Dans le présent cas, il s’agit de la Convention sur le brevet européen (CBE, RS 0.232.142.2), du Protocole sur la compétence judiciaire et la reconnaissance de décisions portant sur le droit à l’obtention du brevet européen (Protocole sur la reconnaissance, RS 0232.142.22) et de la Convention de Lugano (RS 0.275.12). Dans la mesure où la CBE et le Protocole sur la reconnaissance sont applicables, ils priment la Convention de Lugano, conformément à l’art. 11 du Protocole sur la reconnaissance. En ce qui concerne le droit à la demande de brevet européen, seule la CBE est applicable. Conformément à l’article 2 du Protocole sur la reconnaissance, le déposant d’un brevet européen dont le siège est situé dans un Etat contractant à la CBE doit être attrait devant les tribunaux de cet Etat contractant. Dans le cas d’espèce, la défenderesse, basée en Suisse, est titulaire de la demande de brevet européen objet du litige. La compétence à raison du lieu du Tribunal fédéral des brevets est donc donnée en ce qui concerne la demande et l’évaluation du droit à la demande du brevet européen. Les autres dépôts litigieux doivent être jugés par les tribunaux du domicile des défendeurs, selon les règles de compétence de l’art. 2 al. 1 CL. Le Tribunal fédéral des brevets est donc compétent pour le différend objet du cas d’espèce, tant à raison du lieu que de la matière (art. 26 al. 2 LTFB). Cela vaut également pour les mesures provisionnelles (art. 1 al. 2 LDIP, combiné avec art. 31 CL et art. 26 al. 1 et 2 LTFB). Conformément à l’art. 23 al. 1 lit. b LTFB, le président, en tant que juge unique, décide des demandes de mesures provisionnelles (consid. 3).

Art. 26 al. 1, 3, 16 al. 4 LTFB ; 18 al. 1 CO ; 66 lit. a LBI ; 1, 2, 5 LCD ; 5 al. 1 lit. a, lit. d CPC

Le moment déterminant pour trancher la question de la compétence matérielle est celui où les conclusions des deux parties sont connues, l’importance du procès étant fixée à ce moment-là. Il importe ainsi de tenir compte des conclusions figurant dans le dernier mémoire échangé par les parties, et en l’espèce la Cour cantonale a, à juste titre, tenu compte, pour décider de la compétence matérielle, de la réplique de la demanderesse dans laquelle cette dernière avait retirée certaines des conclusions de sa demande (consid. 2.1). Le système légal prévoit un régime de compétences exclusives et de compétences concurrentes entre le Tribunal cantonal statuant en instance cantonale unique et le Tribunal fédéral des brevets, en fonction de la nature de l’action introduite, et détermine laquelle de ces juridictions est compétente pour statuer sur des questions préjudicielles ou sur une reconvention en matière de brevet. Le Tribunal cantonal est impérativement et exclusivement compétent pour les litiges relevant de la loi sur la concurrence déloyale (LCD) lorsque la valeur litigieuse dépasse CHF 30’000.- (art. 5 al. 1 lit. d CPC). Le Tribunal fédéral des brevets, qui est une juridiction fédérale spécialisée créé en 2012, est impérativement et exclusivement compétent notamment pour l’action en contrefaçon d’un brevet (art. 66 lit. a LBI et art. 26 al. 1 lit. a LTFB), plus précisément lorsque cette action touche à l’application du droit matériel des brevets. Lorsque le Tribunal cantonal saisi devrait statuer sur une question préjudicielle de droit des brevets ou sur une exception de nullité ou de contrefaçon d’un brevet, il doit suspendre sa procédure et fixer un délai aux parties pour intenter l’action en nullité ou en contrefaçon devant le Tribunal fédéral des brevets (art. 26 al. 3 LTFB). Il tiendra compte dans son jugement de la décision qui aura été rendue par la juridiction spécialisée. Lorsque le Tribunal cantonal saisi devrait statuer sur une demande reconventionnelle en nullité ou en contrefaçon d’un brevet, il doit transmettre les deux demandes au Tribunal fédéral des brevets (art. 26 al. 4 LTFB) (consid. 3.1). Il faut donc distinguer entre l’action en concurrence déloyale et l’action en contrefaçon qui ont des objets distincts (consid. 3.2). L’action en concurrence déloyale se fonde sur une ou plusieurs prétentions fondées exclusivement sur la LCD ; elle ne concerne pas l’exploitation contrefaisante d’un brevet par le défendeur. Elle vise un défendeur qui a un comportement propre à fausser la concurrence ou à nuire à son caractère loyal (cf. art. 1 et 2 LCD). Elle a pour but de protéger, par exemple, contre une confusion évitable quant à la provenance des produits, contre un risque de confusion, un comportement astucieux ou un rapprochement systématique. Concrètement, tel est le cas lorsque le demandeur reproche au défendeur de s’être approprié le travail qu’il a lui-même accompli (cf. art. 5 LCD) (consid. 3.2.1). L’action en contrefaçon (ou en violation du brevet), qui se fonde sur une ou plusieurs prétentions fondées exclusivement sur la LBI, est une action du droit matériel des brevets. Elle tend à protéger le titulaire d’un brevet contre l’utilisation illicite (imitation ou contrefaçon) de son invention brevetée (art. 66 lit. a LBI) et donc contre une exploitation contrefaisante d’un brevet (consid. 3.2.2). Pour déterminer quelle autorité est (exclusivement) compétente dans un cas concret, il faut examiner la nature de l’action qui a été introduite, ce qui présuppose de déterminer l’objet de la demande (ou du litige) (consid. 4). L’objet du litige est déterminé par les conclusions du demandeur et par le complexe de faits (ou fondement du procès) sur lequel les conclusions se fondent. La cause juridique invoquée ne joue pas de rôle. L’argumentation juridique des parties n’est donc pas décisive. Déterminer le sens qu’il y a lieu d’attribuer aux conclusions et allégués du demandeur est affaire d’interprétation. Dès lors qu’il s’agit de manifestations de volonté faites dans le procès, qui sont adressées tant au juge qu’à la partie adverse, elles doivent être interprétées objectivement, soit selon le sens que d’après les règles de la bonne foi les destinataires pouvaient et devaient raisonnablement leur prêter (principe de la confiance). Il faut donc rechercher le sens des déclarations de volonté unilatérales du demandeur telles qu’elles pouvaient être comprises de bonne foi en fonction de l’ensemble des circonstances. Un texte apparemment clair n’est pas forcément déterminant, l’interprétation purement littérale étant prohibée (art. 18 al. 1 CO). En effet, même si la teneur d’une déclaration paraît limpide à première vue, il peut résulter d’autres passages du mémoire de demande qu’elle n’en restitue pas exactement le sens. Il s’agit d’une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (consid. 4.1). Il est erroné de croire qu’une violation alléguée de la LCD ne pourrait être admise que s’il y avait contrefaçon et donc violation d’un brevet également. En effet, la LCD ne revêt pas un caractère subsidiaire par rapport aux diverses lois qui protègent la propriété intellectuelle, notamment par rapport au droit des brevets. En l’espèce, la demanderesse invoque des circonstances autres que celles relevant d’une exploitation contrefaisante, à savoir la violation du rapport de confidentialité résultant de la convention de confidentialité conclue entre les parties. Cette violation relève exclusivement de la concurrence déloyale (consid. 4.5).

Art. 13 LBI ; 136, 137, 140, 14 CPC

Une inscription comme domicile de notification pour des procédures administratives au sens de l’art. 13 LBI ne vaut pas comme élection de domicile au sens de la procédure civile. L’ancienne version de l’art 13 LBI n’est plus applicable, et donc le principe selon lequel, de par la loi, le représentant inscrit au registre des brevets représente également le titulaire du brevet ne l’est plus non plus. Le Tribunal fédéral des brevets doit donc faire parvenir ses ordonnances directement à une partie domiciliée à l’étranger par la voie de l’entraide judiciaire et peut exiger d’elle qu’elle élise un domicile de notification en Suisse au sens de l’art. 140 CPC.

Art. 15, 16 WPPT ; 190 Cst. ; 49 PA ; 82 lit. a, 86 al. 1 lit. a, 90 LTF ; 47, 59, 60 LDA

Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif par la CAF, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (consid. 1.1). Les critères de l’art. 60 LDA sont contraignants pour la CAF et ils ne représentent pas seulement des lignes directrices pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Ils sont des notions juridiques indéterminées, dont le TF revoit l’interprétation et l’application. Toutefois, ce dernier fait preuve d’une certaine retenue dans le contrôle des décisions prises par des autorités spécialisées, lorsque des aspects techniques particuliers sont en discussion. Cette retenue vaut aussi pour le TAF, malgré sa cognition illimitée selon l’art. 49 PA (consid. 2.2.1). Comme la CAF est une autorité spécialisée, le TAF doit respecter son pouvoir d’appréciation dans l’application des critères de l’art. 60 LDA, ce qui revient finalement à ne sanctionner que les abus ou les excès (consid. 2.2.2).

Art. 9, 29, 30 Cst. ; 75, 93 al. 1 lit. a, 93 al. 1 lit. b LTF ; 8a1 LBI ; 265 CPC

Une décision sur mesures superprovisionnelles, supplantée par une décision de mesures provisionnelles finale, ne peut pas faire l’objet d’un recours, quand bien même elle serait réactualisée, en cas de révocation des mesures provisionnelles. Si le recours est admis contre la décision de mesures provisionnelles, l’autorité inférieure doit se déterminer immédiatement sur la demande de mesures superprovisionnelles. Si cela n’est pas possible, elle doit se déterminer sur le maintien, la modification ou la levée des mesures superprovisionnelles pour la durée de la procédure. Cette décision peut faire l’objet d’un recours (consid. 2.1). L’autorité inférieure ne tombe pas dans le formalisme excessif lorsqu’elle exige que la demande en rectification d’un procès-verbal soit déposée sitôt que la partie a connaissance de l’erreur (consid. 3.4). Il n’est a priori pas insoutenable de considérer que l’utilisation de l’une des deux substances essentielles qui composent le produit final constitue la reprise d’un produit directement issu d’un procédé de fabrication breveté (consid. 5.1.2). Le recours est rejeté (consid. 6).

Art. 29 al. 2 Cst. ; 42, 106 LTF ; 2, 4, 59, 60 LDA

Le TF n’est lié ni par l’argumentation du recourant ni par celle de l’autorité de première instance. Cependant, vu l’obligation de motiver le recours (art. 42 al. 1 et 2 LTF), le TF ne traite en principe que des griefs allégués, sauf si d’autres lacunes juridiques sont évidentes. En matière de violation des droits fondamentaux et de violation du droit cantonal ou intercantonal, il existe un devoir de motivation qualifié : le grief doit être invoqué et motivé précisément (art. 106 al. 2 LTF). Par exemple, il ne suffit pas de prétendre que la décision attaquée est arbitraire. Il faut montrer dans les détails pourquoi elle est manifestement insoutenable (consid. 1.3). D’après l’art. 59 al. 3 LDA, les tarifs lient le juge lorsqu’ils sont en vigueur. Cette disposition sert la sécurité du droit : le juge civil ne doit pas à nouveau examiner l’équité d’un tarif puisque cette question est traitée dans le cadre de la procédure administrative d’approbation de ce tarif. Toutefois, le juge civil peut et doit vérifier que les sociétés de gestion, sur la base d’un tarif, ne font pas valoir des droits à rémunération incompatibles avec les dispositions impératives de la loi, en particulier lorsque l’utilisation est libre d’après la LDA (consid. 2.2.1). Les critères de l’art. 60 LDA servent à la fixation des redevances tarifaires et à leur contrôle par les autorités judiciaires administratives, mais ils ne donnent pas un droit individuel à ce que les rémunérations dues sur la base des tarifs correspondent à ces critères dans chaque cas. La compatibilité avec l’art. 60 al. 1 lit. c LDA des conditions tarifaires d’octroi d’une réduction de la redevance (fondée sur l’exécution simultanée d’autres prestations en application de la règle du ballet) est une question qui relève exclusivement de la procédure administrative d’approbation du tarif. Elle ne peut pas être réexaminée par le juge civil (consid. 2.2.2). La règle du ballet a pour but de tenir compte de l’existence dans le spectacle d’autres œuvres protégées par le droit d’auteur, dont les droits ne sont pas gérés collectivement. Il s’agit de « faire de la place » pour ces autres œuvres. S’il n’y a pas d’autres ayants droit protégés par le droit d’auteur, la règle du ballet ne doit pas être appliquée. Il convient d’interpréter le chiffre 15 de l’ancien tarif K dans ce sens (consid. 2.2.3). Le droit d’être entendu implique que l’autorité motive ses décisions, mais pas qu’elle traite en détail et contredise tous les arguments des parties. Il suffit que la décision puisse être attaquée de manière appropriée (consid. 3.1). Le caractère individuel d’une œuvre n’implique pas une originalité dans le sens que l’œuvre devrait porter l’empreinte personnelle de son auteur. Le caractère individuel doit provenir de l’œuvre elle-même. Il n’est pas contesté que les différents numéros du « Basel Tattoo » 2007 et 2009 puissent être des œuvres chorégraphiques au sens de l’art. 2 al. 2 lit. h LDA. En revanche, il n’est pas démontré que les spectacles dans leur ensemble aient le caractère individuel nécessaire pour être protégés (consid. 3.2.2). De même, il n’est pas démontré que ces spectacles soient des recueils au sens de l’art. 4 LDA, ce qui impliquerait qu’ils aient une certaine unité en raison du choix et de la disposition du contenu. Du reste, dans ce cas, l’élément protégé serait l’agencement des différentes parties, ce qui n’entraînerait pas l’application de la règle du ballet vu l’exigence de simultanéité entre la musique et l’autre prestation protégée (consid. 3.2.3). La prestation du metteur en scène relève des droits voisins (cf. art. 34 al. 3 LDA) et il n’est pas prouvé qu’elle est aussi protégée par le droit d’auteur (consid. 3.2.4). Par conséquent, il est juste d’examiner pour chaque numéro du spectacle si les conditions d’application de la règle du ballet sont réalisées. Pour décider si la musique a un rôle subordonné, la durée de celle-ci dans le spectacle n’est pas déterminante puisque le chiffre 14 du tarif tient déjà compte de la règle pro rata temporis (consid. 3.3). Les mouvements de fanfares militaires relèvent fréquemment de la tradition et paraissent fortement répondre à des normes préétablies. On ne peut donc pas partir du principe que la protection du droit d’auteur soit donnée facilement (consid. 4.1.2).

Art. 72 al. 2 lit. b ch. 2, 76 al. 2, 90 LTF ; 2 lit. a LPM

Les décisions rendues par le TAF sur opposition constituent des décisions finales au sens de l’art. 90 LTF et l’IPI a qualité pour recourir selon les art. 76 al. 2 et 72 al. 2 lit. b ch. 2 LTF (consid. 1).

TF 6B_411/2013 (d)

2013-2014

Art. 9, 32 Cst. ; 95, 97, 105 al. 1, 106 al. 2 LTF ; 61 al. 1 lit. b LPM ; 3 al. 1 lit. d, 23 al. 1, 23 al. 2 LCD ; 10 CPP

Le grief de violation des droits fondamentaux (y compris l’application arbitraire du droit fédéral et l’arbitraire dans la constatation des faits) doit être exposé de manière précise dans le recours contre la décision attaquée et étayé de manière substantielle. Autrement, il n’est pas entré en matière le concernant (consid. 1). Il n’est pas arbitraire de retenir, comme l’a fait l’autorité précédente, que les adultes de notre pays connaissent la marque de l’arbre magique odoriférant, même s’ils n’ont pas une conception détaillée de sa forme (consid. 1.2). Que la recourante se soit fait remettre un layout de la campagne publicitaire de Noël avec la forme, la grandeur, etc., de l’arbre magique n’y change rien. Il n’est pas juste que l’instance précédente ait déduit de la connaissance de cette marque dans le public la connaissance de celle-ci par la recourante. La Cour s’est basée, pour l’admettre, sur une appréciation des dépositions de la recourante dans la procédure d’instruction. Comme la recourante ne démontre pas que – et dans quelle mesure – l’appréciation des preuves de l’instance précédente, qui l’a amenée à retenir que la recourante connaissait le nom de l’arbre magique, de même que son utilisation et sa forme, serait insoutenable et violerait la présomption d’innocence, le recours ne satisfait pas les conditions de motivation de l’art. 106 al. 2 LTF (consid. 1.2).

Art. 58 al. 1 PA

Si elle n’est pas au détriment de la recourante, une nouvelle décision (en matière d’enregistrement de marque) rendue dans la même cause par l’IPI, postérieurement au dépôt du recours devant le TAF, remplace sa première décision (art. 58 al. 1 PA). Le recours, dirigé contre la première décision, porte également sur la nouvelle décision (consid. 1-1.2).

Art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 75 al. 2 lit. b LTF, art. 103 al. 2 LTF, art. 332 al. 1 CO, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 405 al. 1 CPC

Le recours en matière civile au Tribunal fédéral est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance, soit les tribunaux supérieurs institués par les cantons conformément à l’art. 75 al. 2 LTF. Ces tribunaux statuent sur recours sauf si une loi fédérale prévoit une instance cantonale unique (art. 75 al. 2 lit. a LTF). L’art. 75 al. 2 LTF pose donc l’exigence de principe d’une double instance au niveau cantonal, et l’art. 5 CPC y institue des exceptions. C’est en particulier le cas des litiges portant sur des droits de propriété intellectuelle (art. 5 al. 1 lit. a CPC). Lorsqu’elle émane d’une telle juridiction unique, la décision est directement déférée au Tribunal fédéral sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. b LTF) (consid. 2.1.1). Lorsque l’autorité cantonale a communiqué son jugement dans le cas d’espèce, le CPC fédéral était entré en vigueur, tout comme l’art. 75 al. 2 LTF. Les voies de droit contre le jugement de la cour civile sont ainsi régies par ces nouvelles réglementations (cf. art. 405 al. 1 CPC et art. 103 al. 2 LTF) (consid. 2.2).