Propriété intellectuelle

TF 4A_11/2022 (d)

2022-2023

Légitimation passive ; intérêt juridique à agir ; activité inventive. Cet arrêt concerne deux brevets européens sur des nucléotides modifiés, respectivement un procédé pour le séquençage d’ADN et son utilisation dans un procédé de séquençage par synthèse. L’intimée (demanderesse) avait intenté une action en interdiction de mise sur le marché d’appareils de séquençage en Suisse contre la recourante (défenderesse) auprès du Tribunal fédéral des brevets (TFB), compétent en la matière. La recourante y a fait valoir, sans succès, l’exception de l’invalidité des deux brevets en question. Le TFB a donné raison à l’intimée, de sorte que la recourante s’est vue interdire l’importation desdits appareils sur le marché suisse. Le TF a confirmé la décision du TFB, tout en précisant deux points intéressants. Le premier point concerne la légitimation passive, le second la question de l’évaluation de l’activité inventive.

Concernant la légitimation passive, s’il ressort de brochures publicitaires et/ou d’un site internet visant le marché mondial qu’une entreprise affiliée à un groupe assure non seulement le service après-vente, mais au surplus, qu’elle livre les produits contrefaisant un brevet en Suisse, la titulaire du brevet jouit d’un intérêt juridique à agir en justice contre cette entité en Suisse pour violation d’un brevet en Suisse (consid. 2.2). Concernant l’activité inventive, conformément à la jurisprudence des chambres de recours de l’Office européen des brevets (OEB), une approche peut être considérée comme évidente au sens de l’art. 56 CBE si l’homme du métier l’aurait exécutée en escomptant une amélioration ou un avantage. L’évidence n’est ainsi pas seulement présente lorsque les résultats sont clairement prévisibles, mais également lorsqu’il existe une attente raisonnable de succès. Il n’est pas nécessaire d’établir que le succès d’une solution envisagée à un problème technique était prévisible avec certitude. L’application de la jurisprudence des chambres de recours de l’OEB relative aux situations de « try and see » suppose que « ni la mise en œuvre ni l’expérimentation d’une approche proposée dans l’état de la technique ne présentent de difficultés techniques particulières [...] » (Jurisprudence des chambres de recours de l’Office européen des brevets, 9e éd. 2019, I.D.7.2). Dans un tel cas, l’activité inventive sera déniée (consid. 3.3.2).

TF 4A_41/2022 (d)

2022-2023

Faits nouveaux (nova) ; moyens de preuve ; modification des revendications ; nouveauté ; divulgation. Le 2 juin 2022, Delica SA (demanderesse) introduisait une demande visant à faire constater la nullité du brevet suisse CH 711 079 B1, détenu par Koninklijke Douwe Egberts B.V. (défenderesse). Le brevet litigieux concerne des capsules contenant une substance pour la préparation d’une boisson (typiquement du café moulu) à utiliser dans des machines de préparation de boissons (typiquement des machines à café). L’invention porte sur l’amélioration de l’élément d’étanchéité fixé à la capsule lequel, après insertion de la capsule dans l’espace réservé de la machine, assure l’étanchéité de la capsule. Sous l’angle procédural, selon une jurisprudence bien établie, les parties ont deux fois la possibilité illimitée de s’exprimer sur le fond et particulièrement d’introduire des faits nouveaux dans le procès. Après la clôture de l’instruction ou de l’échange des écritures, elles n’ont le droit de présenter des faits nouveaux et des moyens de preuve qu’aux conditions limitées de l’art. 229 al. 1 CPC (ATF 146 III 55 ss, consid. 2.3.1). Cela vaut en particulier aussi pour les réactions à ce que l’on appelle des Dupliknoven, à savoir des faits ou des moyens de preuve nouveaux présentés par la partie défenderesse pour la première fois dans la duplique. Si la partie demanderesse a besoin de véritables nova pour répondre aux allégations présentées dans la duplique et s’appuyant sur de nouveaux faits et moyens de preuve, ceux-ci peuvent être présentés sans autre, conformément à l’art. 229 al. 1 let. a CPC. En ce qui concerne les faux nova, l’art. 229 al. 1 let. b CPC exige en revanche qu’ils n’aient pas pu être présentés auparavant malgré une diligence raisonnable. Il faut partir du principe qu’il n’est ni possible ni raisonnable pour la partie demanderesse de réfuter à l’avance dans sa réplique tous les nova possibles et imaginables qui pourraient être amenés par la défenderesse dans la duplique. Si, dans cette dernière, la défenderesse présente des arguments que la demanderesse entend réfuter par de faux nova, la condition de l’art. 229 al. 1 CPC est remplie dans la mesure où ces arguments n’ont pas pu être présentés avant la clôture de l’instruction malgré une diligence raisonnable. Pour que la demanderesse puisse apporter la preuve de sa diligence, il faut que les Dupliknovensoient à l’origine de l’introduction de ces nova. Pour examiner ce lien de causalité, il est donc indispensable d’examiner de près les faits nouveaux et les moyens de preuve pertinents (ATF 146 III 55 ss, consid. 2.5.2) (consid. 2.2.). Ces conditions sont remplies lorsque, comme dans le cas d’espèce, les conclusions ont été modifiées dans la duplique en limitant les revendications d’un brevet, lorsque de nombreuses nouvelles pièces sont jointes au dossier et que la titulaire du brevet s’est exprimée sur les nouvelles conclusions, les nouvelles revendications et les nouvelles pièces en présentant de nouveaux arguments. En procédure civile, la reformulation des revendications d’un brevet doit être considérée comme équivalente à la présentation de nova (ATF 146 III 55 ss, consid. 2.5.1) (consid. 2.3.). La recourante ne doit pas se contenter d’objecter en bloc qu’une prise de position relative à une duplique est irrecevable et ne devait pas être prise en compte. Elle doit préciser en détail, dans sa prise de position sur la duplique, quels éléments d’une prise de position ne doivent pas être pris en compte pour absence de causalité (consid. 2.3). Sur le fond, la recourante se plaint d’un examen de la nouveauté contraire au droit. Elle invoque la violation de l’art. 26 al. 1 let. a, en relation avec l’art. 7 LBI, l’art. 1 al. 1 et l’art. 7 al. 1 LBI. L’objet de l’examen de la nouveauté est l’invention telle que définie dans la revendication correspondante. La revendication doit donc être interprétée. Les principes d’interprétation établis s’appliquent en premier lieu à l’appréciation de l’étendue de la protection, mais sont également applicables à l’examen de la nouveauté (ATF 132 III 83 ss, consid. 3.4). Une invention n’est pas nouvelle que si elle a été rendue accessible avec toutes ses caractéristiques avant la demande de brevet. Pour évaluer si tel est le cas, chaque solution antérieure doit être comparée individuellement avec l’invention brevetée. Ce n’est que si l’une d’entre elles est identique en tous points aux caractéristiques de l’invention que la nouveauté fera défaut. Il suffit, mais il est également nécessaire, qu’une exécution préalablement connue de l’invention transmette à la personne de métier l’enseignement technique revendiqué (ATF 133 III 229 ss, consid. 4.1). Selon la doctrine, n’est divulgué que ce qui, pour la personne de métier, découle directement et sans équivoque du document d’antériorité, y compris les caractéristiques qui n’y sont pas expressément mentionnées mais qui, pour la personne de métier, sont comprises dans le contenu divulgué, mais pas ce que la personne de métier ajouterait de manière évidente à la divulgation implicite (consid. 3.1 et 3.2).

En novembre 2017, la recourante a intenté une action en contrefaçon de brevet contre l’intimée auprès du TFB. En janvier 2020, une autre société (ci-après « deuxième plaignante ») a ouvert une action similaire, visant les mêmes produits (des stylos injecteurs), contre l’intimée. En février 2020, l’intimée a requis la récusation du juge spécialisé officiant dans la première procédure, au motif qu’il travaillait comme conseil en brevets dans une étude d’avocats exerçant des activités purement administratives pour le compte de la deuxième plaignante, consistant à fournir un domicile de notification pour la correspondance de l’OEB ou de l’IPI. Comme l’a à juste titre considéré l’instance précédente, cette activité n’est pas en elle-même problématique, car elle n’implique pas la nécessité pour l’étude d’adopter le point de vue de son client, ce qui limiterait pour son employé la possibilité de juger en toute indépendance (consid. 4.1). L’étude, qui fait partie des plus grandes études de conseils de brevets en Suisse, exerce pour la deuxième plaignante une activité qui porte sur près de 100 droits de propriété intellectuelle, depuis plus de 15 ans, et dont l’ampleur doit par conséquent être relativisée (consid. 4.2). L’apparence de partialité, fondant un devoir de récusation, peut toutefois résulter de l’incidence du premier procès sur le second, qui concerne les mêmes produits de l’intimée (consid. 5). L’instance précédente n’a pas violé le droit fédéral en concluant à la nécessité d’une récusation sur la base de son appréciation des circonstances du cas d’espèce, et en particulier de l’interaction entre les deux procédures concernées (consid. 5.3). Le présent cas illustre de manière exemplaire les difficultés qui peuvent surgir, sous l’angle de l’art. 30 al. 1 Cst., en relation avec les tribunaux spécialisés dont la plupart des juges travaillent à temps partiel, en raison de la petite taille de la Suisse. Concernant le TFB, le faible nombre de juges pouvant officier comme juges spécialisés et le fait que certains juges ordinaires ne puissent travailler qu’à temps partiel pour le tribunal, et exercent par ailleurs d’autres fonctions dans le domaine du droit des brevets, constituent des difficultés supplémentaires. Ces problématiques ne sauraient toutefois contrebalancer la grande importance que revêt la garantie d’un juge indépendant et impartial, qui peut justement être affectée par des circonstances organisationnelles. Au contraire, il convient dans de tels cas de veiller tout particulièrement à l’indépendance du juge, tout en tenant compte de l’organisation voulue par le législateur dans le cadre de l’appréciation toujours nécessaire du cas d’espèce. Dans le présent contexte, cela signifie notamment que les activités purement administratives de l’étude d’un juge fédéral des brevets doivent être soumises à une appréciation moins stricte que les activités typiques d’un avocat ou d’un conseil en brevets. Toute activité administrative n’est pas suffisante pour justifier une apparence de partialité. Il faut plutôt que des circonstances objectives indiquent une certaine intensité de la relation. Toutefois, compte tenu de la grande importance que revêt le droit à un tribunal indépendant et impartial selon l’art. 30 al. 1 Cst. pour la crédibilité de la justice, le seuil pour un motif de récusation ne doit pas être fixé trop haut, même pour des activités administratives. L’instance précédente a respecté ces principes, et a procédé à une pesée appropriée des circonstances du cas d’espèce (consid. 6). Le recours est rejeté (consid. 8).

ATF 147 III 89 (d)

2021-2022

Un conseil en brevets qui agit en tant que juge peut être considéré comme partial indépendamment du fait que le mandat ait ou non un lien factuel avec l’objet du litige. Le juge est également considéré comme partial si, en tant qu’avocat, il représente ou a représenté l’une des parties au litige dans une autre procédure ou si un tel rapport existe ou existait avec la partie adverse dans la procédure en cours (consid. 4.2.2). La partialité peut également apparaître lorsqu’un autre avocat dans le même cabinet a déjà été mandaté plusieurs fois par l’une des parties, a fortiori dans le cas d’une relation permanente. En effet, le client s’attend non seulement à ce que son avocat respecte ses obligations envers lui, mais que, dans une certaine mesure, il en soit de même pour les autres avocats au sein du cabinet (consid. 4.2.3). Toutefois, certaines situations ne peuvent remettre en cause l’impartialité du juge. Tel est le cas d’activités purement administratives, à condition que l’intensité de la relation ne puisse susciter de crainte de partialité. Cette intensité est appréciée sur la base des circonstances objectives du cas d’espèce (consid. 5.2). Dans le cas d’un brevet européen, l’activité du représentant de la partie suisse du brevet qui se limite à fournir un domicile de notification pour la correspondance de l’OEB ou de l’IPI, est purement administrative. Dans pareille situation, le conseil en brevets joue un rôle d’intermédiaire passif et non de représentation active ou de conseil. Dès lors, l’examen de l’impartialité ne se fait pas de manière aussi sévère que dans le cas d’une activité de conseil (consid. 6.2). En outre, même s’il existe des directives internes en la matière comme celles du TFB, elles n’ont pas de valeur normative, mais sont utiles au juge afin qu’il évalue sa partialité. Dès lors, un motif de récusation s’apprécie uniquement à la lumière de l’art. 47 CPC en tenant compte des principes découlant de l’art. 30 al. 1 Cst. (consid. 6.3).

Le recours en matière civile est en principe recevable contre les jugements du TFB, sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. e LTF et art. 75 al. 1 LTF) (consid. 1). Toutefois, dans les cas d’erreurs d’écriture ou de calcul que vise l’art. 334 CPC, la voie du recours en matière civile n’est disponible qu’après l’échec d’une demande de rectification. En l’espèce cependant, l’objet du recours en matière civile (annulation du jugement du TFB et nullité complète du brevet concerné) ne recoupait pas une hypothétique demande en rectification (reproduction dans le dispositif du jugement du TFB de l’ensemble des nouvelles revendications du brevet limité par la défenderesse et intimée), de sorte que le recours en matière civile est recevable (consid. 2). La renonciation partielle à un brevet est prévue par les art. 24 et 25 LBI. Elle permet au titulaire de conserver certains éléments du brevet menacé de nullité, lorsque les revendications se révèlent formulées de manière trop large, en méconnaissance de l’état de la technique. Elle suppose une modification des revendications dans le cadre des modalités prévues par l’art. 24 LBI. Elle s’accomplit en principe par une requête adressée à l’IPI, mais peut intervenir aussi devant le tribunal saisi d’une action en nullité. Ce tribunal doit alors vérifier si les revendications nouvellement énoncées réduisent valablement la portée du brevet litigieux. Parce que cette vérification nécessite de constater et d’apprécier aussi des faits, la renonciation partielle au brevet litigieux est assimilée à l’introduction de faits ou de moyens de preuves nouveaux dans le procès civil. La renonciation partielle doit donc intervenir avant la clôture de la phase de l’allégation ; elle ne peut intervenir plus tard qu’aux conditions de l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. En l’espèce, la phase de l’allégation s’est terminée avec la réplique pour la demanderesse et avec la duplique pour la défenderesse (2échange d’écritures selon les art. 225 et 229 al. 2 CPC). La renonciation partielle déclarée au stade de la duplique était inconditionnellement recevable. Si la demanderesse voulait contester la validité de cette renonciation, notamment au regard de l’art. 24 LBI, ou contester la validité de la partie restante du brevet consistant dans les revendications nouvellement énoncées par la défenderesse, sur la base de faits non encore allégués mais dont l’allégation se justifiait objectivement aux fins de ces constatations, ladite allégation lui était encore permise par l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. La renonciation partielle au brevet litigieux équivaut à un acquiescement partiel à la demande en justice. C’est pourquoi le TFB, alors même qu’il rejetait l’action en nullité et aussi l’action en cession du brevet, a réparti les frais judiciaires entre les parties et compensé les dépens (consid. 3). Les moyens développés à l’appui du recours en matière civile ne sont pas mentionnés dans le jugement attaqué et encore moins discutés dans ce jugement. Les précédents juges n’y discutent que les moyens soulevés à l’encontre du brevet dans son état antérieur à la renonciation partielle. Celle-ci a de toute évidence introduit une modification très importante de l’objet du litige. Ni le Code de procédure civile, ni la LTFB ne prévoient explicitement une procédure appropriée à cette situation. D’ordinaire, toutefois, une renonciation partielle est apte à permettre une simplification du procès. A première vue, il eût été opportun de rendre une décision incidente selon l’art. 237 CPC sur les conclusions en renonciation partielle articulées par la défenderesse, puis d’inviter la demanderesse à recentrer son argumentation. Une pareille solution pouvait s’inscrire dans le cadre de l’art. 125 CPC car cette disposition n’énumère pas limitativement les mesures de simplification du procès. Selon la jurisprudence relative à l’art. 75 al. 1 LTF, les moyens soumis au TF doivent avoir été autant que possible déjà soulevés devant l’autorité précédente ; à défaut, ils sont irrecevables. Cette exigence n’est en l’occurrence pas satisfaite. L’argumentation développée dans le cadre du recours est nouvelle et elle ne s’impose pas en raison des motifs du jugement attaqué. La demanderesse ne paraît pas avoir été empêchée de la soulever déjà devant le TFB, notamment au stade des débats principaux. Elle a simplement omis de le faire. Le recours en matière civile se révèle par conséquent irrecevable dans la mesure où il tend à la nullité du brevet litigieux (consid. 4). La valeur litigieuse est un des critères de fixation de l’émolument judiciaire à percevoir par le TFB selon l’art. 31 al. 1 à 3 LTFB. Cette valeur est aussi l’un des critères de fixation des dépens qu’une partie doit à une autre partie, le cas échéant, selon les art. 4 et 5 du tarif prévu par l’art. 33 LTFB. La valeur litigieuse doit être elle-même estimée conformément à l’art. 91 al. 2 CPC lorsque, comme en l’espèce, l’action intentée devant le tribunal ne porte pas sur le paiement d’une somme d’argent déterminée. L’issue du litige ne saurait influencer l’estimation litigieuse et il importe donc peu qu’en définitive le brevet soit éventuellement jugé nul. Pour le surplus, la valeur économique du droit d’exclusivité qui est l’enjeu du brevet et de la contestation est sans aucun doute un critère d’estimation pertinent à propos duquel le TFB dispose d’un pouvoir d’appréciation (consid. 5).

Pour apprécier l’activité inventive, les avantages (d’une solution) ne doivent être pris en compte dans la formulation du problème à résoudre que si l’homme du métier peut déduire l’effet prétendu revendiqué des documents déposés initialement en tenant compte de l’état de la technique le plus proche ou si cet effet est indiqué dans les documents déposés initialement. La proposition d’une alternative évidente à une solution technique existante ne suffit pas, il faut qu’elle représente une amélioration de la solution existante (consid. 5.2.3).

Pour que la condition de l’activité inventive soit remplie, la combinaison par l’homme de métier de différentes publications ne doit pas être évidente. Le fait que deux publications, d’auteurs différents, figurent dans un même ouvrage, n’implique pas nécessairement que leur combinaison serait à tel point évidente que la condition de l’activité inventive ne serait pas remplie (consid. 2.3.4).

La requérante reproche à l’instance inférieure d’avoir violé l’art. 26 al. 1 let. c LBI et l’art. 123 al. 2 CBE en considérant que le brevet en cause avait été étendu de manière inadmissible par rapport à la première demande, ce qui a conduit à la nullité du brevet en cause (consid. 7). Selon l’art. 26 al. 1 let. c LBI, le tribunal doit constater sur demande la nullité d’un brevet si l’objet du brevet va au-delà du contenu de la demande de brevet dans la version pertinente pour la date de dépôt. Le motif de nullité de l’art. 138 al. 1 let. c CBE a donc été transféré au droit national (ATF 146 III 177, consid. 2.1.1). Ces deux dispositions sont liées à l’art. 123 al. 2 CBE, qui restreint l’admissibilité des modifications dans la procédure de dépôt. Par conséquent, la demande de brevet européen et le brevet européen ne peuvent pas être modifiés de manière à ce que leur objet s’étende au-delà du contenu de la demande telle qu’elle a été déposée (cf. également l’art. 58 al. 2 LBI). Cette disposition vise à empêcher le titulaire du brevet d’améliorer sa position en revendiquant la protection d’un objet qui n’a pas été divulgué dans la demande initiale. Il faut empêcher le demandeur d’introduire des modifications ou des développements ultérieurs dans la procédure de demande et d’obtenir ainsi un droit de protection qui est évalué par rapport à l’état de la technique au moment du dépôt. L’interdiction de telles modifications vise à assurer la sécurité juridique : le public ne doit pas être surpris par des revendications de brevet qui n’étaient pas prévisibles sur la base de la version initialement déposée (ATF 146 III 177, consid. 2.1.1 et 2.1.2). Dans ce contexte, l’objet du brevet ne doit pas être confondu avec l’étendue de la protection au sens de l’art. 69 CBE telle que déterminée par les revendications du brevet. L’objet du brevet au sens de l’art. 123 al. 2 CBE inclut tout ce qui a été divulgué dans la description et les dessins. Selon la jurisprudence des chambres de recours de l’Office européen des brevets (OEB), cette disposition n’autorise une modification postérieure au dépôt que dans le cadre de ce que l’homme du métier peut déduire directement et sans ambiguïté de l’ensemble des documents de la demande tels qu’ils ont été initialement déposés, en utilisant les connaissances techniques générales – objectivement en se référant à la date de dépôt. Cette norme de référence est appelée « gold standard » (ATF 146 III 177, consid. 2.1.3 avec références) (consid. 7.1.1). Une modification inadmissible peut consister tant en l’ajout qu’en l’omission d’informations (ATF 146 III 177, consid. 2.1.3). Selon la jurisprudence constante des chambres de recours de l’OEB, il n’est généralement pas permis, lors de la modification d’une revendication, d’extraire une caractéristique isolée d’une série de caractéristiques qui, à l’origine, n’étaient divulguées qu’en combinaison les unes avec les autres (par exemple, dans la description d’un mode de réalisation particulier). Une telle modification constitue une généralisation intermédiaire en ce que, bien qu’elle limite davantage l’objet revendiqué en soi, elle concerne néanmoins une combinaison non divulguée de caractéristiques qui est plus large que le contexte initialement divulgué (décision de la chambre de recours technique T 219/09 du 27 septembre 2010 consid. 3.1 ; selon cette jurisprudence, une telle généralisation intermédiaire ne peut être justifiée que s’il n’existe aucun lien fonctionnel ou structurel clairement perceptible entre les caractéristiques de la combinaison spécifique ou si la caractéristique isolée n’est pas inextricablement liée à ces caractéristiques (à cet égard, les décisions des chambres de recours techniques T 2489/13 du 18 avril 2018 consid. 2.3 ; T 1944/10 du 14 mars 2014 E. 3.2 ; T 219/09 du 27 septembre 2010, consid. 3.1). Elle n’est donc admissible que si l’homme de métier peut indubitablement constater, à partir de la demande telle qu’elle a été initialement déposée, que la caractéristique singularisée n’a pas de lien étroit avec les autres caractéristiques de l’exemple de réalisation, mais se rapporte directement et sans ambiguïté au contexte plus général (décisions T 2489/13 du 18 avril 2018 E. 2.3 ; T 2185/10 du 21 octobre 2014 E. 4.3 ; T 962/98 du 15 janvier 2004 E (consid. 7.1.2). En vertu de l’art. 68 al. 2 LTF, la partie qui succombe est généralement tenue de rembourser à la partie gagnante tous les frais nécessaires occasionnés par le litige, conformément au tarif du TF. L’art. 1 du Règlement du 31 mars 2006 concernant l’indemnisation des parties et la rémunération de la représentation officielle dans les procédures devant le TF (RS 173.110.210.3) prévoit que l’indemnité à laquelle la partie gagnante a droit en vertu de l’art. 68 LTF comprend les honoraires d’avocat (let. a) ainsi que les autres frais nécessaires engendrés par le litige (let. b). Compte tenu du pouvoir d’examen limité du TF (cf. art. 95 ss et art. 105 LTF), les coûts liés à l’intervention éventuelle d’un conseil en brevets dans la procédure de recours au TF doivent être considérés comme compensés par le tarif réglementaire. Il faut tenir compte du fait que les conseils en brevets – contrairement aux procédures devant le TF des brevets (art. 29 LFTB [RS 173.41]) – ne sont pas admis à représenter les parties dans les procédures de recours devant le TF (art. 40 al. 1 LTF) (consid. 8).

Un conseil en brevets qui agit en tant que juge peut être considéré comme partial indépendamment du fait que le mandat ait ou non un lien factuel avec l’objet du litige. Le juge est également considéré comme partial si, en tant qu’avocat, il représente ou a représenté l’une des parties au litige dans une autre procédure ou si un tel rapport existe ou existait avec la partie adverse dans la procédure en cours (consid. 4.2.2). La partialité peut également apparaître lorsqu’un autre avocat dans le même cabinet a déjà été mandaté plusieurs fois par l’une des parties, a fortiori dans le cas d’une relation permanente. En effet, le client s’attend non seulement à ce que son avocat respecte ses obligations envers lui, mais que, dans une certaine mesure, il en soit de même pour les autres avocats au sein du cabinet (consid. 4.2.3). Toutefois, certaines situations ne peuvent remettre en cause l’impartialité du juge. Tel est le cas d’activités purement administratives, à condition que l’intensité de la relation ne puisse susciter de crainte de partialité. Cette intensité est appréciée sur la base des circonstances objectives du cas d’espèce (consid. 5.2). Dans le cas d’un brevet européen, l’activité du représentant de la partie suisse du brevet qui se limite à fournir un domicile de notification pour la correspondance de l’OEB ou d l’IPI, est purement administrative. Dans pareille situation, le conseil en brevets joue un rôle d’intermédiaire passif et non de représentation active ou de conseil. Dès lors, l’examen de l’impartialité ne se fait pas de manière aussi sévère que dans le cas d’une activité de conseil (consid. 6.2). En outre, même s’il existe des directives internes en la matière comme celles du TFB, elles n’ont pas de valeur normative, mais sont utiles au juge afin qu’il évalue sa partialité. Dès lors, un motif de récusation s’apprécie uniquement à la lumière de l’art. 47 CPC en tenant compte des principes découlant de l’art. 30 al. 1 Cst. (consid. 6.3).

Le recours en matière civile est en principe recevable contre les jugements du TF des brevets, sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. e LTF et art. 75 al. 1 LTF) (consid. 1). Toutefois, dans les cas d’erreurs d’écriture ou de calcul que vise l’art. 334 CPC, la voie du recours en matière civile n’est disponible qu’après l’échec d’une demande de rectification. En l’espèce cependant, l’objet du recours en matière civile (annulation du jugement du TFB et nullité complète du brevet concerné) ne recoupait pas une hypothétique demande en rectification (reproduction dans le dispositif du jugement du TFB de l’ensemble des nouvelles revendications du brevet limité par la défenderesse et intimée), de sorte que le recours en matière civile est recevable (consid. 2). La renonciation partielle à un brevet est prévue par les art. 24 et 25 LBI. Elle permet au titulaire de conserver certains éléments du brevet menacé de nullité, lorsque les revendications se révèlent formulées de manière trop large, en méconnaissance de l’état de la technique. Elle suppose une modification des revendications dans le cadre des modalités prévues par l’art. 24 LBI. Elle s’accomplit en principe par une requête adressée à l’IPI, mais peut intervenir aussi devant le tribunal saisi d’une action en nullité. Ce tribunal doit alors vérifier si les revendications nouvellement énoncées réduisent valablement la portée du brevet litigieux. Parce que cette vérification nécessite de constater et d’apprécier aussi des faits, la renonciation partielle au brevet litigieux est assimilée à l’introduction de faits ou de moyens de preuves nouveaux dans le procès civil. La renonciation partielle doit donc intervenir avant la clôture de la phase de l’allégation ; elle ne peut intervenir plus tard qu’aux conditions de l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. En l’espèce, la phase de l’allégation s’est terminée avec la réplique pour la demanderesse et avec la duplique pour la défenderesse (2e échange d’écritures selon les art. 225 et 229 al. 2 CPC). La renonciation partielle déclarée au stade de la duplique était inconditionnellement recevable. Si la demanderesse voulait contester la validité de cette renonciation, notamment au regard de l’art. 24 LBI, ou contester la validité de la partie restante du brevet consistant dans les revendications nouvellement énoncées par la défenderesse, sur la base de faits non encore allégués mais dont l’allégation se justifiait objectivement aux fins de ces constatations, ladite allégation lui était encore permise par l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. La renonciation partielle au brevet litigieux équivaut à un acquiescement partiel à la demande en justice. C’est pourquoi le TFB, alors même qu’il rejetait l’action en nullité et aussi l’action en cession du brevet, a réparti les frais judiciaires entre les parties et compensé les dépens (consid. 3). Les moyens développés à l’appui du recours en matière civile ne sont pas mentionnés dans le jugement attaqué et encore moins discutés dans ce jugement. Les précédents juges n’y discutent que les moyens soulevés à l’encontre du brevet dans son état antérieur à la renonciation partielle. Celle-ci a de toute évidence introduit une modification très importante de l’objet du litige. Ni le Code de procédure civile, ni la LTFB ne prévoient explicitement une procédure appropriée à cette situation. D’ordinaire, toutefois, une renonciation partielle est apte à permettre une simplification du procès. A première vue, il eût été opportun de rendre une décision incidente selon l’art. 237 CPC sur les conclusions en renonciation partielle articulées par la défenderesse, puis d’inviter la demanderesse à recentrer son argumentation. Une pareille solution pouvait s’inscrire dans le cadre de l’art. 125 CPC car cette disposition n’énumère pas limitativement les mesures de simplification du procès. Selon la jurisprudence relative à l’art. 75 al. 1 LTF, les moyens soumis au TF doivent avoir été autant que possible déjà soulevés devant l’autorité précédente ; à défaut, ils sont irrecevables. Cette exigence n’est en l’occurrence pas satisfaite. L’argumentation développée dans le cadre du recours est nouvelle et elle ne s’impose pas en raison des motifs du jugement attaqué. La demanderesse ne paraît pas avoir été empêchée de la soulever déjà devant le TFB, notamment au stade des débats principaux. Elle a simplement omis de le faire. Le recours en matière civile se révèle par conséquent irrecevable dans la mesure où il tend à la nullité du brevet litigieux (consid. 4). La valeur litigieuse est un des critères de fixation de l’émolument judiciaire à percevoir par le TFB selon l’art. 31 al. 1 à 3 LTFB. Cette valeur est aussi l’un des critères de fixation des dépens qu’une partie doit à une autre partie, le cas échéant, selon les art. 4 et 5 du tarif prévu par l’art. 33 LTFB. La valeur litigieuse doit être elle-même estimée conformément à l’art. 91 al. 2 CPC lorsque, comme en l’espèce, l’action intentée devant le tribunal ne porte pas sur le paiement d’une somme d’argent déterminée. L’issue du litige ne saurait influencer l’estimation litigieuse et il importe donc peu qu’en définitive le brevet soit éventuellement jugé nul. Pour le surplus, la valeur économique du droit d’exclusivité qui est l’enjeu du brevet et de la contestation est sans aucun doute un critère d’estimation pertinent à propos duquel le TFB dispose d’un pouvoir d’appréciation (consid. 5).

Art. 140a LBI al. 1, Art. 140a LBI al. 2, Art. 140b LBI al. 1, Art. 140b LBI al. 2, Art. 140d LBI al. 1, Art. 140d LBI al. 2

Selon l’art. 140a al. 1 LBI, l’IPI délivre, sur demande, des certificats complémentaires de protection (ci-après CCP) pour des principes actifs ou des compositions de principes actifs d’un médicament (appelés « produits », art. 140a al. 2 LBI). Selon l’art. 140b al. 1 LBI, le CCP est délivré si, au moment de la demande, « le produit en tant que tel, un procédé de fabrication de ce produit ou son utilisation sont protégés par un brevet » et si un médicament contenant un produit est autorisé en Suisse. Le CCP vise à compenser, par l’octroi d’un droit exclusif distinct, l’inconvénient qui résulte du fait que les médicaments sont soumis à une procédure d’autorisation de mise sur le marché qui prend du temps, raccourcissant ainsi la durée de protection du brevet (consid. 4.3.1). Ce type de protection complémentaire a été repris du droit de l’Union européenne (consid. 4.3.2). Selon l’art. 140d al. 1 LBI, le CCP protège, dans les limites de l’étendue de la protection conférée par le brevet, toutes les utilisations du produit en tant que médicament qui ont été autorisées avant l’expiration du certificat. Un CCP est donc soumis à une double limitation : premièrement, il ne peut en aucun cas être utilisé pour obtenir une protection plus étendue que celle accordée par le brevet sous-jacent, et deuxièmement, la protection est limitée au produit pour lequel l’autorisation en tant que médicament a été accordée (consid. 4.3.3). Compte tenu du fait qu’un CCP est limité au produit autorisé, se pose la question de savoir s’il est possible de lui conférer un champ de protection indépendant, qui aille au-delà de la forme spécifiquement indiquée dans l’autorisation de mise sur le marché (consid. 4.3.4). La doctrine suisse considère de manière unanime que l’étendue de la protection des CCP s’étend également aux formes salines d’un produit qui ne sont pas spécifiquement indiquées dans l’autorisation officielle de mise sur le marché, pour autant qu’elles soient couvertes par le champ de protection du brevet de base et qu’elles n’aient pas d’autre effet pharmacologique. En droit européen, la doctrine part du principe qu’un CCP accorde une protection pour une substance active et ses dérivés, même si l’autorisation de mise sur le marché ne couvre le principe actif que sous une forme spéciale (consid. 4.3.4.2). Comme l’a indiqué la CJUE, le treizième considérant du règlement (CE) no 1610/96 prévoit que le CCP confère les mêmes droits que ceux conférés par le brevet de base et que, par conséquent, lorsque le brevet de base couvre une substance active et ses différents dérivés, le CCP confère la même protection. Par l’introduction du CCP, le législateur avait pour objectif de permettre l’amortissement des coûts de développement dans le domaine particulièrement coûteux de l’industrie pharmaceutique, et de créer ainsi des conditions plus favorables à la recherche. Si un CCP devait uniquement protéger le sel particulier du principe actif (ou la composition de principes actifs) qui est désigné comme principe actif dans l’autorisation de mise sur le marché du médicament, même lorsque le brevet de base protège également les dérivés, tout concurrent pourrait librement faire approuver et commercialiser un autre sel du produit ayant le même effet pharmacologique à l’expiration du brevet. Ce sel, précédemment protégé par le brevet, ne bénéficierait pas de la protection recherchée par le législateur. Le fait que, selon les conceptions suisse et européenne, l’extension de la protection dans le temps soit accordée par un droit exclusif indépendant et non par une extension du brevet, ne change rien au fait qu’un certificat confère les mêmes droits que le brevet (voir art. 140d al. 2 LBI). Ainsi, le champ de protection d’un CCP s’étend aux dérivés du produit, à condition que ceux-ci soient couverts par le champ de protection du brevet de base et présentent le même effet pharmacologique que le produit, tel qu’il est mentionné dans l’autorisation de mise sur le marché (consid. 4.3.4.3).

Art. 69 CBE2000, Art. 76 CBE2000 al. 1, Art. 123 CBE2000 al. 2, Art. 138 CBE2000 al. 1 let. c, Art. 42 LTF al. 2, Art. 32 LTFB, Art. 33 LTFB, Art. 3 LBI let. a, Art. 9 LBI al. 2, Art. 26 LBI al. 1 let. c, Art. 51 LBI al. 2, Art. 58 LBI al. 2

Le recours au TF doit être suffisamment motivé (art. 42 al. 2 LTF) (consid. 1.1). Cela ne s’applique toutefois pas sans autres aux conclusions subsidiaires, par lesquelles la recourante conteste les frais et dépens de la décision attaquée, indépendamment du fait qu’elle ait ou non gain de cause sur le fond (consid. 1.2.1). En principe, les conclusions ayant pour objet une somme d’argent doivent être chiffrées, même lorsqu’elles portent sur la contestation des frais et dépens prononcés par la juridiction inférieure indépendamment du sort de la cause principale. Toutefois, dans de tels cas, il suffit en réalité que la motivation du recours indique dans quel sens la décision attaquée doit être modifiée (consid. 1.2.2). En l’espèce, les dépens alloués par le Tribunal fédéral des brevets (TFB) se partagent entre une somme allouée pour les frais de conseil en brevets et une autre, moins importante, pour les frais de représentation par un avocat. La recourante se plaint du fait que la première somme soit plus importante que la seconde, et demande que les dépens soient au moins réduits de la différence (consid. 1.2.3). Selon l’art. 26 al. 1 lit. c LBI, le juge constate la nullité du brevet lorsque l’objet de ce dernier va au-delà du contenu de la demande de brevet dans la version qui a déterminé sa date de dépôt. Cette cause de nullité est tirée de l’art. 138 al. 1 lit. c CBE 2000. Ces deux dispositions sont liées, en ce qui concerne la procédure de délivrance européenne, à l’art. 123 al. 2 CBE 2000, qui limite la recevabilité des modifications dans la procédure de demande. En conséquence, la demande de brevet européen et le brevet européen ne peuvent être modifiés de telle manière que leur objet dépasse le contenu de la demande antérieure telle qu’elle a été déposée. De même, l’art. 76 al. 1 deuxième phrase CBE 2000 prévoit qu’une demande divisionnaire européenne ne peut être déposée que pour des éléments qui ne vont pas au-delà du contenu de la demande antérieure telle qu’elle a été déposée (consid. 2.1.1). Ces dispositions ont pour but d’éviter que le détenteur d’un brevet n’améliore sa position en revendiquant des protections pour des objets n’ayant pas été couverts par la demande de brevet initiale. Elles servent notamment un but de sécurité juridique, car le public ne devrait pas être surpris par des revendications qui ne pouvaient pas être attendues sur la base de la demande initiale (consid. 2.1.2). Dans ce contexte, l’ « objet du brevet » ne doit pas être compris comme l’ « étendue de la protection » au sens des art. 51 al. 2 LBI et 69 CBE 2000, telle que déterminée par les revendications. Il s’agit plutôt de l’ « objet » au sens de l’art. 123 al. 2 CBE 2000 (ou de l’article 58 al. 2 LBI), incluant l’ensemble des éléments divulgués dans la description et les dessins. Selon la jurisprudence de l’Office européen des brevets, l’art. 123 al. 2 CBE 2000 n’autorise une modification après le dépôt de la demande que dans les limites de ce que l’homme du métier est objectivement en mesure, à la date du dépôt, de déduire directement et sans équivoque du contenu global de la demande initiale telle qu’elle a été déposée, en se fondant sur les connaissances techniques générales dans le domaine considéré (test du « gold standard »). Les modifications inadmissibles peuvent consister tant en des ajouts qu’en des omissions d’informations (consid. 2.1.3). D’un point de vue procédural, une demande divisionnaire constitue une demande séparée, indépendante de la demande parente. Les modifications sont donc soumises aux exigences générales de l’art. 123 al. 2 CBE 2000. La question de savoir si la demande divisionnaire elle-même entre dans le champ d’application du contenu de la demande parente s’apprécie cependant selon l’art. 76 al. 1 deuxième phrase CBE 2000 (consid. 2.2). La question est de savoir dans quelle mesure il est admissible, durant la procédure de demande, de choisir des éléments individuels dans plusieurs listes, chacune comportant plusieurs modes de mise en œuvre ou caractéristiques alternatives (problématique du « singling out ») (consid. 3.1). La problématique de la suppression d’éléments de listes durant la procédure de demande a été souvent traitée dans la jurisprudence de l’Office européen des brevets. Le point de départ est la question de savoir si l’objet ou la combinaison d’éléments revendiqués dans le brevet litigieux peut être déduit directement et sans équivoque par l’homme du métier à partir des documents déposés dans la demande d’origine. Fondamentalement, la limitation d’une liste à une seule caractéristique est admissible. De même, la suppression d’éléments de plusieurs listes est en principe admissible si plusieurs alternatives sont encore revendiquées pour chacune d’elles, laissant ainsi subsister un groupe générique qui ne se distingue de l’objet de la demande initiale que par sa taille réduite. En revanche, la sélection d’un unique élément dans chacune des listes n’est généralement pas admise, dans la mesure où un tel procédé crée artificiellement une combinaison de caractéristiques précises, sans fondement dans la demande initiale. Dans un tel cas, la modification limite la protection du brevet, et apporte une contribution technique par rapport à l’objet initialement divulgué. La situation peut être différente s’il y avait déjà des références à cette combinaison dans la demande initiale, comme par exemple si les caractéristiques finalement sélectionnées avaient été indiquées comme « préférées ». Les circonstances spécifiques du cas d’espèce doivent toujours être prises en compte (consid. 3.2). Conformément à l’art. 32 LTFB, le TFB fixe les dépens selon le tarif visé à l’art. 33 LTBF. Selon l’art. 3 lit. a FP-TFB, les dépens alloués à la partie qui a gain de cause comprennent le remboursement des frais nécessaires. Ceux-ci comprennent l’indemnité du conseil en brevets, s’il intervient à titre de consultant uniquement (art. 9 al. 2 FP-TFB) (consid. 5.1). Le TFB, qui peut apprécier librement si une dépense doit être remboursée en tant que dépense nécessaire, a indiqué que dans le cadre d’une action en nullité les frais du conseil en brevets peuvent dépasser ceux de représentation par un avocat. La recourante ne parvient pas à démontrer d’erreur d’appréciation du TFB qui puisse être corrigée par le TF (consid. 5.3).

Art. 69 CBE2000, Art. 9 Cst., Art. 29 Cst. al. 2, Art. 98 LTF, Art. 51 LBI

Le droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) exige que l’autorité entende effectivement les arguments des parties, qu’elle les examine et qu’elle en tienne compte dans sa propre décision. En outre, elle doit motiver sa décision, en indiquant au moins brièvement les considérations essentielles sur lesquelles elle s’est fondée. Par contre, il ne confère pas aux parties le droit d’être entendues sur leur appréciation juridique des faits qu’elles ont introduits dans la procédure. Le droit d’être entendu n’implique pas non plus que le juge doive aviser les parties à l’avance des faits sur lesquels il entend fonder sa décision. Il existe toutefois une exception à ce principe, lorsque le juge s’apprête à fonder sa décision sur un motif juridique dont les parties ne se sont pas prévalues et dont elles ne pouvaient raisonnablement supputer la pertinence (consid. 4.1). L’arbitraire (art. 9 Cst.) ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution que celle retenue pourrait entrer en considération, ou même qu’elle serait préférable, mais uniquement du fait qu’une décision est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore qu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit manifestement insoutenable, mais il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (consid. 5.1). Les recourantes ne parviennent à démontrer aucune violation arbitraire de l’art. 51 LBI ou de l’art. 69 CBE 2000, selon lesquels l’étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée par les revendications, bien que les descriptions et les dessins soient aussi utilisés pour interpréter les revendications. Dans son appréciation de l’étendue de la protection du brevet en cause, l’instance inférieure est partie à juste titre du principe que la formulation des revendications constitue le point de départ de toute interprétation. Conformément aux normes précitées, elle a utilisé la description et les dessins. Comme les recourantes elles-mêmes l’admettent, la formulation de la caractéristique 6.1 de la revendication 1 du brevet européen en cause peut être interprétée de deux manières différentes. Contrairement à ce qu’elles affirment, une interprétation tenant compte de la description et des dessins ne permet pas non plus d’aboutir à un résultat clair. L’instance précédente est seulement partie du principe que la description fournissait certaines indications étayant la compréhension des recourantes. Le fait qu’elle n’en soit pas restée là, mais qu’elle ait continué à examiner si la compréhension des recourantes était compatible avec une interprétation cohérente des revendications, en tenant compte des autres revendications (dépendantes), n’est pas arbitraire. Au contraire, les revendications dépendantes peuvent également fournir des indications pour la compréhension de la revendication interprétée. En outre, il ne faut pas perdre de vue que les connaissances techniques générales constituent également un moyen d’interprétation. On ne peut reprocher à l’instance précédente d’avoir agi de manière arbitraire en examinant si l’interprétation de la revendication 1 proposée par les recourantes, qui permettait d’éviter une incohérence entre la revendication 1 et la revendication 4, était techniquement pertinente en donnant aux caractéristiques un sens leur permettant de remplir la fonction qui leur est destinée dans le cadre de l’invention (consid. 5.2).

Art. 125 CPC let. a, Art. 222 CPC al. 3, Art. 229 CPC al. 1, Art. 236 CPC, Art. 237 CPC

Selon la jurisprudence désormais constante, les parties bénéficient, tant en procédure ordinaire que simplifiée [mais pas en procédure sommaire] de la possibilité de s’exprimer par deux fois de manière non limitée sur la cause et notamment d’introduire de nouveaux faits dans la procédure. Elles n’ont plus ensuite la possibilité de présenter de nouveaux faits et de nouveaux moyens de preuve qu’aux conditions restrictives de l’art. 229 al. 1 CPC. Etant donné l’importance fondamentale du droit des novae en procédure civile, il est indispensable qu’il existe des règles générales claires et non équivoques permettant aux parties de déterminer de manière sûre jusqu’à quel point de la procédure elles sont admises à s’exprimer de manière non limitée sur la cause. Il n’est par conséquent pas possible que la clôture des échanges soit laissée à l’appréciation du tribunal. La limitation de l’admissibilité de nouveaux faits et moyens de preuve ne peut en particulier pas être contournée par le fait que des débats d’instruction sont organisés dans le cadre desquels des novae additionnels pourraient être présentés sans limite. Le juge instructeur a par contre la latitude de tenir une audience d’instruction à la seule fin de tenter une conciliation pour autant que celle-ci ne constitue pas une deuxième opportunité offerte aux parties d’alléguer sans limitation des nouveaux faits et moyens de preuve, et ceci sans que la clôture des échanges suive immédiatement (consid. 2.3.1). Selon l’art. 125 lit. a CPC, le tribunal peut, afin de simplifier la procédure, en particulier la limiter à certaines questions ou à certains points de droit. A la suite d’une telle limitation de la procédure, est rendu un jugement partiel (art. 236 CPC) respectivement un jugement intermédiaire au sens de l’art. 237 CPC. Une telle limitation peut être ordonnée par le tribunal en particulier avec la fixation d’un délai pour le dépôt de la réponse (art. 222 al. 3 CPC). Demeure ouverte la question de savoir si une limitation de la procédure peut encore intervenir au moment de la fixation du délai pour le dépôt de la réplique. Dans le cas d’espèce en effet, le juge instructeur n’a pas ordonné une limitation de la procédure en vue d’un jugement partiel ou intermédiaire sur la nullité du brevet à l’origine de la demande. Il a bien plutôt unilatéralement octroyé à la partie demanderesse la possibilité de prendre position avant l’audience d’instruction sur une partie des arguments de la réponse et d’y répliquer dans ce cadre en introduisant ainsi des novae non limités dans la procédure (consid. 2.3.2). Si l’admissibilité d’une scission thématique de la réplique est discutée, outre le fait qu’il paraisse douteux qu’une telle manière de faire soit judicieuse, il est au moins nécessaire que la question débattue soit clairement délimitée du reste de la procédure, ce que l’intimée conteste de manière convaincante en ce qui concerne la question de la nullité du brevet en lien avec celle de sa violation. Une telle partition thématique de la cause ne doit en aucun cas amener à ce que la demanderesse puisse s’exprimer plus de deux fois de manière illimitée (consid. 2.4). Dans le cas d’espèce, l’intimée a eu l’occasion de s’exprimer une première fois sur la cause de manière illimitée dans sa demande. Elle a eu la possibilité de le faire une deuxième fois dans une réplique limitée, selon ordonnance expresse de l’autorité précédente, à la question de la validité du brevet concerné. Enfin, l’intimée s’est exprimée une troisième fois, sans limitation à une thématique particulière, dans sa réplique complémentaire. L’intimée a ainsi bénéficié, par trois fois, de la possibilité d’alléguer de nouveaux faits et de proposer de nouveaux moyens de preuve, deux fois de manière thématiquement illimitée et une fois supplémentaire sur la question exclusive de la validité du brevet. Cela n’est pas conforme à la jurisprudence du TF selon laquelle les parties ne bénéficient, en procédure ordinaire, que deux fois de la possibilité de s’exprimer sur la cause et d’introduire de nouveaux faits dans la procédure (consid. 2.4.1). Il est pleinement possible à la demanderesse d’annihiler, déjà au stade de la demande, les effets d’une éventuelle objection de nullité du brevet. Il n’est pas relevant qu’elle n’ait pas eu d’indication que la défenderesse soulèverait ce moyen de défense. Car la possibilité de s’exprimer librement dans la procédure et d’alléguer tous les faits et moyens de preuve quels qu’ils soient, se caractérise aussi justement par le fait qu’elle est donnée indépendamment de ce que la partie adverse ait suscité une prise de position ou une réaction particulière. Cela fait partie de l’essence même de la procédure (civile) que la demanderesse, au moment du dépôt de la demande – soit du point de vue du droit des novae au moment de la première possibilité qui lui est donnée de s’exprimer sans limitation – ne connaisse pas encore de manière sûre l’axe de défense de la partie défenderesse. L’existence de règles claires fondamentalement respectée par tous les tribunaux dans le cadre de l’application du CPC est d’une importance centrale du point de vue de la sécurité du droit. Une différenciation en fonction de la prévisibilité des exceptions, respectivement des objections de la partie adverse, nuirait grandement à la sécurité du droit, de sorte qu’une exception à la règle générale de la possibilité de ne s’exprimer que deux fois librement ne se justifie pas dans le domaine du droit des brevets. Que l’exception de nullité du brevet invoquée dans la demande pose de nouvelles questions en lien avec l’objet du litige n’est d’ailleurs pas fondamentalement différent de ce qui se passe lorsque l’exception de prescription est soulevée à l’encontre d’une prétention ou lorsqu’une autre prétention est invoquée en compensation. Lorsque des allégations nouvelles de ce type sont présentées dans la réponse, cela ne conduit pas à ce que la partie demanderesse puisse s’exprimer trois fois librement les concernant (consid. 2.4.2). L’autorité précédente a ainsi violé le droit fédéral en permettant à l’intimée, en tout cas pour ce qui est de la question de la validité du brevet, de proposer à trois reprises de manière illimitée des faits et moyens de preuve nouveaux et sur cette base de reformuler les revendications de son brevet, sans examiner si ces novae étaient exceptionnellement admissibles selon les conditions de l’art. 229 al. 1 CPC (consid. 2.4.3).

Art. 74 LTF al. 2 let. e, Art. 75 LTF al. 1, Art. 31 LTFB al. 1, Art. 31 LTFB al. 2, Art. 31 LTFB al. 3, Art. 33 LTFB, Art. 4 FB-LTFB, Art. 5 FP-LTFB, Art. 24 LBI, Art. 25 LBI, Art. 26 LBI, Art. 91 CPC al. 2, Art. 125 CPC, Art. 225 CPC, Art. 229 CPC, Art. 237 CPC

Le recours en matière civile est en principe recevable contre les jugements du Tribunal fédéral des brevets, sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. e LTF et art. 75 al. 1 LTF) (consid. 1). Toutefois, dans les cas d’erreurs d’écriture ou de calcul que vise l’art. 334 CPC, la voie du recours en matière civile n’est disponible qu’après l’échec d’une demande de rectification. En l’espèce cependant, l’objet du recours en matière civile (annulation du jugement du TFB et nullité complète du brevet concerné) ne recoupait pas une hypothétique demande en rectification (reproduction dans le dispositif du jugement du TFB de l’ensemble des nouvelles revendications du brevet limité par la défenderesse et intimée), de sorte que le recours en matière civile est recevable (consid. 2). La renonciation partielle à un brevet est prévue par les art. 24 et 25 LBI. Elle permet au titulaire de conserver certains éléments du brevet menacé de nullité, lorsque les revendications se révèlent formulées de manière trop large, en méconnaissance de l’état de la technique. Elle suppose une modification des revendications dans le cadre des modalités prévues par l’art. 24 LBI. Elle s’accomplit en principe par une requête adressée à l’IPI, mais peut intervenir aussi devant le tribunal saisi d’une action en nullité. Ce tribunal doit alors vérifier si les revendications nouvellement énoncées réduisent valablement la portée du brevet litigieux. Parce que cette vérification nécessite de constater et d’apprécier aussi des faits, la renonciation partielle au brevet litigieux est assimilée à l’introduction de faits ou de moyens de preuves nouveaux dans le procès civil. La renonciation partielle doit donc intervenir avant la clôture de la phase de l’allégation ; elle ne peut intervenir plus tard qu’aux conditions de l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. En l’espèce, la phase de l’allégation s’est terminée avec la réplique pour la demanderesse et avec la duplique pour la défenderesse (2e

échange d’écritures selon les art. 225 et 229 al. 2 CPC). La renonciation partielle déclarée au stade de la duplique était inconditionnellement recevable. Si la demanderesse voulait contester la validité de cette renonciation, notamment au regard de l’art. 24 LBI, ou contester la validité de la partie restante du brevet consistant dans les revendications nouvellement énoncées par la défenderesse, sur la base de faits non encore allégués mais dont l’allégation se justifiait objectivement aux fins de ces constatations, ladite allégation lui était encore permise par l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. La renonciation partielle au brevet litigieux équivaut à un acquiescement partiel à la demande en justice. C’est pourquoi le TFB, alors même qu’il rejetait l’action en nullité et aussi l’action en cession du brevet, a réparti les frais judiciaires entre les parties et compensé les dépens (consid. 3). Les moyens développés à l’appui du recours en matière civile ne sont pas mentionnés dans le jugement attaqué et encore moins discutés dans ce jugement. Les précédents juges n’y discutent que les moyens soulevés à l’encontre du brevet dans son état antérieur à la renonciation partielle. Celle-ci a de toute évidence introduit une modification très importante de l’objet du litige. Ni le Code de procédure civile, ni la LTFB ne prévoient explicitement une procédure appropriée à cette situation. D’ordinaire, toutefois, une renonciation partielle est apte à permettre une simplification du procès. A première vue, il eût été opportun de rendre une décision incidente selon l’art. 237 CPC sur les conclusions en renonciation partielle articulées par la défenderesse, puis d’inviter la demanderesse à recentrer son argumentation. Une pareille solution pouvait s’inscrire dans le cadre de l’art. 125 CPC car cette disposition n’énumère pas limitativement les mesures de simplification du procès. Selon la jurisprudence relative à l’art. 75 al. 1 LTF, les moyens soumis au TF doivent avoir été autant que possible déjà soulevés devant l’autorité précédente ; à défaut, ils sont irrecevables. Cette exigence n’est en l’occurrence pas satisfaite. L’argumentation développée dans le cadre du recours est nouvelle et elle ne s’impose pas en raison des motifs du jugement attaqué. La demanderesse ne paraît pas avoir été empêchée de la soulever déjà devant le TFB, notamment au stade des débats principaux. Elle a simplement omis de le faire. Le recours en matière civile se révèle par conséquent irrecevable dans la mesure où il tend à la nullité du brevet litigieux (consid. 4). La valeur litigieuse est un des critères de fixation de l’émolument judiciaire à percevoir par le TFB selon l’art. 31 al. 1 à 3 LTFB. Cette valeur est aussi l’un des critères de fixation des dépens qu’une partie doit à une autre partie, le cas échéant, selon les art. 4 et 5 du tarif prévu par l’art. 33 LTFB. La valeur litigieuse doit être elle-même estimée conformément à l’art. 91 al. 2 CPC lorsque, comme en l’espèce, l’action intentée devant le tribunal ne porte pas sur le paiement d’une somme d’argent déterminée. L’issue du litige ne saurait influencer l’estimation litigieuse et il importe donc peu qu’en définitive le brevet soit éventuellement jugé nul. Pour le surplus, la valeur économique du droit d’exclusivité qui est l’enjeu du brevet et de la contestation est sans aucun doute un critère d’estimation pertinent à propos duquel le TFB dispose d’un pouvoir d’appréciation (consid. 5).

ATF 145 III 91 (d)

2018-2019

Art. 3, 26, 140k al. 1 LBI

La liste des motifs de nullité de l’article 140k al. 1 LBI est exhaustive et par conséquent, seuls ces derniers peuvent être invoqués dans le cadre d’une action en nullité. Cette exhaustivité permet, d’une part, de satisfaire à l’exigence de sécurité juridique et, d’autre part, de tenir compte de la conséquence grave de la nullité d’un brevet ou d’un certificat complémentaire de protection (consid. 2.2.3). Le non-respect du délai de dépôt d’une demande de certificat complémentaire de protection ou une réintégration en l’état antérieur admise à tort (question laissée ouverte en l’espèce) n’entraîne pas la nullité du certificat complémentaire de protection (consid. 3).

Art. 52, 56 CBE ; 29 al. 2 Cst. ; 95, 97 al. 1, 105 al. 1, 106 al. 2 LTF ; 53 al. 1 CPC

Les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle, en vertu de l’art. 52 CBE. Selon l’art. 56 CBE, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour l’homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique. La notion de non-évidence est une notion objective. Ce ne sont ni les efforts déployés personnellement par l’inventeur, ni ses connaissances subjectives qui importent à cet égard, mais uniquement l’écart mesurable entre le résultat de l’invention et l’état de la technique. Font partie de l’état de la technique toutes les données accessibles au public, à la date de dépôt ou de priorité. L’examen de l’activité inventive suppose que l’on considère l’état de la technique dans sa globalité, telle une mosaïque. Pour ce faire, on commencera, en règle générale, par rechercher le document comportant le plus grand nombre de caractéristiques techniques en commun avec l’invention. On comparera ensuite l’invention avec l’état de la technique pertinent afin de déterminer les différences structurelles et fonctionnelles et, sur cette base, le problème technique que l’invention cherche à résoudre. Enfin, on examinera les pas que l’homme de métier devait effectuer afin de parvenir, en partant de l’état de la technique, au même résultat que l’invention conformément au principe de l’approche « problème-solution » (consid. 3.1.2 et réf. cit.). Toutes les données accessibles au public, y compris les documents particulièrement anciens, font partie de l’état de la technique. Ecarter un document de ceux que consulterait l’homme de métier en raison de son ancienneté reviendrait à priver les brevets ayant dépassé un certain âge de toute valeur dans le cadre de l’analyse de l’effet inventif. Une telle pratique ne saurait être déduite de l’art. 56 CBE. Le facteur temporel peut néanmoins jouer un rôle dans le cadre de l’analyse de l’activité inventive. L’exigence d’un besoin insatisfait depuis longtemps peut ainsi faire partie des indices suggérant une activité inventive digne de protection (consid. 3.1.3). L’âge des documents n’est pas à lui seul décisif dans le cadre de la détermination de l’état de la technique. L’élément déterminant est plutôt l’obsolescence ou la désuétude d’une technique faisant l’objet d’un document ancien, ce qui exclut sa prise en considération par l’homme de métier (consid. 3.1.4.2).

Art. 8 CC ; 1 al. 2, 7 al. 2 LBI ; selon l’art. 7 al. 2 LBI

Selon l’art. 7 al. 2 LBI, l’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt ou de priorité par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. L’état de la technique constitue la base à partir de laquelle sont examinées les exigences tant de nouveauté que d’activité inventive. Les documents qui constituent l’état de la technique doivent être interprétés en fonction de la compréhension de l’homme du métier déterminant au moment du jour du dépôt de la demande de brevet ou de celui du droit de priorité. La lettre même d’un document n’est pas seule déterminante. Doivent également être prises en compte les solutions qui sont présentes dans l’état de la technique et que l’homme du métier peut déduire de manière évidente de ce qui a déjà été publié ; il convient de tenir compte du contenu tout entier d’un document imprimé. C’est en particulier la connaissance technique générale d’une équipe de professionnels de la branche qu’il convient de considérer, telle qu’elle est accessible dans les ouvrages de référence du domaine technique concerné. Des connaissances internes, comme par exemple des résultats de tests ou d’expériences, ne font par contre pas partie de l’état de la technique (consid. 2.2). L’approche « problème-solution » est un procédé structuré d’examen de l’activité inventive qui est basé sur le fait que toute invention consiste en un problème (Aufgabe) technique et sa solution. Le problème objectif résolu par l’invention revendiquée est tout d’abord examiné en partant de cette invention par la détermination du (seul) document de l’état de la technique dont l’invention revendiquée est la plus proche. Cet état de la technique le plus proche est ensuite comparé à l’invention revendiquée et les différences structurelles ou fonctionnelles sont listées une à une, pour formuler sur cette base le problème technique objectif que l’invention revendiquée résout. Immédiatement ensuite, il est déterminé quels pas l’homme du métier déterminant aurait dû entreprendre à partir de l’état de la technique le plus proche pour apporter une solution au problème technique individualisé, et si le procédé a permis d’individualiser, comme état de la technique le plus proche, un seul document qui révèle une solution technique de manière si précise et complète qu’un homme du métier puisse l’exécuter (consid. 2.2.1). Une solution technique est exécutable lorsque l’homme du métier dispose d’une indication si précise et complète que sur la base de celle-ci et de ses connaissances professionnelles il est à même d’atteindre la solution proposée par l’enseignement technique d’une manière sûre et répétable. Une invention n’est ainsi brevetable que lorsque la solution technique recherchée peut être atteinte avec certitude et pas seulement par hasard. Le fascicule du brevet doit décrire l’enseignement technique de façon suffisante et l’invention y être présentée de manière à ce que l’homme du métier puisse l’exécuter. Il s’agit là de conditions de validité du brevet (art. 26 al. 1 lit. b LBI). Les éléments techniques évidents dans le domaine n’ont pas à être exposés. Que le fascicule de brevet comporte des erreurs ou des lacunes ne compromet pas l’exécution de l’invention si l’homme du métier est en mesure de les identifier et de les surmonter sur la base de ses connaissances professionnelles générales sans avoir à fournir un effort qui ne puisse pas être attendu de lui. Cela vaut aussi lorsque les indications fournies sont si limitées que l’homme du métier doit prendre un certain temps pour réussir à réaliser l’invention, ou même trouver une solution qui lui soit propre. Une invention n’est toutefois pas exécutable pour l’homme du métier lorsque l’effort à fournir pour l’atteindre dépasse ce qui peut être attendu de lui ou exige qu’il fasse preuve d’activité inventive. La publication d’au moins un mode de réalisation en particulier est exigée et est suffisante, si elle permet l’exécution de l’invention dans l’ensemble du domaine revendiqué. Ce qui compte est le fait que l’homme du métier soit mis en situation de réaliser pour l’essentiel tous les modes d’exécution entrant dans le champ de protection des revendications (consid. 2.2.2). Un enseignement technique ne consiste pas seulement en un problème mais aussi en sa solution. Si seul le problème est exposé, et pas sa solution, on n’est pas en présence d’un enseignement technique, sauf dans le cas exceptionnel où le fait de poser le problème découle d’une activité inventive. Lorsqu’une solution technique n’est pas expressément exposée, il faut apporter la preuve que l’homme du métier déterminant, le cas échéant une équipe de professionnels de la branche, aurait trouvé sur la base des indications figurant dans le document et de ses connaissances professionnelles générales, en fournissant un effort pouvant raisonnablement être attendu de lui, au moins une solution concrète au problème technique (consid. 2.2.3). L’« exécutabilité » d’un document appartenant à l’état de la technique ne peut pas être présumée, en tout cas lorsque cet état de la technique n’est pas un fascicule de brevet mais la description d’expériences (consid. 2.2.5). Un document qui ne décrit qu’un problème sans proposer de solution ne peut pas être considéré comme constituant l’état de la technique la plus proche, lorsque l’examen de l’activité inventive se base sur l’approche « problème-solution » (consid. 2.3.2).

Art. 9 Cst. ; 105 al. 1, al. 2, 106 al. 1, al. 2 LTF ; 55 al. 1 CPC

La réelle et commune intention des parties quant à la portée d’un accord de transfert d’une demande de brevet, respectivement de l’invention correspondante et des droits s’y rapportant, relève non pas du domaine du droit, mais de celui des faits. Elle ne peut être revue par le TF que si elle se révèle manifestement inexacte, c’est-à-dire arbitraire ; ce qui implique qu’il soit démontré dans le cadre du recours devant le TF que la constatation factuelle en question serait manifestement insoutenable, méconnaîtrait gravement une norme ou un principe juridique clair et reconnu ou encore heurterait de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité (consid. 3.2). Lorsque la maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC), il incombe aux parties et non au Juge de rassembler les faits du procès. Il importe peu de savoir laquelle des parties a allégué les faits déterminants puisqu’il suffit que ceux-ci fassent partie du cadre du procès pour que le Juge puisse en tenir compte (consid. 4.3.1). Il n’est pas contesté en l’espèce que tous les éléments de faits nécessaires à l’analyse de l’activité inventive déployée par l’inventeur ont été rassemblés par les parties. Le TFB n’a pas eu à suppléer ou suggérer des faits non allégués par les parties. La juridiction précédente était ainsi en mesure de procéder à l’analyse de l’activité inventive, une question de droit, ce qu’elle a fait en se fondant sur l’approche « problème-solution » consacrée par la jurisprudence. Il est sans importance à cet égard que la présence ou l’absence de caractéristiques litigieuses dans la présentation et/ou le brevet ait été alléguée par la défenderesse ou la demanderesse. En se fondant sur les faits rassemblés par les parties afin d’examiner une question de droit, la juridiction précédente n’a pas violé la maxime des débats (consid. 4.3.2). L’action en constatation de droit est subsidiaire par rapport à l’action condamnatoire ou à l’action formatrice et seule l’existence de circonstances exceptionnelles peut conduire à admettre un intérêt digne de protection à la constatation de droit bien qu’une action condamnatoire soit ouverte. Ne constitue pas de telles circonstances le fait qu’au moment de l’introduction de l’action ou de la modification de ses conclusions, aucune vente du produit litigieux n’ait été encore été réalisée. Cela ne justifie en rien un intérêt digne de protection à la constatation de la violation du brevet. Dans un tel cas, outre la possibilité d’intenter une action tendant à la divulgation d’informations, le titulaire du brevet peut, en particulier, intenter une action condamnatoire visant à interdire la commercialisation du produit litigieux (consid. 6.1.2).

Art. 3 al. 1, 29 al. 1 LBI ; 332 al. 1 CO

S’agissant de la prétention en cession d’une demande de brevet au sens de l’art. 29 al. 1 LBI, le demandeur, prétendu ayant droit, doit alléguer et, en cas de contestation, prouver : 1. Qui est l’inventeur de quel enseignement technique, 2. De quelle manière le droit à la délivrance du brevet pour cet enseignement technique a été transféré par l’inventeur au prétendu ayant droit, 3. Comment et quand l’enseignement technique en question a été porté à la connaissance de la déposante inscrite auprès de l’autorité d’enregistrement et 4. En quoi l’enseignement technique coïncide avec la demande de brevet litigieuse. Des allégations générales ne suffisent pas : il convient de décrire l’enseignement technique concret. Il appartient précisément au tribunal de déterminer la mesure dans laquelle l’enseignement technique de l’ayant droit et l’enseignement technique de la demande litigieuse correspondent (consid. 8). Aux termes de l’art. 3 al. 1 LBI, le droit à la délivrance du brevet appartient à l’inventeur, à son ayant cause ou au tiers à qui l’invention appartient à un autre titre. L’inventeur est la personne physique à l’origine de la création technique constitutive d’une invention. Selon l’art. 332 al. 1 CO, les inventions que le travailleur a fait dans l’exercice de son activité au service de l’employeur et conformément à ses obligations contractuelles appartiennent à l’employeur, qu’elles puissent être protégées ou non. La titularité des droits sur de telles inventions, dites de service, dépend donc de la réalisation de deux conditions : 1. L’invention a été faite « dans l’exercice de son activité au service de l’employeur » et 2. L’invention (ou la participation à sa réalisation) a été faite par l’employé « conformément à ses obligations contractuelles ». Selon la jurisprudence, est décisive la question de savoir si le travailleur a l’obligation de mettre ses capacités inventives au service de son employeur (consid. 9). Lorsque des employés sont engagés en tant qu’ingénieurs de développement, ils sont chargés de développer des innovations techniques. Que ces inventions aient été faites pendant les heures de travail à leur bureau ou après les heures de travail à leur domicile n’a pas d’importance tant que la réalisation des inventions faisait partie de leurs obligations contractuelles. Le développement litigieux a donc été réalisé dans l’exercice des activités des travailleurs au service de leur employeur (consid. 42). Lorsque des employés sont chargés de mettre au point un système de production rapide de vapeur, le développement d’un dispositif de production d’eau chaude fait partie de leurs obligations contractuelles. En effet, tout système capable de produire de la vapeur produit nécessairement de l’eau chaude et les différences techniques entre un dispositif de production d’eau chaude et un dispositif de production de vapeur sont minimes. Le développement a donc in casu également été effectué conformément aux obligations contractuelles des deux employés. En vertu de l’art. 332 al. 1 CO, la demanderesse est ainsi l’ayant droit de l’invention ou des inventions revendiquées dans les revendications des demandes de brevet litigieuses et a par conséquent droit à ce que celles-ci lui soient partiellement transférées selon l’art. 29 al. 1 LBI (consid. 44).

Art. 69 CBE ; 1, 2 Protocol interprétatif de l’art. 69 de la convention de brevet européen, 51, 66 lit. a LBI

L’étendue de la protection du brevet est déterminée par les revendications (art. 51 al. 2 LBI, art. 69 al. 1 première phrase CBE). Les instructions techniques contenues dans les revendications doivent être interprétées comme l’homme du métier les comprendrait. Le texte des revendications constitue le point de départ de chaque interprétation. La description et les dessins servent à interpréter les revendications (art. 51 al. 3 LBI, 69 al. 1 2e phrase CBE). Les connaissances techniques générales de l’homme de métier peuvent le cas échéant également être prises en compte en tant qu’état de la technique « liquide ». En revanche, selon la doctrine dominante, la genèse, respectivement la procédure de délivrance n’est en principe pas déterminante pour l’interprétation des revendications et donc pour la détermination de l’étendue de la protection, bien que les dossiers liés à l’octroi du brevet soient accessibles au public (consid. 4.3). Les dérogations et limitations que le déposant a formulées dans la procédure de délivrance ne doivent alors être prises en compte que dans la mesure où elles sont exprimées dans les revendications et, le cas échéant, dans la description (consid. 4.3). On ne peut conclure à un comportement contradictoire de la part du titulaire du brevet – et encore moins d’un comportement abusif - du simple fait que des limitations aient été faites à une caractéristique et que, par la suite, il agisse contre une imitation sur la base de cette revendication limitée (consid. 4.5 et 4.6). Commet un acte de contrefaçon de brevet celui qui utilise illicitement l’invention brevetée ; l’imitation est considérée comme une utilisation (art. 66 lit. a LBI, consid. 5.1). Selon l’art. 2 du Protocole interprétatif de l’art. 69 de la convention de brevet européen (RS 0.232.142.25), pour la détermination de l’étendue de la protection conférée par le brevet européen, il est dûment tenu compte de tout élément équivalent à un élément indiqué dans les revendications. Afin de déterminer si l’enseignement breveté a été utilisé avec des moyens équivalents, trois questions sont généralement posées, à savoir 1) si la caractéristique modifiée remplit objectivement la même fonction que celle qui est brevetée pour réaliser l’enseignement technique (principe de la fonction équivalente), 2) si la caractéristique modifiée est évidente pour l’homme de métier sur la base de l’enseignement breveté (principe de l’évidence) et 3) si l’homme de métier considérerait que l’exécution modifiée présente une solution équivalente (principe de l’équivalence). Dans cette analyse, il convient de tenir compte du fait que d’après l’art. 1 du Protocole interprétatif de l’art. 69 de la convention de brevet européen, cet article ne doit pas être interprété comme signifiant que l’étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée au sens étroit et littéral du texte des revendications et que la description et les dessins servent uniquement à dissiper les ambiguïtés que pourraient recéler les revendications. Il ne doit pas davantage être interprété comme signifiant que les revendications servent uniquement de ligne directrice et que la protection s’étend également à ce que, de l’avis d’un homme du métier ayant examiné la description et les dessins, le titulaire du brevet a entendu protéger. L’art. 69 doit, par contre, être interprété comme définissant entre ces extrêmes une position qui assure à la fois une protection équitable au titulaire du brevet et un degré raisonnable de sécurité juridique aux tiers (consid. 5.1). Une caractéristique est fondamentalement la même si elle résout le problème technique sous-jacent à l’invention avec le même effet; cela ne peut être jugé ni par une simple comparaison individuelle, ni par une évaluation globale de l’effet. Au lieu de cela, le mode de réalisation modifié doit procurer tous les effets qui, selon la compréhension de l’homme du métier, doivent être obtenus sur la base des caractéristiques techniques revendiquées prises individuellement et en interaction (consid. 5.3.3). Selon la jurisprudence non seulement du Tribunal fédéral, mais aussi de la Cour suprême fédérale allemande et des précédents en Grande-Bretagne, il est exigé que la caractéristique modifiée soit suggérée à l’homme du métier par l’enseignement breveté (« évidence »). L’homme de métier du domaine en question doit, sur la base de ses connaissances générales, être stimulé par l’invention brevetée à y apporter des modifications ; si la modification à son tour découle d’une activité inventive, elle ne sera pas considérée comme évidente (consid. 5.4.1). Enfin, pour répondre à la troisième question, il faut déterminer si le tiers expert, à la lecture objective du fascicule de brevet, conclut que le titulaire du brevet a formulé la revendication – pour quelque raison que ce soit – si étroitement qu’il ne revendique pas la protection d’un mode d’exécution tout aussi efficace et identifiable (consid. 5.5.1). Le champ de protection s’étend en principe au-delà de l’application parfaitement littérale des revendications pour tenir compte du fait qu’il est impossible, même avec une rédaction des plus minutieuses, de nommer tous les modes d’exécution possibles dans une explication technique. Il en découle que la protection devrait également s’étendre au-delà d’une interprétation littérale trop stricte, pour autant que les explications techniques indiquent à l’homme de métier la façon dont l’invention peut être réalisée. Il faut donc des raisons particulières pour que le destinataire compétent (l’homme de métier) puisse et doive accepter que la protection du brevet n’est pas revendiquée pour des modes d’exécution qu’il juge aussi efficaces, sur la base de ses connaissances générales relatives à l’invention (consid. 5.5.3).

Art. 51 al. 2, al. 3 LBI

Selon l’art. 51 al. 2 LBI, respectivement l’art. 69 al. 1 1ère phrase CBE 2000, les revendications de la demande de brevet déterminent la portée matérielle du brevet. La lettre même des revendications est ainsi le point de départ de toute interprétation. La description et les dessins sont néanmoins aussi à prendre en compte dans l’interprétation des revendications. Les connaissances professionnelles générales constituent, en tant qu’état de la technique disponible, également un moyen d’interprétation. Les indications techniques formulées dans les revendications doivent ainsi être interprétées de la façon dont l’homme du métier les comprend (consid. 5.3).

Art. 66 LBI

Est l’auteur d’une imitation au sens de l’art. 66a 2e phrase LBI, la personne qui reprend le contenu essentiel de l’enseignement breveté sous une forme différente ou modifiée. Pour pouvoir conclure à l’existence d’une imitation basée sur une utilisation équivalente, trois conditions doivent être remplies, à savoir celles de l’effet identique, de l’accessibilité (ou « évidence ») et de l’équivalence. L’effet est considéré comme étant identique lorsque les caractéristiques substituées remplissent la même fonction objective que celles revendiquées dans le brevet. La condition de l’accessibilité est considérée comme étant remplie lorsque les caractéristiques sont rendues évidentes à l’homme de métier. L’équivalence quant à elle signifie que l’homme de métier (et non pas le public en général), en s’orientant selon la lettre de la revendication et à la lumière de la description, considère que les caractéristiques substituées présentent une solution équivalente (consid. 6.1 et 6.2).

Art. 13 LBI ; 136, 137, 140, 14 CPC

Une inscription comme domicile de notification pour des procédures administratives au sens de l’art. 13 LBI ne vaut pas comme élection de domicile au sens de la procédure civile. L’ancienne version de l’art 13 LBI n’est plus applicable, et donc le principe selon lequel, de par la loi, le représentant inscrit au registre des brevets représente également le titulaire du brevet ne l’est plus non plus. Le Tribunal fédéral des brevets doit donc faire parvenir ses ordonnances directement à une partie domiciliée à l’étranger par la voie de l’entraide judiciaire et peut exiger d’elle qu’elle élise un domicile de notification en Suisse au sens de l’art. 140 CPC.

Art. 69 al. 1 CBE 2000 ; 51 al. 2, 51 al. 3 LBI

selon l’art. 51 al. 2 LBI, respectivement l’art. 69 al. 1 1re phrase CBE 2000, les revendications de la demande de brevet déterminent la portée matérielle du brevet. La lettre même des revendications est ainsi le point de départ de toute interprétation. La description et les dessins sont néanmoins aussi à prendre en compte dans l’interprétation des revendications. Les connaissances professionnelles générales constituent, en tant qu’état de la technique disponible, également un moyen d’interprétation. Les indications techniques formulées dans les revendications doivent ainsi être interprétées de la façon dont l’homme du métier les comprend (consid. 5.3).

Art. 8 al. 1, 51 al. 1, 51 al. 2, 51 al. 3, 66 lit. c, 72, 73 LBI

Le brevet confère à son titulaire le droit d’interdire à des tiers d’utiliser l’invention à titre professionnel (art. 8 al. 1 LBI). Le titulaire peut notamment demander la cessation d’une utilisation illicite de l’invention et la réparation du dommage causé par un tel acte (art. 66 lit. a, art. 72 et 73 LBI). L’invention est définie par les revendications du brevet qui déterminent l’étendue de la protection conférée par le brevet (art. 51 al. 1 et al. 2 LBI), et partant les droits du titulaire du brevet au sens de l’art. 8 LBI. La description et les dessins servent à interpréter les revendications (art. 51 al. 3 LBI) qui doivent l’être selon le principe de la confiance. La lettre même des revendications constitue le point de départ de l’interprétation. Les directives techniques qu’elles contiennent doivent être interprétées telles que l’homme du métier les comprend. Si le sens d’une expression ne peut être établi avec une certitude suffisante en consultant la littérature spécialisée, le tribunal doit s’adjoindre les services d’un expert dans la mesure où il est lui-même dépourvu de connaissances spéciales. La description et les dessins servent à l’interprétation, mais ils ne sauraient conduire à compléter les revendications. Le titulaire du brevet doit donc décrire précisément l’objet de l’invention dans les revendications ; il supporte le risque d’une définition inexacte, incomplète ou contradictoire (consid. 3.2). Les conclusions ne sauraient aller au-delà de la protection conférée par le brevet, qui découle elle-même des revendications. Dans le cas d’espèce, le litige porte sur le point de savoir si le dispositif décrit dans la revendication a pour effet d’entraîner la rétention de toute capsule introduite dans la cage à capsule, pour autant que la capsule soit en matériau déformable au contact de l’eau chaude. Le problème d’interprétation ne porte pas directement sur une question technique, comme le montre l’argumentation de la recourante qui se concentre sur le sens de l’expression générique « toute capsule ». L’interprétation littérale qui se dégage objectivement de la revendication concernée du brevet est que l’expression « toute capsule » désigne n’importe quelle capsule « constituée d’un matériau déformable au contact de l’eau chaude », étant entendu que ladite capsule doit avoir une taille lui permettant d’être « disposée dans la cage » à capsule de la machine à café. L’agencement de la cage à capsule (en l’occurrence, « relief de type harpon ») est tel qu’il entraîne une déformation au moins partielle de n’importe quelle capsule de ce genre, une fois mise au contact de l’eau chaude ; cette déformation conduit elle-même à ce que la capsule soit retenue dans la cage. L’expression « soit retenue » implique un résultat, et non une possible survenance du phénomène décrit. En bonne logique, l’agencement de la cage doit entraîner une déformation certaine et non une éventuelle déformation (consid. 3.4). Le recours est rejeté.

Art. 69 CBE 2000 ; 2 CC ; 66 a LBI

Afin de déterminer si l’on se trouve en présence d’une imitation illicite d’une invention brevetée, il convient d’appliquer la doctrine des équivalents. Se posent alors trois questions : 1. Les caractéristiques substituées remplissent-elles la même fonction objective (même effet) ? On se fondera ici sur les principaux effets innovants découlant du brevet. 2. Les caractéristiques substituées et leur même fonction objective sont-elles rendues évidentes à l’homme du métier par l’enseignement du brevet (accessibilité) ? Ce n’est pas l’état de la technique, mais le brevet litigieux qui constitue le point de départ pour répondre à cette question. 3. Enfin, l’homme de métier, en s’orientant selon la lettre de la revendication et à la lumière de la description, aurait-il considéré que les caractéristiques substituées présentent une solution équivalente ? (consid. 4.5.2 et 4.6.1). Même si la Suisse, comme d’autres pays européens d’ailleurs, ne connaît pas la Prosecution History Estoppel, l’historique de la procédure du dépôt du brevet peut et doit même être prise en considération en particulier si une revendication a été limitée par le déposant afin d’obtenir le brevet. En application du principe de confiance énoncé à l’art. 2 CC, le titulaire du brevet est lié par les limitations qu’il a faites à son brevet dans le cadre de la procédure d’octroi. Il ne peut pas, par la suite, contourner ces limitations par la voie de la doctrine des équivalents (consid. 4.5.3).

Art. 54 al. 1, 54 al. 2 CBE 2000 ; 1 al. 1, 7, 7 al. 2 LBI

Après avoir rappelé sa jurisprudence antérieure (ATF 117 II 480, consid. 1a) concernant les notions de nouveauté et de divulgation susceptibles de la ruiner (consid. 2), le TF examine la question de l’existence d’une éventuelle obligation tacite de confidentialité entre les parties (consid. 3.5). Il souligne préalablement, à propos de l’exigence de nouveauté, qu’il n’est pas nécessaire que la divulgation d’une invention intervienne à l’attention d’un cercle indéterminé de personnes pour qu’elle en ruine la nouveauté. Il suffit que la transmission de l’invention en dehors du cercle des personnes tenues au secret vis-à-vis de l’inventeur et par là même son accessibilité au public, ne puisse pas être exclue. Une seule vente ou une seule présentation de l’objet qui matérialise ou comporte l’information provoque sa divulgation. En cas d’annonce à un ou à quelque(s) destinataire(s) particulier(s) déterminé(s), il convient donc de se demander si, au vu des circonstances, il doit être compté avec le fait qu’une diffusion ultérieure suivra, ou si au contraire elle devrait être exclue en vertu par exemple d’une obligation tacite de confidentialité qui se déduirait des circonstances particulières du cas d’espèce (consid. 2). En présence d’une invention antérieure réalisée de manière indépendante, la question consiste à déterminer s’il n’existe aucune publication, respectivement aucune anticipation (« Vorwegnahme ») susceptible de ruiner la nouveauté parce que toutes les personnes qui avaient connaissance de l’enseignement technique souhaitaient le conserver secret ou étaient tenues de le faire et que par conséquent sa divulgation ultérieure apparaît comme exclue. Cela implique au minimum de prouver qu’un intérêt au maintien du secret existait effectivement et que la confidentialité était assurée de telle manière qu’en pratique une divulgation antérieure de l’enseignement technique apparaît comme exclue. Le fait que les personnes ayant eu connaissance de l’enseignement technique avant la date de priorité menaient ensemble des activités de développement ne permet pas à lui seul de conclure qu’une transmission, et par là même une publication de l’enseignement technique, était exclue. Même le fait établi d’une collaboration en matière de développement des personnes qui ont eu connaissance de l’enseignement technique avant la date de priorité ne permet pas de conclure que la connaissance antérieure de l’enseignement technique par des tiers non-parties à cette collaboration ne constituerait pas une divulgation ruinant la nouveauté (consid. 3.5). Dans le cas d’espèce, l’autorité précédente a considéré que la collaboration en matière de développement invoquée entre les parties n’était pas suffisante pour permettre de conclure que l’enseignement technique n’avait pas fait l’objet d’une divulgation détruisant la nouveauté dans le cadre de la correspondance antérieure de près de deux ans et demi à la date de priorité du brevet contesté (consid. 3.5).

Art. 56, 54 al. 2 CBE 2000 ; 1 al. 2, 7 al. 2 LBI

Selon l’article 56 CBE, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique. L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. Les mêmes principes s’appliquent en droit suisse (respectivement art. 1 al. 2 LBI et 7 al. 2 LBI). On ne peut exclure arbitrairement un document de l’état de la technique. Le terme de « naheliegend » utilisé en allemand peut prêter à confusion. En effet, il peut sans autre y avoir deux ou plusieurs documents qui se distinguent par des caractéristiques différentes de l’objet revendiqué, tout en s’écartant de la même façon de l’invention. Il convient toutefois de faire attention lorsque la fonction objective est formulée dans des documents dont la problématique et le but ne correspondent pas à ceux du brevet objet de la procédure. Dans de telles situations et afin d’éviter une approche rétrospective, la fonction de l’invention ne peut pas être reprise telle quelle ; il convient alors, le cas échéant, de reformuler la fonction formulée dans ces documents. Afin d’éviter une approche rétrospective et pour dénier l’existence d’une activité inventive, il ne suffit pas que l’homme de métier puisse (« could ») arriver à la solution proposée dans le brevet sur la base d’un document appartenant à l’état de la technique. Il faut bien plus démontrer qu’il serait effectivement arrivé à ladite solution (« would »). La question centrale dans ce contexte est de savoir quel critère appliquer pour évaluer le degré de succès nécessaire à admettre une activité inventive. Comme dans la jurisprudence de l’Office européen des brevets, la barre est placée haut ; il doit s’agir d’une possibilité raisonnable de succès (« reasonable or fair expectation of success »). Un simple espoir de réussite ne suffit pas. Une chance raisonnable de succès ne doit pas uniquement être admise lorsque l’homme de métier est quasi sûr que l’invention fonctionnera. Une certaine incertitude demeure et un risque d’échec ne peut totalement être écarté, même en cas de chance raisonnable de succès. L’évaluation de cette dernière dépendra toujours des circonstances du cas d’espèce.

Art. 99 al. 2 LTF

À teneur de l’art. 99 al. 2 LTF, toute conclusion nouvelle est irrecevable. Le justiciable ne peut pas modifier l’objet du litige devant le TF en demandant davantage ou autre chose que ce qu’il avait requis devant l’autorité précédente. Tel n’est pas le cas lorsque la modification apportée aux conclusions dans le cadre du recours ne fait qu’exprimer la manière dont doivent être interprétées les conclusions de la demande et la revendication principale du brevet. La recevabilité des conclusions est ainsi liée à l’objet même du litige, de sorte qu’il convient d’entrer en matière et de procéder à l’examen au fond (consid. 1.2).

Art. 49, 51 CPC

Selon l’article 49 CPC, une partie qui entend obtenir la récusation d’un magistrat ou d’un fonctionnaire judiciaire doit la demander au tribunal aussitôt qu’elle a eu connaissance du motif de récusation. Le terme « aussitôt » doit être interprété de façon stricte ; partant de l’art. 51 al. 1 CPC, le délai ne peut dépasser les 10 jours, sans quoi il est périmé. Le point de départ déterminant est le moment de prise de connaissance par la partie du motif de récusation ou le moment à partir duquel on peut considérer qu’il était reconnaissable à une personne faisant preuve d’un degré d’attention que l’on peut exiger de sa part. Alors que l’on ne peut exiger des recherches approfondies, on peut raisonnablement s’attendre à ce que des bases de données de brevets comme celle de l’Office européen des brevets ou celle de l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (Swissreg) soient consultées à cet effet (consid. 5-6). L’évaluation de la nécessité de récuser un juge suppléant lorsque celui-ci, ou le cabinet dans lequel il travaille, est dans une relation de mandat avec le groupe de sociétés auquel l’une des parties appartient, doit tenir compte des circonstances du cas d’espèce (consid. 7).

Art. 332 al. 2 CO ; 3, 77 LBI ; 261 al. 1 CPC

L’art. 332 CO ne concerne que les relations entre un travailleur et son employeur et ne saurait fonder une prétention d’un tiers au droit à la délivrance du brevet. La demanderesse qui prétend être investie d’un droit sur le brevet litigieux (ou d’une copropriété sur une part de celui-ci) ne le rend vraisemblable que si elle démontre : a) qu’elle (respectivement ses employés) a réalisé ou coréalisé l’invention (quoi exactement, où, comment), b) comment l’invention a été portée à la connaissance de celui qui l’a déposée sans droit (causalité), c) que l’objet de la demande tel qu’il est finalement défini correspond à l’invention réalisée par la demanderesse. Ce sont les trois éléments centraux qui permettent de fonder une demande (consid. 5).

Art. 23 al. 1 lit. b, 23 al. 3 LTFB ; 332 CO ; 3, 29 al. 1, 60 al. 2, 77 al. 1 lit. a LBI ; 105 al. 1 lit. d OBI ; 261 al. 1 lit. c, 261 al. 1 lit. b, 262 lit. c CPC

S’agissant de la prétention en cession d’une demande de brevet au sens de l’art. 29 al. 1 LBI, le demandeur, prétendu ayant droit, doit alléguer et, en cas de contestation, prouver : 1. Qui est l’inventeur de quel enseignement technique, 2. L’acquisition du droit à la délivrance du brevet pour cet enseignement technique par le prétendu ayant droit, 3. La communication au défendeur, soit le demandeur inscrit à l’Office, de la demande de brevet litigieuse, de l’enseignement technique de cet inventeur ; et 4. L’incorporation de l’enseignement technique dans la demande de brevet litigieuse du défendeur. Les allégations générales ne suffisent pas : il convient de présenter l’enseignement technique concret. Lorsqu’il s’agit de coinventeurs, il convient d’identifier la contribution concrète à l’invention du ou des coinventeurs considérés. A cette fin, un renvoi général au contenu de la demande de brevet litigieuse ne suffit pas. En effet, c’est précisément la tâche du Tribunal de déterminer d’une part la mesure dans laquelle l’enseignement technique de l’ayant droit et l’enseignement technique de la demande litigieuse correspondent. Lorsque la question est soulevée dans le cadre d’une requête de mesures provisionnelles, la vraisemblance de l’existence des faits correspondants suffit (consid. 5). Dans le cas d’espèce, le TFB considère que les éléments essentiels tendant à démontrer que la demande de brevet a été déposée sans droit par la défenderesse ont été invoqués de façon vraisemblable notamment parce qu’il a été exposé (1) quel inventeur a inventé quel enseignement technique, (2) comment le droit au brevet a été acquis par la demanderesse, (3) comment cet enseignement technique a été communiqué sous le sceau de la confidentialité à la défenderesse 1 et (4) comment cet enseignement technique a été décrit et revendiqué dans la demande de brevet litigieuse (consid. 8). L’aliénation « en l’occurrence en chaîne entre plusieurs défenderesses » d’une demande de brevet potentiellement usurpée est de nature à causer un dommage difficilement réparable à celui qui rend vraisemblable qu’il est le véritable titulaire du droit à la délivrance du brevet (consid. 9). La requête de mesures superprovisionnelles est admise.

Art. 1 al. 1, 26 al. 1 lit. a, 35 al. 1, 35 al. 2 LBI

Selon la jurisprudence de l’OEB, la communication d’une information technique à un client n’est pas à considérer comme confidentielle. Dans le cadre d’une relation commerciale usuelle et sans indication expresse que l’information technique transmise doit être conservée secrète et la partie communiquant l’information peut admettre que l’information transmise fait partie du domaine public, et le bénéficiaire de l’information compter avec le fait qu’il n’existe aucune limitation concernant l’utilisation de cette information et sa communication à des tiers. Une obligation de confidentialité implicite peut résulter des circonstances dans lesquelles la communication de l’information concernée est intervenue. Elle peut par exemple résulter d’une collaboration à des travaux de recherche et de développement lorsqu’un intérêt commun au maintien de la confidentialité découle clairement de la nature de cette collaboration. L’existence d’une telle obligation implicite de confidentialité ne saurait toutefois être admise à la légère. Elle constitue plutôt l’exception et doit s’imposer comme découlant sans doute possible des circonstances. Il incombe à la partie qui se prévaut de l’existence d’une telle obligation implicite de confidentialité de l’alléguer et de l’établir.

En l’absence d’un intérêt tant unilatéral que commun au maintien de la confidentialité d’une information transmise sans réserve, l’existence d’une obligation tacite de confidentialité ne saurait être admise. Le fait que l’information ne soit pas communiquée uniquement à un partenaire commercial potentiel, mais également à des tiers parle contre l’existence d’une obligation tacite de confidentialité qui résulterait de la nature particulière de la relation commerciale nouée avec ce partenaire potentiel. Ce d’autant plus lorsque les indications techniques fournies sont si détaillées qu’elles mettent le professionnel, sous réserve de quelques adaptations et modifications usuelles, en situation de réaliser l’objet technique décrit. Lorsque les informations transmises ne consistent pas en un concept au contenu général qui ne pourrait être réalisé que moyennant un important effort de développement, elles ne sauraient avoir été fournies justement en vue d’un tel développement qui comporterait une obligation implicite de confidentialité. Lorsque la communication n’est pas intervenue dans le cadre d’un contrat de mandat, mais en réponse à un appel d’offres, les informations transmises n’ont pas à être conservées secrètes (consid. 4.7.4). Le brevet délivré est donc nul faute de nouveauté au sens de l’art. 26 al. 1 lit. a LBI en relation avec l’art. 1 al. 1 LBI (consid. 4.8).

Art. 156 CPC

Lorsqu’il s’agit non pas d’administrer des preuves en cours de procès, mais d’exécuter un jugement partiel établissant la violation d’un brevet et qu’aucune mesure particulière n’a été demandée pour que les secrets d’affaires de la défenderesse soient protégés dans le cadre de la procédure précédant le jugement partiel, l’objet de la reddition de comptes par la défenderesse et la façon d’y procéder font l’objet d’une décision entrée en force en faveur de la demanderesse. La possibilité de protéger des secrets d’affaires de la défenderesse n’existe pas ou, du moins, cette possibilité n’existe plus à ce stade. Les factures qui ont été présentées doivent être rendues accessibles à la demanderesse. Toutefois, l’examen d’un échantillon de ces factures révèle qu’elles portent également sur des éléments, par exemple des bijoux qui ne font pas partie des éléments sur lesquels la défenderesse doit procéder à une reddition de comptes. Concernant ces éléments, la défenderesse a le droit de préserver ses secrets d’affaires. Il convient dès lors de donner l’occasion à la défenderesse de caviarder les éléments figurant sur ces factures qui ne se rapportent pas à des montres selon le dispositif du jugement partiel (consid. 5).

Art. 63 CBE2000 ; 72 al. 1 lit. a LTF ; 14 et 33 al. 1 LBI ; 19, 132 al. 2. 271 et 275 LP

Les inventions pour lesquelles une demande de brevet est déposée ainsi que les inventions brevetées peuvent, à l’inverse de celles qui sont conservées secrètes et ne font pas l’objet d’une demande d’enregistrement, être réalisées dans le cadre d’une procédure d’exécution forcée. Le droit à la délivrance du brevet, qui confère à son titulaire l’expectative de bénéficier d’un droit exclusif opposable à tous, fait partie des droits patrimoniaux du débiteur, est cessible au sens de l’art. 33 al. 1 LBI et par conséquent susceptible d’être saisi, ainsi que de faire l’objet d’un séquestre (consid. 3.3).

Les brevets désignés comme devant faire l’objet du séquestre (la partie suisse du brevet EPxxx, ainsi que le brevet CHyyy) ont été radiés du registre suisse des brevets tenus par l’IPI le 6 septembre 2012, respectivement le 6 septembre 2013, en raison de l’écoulement de la durée légale de protection. La radiation d’un brevet, entre autres en raison de l’écoulement de la durée légale maximale de protection au sens des art. 14 LBI et 63 CBE2000, met un terme aux droits exclusifs du titulaire du brevet avec un effet ex nunc. À l’échéance du brevet, l’invention est librement disponible en tant qu’élément du domaine public: tout un chacun peut ainsi l’utiliser et elle ne fait plus l’objet d’aucun droit subjectif absolu. Il en résulte que le brevet à l’échéance de sa durée de protection – c’est-à-dire l’invention librement utilisable – ne peut plus être considéré comme constituant un élément du patrimoine du débiteur susceptible, dans le cadre d’une procédure d’exécution forcée, d’être transféré à un tiers. Pour que le droit puisse être saisissable, respectivement faire l’objet d’un séquestre ou être réalisé, il faut qu’une appropriation soit possible (consid. 3.4).

Il est vrai que la radiation d’un brevet à l’échéance de sa durée de protection n’exclut pas que le titulaire du brevet puisse encore, après même son échéance, faire valoir des prétentions, par exemple en dommages et intérêts et en remise du gain, découlant du brevet pour les violations que ce dernier aurait subies précédemment pendant sa durée de protection (consid. 3.5.1).

Cela ne permet pas d’en déduire que le brevet demeurerait séquestrable après l’échéance de la durée de protection, puisqu’à partir de ce moment le débiteur ne dispose plus d’aucun droit exclusif subjectif qui pourrait être transféré à un tiers dans le cadre d’une exécution forcée (consid. 3.5.2).

En effet, si les prétentions en dommages ou intérêts ou en remise du gain découlent du droit au brevet qui en constitue le fondement, elles existent ensuite, dès leur naissance, en tant que droits indépendants (consid. 3.6.1).

Elles devraient donc faire l’objet d’une mention précise dans la requête de séquestre avec la désignation du tiers qui serait tenu de verser ces dommages et intérêts ou de remettre son gain, pour pouvoir faire l’objet d’un séquestre (consid. 3.6.2).

Art. 75 al. 1, 90 LTF ; 257 CPC

Le recours en matière civile est ouvert contre les décisions finales du TFB en vertu des art. 75 al. 1 et 90 LTF (consid. 1). Un cas clair ne peut être admis lorsque la défenderesse soulève des objections substantielles et décisives qui ne peuvent, du point de vue des faits, pas immédiatement être contredites et qui sont de nature à ébranler la conviction que le Tribunal s’était déjà forgée. À l’inverse, un cas clair doit être retenu lorsque, sur la base des pièces, le Tribunal acquiert la conviction que la prétention de la demanderesse est établie et qu’une clarification détaillée des objections de la défenderesse ne pourrait rien y changer ; des contestations manifestement infondées ou inconsistantes de la prétention ne suffisent pas à refuser un cas clair (consid. 3.1). En l’espèce, il est incontesté par les parties que le recourant a participé dans le cadre de son contrat de travail à la réalisation d’une invention de service. Il est incontesté que l’intimée a demandé au recourant de signer un document de transfert nécessaire pour obtenir l’enregistrement du brevet aux Etats-Unis. L’intimée a pu immédiatement établir que les connaissances linguistiques du recourant lui permettaient de comprendre la portée de ce document, et le recourant méconnaît que son refus de signer le document en question entraînerait des complications dans l’obtention du brevet. Il est enfin admis que l’intimée a offert de relever le recourant de tout dommage éventuel pouvant découler pour lui de la signature des documents nécessaires à l’enregistrement du brevet aux Etats-Unis. Le TF retient ainsi que l’état de fait du cas d’espèce est en grande partie incontesté et a pu être, pour le reste, prouvé immédiatement au sens de l’art. 257 al. 1 lit. a CPC (consid. 3.2).

Art. 26 LTFB ; 29 LBI ; 105 al. 1 lit. d OBI ; 236 al. 3, 261 al. 1, 162 lit. a, 262 lit. c, 265 al. 1, 343 al. 1 lit. b CPC

Lorsque les allégués d’une requête de mesures provisoires seraient identiques à ceux de l’action au fond dont les mesures provisoires visent à garantir l’exécution et qui a été déposée simultanément, il serait contraire au principe de l’interdiction du formalisme excessif d’exiger que ces allégués soient reproduits dans la demande de mesures provisoires et de refuser un renvoi à ceux de la demande principale (consid. 11). Le droit de réplique inconditionnel vaut aussi dans les procédures de mesures provisionnelles. Il n’est toutefois tenu compte dans ce cadre que des prises de position de la demanderesse suscitées par les allégations de la défenderesse. Les explications de la défenderesse qui iraient au-delà ne sont pas prises en considération (consid. 11).

Art. 26 al. 1 lit. a, 26 al. 4, 41 LTFB ; 10 des Directives procédurales du TFB du 28.11.2011 ; 8 CC ; 26 al. 1 lit. a, 26 al. 1 lit. d, 26 al. 1 lit. c, 51 al. 1, 58 al. 2, 66 lit. a, 66 lit. b, 72, 125 al. 1 LBI ; 3 lit. b LCD

Les actions en cessation de trouble doivent viser l’interdiction d’un comportement précisément décrit. La partie condamnée doit apprendre ce qu’elle n’est plus en droit de faire, et les autorités d’exécution ou les autorités pénales doivent savoir quel comportement elles doivent empêcher ou peuvent assortir d’une peine. Si l’on fait valoir auprès de ces autorités que le défendeur a répété un acte prohibé malgré l’interdiction du juge civil, celles-ci doivent seulement avoir à vérifier si les conditions factuelles invoquées sont remplies. En revanche, elles ne doivent pas être amenées à qualifier sur le plan juridique le comportement en cause. Mentionner l’essence des revendications d’un brevet dans les conclusions visant l’interdiction de sa violation peut s’avérer insuffisant. Le mode de violation du brevet ou le mode d’exécution allégué doit ainsi être décrit de façon à ce qu’un examen purement factuel permette sans autre de constater si on est en présence d’une forme d’exécution prohibée. Il faut donc décrire la forme de violation comme un acte technique réel, à travers certaines caractéristiques qui ne nécessitent aucune interprétation juridique ou interprétation de termes techniques ambigus. Ceci en particulier parce que le dispositif du jugement, éventuellement interprété sur la base des considérants, doit exposer concrètement quelles caractéristiques du mode d’exécution sont attaquées en tant que mise en œuvre de l’enseignement technique. Il ne suffit ainsi pas de répéter les caractéristiques mentionnées dans le brevet. Une description du mode de violation est nécessaire ; et ce n’est que lorsque les caractéristiques du mode d’exécution utilisant le brevet litigieux sont concrètement désignées qu’une éventuelle interdiction peut être exécutée. Ce n’est en fait que lorsque l’énoncé de la revendication est spécifique au point qu’un examen purement factuel permet sans autre de constater si on est en présence d’une forme d’exécution prohibée et que cet énoncé ne nécessite aucune interprétation juridique ou interprétation de termes techniques ambigus, que la désignation concrète des caractéristiques techniques concrètes du mode d’exécution peut se confondre avec l’énoncé de la revendication qui fonde l’interdiction. Ce qui a été admis en l’espèce (consid. 17).

Art. 107 al. 1 lit. e, 261 al. 1 CPC

Selon l’art. 261 al. 1 CPC l’intérêt juridiquement protégé à une demande en interdiction n’existe que si un dommage menace, c’est-à-dire que le comportement de la défenderesse laisse présager sérieusement une violation future du droit. Un indice d’une telle violation future peut résulter du fait que de telles violations ont déjà eu lieu par le passé et qu’une répétition est à craindre. On peut généralement admettre un tel risque de répétition lorsque le contrevenant conteste l’illégalité et de son comportement. Tel peut être le cas lorsque le contrevenant, au vu d’un procès à venir, a mis fin au comportement contesté, mais cherche à le justifier dans la procédure. Il s’agit là d’une présomption réfragable. Le risque de répétition n’est cependant pas donné lorsque le défendeur a signé une déclaration d’abstention inconditionnelle et non équivoque et que cette dernière n’apparaît pas comme une simple manœuvre procédurale. Tel est le cas en l’espèce (consid. 4.2 et 4.3). Les acheteurs des médicaments concernés ne peuvent pas être astreints à restituer les produits achetés. Une injonction visant à rappeler les médicaments ne permet pas d’atteindre le but et doit être considérée comme disproportionnée (consid. 4.4).

Art. 26 al. 1 lit. a, 26 al. 4, 41 LTFB ; 10 des Directives procédurales du TFB du 28.11.2011 ; 8 CC ; 26 al. 1 lit. a, 26 al. 1 lit. d, 26 al. 1 lit. c, 51 al. 1, 58 al. 2, 66 lit. a, 66 lit. b, 72, 125 al. 1 LBI ; 3 lit. b LCD 

l’art. 72 al. 1 LBI prévoit que celui qui est atteint ou menacé dans ses droits par l’un des actes mentionnés à l’art. 66 LBI, notamment par la contrefaçon ou par l’imitation d’une invention brevetée (art. 66 lit. a LBI) peut demander la cessation de cet acte. Comme en l’espèce la demanderesse a prouvé que la défenderesse viole le brevet litigieux, comme l’atteinte a déjà commencé et, comme selon la correspondance entre les parties respectives, leurs conseils et les contestations dans la présente procédure, elle n’a pas pris fin, il convient d’ordonner à la défenderesse – sous la menace de l’art. 292 CP, soit l’amende – de cesser tout usage du mécanisme breveté en relation avec des montres (consid. 40). Quand il est, comme en l’espèce, impossible pour le demandeur de chiffrer ses prétentions lorsque l’ignorance résulte de faits qui sont entre les mains du défendeur ou d’un tiers, il peut intenter une action dite échelonnée, dans laquelle une conclusion en réédition de comptes est liée à une conclusion indéterminée en paiement de la somme due. La seconde est principale, la première est complémentaire. L’action en renseignement découle de l’art. 66 lit. b LBI (consid. 41).

Art. 26 al. 1 lit. a, 26 al. 4, 41 LTFB ; 10 des Directives procédurales du TFB du 28.11.2011 ; 8 CC ; 26 al. 1 lit. a, 26 al. 1 lit. d, 26 al. 1 lit. c, 51 al. 1, 58 al. 2, 66 lit. a, 66 lit. b, 72, 125 al. 1 LBI ; 3 lit. b LCD ; l’art. 41 LTFB

Implique un transfert automatique au TFB de tous les procès qui n’ont pas encore été plaidés sur le fond au 1er janvier 2012, quel que soit l’avancement de l’instruction. Selon l’art. 10 des Directives procédurales du TFB, le TFB reprend le traitement des procédures qui, au moment de l’entrée en vigueur de la LTFB, sont pendantes devant les tribunaux cantonaux, dans la mesure où la juridiction cantonale concernée justifie que les débats principaux n’ont pas encore eu lieu. L’interprétation du droit cantonal revient aux juridictions cantonales auxquelles il appartient de déterminer à quel moment il convient d’admettre, selon leur propre procédure cantonale, que les débats principaux sont réputés avoir eu lieu (consid. 14).

 

Art. 26 al. 1 lit. a, 26 al. 4, 41 LTFB ; 10 des Directives procédurales du TFB du 28.11.2011 ; 8 CC ; 26 al. 1 lit. a, 26 al. 1 lit. d, 26 al. 1 lit. c, 51 al. 1, 58 al. 2, 66 lit. a, 66 lit. b, 72, 125 al. 1 LBI ; 3 lit. b LCD

Est réputée constituer une extension allant au-delà du contenu des pièces initialement déposées, une modification qui n’est pas divulguée à la date pertinente (de dépôt ou d’un éventuel report au sens de l’art. 58 aLBI), soit un enrichissement technique du contenu de la demande et donc un apport d’informations de nature technique qui ne se déduit pas – directement et sans ambiguïté – de l’intégralité du contenu technique – explicite ou implicite – soumis à la date pertinente. Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral, l’art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve auquel correspond, en principe, le fardeau de l’allégation et, partant, les conséquences de l’absence de preuve ou d’allégation. La partie qui entend se prévaloir d’un motif de nullité d’un brevet supporte le fardeau de la preuve, à moins que la loi n’en dispose autrement, conformément à l’art. 8 CC. Un état de fait qui n’a pas été allégué par la partie qui en supporte le fardeau ne peut pas être admis par le juge et, si en raison d’un défaut d’allégation, un état de fait ne peut pas être pris en considération ou demeure incertain, le juge doit se prononcer en vertu de l’art. 8 CC en défaveur de la partie qui supporte le fardeau de la preuve. Dès lors que la partie qui souhaite se prévaloir du motif de nullité découlant d’une extension illicite de l’art. 26 al. 1 lit. c LBI supporte le fardeau de la preuve de cette extension illicite et doit alléguer de façon détaillée d’une part la modification en cause et d’autre part la détermination de l’homme du métier et l’étendue de ses connaissances à la date pertinente (date de dépôt ou de report). Le même principe d’allégation détaillée relative à l’homme du métier et à ses connaissances s’applique à la question de l’activité inventive et à la suffisance de description au sens des art. 26 al. 1 lit. a (en relation avec l’art. 1 al. 2) et 26 al. 1 lit. b LBI. Il ne suffit dès lors pas de simplement alléguer qu’une modification particulière ne serait pas explicitée dans le contenu des pièces initialement déposées (à la date de dépôt ou de report). Encore faut-il identifier l’homme du métier (typiquement par sa profession et/ou sa formation) et ses connaissances générales (typiquement les sujets techniques qu’il doit maîtriser en sa qualité d’homme du métier déterminé) à la date pertinente et expliquer pour quels motifs une telle modification ne se déduirait pas du contenu explicite des pièces initialement déposées à l’aide des connaissances de l’homme du métier (consid. 19). Tel n’a pas été le cas en l’espèce. La Cour a retenu en outre qu’il résultait de l’examen des pièces modifiées en cours de procédure d’enregistrement qu’aucune extension illicite n’était intervenue (consid. 20 et consid. 21-23). Concernant la nouveauté, la Cour rappelle qu’une combinaison avec d’autres documents n’est pas admissible et considère qu’il convient dès lors d’admettre la nouveauté de l’invention revendiquée par rapport aux deux antériorités invoquées (consid. 26). Une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si pour l’homme du métier elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique. L’homme du métier joue ainsi un rôle décisif dans l’appréciation de l’activité inventive. À l’instar de la question de l’examen de l’extension illicite, l’appréciation de l’activité inventive présuppose une allégation détaillée quant à la détermination de l’homme du métier et ses connaissances à la date pertinente par la partie qui souhaite se prévaloir du motif de nullité correspondant au sens de l’art. 26 al. 1 lit. a (en relation avec l’art. 1 al. 2 lit. b. ) Cette information est nécessaire afin de déterminer si ses connaissances générales auraient incité et permis à l’homme du métier de combler une lacune entre une ou plusieurs antériorités déterminées (par exemple une ou plusieurs publications et/ou usages publics antérieurs) et l’invention revendiquée. Une telle allégation détaillée est également nécessaire afin de déterminer si ses connaissances générales auraient permis à l’homme du métier de combiner les enseignements contenus dans des antériorités différentes afin de les réduire en un mode d’exécution combinée (réelle) couvert par l’invention revendiquée. Le défaut d’une allégation détaillée en ce sens contraint en principe le juge a rejeté le motif de nullité invoqué, ainsi que cela a été fait en l’espèce, la demanderesse ayant présenté l’homme du métier uniquement comme un « praticien du domaine technologique normalement qualifié qui possède des connaissances générales dans le domaine concerné et qui est censé avoir eu accès à tous les éléments de l’état de la technique » (consid. 32). Selon l’art. 125 al. 1 LBI, dans la mesure où, pour la même invention, un brevet suisse et un brevet européen ayant effet en Suisse ont été délivrés au même inventeur ou à son ayant cause avec la même date de dépôt ou de priorité, le brevet suisse ne porte plus effet dès la date à laquelle le délai pour former opposition au brevet européen est échu, ou la procédure d’opposition a définitivement abouti au maintien en vigueur du brevet européen. Dans le contexte de la LBI, une invention se comprend comme une règle de comportement technique portant sur l’utilisation des éléments naturels ou des forces de la nature et aboutissant à un résultat déterminé. L’invention est définie dans une ou plusieurs revendications du brevet (art. 51 al. 1 LBI). En l’espèce, la revendication 1 du brevet suisse concerné ne définit pas la même invention que celle de la revendication 1 du brevet européen. Le brevet suisse définit ainsi une règle différente de celle du brevet européen. Par conséquent, les deux brevets ne protègent pas « la même invention » et les conditions d’application de l’art. 125 LBI ne sont pas réalisées (consid. 37).

Art. 123 al. 2 CBE 2000 ; 1 al. 1, 7 al. 1, 7 al. 2, 8 al. 1, 8 al. 2, 26 al. 1 lit. a, 26 al. 1 lit. c, 51, 58 al. 2, 66 lit. a, 72, 73 al. 1 LBI ; 55 al. 1, 56, 57, 125 lit. a, 133 lit. e, 237 CPC

L’homme du métier n’est pas un individu réel, mais une fiction juridique. Il a reçu une formation classique dans le domaine technique en cause et il est doté de compétences et de connaissances moyennes dans ce même domaine. Il n’est pas exempt des idées habituellement préconçues dans ledit domaine. L’homme du métier est typiquement le professionnel appelé à réaliser l’objet décrit dans le brevet ou chargé de résoudre le problème correspondant.

Aux termes de l’art. 56 CPC, le tribunal interpelle les parties lorsque leurs actes ou déclarations sont peu clairs, contradictoires, imprécis ou manifestement incomplets. Il leur donne l’occasion de les clarifier et de les compléter. Il incombe au tribunal d’élucider la situation juridique sur la base des faits régulièrement établis dans le procès. Le tribunal doit statuer selon les règles de répartition du fardeau de la preuve lorsque des faits importants n’ont pas été régulièrement allégués puis prouvés. Il n’est pas autorisé à se prononcer sur la conséquence juridique de faits autres que ceux dûment établis et il doit s’abstenir de spéculer sur l’issue de la cause dans l’hypothèse où les parties auraient procédé différemment. Il ne peut rendre aucun jugement grevé de réserves ou fondé sur des conjectures.

En se référant dans le cas d’espèce au rapport de deux experts, dont les connaissances et les aptitudes personnelles permettent de présumer qu’ils se sont référés aux connaissances et aptitudes typiques d’un professionnel appelé à réaliser l’objet décrit dans le brevet ou chargé de résoudre le problème correspondant, le TFB a, implicitement au moins, recouru à la notion d’homme du métier telle qu’elle est décrite ci-dessus. Comme le procès civil est soumis à la maxime des débats selon l’art. 55 al. 1 CPC, et qu’aucune dérogation n’est prévue en matière de brevet d’invention, il appartenait aux parties d’alléguer et de prouver, le cas échéant, que des connaissances particulières et inhabituelles, différentes de celles des deux experts, auraient été nécessaires pour apprécier la validité et la portée du brevet concerné (consid. 5).

Art. 123 al. 2 CBE 2000 ; 1 al. 1, 7, 8, 26, 51, 58 al. 2, 66 lit. a, 72, 73 al. 1 LBI

La nouveauté d’une invention n’est détruite que lorsque toutes ses caractéristiques ont été rendues accessibles au public avant le dépôt de la demande de brevet. L’examen de la nouveauté consiste dans une comparaison individuelle entre chaque solution déjà divulguée et l’invention en cause. La nouveauté de cette invention n’est détruite que lorsqu’une antériorité en présente identiquement toutes les caractéristiques. Il est suffisant, mais nécessaire que l’enseignement technique revendiqué soit déjà apporté à l’homme du métier par une solution connue.

Il appartient à la partie qui invoque l’absence de nouveauté de la prouver. Tel n’est pas le cas lorsque trois caractéristiques du brevet dont la validité est contestée ne se retrouvent pas dans le brevet antérieur qui lui est opposé au titre d’antériorité détruisant la nouveauté (consid. 6). Pour qu’une invention soit brevetable, l’objet du brevet doit être le résultat d’une activité inventive, car la protection légale n’est pas accordée à ce que l’homme du métier peut logiquement développer sur la base de la connaissance de l’état de la technique et par la simple mise en œuvre de compétences moyennes ; l’invention brevetable est le résultat d’une sagacité plus considérable. L’activité inventive doit être appréciée d’après ce qui était objectivement réalisable à la date déterminante.

À la différence du critère relatif à la nouveauté de l’invention, l’appréciation de l’activité inventive nécessite d’appréhender l’état de la technique dans sa globalité. Tous les enseignements et toutes les antériorités accessibles au public constituent dans leur ensemble le patrimoine technique dont un homme du métier, doté de capacités de combinaison normales, dispose librement pour aborder le problème à résoudre. Il faut examiner si l’état de la technique a suggéré une combinaison évidente d’éléments distincts, compte tenu de leur fonction au sein de l’ensemble ; il importe toutefois de ne pas considérer de manière erronée et artificielle, dans une approche rétrospective issue de la connaissance de la solution en cause, une combinaison comme résultant à l’évidence de l’état de la technique (consid. 7).

Art. 2 lit. a, 2 lit. b, 5 al. 1 LCBr

Pour pouvoir porter le titre de « conseil en brevets », une personne doit notamment être titulaire d’un titre reconnu du degré tertiaire en sciences naturelles ou en ingénierie et avoir réussi l’examen fédéral de conseil en brevets ou un examen étranger de conseil en brevets reconnu (art. 2 LCBr, lit. a et b). Un titre en sciences naturelles ou en ingénierie délivré par une haute école étrangère est reconnu si son équivalence avec un titre reconnu délivré par une haute école suisse est prévue dans un traité sur la reconnaissance réciproque des titres avec l’Etat concerné ou avec une organisation supranationale.

Art. 321a, 332 al. 1 CO

Le droit à la délivrance du brevet et l’appartenance du brevet à l’entreprise ayant employé l’inventeur ne sont en l’espèce pas litigieux. Seule le demeure la signature du document de cession nécessaire au regard du droit américain des brevets en vigueur au moment du dépôt de la demande de brevet en 2011. Il ressort des pièces au dossier qu’en dépit de ses dénégations, le défendeur maîtrise suffisamment la langue anglaise pour percevoir la portée du document formel de transfert qu’il lui est demandé de signer (consid. 4.2).

Il n’est pas contesté que l’invention concernée est une invention de service qui appartient à l’employeur, soit à la demanderesse, en vertu de l’art. 332 al. 1 CO. Le droit à une invention englobe toutes les attributions liées à l’exploitation de l’invention qui reviennent à l’inventeur sur le plan mondial du fait de son invention. Le droit de déposer une demande de brevet partout dans le monde en fait partie. Le devoir général de diligence et de fidélité du travailleur vis-à-vis de son employeur découlant de l’art. 321a CO implique qu’il lui apporte, dans la mesure de ce qui est raisonnable, son appui dans les demandes en vue de l’obtention de la protection. Cela vaut aussi en lien avec l’obtention de droits de protection à l’étranger. Le travailleur est ainsi tenu de signer les documents nécessaires à l’obtention de la protection par son employeur tant en Suisse qu’à l’étranger. Cette obligation perdure après la fin du contrat de travail. Le travailleur n’a pas droit à une indemnité particulière en présence d’une invention de service. Le déploiement d’une activité inventive fait partie de l’accomplissement des obligations contractuelles pour lesquelles il est rémunéré (consid. 4.3).

Art. 106 al. 1 LTF ; 15 al. 1, 21 al. 4, 110 al. 1, 117 al. 1, 122 al. 1 LDIP

Le TF applique le droit d’office (art. 106 al. 1 LTF). Il n’est ainsi lié ni par les arguments invoqués dans le recours ni par les considérants de l’autorité inférieure. Il peut admettre un recours pour d’autres motifs que ceux invoqués dans le cadre du recours et il peut rejeter un recours en se basant sur une argumentation différente de celle de l’autorité inférieure (consid. 1.2). Les art. 116 ss LDIP règlent les questions de droit applicable aux contrats de façon générale. L’art. 122 LDIP constitue une disposition particulière pour les contrats en matière de propriété intellectuelle. Il en découle que les contrats portant sur la propriété intellectuelle sont soumis au droit de l’État dans lequel celui qui transfère ou concède le droit de propriété intellectuelle a sa résidence habituelle (art. 122 al. 1 LDIP). Pour les personnes morales, c’est le lieu d’établissement qui est déterminant, lequel se trouve sur le territoire de l’État dans lequel le siège de la personne morale est situé (art. 21 al. 4 LDIP).

L’art. 122 al. 1 LDIP concerne aussi les contrats qui portent sur des demandes de brevet. Alors que l’art. 110 al. 1 LDIP règle le statut des droits de la propriété intellectuelle, l’art. 122 al. 1 LDIP a lui trait aux contrats et en particulier à tout ce qui concerne leur conclusion, leur contenu et leur validité. Il est possible de déroger au rattachement ordinaire de l’art. 122 al. 1 LDIP, selon l’art. 15 al. 1 LDIP, si la cause se trouve dans une relation beaucoup plus étroite avec un autre droit. Une modification du critère de rattachement doit, pour certains, aussi intervenir selon l’art. 117 al. 1 LDIP, lorsqu’il existe un lien clair avec le droit d’un État autre que celui résultant de l’art. 122 al. 1 LDIP (consid. 2.3). Lorsqu’un contrat est destiné à transférer des demandes de brevet à l’une des parties, il porte sur des droits de propriété intellectuelle au sens de l’art. 122 al. 1 LDIP.

S’il existe un différend entre les parties quant au fait même qu’un contrat soit intervenu entre elles et quant à son objet, c’est du statut du contrat qu’il est débattu au sens de l’art. 122 al. 1 LDIP et pas de celui des droits de propriété intellectuelle selon l’art. 110 al. 1 LDIP. Le droit applicable est ainsi celui de l’État dans lequel la partie qui aurait éventuellement transféré les droits de propriété intellectuelle concernés a son siège. Il s’agit en l’espèce de la défenderesse au recours qui, tant au moment de la conclusion éventuelle du contrat que par la suite, a toujours eu son siège à Hong Kong. Le fait que les demandes de brevet concernées désignent plus souvent la Suisse que Hong Kong ou la Chine comme pays pour lesquels la protection est requise ne suffit pas à créer un lien clair avec le droit de notre pays qui justifierait une dérogation au critère de rattachement de l’art. 122 al. 1 LDIP en vertu soit de l’art. 15 al. 1 LDIP, soit de l’art. 117 al. 1 LDIP. Le droit applicable est donc celui de Hong Kong dont le contenu doit, selon l’art. 16 al. 1 LDIP, être établi d’office par l’autorité inférieure à laquelle la cause est renvoyée, mais dont la preuve peut, en matière patrimoniale comme en l’espèce, être mise à la charge des parties (consid. 2.4).

Art. 123 al. 2 CBE 2000 ; 8 al. 1, 8 al. 2, 26 al. 1 lit. a, 26 al. 1 lit. c, 51, 58 al. 2, 66 lit. a, 72, 73 al. 1 LBI

Tant selon l’art. 26 al. 1 lit. c LBI, que l’art. 123 al. 3 CBE 2000, le juge peut être requis de constater la nullité du brevet lorsque son objet va au-delà du contenu de la demande de brevet dans la version qui a déterminé sa date de dépôt. L’art. 26 al. 1 lit. c LBI se rattache à l’art. 58 al. 2 LBI qui interdit de modifier les pièces techniques, pendant la procédure d’examen de la demande de brevet, de manière à ce que l’objet de la demande modifiée aille au-delà de leur contenu.

Avant le 1er juillet 2008, selon l’art. 58 al. 2 lit. a LBI, la date de dépôt de la demande de brevet était reportée à celle du dépôt des pièces modifiées qui, le cas échéant, en étendaient l’objet. Ce report devait toutefois s’accomplir formellement au cours de la procédure d’examen. À défaut, le brevet délivré était nul selon l’art. 26 al. 1 ch. 3bis aLBI. L’extension ainsi interdite peut consister aussi bien dans l’adjonction que dans la suppression d’informations. La modification est en revanche admise si elle a pour seul effet de préciser l’invention ou d’éliminer une contradiction. La substitution ou la suppression d’une caractéristique, dans une revendication, est admissible s’il apparaît directement et sans ambiguïté à l’homme du métier que cette caractéristique n’est pas présentée comme essentielle dans la divulgation de l’invention, qu’elle n’est pas indispensable en tant que telle à la réalisation de l’invention, eu égard aux problèmes techniques que celle-ci propose de résoudre et que sa suppression ou sa substitution n’impose pas de vraiment modifier en conséquence d’autres caractéristiques. Si une caractéristique est remplacée par une autre, il est indispensable que celle-ci soit couverte par les pièces techniques initiales.

Le TF confirme le jugement du TFB, qui a considéré que, quoi qu’elles aient été importantes, la présence de 8 différences entre le libellé de la revendication No 1 du brevet dans la demande initialement déposée et dans le brevet finalement obtenu, n’a pas étendu l’objet du brevet par rapport à celui figurant dans la demande, en se fondant sur l’analyse de deux experts qui ont retenu que, pour l’homme du métier, les caractéristiques présentes dans le libellé final de la revendication étaient aisément reconnaissables dans les pièces techniques initiales. Le TF relève que la présence d’une expertise dissidente, qui ne motive pas ses conclusions de manière intelligible, ne suffit pas à démontrer que les modifications apportées sont incompatibles avec l’art. 26 al. 1 lit. c LBI dont le sens ne peut être qu’un avis d’expert, même déraisonnable ou non pertinent, suffirait à établir une extension inadmissible de l’objet du brevet, au sens de l’art. 26 al. 1 lit. c LBI (consid. 8). Le brevet confère à son titulaire le droit d’exiger la cessation d’une utilisation illicite de l’invention, en particulier de l’utilisation à titre professionnel par un tiers, au sens de l’art. 8 al. 1 et 2 LBI et de réclamer la réparation du dommage causé par cette utilisation illicite (art. 66 lit. a, 72 et 73 al. 1 LBI).

L’invention est définie par les revendications du brevet, au besoin interprétées d’après la description et les dessins (art. 51 LBI). Les revendications doivent être interprétées comme l’homme du métier les comprend. Les pièces techniques et, en particulier le libellé des revendications s’adressent à l’homme du métier ; l’enseignement technique doit être mis en œuvre par lui et il faut par conséquent apprécier de son point de vue ce qui est rendu accessible par le brevet. La sécurité juridique exige que l’homme du métier puisse savoir à quoi s’en tenir à la seule lecture du brevet. Lorsqu’un doute subsiste parce que la revendication et la description sont équivoques, c’est le titulaire qui doit en pâtir et non les tiers. Le fascicule du brevet peut conférer un sens spécial à un terme technique, divergent du sens courant. Ce qui amène le TF à admettre qu’en l’espèce la notion de « denture » périphérique est un entraînement constitué de dents en nombre indéterminé, y compris, s’il y a lieu, une dent unique ; et que rien ne justifie d’interpréter ce mot, dans le libellé de la revendication, en ce sens que la couverture du brevet serait restreinte aux entraînements périphériques comprenant deux dents au minimum.

TFB S2013_003 (d)

2013-2014

Art. 107 al. 1 lit. e, 261 al. 1 CPC

La procédure étant devenue sans objet, les frais sont à répartir selon la libre appréciation du tribunal (art. 107 al. 1 lit. e CPC). Il sera tenu compte de quelle partie a donné lieu à la plainte, de quelle était l’issue probable du procès, de quelle est la partie responsable du fait que la procédure est devenue sans objet et de quelle partie a causé des frais sans raison. Dans un cas comme celui de l’espèce, où la défenderesse a émis une déclaration d’abstention uniquement après que l’instance avait été saisie, c’est elle qui a rendu la procédure sans objet (consid. 5.2.) Est également déterminante la question de savoir si la défenderesse a causé l’introduction de la procédure. Tel est le cas lorsque la validité et la violation d’un brevet sont retenues par le juge. L’examen de l’activité inventive se fera selon l’approche « problème-solution », selon laquelle sera d’abord déterminé l’état de la technique le plus proche, puis le problème technique objectif à résoudre puis, enfin si l’invention revendiquée, en partant de l’état de la technique le plus proche et du problème technique objectif, non seulement aurait pu être obtenue par l’homme de métier, mais aurait pu l’être sans autre (consid. 5.3).

TFB O2013_004 (d)

2013-2014

Art. 25, 32, 33 LTFB ; 3 al. 1 lit. a, 3 al. 1 lit. b, 5, 8, 9 al. 2 FP-TFB ; 3 al. 3 RInfo-TFB ; 52, 85, 91 al. 1, 91 al. 2 CPC 

Lorsqu’il ressort des moyens de preuves, notamment d’une procédure arbitrale parallèle, que la valeur litigieuse minimale provisoire de l’action est manifestement erronée et que les parties ne s’entendent pas sur un nouveau montant, le tribunal fixe une nouvelle valeur litigieuse (consid. 3.1). En l’espèce, à l’ouverture de la procédure, il n’était pas impossible ou inexigible d’emblée de chiffrer la valeur litigieuse exacte de l’action en cession du brevet. C’est en violation des règles de la protection de la bonne foi que la recourante a, pour des raisons de tactique procédurale, sous-évalué la valeur litigieuse dans son introduction d’instance. Il n’est pas acceptable, sous l’angle des règles de la bonne foi, qu’une fois connue l’issue favorable de la procédure pour la recourante, celle-ci fournisse une nouvelle valeur litigieuse beaucoup plus élevée, dans le but d’obtenir des indemnités de procédures plus importantes. Par conséquent, il convient de s’en tenir à la valeur litigieuse énoncée à l’ouverture de la procédure, même si celle-ci est manifestement erronée (consid. 4.4). Les parties ont un intérêt important au maintien de la confidentialité. Le présent arrêt ne concerne que des questions des frais de procédure et d’indemnité des parties. Dès lors, l’arrêt peut être anonymisé, conformément à la demande de la défenderesse (consid. 5).

Art. 42 al. 2, 91 lit. a, 93 al. 1, 37 al. 1, 37 al. 2, 37 al. 3 LTFB ; 55 al. 1, 56, 57, 125 lit. a, 133 lit. e, 237 CPC

Les prétentions en dommages et intérêts et en publication du jugement sont indépendantes de celles en fourniture d’informations et en interdiction. Le jugement accueillant une demande auxiliaire en réédition de comptes, ayant pour objet les renseignements nécessaires à l’évaluation du dommage, est une décision incidente. Le recours au TF, contre une telle décision, n’est pas assujetti aux conditions restrictives de l’art. 93 al. 1 LTF (consid. 1). Le juge instructeur a la faculté de limiter la procédure à des questions ou à des conclusions déterminées, dans la perspective de régler séparément certaines des prétentions en cause, par une décision partielle, ou de régler séparément certaines questions de fait ou de droit par une décision incidente, selon l’art. 237 CPC. Il n’en a toutefois, sous réserve d’un abus de son pouvoir d’appréciation, pas l’obligation, même si les parties l’en requièrent. L’art. 125 CPC n’exclut pas que le tribunal rende une décision partielle, relative à certaines prétentions, ou incidente, relative à certaines questions de fait ou de droit, alors même que la procédure n’a pas été préalablement ni formellement limitée. L’art. 133 lit. e CPC n’impose pas non plus d’annoncer l’éventualité d’une décision partielle ou incidente dans la citation aux débats (consid. 2).

Art. 26 al. 2 LTFB ; 321a, 332 al. 1 CO ; 257 CPC

Selon l’art. 26 al. 2 LTFB, le TFB est entre autres compétent pour juger les affaires civiles qui ont un lien de connexité avec des brevets. Toutes les actions qui se fondent sur des conventions en rapport avec des brevets sont en principe de sa compétence. Les demandes basées sur ce type de contrat n’ont pas besoin d’avoir des brevets immédiatement pour objets. Il suffit que le contrat à l’origine de la demande ait un lien avec un brevet, une invention ou une demande de brevet future ou pendante. Les termes « affaires civiles qui ont un lien de connexité avec des brevets » doivent être compris de manière très large et couvrent en particulier les demandes qui, comme en l’espèce, découlent d’un contrat de travail entre les parties en ce qu’il concerne un brevet, respectivement une demande de brevet (consid. 2.1).

Art. 26 LTFB ; 29 LBI ; 105 al. 1 lit. d OBI ; 236 al. 3, 261 al. 1, 262 lit. a, 262 lit. c, 265 al. 1, 343 al. 1 lit. b CPC ; 1, 10, 109 al. 1, 110 al. 1 LDIP

Les deux parties ayant leur siège aux Etats-Unis, les tribunaux suisses compétents pour prononcer des mesures provisoires sont les tribunaux ou les autorités suisses compétents au fond ou ceux du lieu d’exécution de la mesure au sens de l’art. 10 LDIP (consid. 2.1).

L’action au fond est une demande en cession selon l’art. 29 LBI de deux demandes de brevet suisses. Elle a été introduite devant le TFB le 25 septembre 2014. Les mesures provisoires requises visent à faire interdire tout acte de disposition éventuel des demandes de brevet en question et à faire porter la mention de la restriction du droit de disposer au registre des brevets. L’action en cession de l’art. 29 LBI est, aux côtés des actions portant sur la validité et l’inscription de droits de propriété intellectuelle, une action d’état au sens de l’art. 109 al. 1 LDIP qui se rapporte à l’existence du droit de propriété intellectuelle ou à son titulaire. En outre, la mesure doit être exécutée en Suisse puisque les autorités suisses qui tiennent le registre, soit l’IPI, sont requises d’y porter l’annotation d’une restriction du droit de disposer des demandes de brevet. La compétence du TFB à raison du lieu et à raison de la matière découle ainsi à la fois des art. 1, 10 et 109 al. 1 LDIP, ainsi que de l’art. 26 LTFB (consid. 2.2). Le droit suisse est applicable selon l’art. 110 al. 1 LDIP (consid. 2.3).

Le TFB suit l’argumentaire de la demanderesse qu’un dommage difficilement réparable résulterait du fait que la défenderesse, en transférant les deux demandes de brevet à un tiers, rendrait plus difficile, si ce n’est absolument impossible, la mise en œuvre de l’action en cession. En cédant les demandes de brevet à un tiers, la défenderesse perdrait sa légitimité passive et l’introduction d’une nouvelle action en cession contre l’acquéreur des demandes de brevet s’imposerait, ce qui retarderait de manière importante la procédure et entraînerait une augmentation des coûts. Le TFB retient que l’octroi des mesures requises – qu’il soit fait interdiction à la défenderesse de céder le droit à la délivrance des deux demandes de brevet litigieuses ou de leur apporter des modifications, est de nature à supprimer le risque d’entrave à l’exécution, en particulier en lien avec l’ordre supplémentaire donné à l’autorité qui tient le registre d’y porter cette restriction du droit de disposer. Le risque d’entrave à l’exécution ne peut être supprimé que par l’octroi de mesures provisionnelles immédiates sans audition préalable de la défenderesse, au sens de l’art. 265 al. 1 CPC.

Pour le TFB, les mesures superprovisionnelles requises sont proportionnées et ne sont pas de nature à porter préjudice à la défenderesse si cette dernière ne peut pas momentanément transférer ou modifier les demandes de brevet déposées. La requête de mesures superprovisionnelles est ainsi admise et il est donné l’ordre à l’IPI, en vertu des art. 262 lit. c CPC et 105 al. 1 lit. d OBI de porter au registre les restrictions correspondantes au droit de disposer des demandes de brevet concernées (consid. 4.2). Le TFB assortit, au titre de mesure d’exécution, l’interdiction de disposer des demandes de brevet, respectivement de les modifier, de la menace d’une amende d’ordre de CHF 5’000.- au sens de l’art. 236 al. 3 CPC en lien avec l’art. 343 al. 1 lit. b CPC.

Art. 9, 29 al. 2 Cst.

Le recourant qui se prévaut d’une violation de l’art. 9 Cst. ne peut pas se contenter de simplement invoquer l’arbitraire. Une correction ou un complément de l’état de fait n’est possible que si l’instance inférieure a violé des droits constitutionnels. Dans un tel cas, le recourant doit non seulement démontrer l’importance des faits en question pour l’issue de la procédure, mais également de quelle manière la constatation des faits telle qu’elle a été effectuée par l’instance inférieure est contraire aux principes constitutionnels (consid. 1.2). Dans les cas mentionnés à l’art. 107 CPC, le tribunal peut s’écarter des règles générales relatives à la répartition des frais de procédure et les répartir selon sa libre appréciation (consid. 2.3.1 et 2.3.2.). Le droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) vise d’une part à établir les faits, de l’autre à assurer que les parties puissent participer à la prise de la décision (consid. 3.1). Le tribunal qui omet de prendre en considération la note de frais du conseil en brevet empêche la partie victime de cet oubli de faire valoir son point de vue relativement à la répartition des frais. Une telle omission constitue une violation de l’art. 29 al. 2 Cst., laquelle doit être corrigée.

Art. 90, 93, 98, 106 al. 2 LTF

Les décisions sur mesures provisionnelles ne sont considérées comme des décisions finales au sens de l’art. 90 LTF que lorsqu’elles relèvent d’une procédure autonome. Les mesures provisionnelles notifiées séparément pendant ou en dehors d’une procédure principale et qui ne sont accordées que pour la durée du procès ou à condition qu’une procédure au fond soit introduite constituent des décisions incidentes au sens de l’art. 93 LTF. Dans le cas d’espèce, la décision qui déclare la requête de mesures provisionnelles comme étant partiellement sans objet et devant partiellement être rejetée doit être considérée comme finale (consid. 1.1). Dans les recours formés contre des décisions portant sur des mesures provisionnelles, seule peut être invoquée la violation des droits constitutionnels (art. 98 LTF) ; elle doit l’être avec précision (art. 106 al. 2 LTF).

Art. 6 ch. 1 CEDH ; 30 al. 1 Cst. ; 42 al. 1, 42 al. 2, 75 al. 1, 92 al. 1, 97 al. 1, 99 al. 1, 105 al. 1, 105 al. 2, 106 al. 2 LTF ; 27, 28 LTFB ; 47 al. 1 lit. f, 48 CPC ; l’art. 28 LTFB

Règle la question de la récusation des juges suppléants au TFB. Pour le surplus, les principes généraux du CPC, et en particulier ceux qui traitent de la récusation selon les art. 47 ss CPC valent en vertu de l’art. 27 LTFB aussi pour la procédure devant le TFB. C’est ainsi qu’est concrétisé le droit constitutionnel à bénéficier d’un juge indépendant et impartial consacré par l’art. 30 al. 1 Cst. (consid. 2.1.1). Cette garantie est déjà violée en présence de circonstances qui, examinées de manière objective, donnent à penser qu’elles pourraient fonder une apparence de prévention ou le danger d’un parti pris. Tel est le cas si l’ensemble des circonstances, tant de fait que du point de vue procédural, fait apparaître des éléments de nature à éveiller la méfiance quant à l’impartialité du juge. La défiance quant à l’indépendance doit apparaître comme fondée d’un point de vue objectif, et il n’est pas exigé pour la récusation que le juge soit effectivement prévenu (consid. 2.1.2). La garantie du juge constitutionnel vaut de la même manière pour les juges ordinaires que pour les juges suppléants (consid. 2.1.3). Un avocat intervenant comme juge suppléant est, selon la jurisprudence constante, considéré comme prévenu lorsqu’il est encore lié par un mandat à l’une des parties ou lorsqu’il est intervenu comme mandataire d’une des parties à de nombreuses reprises ou peu avant la procédure. Cela sans égard au fait que le mandat soit en lien ou non avec l’objet de la procédure. Dans sa jurisprudence la plus récente, le TF a considéré qu’un avocat intervenant comme juge était prévenu non seulement lorsqu’il représentait ou avait représenté peu de temps auparavant une des parties à la procédure, mais aussi lorsque, dans le cadre d’une autre procédure, il était ou avait été mandaté par une partie adverse à celles intervenant dans la procédure dans le cadre de laquelle il était appelé à officier comme juge (consid. 2.1.4). Une apparence de prévention peut aussi découler de ce qu’un des associés du juge suppléant, et pas ce dernier à titre personnel, est mandaté par une des parties à la procédure ou l’a été peu de temps auparavant. Cela quelle que soit la nature du rapport juridique qui unit les associés au sein d’une étude (consid. 2.1.5). D’autres types de relations qu’un mandat direct entre une des parties et le juge suppléant peuvent susciter l’existence de liens particuliers entre eux fondant l’apparence d’une prévention. Les considérations pratiques liées à la difficulté d’établir l’existence de telles relations ne doivent pas être un obstacle à leur prise en compte, vu l’obligation de déclarer l’existence d’un possible motif de récusation faite par l’art. 48 CPC aux magistrats ou fonctionnaires judiciaires (consid. 2.1.6). Selon l’art. 28 LTFB, les juges suppléants se récusent dans les procédures où une partie est représentée par une personne qui travaille dans la même étude d’avocats, dans le même cabinet de conseils en brevets ou pour le même employeur. Cette disposition vise seulement les cas dans lesquels un associé ou un collègue de travail du juge représente une partie dans le cadre de la procédure pendante devant le TFB. Elle ne règle pas la situation dans laquelle un associé du juge appartenant à la même étude que lui est lié par un mandat à une des parties à la procédure, sans pour autant la représenter dans la procédure pendante devant le TFB. L’art. 28 LTFB n’est ainsi pas applicable aux cas dans lesquels un mandat est ouvert entre l’étude d’avocats à laquelle le juge appartient et une partie à la procédure (ou une partie étroitement liée à celle-ci parce qu’appartenant au même groupe de sociétés), mais où cette dernière est représentée dans la procédure devant le TFB par un mandataire qui n’est pas un des associés du juge suppléant. Ce sont alors les motifs généraux de récusation selon l’art. 47 CPC – dans le cas particulier la clause générale de l’al. 1 lit. f – qui doivent être pris en compte dans le respect des principes établis par l’art. 30 al. 1 Cst. (consid. 2.2). Dans le cas particulier, le mandat donné à un des associés du juge suppléant ne l’était pas par une des parties à la procédure (Denner SA), mais par sa société sœur : Migros France. Le risque de prévention du juge suppléant a néanmoins été retenu par le TF vu la manière dont les marques sont gérées au sein du groupe Migros (qui agit aussi pour celles de Denner) (consid. 2.3.1), et de la communauté d’intérêts entre ce groupe et Denner à l’issue du procès devant le TFB (consid. 2.3.4). Le recours est admis.

Art. 105 al. 2 LTF ; 1 al. 2, 18 al. 1, 332 al. 1 CO ; 2, 109 al. 1, 110 al. 3, 122 LDIP

Lorsqu’une action tend seulement à faire contraindre le défendeur à accomplir des démarches juridiques destinées au transfert du brevet, le jugement le condamnant n’exerce qu’une influence médiate sur la titularité de ce bien immatériel, et la contrainte ne résulte que de la menace d’une sanction pénale à infliger par les autorités suisses. Cette action n’est pas clairement exclue par l’art. 109 al. 1 LDIP. Elle n’est visée par aucune disposition spécifique de la loi, de sorte que les tribunaux suisses du lieu du domicile du défendeur sont compétents par l’effet de l’art. 2 LDIP (consid. 2). Lorsque les deux parties ont leur siège ou domicile en Suisse et que le défendeur a fourni ses services dans ce pays, le droit suisse est applicable à leurs relations contractuelles conformément aux art. 110 al. 3 et 122 LDIP (consid. 3).

L’inventeur peut valablement transférer à une autre personne le droit d’introduire une demande de brevet, puis de devenir titulaire du brevet, avant même le dépôt d’une telle demande. Ce transfert n’est soumis à aucune condition de forme. Déjà avant l’achèvement de l’invention et la naissance du droit au brevet correspondant, l’inventeur peut convenir avec une autre personne que ce droit lui appartient d’emblée ; c’est le régime ordinairement prévu par l’art. 332 al. 1 CO dans les relations entre travailleurs et employeurs. L’inventeur peut d’ailleurs aussi s’obliger valablement et par avance à exécuter, le moment venu, les actes éventuellement nécessaires à un transfert du droit au brevet (consid. 4). En cas de litige sur la portée d’un accord intervenu entre l’inventeur et une autre personne revendiquant le droit au brevet, le juge doit, au premier chef, s’efforcer de déterminer conformément à l’art. 18 al. 1 CO leur réelle et commune intention, ce qui relève de la constatation des faits. Au stade des déductions à opérer sur la base d’indices, lesquelles relèvent, elles aussi, de la constatation des faits, le comportement que les cocontractants ont adopté dans l’exécution de leur accord peut éventuellement dénoter de quelle manière ils l’ont eux-mêmes compris et révéler ainsi leur réelle et commune intention (consid. 4).

Le comportement du défendeur, qui a personnellement concouru à ce que les droits de propriété intellectuelle afférents à la création au développement de laquelle il a collaboré soient acquis par la demanderesse – en souscrivant un acte de cession de ces droits, en répondant aux demandes d’instructions du mandataire de la demanderesse et en consentant ainsi de manière implicite au moins au fait que cette dernière dépose la demande de brevet correspondant à l’invention concernée – dénote avec certitude qu’il admettait, selon sa propre conception de la collaboration rémunérée par la demanderesse, que les droits de propriété intellectuelle se rapportant à la création à laquelle il avait collaboré, revenaient à cette dernière.

Pour le TF, le défendeur a ainsi implicitement admis que le droit à la délivrance du brevet appartenait d’emblée à la demanderesse ou que, à défaut, en particulier pour les brevets américains, il devait lui être transféré avec son concours. Le TF procède d’office en application de l’art. 105 al. 2 LTF à cette constatation de fait qui pour lui s’impose (consid. 5). L’acquisition de droits de propriété intellectuelle en contrepartie d’une rémunération peut faire l’objet d’un contrat tacitement, mais valablement conclu entre les parties, conformément à l’art. 1 al. 2 CO. Il importe peu que le lien entre la rémunération versée et l’invention considérée ne ressorte peut-être pas clairement du libellé des factures établies par le défendeur. Ce contrat englobe tous les brevets d’invention afférents au mécanisme concerné, y compris celui faisant l’objet du litige. Il autorise la demanderesse à exiger le transfert de ce brevet aussi, quelle que soit la qualification des relations contractuelles nouées entre les parties (consid. 5).

Art. 107 CPC, art. 148 CPC, art. 242 CPC

Lorsque le brevet objet du litige a été révoqué de façon définitive, le procès est devenu sans objet (ATF 109 II 165) et doit être rayé du rôle (art. 242 CPC, consid. 9-11). Dans ce cas, les frais de procédure doivent être répartis selon l’appréciation du juge (art. 107 al. 1 lit. e CPC).

Art. 26 LTFB, art. 41 LTFB, art. 90 CPC, art. 29 LBI

Le demandeur peut choisir le tribunal compétent sur la base des compétences concurrentes au sens de l’art. 26 al. 2 LTFB même si la demande a été déposée avant l’entrée en vigueur de cette disposition. Le TFB est alors compétent dans le cas où il peut être considéré comme ayant à traiter d’une action civile ayant un lien de connexité avec des brevets (consid. 3.1.1.) Lorsqu’une conclusion peut être jugée intégralement sous l’angle du droit des brevets, la réunion de prétentions relevant du droit des brevets et de la concurrence déloyale n’entraîne pas l’incompétence du TFB. Dans un tel cas, ce dernier – au pire – n’entre pas en matière sur la prétention. Il y a par ailleurs lieu de distinguer le cumul d’actions au sens de l’art. 90 CPC du simple cumul d’arguments, lequel n’entraîne pas l’incompétence du tribunal (consid. 3.1.2). Le TFB reprend, dans son domaine de compétence, le traitement des procédures qui, au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi, sont pendantes devant des tribunaux cantonaux, pour autant que les débats principaux n’aient pas eu lieu (art. 41 LTFB). Cela vaut tant pour les cas dans lesquels le TFB dispose d’une compétence exclusive que dans les cas où il dispose d’une compétence parallèle ou concurrente (consid. 3.2). L’action en cession de brevets (art. 29 LBI) doit être considérée comme une action en validité au sens de l’art. 26 al. 1 LTFB et non pas comme une autre action au sens de l’art. 26 al. 2 LTFB, de sorte qu’elle relève de la compétence exclusive du TFB (consid. 4).

Art. 183 al. 3 CPC, art. 261 CPC, art. 1 LBI

Afin d’examiner l’activité inventive, il faut dans un premier temps évaluer l’état de la technique relevant. Dans un deuxième temps, il s’agit de déterminer le problème technique objectif à résoudre. À cet effet, on détermine d’abord les différences entre l’état de la technique et l’invention revendiquée relativement aux caractéristiques déterminantes. Enfin, on se demande si l’homme de métier, partant de l’état de la technique et de la problématique technique à résoudre, aurait non seulement pu développer l’invention, mais également la développer sans effort particulier. Tel est le cas en l’espèce, de sorte que la condition de l’activité inventive n’est pas remplie (consid. 4.4, 4.6 et 4.7).

Art. 190 Cst., art. 2 lit. b LCBr, art. 5 al. 1 LCBr, art. 6-7 LCBr, art. 19 al. 1 lit. a LCBr

La disposition transitoire de l’art. 19 al. 1 lit. a LCBr, qui dispense de la réussite de l’examen fédéral de conseils en brevets ou d’un examen étranger de conseil en brevets reconnu (art. 2 lit. b LCBr ; art. 6 et 7 LCBr), soumet l’inscription au registre des conseils en brevets à, notamment, la titularité soit d’un titre en sciences naturelles ou en ingénierie délivré par une haute école suisse, soit d’un titre délivré par une haute école étrangère au sens de l’art. 5 al. 1 LCBr (consid. 2.2 et 3.2.1). C’est de manière consciente (silence qualifié) que le légistaleur a renoncé à prévoir une disposition transitoire en faveur de personnes qui ne sont pas titulaires d’un titre en sciences naturelles ou en ingénierie délivré par une haute école (consid. 3.2.2). En vertu de l’immunité des lois fédérales (art. 190 Cst.), le TAF est lié par la volonté claire du législateur. La demande du recourant (qui n’est pas titulaire d’un tel titre) tendant à son inscription au registre des conseils en brevets peut déjà être rejetée pour cette raison (consid. 4.1 et 4.2), mais également du fait que le refus de l’inscription n’est pas contraire à la Constitution (consid. 4.2 in fine et 5-10.2.4).

Art. 27 LTFB, art. 10 al. 2 et 3 Directives procédurales du TFB du 28 novembre 2011, art. 183 CPC, art. 229 CPC, art. 404 al. 1 CPC, § 171 ZPO ZH

Une expertise privée n’est pas un moyen de preuve au sens du CPC et est assimilée à une déclaration de la partie qui la produit. Elle doit être traitée comme n’importe quelle allégation de faits et donc être invoquée au plus tard lors du dernier tour de parole de la partie qui s’en prévaut à l’audience principale selon l’art. 229 CPC. Les expertises judiciaires produites par la défenderesse ne sont pas des expertises privées puisque ce n’est pas elle mais une autorité judiciaire qui a mandaté les experts (consid. 10.1). Elles ne sont toutefois pas non plus des expertises judiciaires au sens des art. 183 ss CPC ou des § 171 ss ZPO ZH puisqu’elles n’ont été ordonnées ni par le TFB, ni par le Tribunal de commerce de Zurich (consid. 10.2). La partie qui entend invoquer une expertise privée ou une expertise obtenue dans une autre procédure doit, comme pour les allégations de faits, indiquer d’une manière concrète et précise les prétentions qu’elle entend en tirer, faute de quoi le juge n’a pas à en tenir compte (consid. 10.4).

Art. 107 CPC, art. 148 CPC, art. 242 CPC

Dans le cadre d’une procédure de recours par devant l’OEB contre une décision de révocation de brevet européen rendue sur opposition et pour laquelle l’effet suspensif est accordé (art. 106 al. 1 CBE), le brevet objet de la procédure reste en vigueur. La demanderesse est ainsi fondée à partir du principe que la défenderesse pourrait lui intenter une action en justice sur la base d’une violation dudit brevet. L’introduction d’une action en annulation de la partie suisse du brevet doit donc être considérée comme appropriée. En s’obstinant au maintien du brevet nul, la défenderesse est à l’origine de l’action en annulation, de sorte qu’il apparaît juste de mettre à sa charge les frais de procédure lorsque le brevet européen est définitivement annulé et que la procédure suisse est ainsi devenue sans objet (consid. 12). Des dépens ne sont pas accordés pour participation du conseil en brevets à une procédure tierce, même s’il existe un certain intérêt de la part de la partie concernée à y participer (consid. 14).

Art. 66 LBI, art. 72 LBI, art. 32 LTFB, art. 4 FP-TFB, art. 5 FP-TFB, art. 8 FP-TFB, art. 9 FP-TFB

L’indemnité du représentant avocat est généralement fixée en fonction de la valeur litigieuse. Le montant s’inscrit dans les marges indiquées à l’art. 5 du Règlement concernant les frais de procès fixé par le TFB (FP-TFB) et dépend de l’importance, de la difficulté et de l’ampleur de la cause ainsi que du temps nécessaire à la défense. La notion de temps nécessaire à la défense prévue par l’art. 5 FP-TFB ne se réfère pas à une quelconque durée mais au temps nécessaire et utile à la défense. En l’espèce, 250 heures d’avocats facturables, qui s’ajoutent à 135 heures de conseil en brevets, ne remplissent pas ces conditions (consid. 10).

Art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 75 al. 2 lit. b LTF, art. 103 al. 2 LTF, art. 332 al. 1 CO, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 405 al. 1 CPC

Une invention de service doit être réalisée dans l’exercice de l’activité au service de l’employeur et conformément aux obligations contractuelles du travailleur. Ces deux critères sont interdépendants en ce sens que si l’employé accomplit une obligation contractuelle, il agit forcément dans l’exercice de son activité (consid. 3.1 et doctrine citée). Si le rapport de connexité étroit nécessaire entre l’activité exercée par l’employé et l’invention est donné, il importe peu que l’invention ait été réalisée pendant les heures de travail ou le temps libre de l’employé (consid. 3.1). Quant à l’obligation contractuelle de déployer une activité inventive, elle peut résulter d’une disposition expresse du contrat ou se déduire des circonstances. Entrent en considération les circonstances de l’engagement, les directives données à l’employé, la position de celui-ci dans l’entreprise, l’importance de son salaire, sa formation et ses connaissances particulières, le degré d’indépendance dans l’exécution de son travail, les ressources logistiques et financières à disposition, ainsi que le but social de l’entreprise qui l’emploie. L’employé peut aussi avoir d’autres tâches et n’être astreint à une obligation inventive qu’à titre accessoire (consid. 3.1). Lorsque l’employé réalise une invention de service au sens de l’art. 332 al. 1 CO, la loi ne prévoit pas de rémunération autre que le salaire. Il y a toutefois une controverse doctrinale quant au fait qu’une indemnité spéciale pourrait devoir être allouée au travailleur lorsque les efforts déployés excèdent ce qu’on pouvait raisonnablement attendre de lui ou lorsque son invention est dotée d’une valeur économique particulièrement élevée que les parties ne pouvaient pas prévoir lorsqu’elles ont fixé le salaire (consid. 4.1).

Art. 3 al. 1 CC, art. 8 CC, art. 332 CO, art. 3 LBI, art. 26 al. 1 lit. d LBI, art. 29 al. 1 LBI, art. 31 al. 1 LBI, art. 31 al. 2 LBI

Il n’existait, en 1988 (moment de la réalisation de l’invention litigieuse), dans le canton de Berne, aucune règle de droit positif concernant les inventions de service réalisées au sein de la fonction publique, les bases légales correspondantes n’ayant été créées que dans le courant des années 1990. L’Université de Berne (respectivement le canton de Berne avant l’entrée en vigueur de la Loi sur l’Université de 1996 qui l’a dotée d’une certaine autonomie) n’a ainsi acquis aucun droit au brevet sur l’invention à la réalisation de laquelle un de ses professeurs, employé à plein temps, avait participé à l’époque, puisqu’il ne s’agissait pas d’une invention de service. Selon l’art. 29 al. 1 LBI, l’ayant droit peut agir en cession ou en constatation de la nullité d’un brevet si la demande de brevet a été déposée par une personne qui n’avait pas droit au brevet au sens de l’art. 3 LBI (consid. 8.3). La demande en cession doit être introduite sous peine de péremption dans les deux ans à compter de la date officielle de la publication de l’exposé de l’invention (art. 31 al. 1 LBI), sauf si elle dirigée contre un défendeur de mauvaise foi (art. 31 al. 2 LBI). Le défendeur est de mauvaise foi s’il savait ou s’il aurait dû savoir en faisant preuve du soin nécessaire (art. 3 al. 2 CC) qu’il n’était pas le seul ayant droit au brevet. Le déposant est de mauvaise foi s’il a pris connaissance de l’invention d’une manière contraire au droit, par exemple en surprenant des secrets de fabrication ou en incitant des tiers à violer un contrat ou en utilisant de manière indue des informations qui lui avaient été confiées. La bonne foi n’est pas non plus donnée lorsque le déposant savait ou aurait dû admettre, d’après les circonstances, que l’inventeur s’apprêtait à déposer une demande de brevet sur l’invention (consid. 9.1). Tel n’était pas le cas en l’espèce puisque le coinventeur, administrateur de la société qui a déposé le brevet, avait pris licitement connaissance de l’invention dans le cadre de sa collaboration avec le professeur de l’Université de Berne pour la réaliser. Comme la bonne foi est présumée en vertu de l’art. 3 al. 1 CC, c’est à celui qui agit en cession du brevet après le délai de deux ans de l’art. 31 al. 1 LBI d’établir la mauvaise foi du déposant (consid. 9.2). In casu, le tribunal expose, après s’être livré à un examen attentif de l’état des pratiques au sein des différentes hautes écoles suisses dans les années 1980, qu’il ne pouvait pas être généralement admis que les hautes écoles entendaient être investies des droits de propriété intellectuelle sur les inventions de leurs employés au moment où l’invention considérée a été effectuée, et que tel n’était en tout cas pas la pratique de l’Université de Berne. Par conséquent, la mauvaise foi du déposant n’a pas été retenue, même s’il savait que l’employé de la haute école y travaillait à plein temps au moment de sa participation à la réalisation de l’invention et qu’il avait eu recours à l’infrastructure de l’Université de Berne pour le faire. L’art. 26 al. 1 lit. b LBI ne pose pas les mêmes exigences de mauvaise foi et de délai pour agir que l’art. 31 LBI. Toutefois, l’action en constatation de la nullité du brevet prévue par l’art. 26 al. 1 lit. d LBI suppose que le demandeur soit l’unique ayant droit à la délivrance du brevet. Tel n’est pas le cas lorsque, comme en l’espèce, deux ou plusieurs inventeurs ont participé à la réalisation de l’invention (consid. 11).

Art. 26 al. 2 LTFB, art. 265 al. 1 CPC

Le TFB est compétent en matière de mesures provisionnelles avant litispendance portant sur la titularité des brevets au sens de l’art. 26 al. 2 LTFB (consid. 3). Il n’est pas admissible que le requérant attende sept semaines (19 avril au 8 juin) pour demander des mesures superprovisionnelles. Une telle requête doit être formulée immédiatement par la partie qui entend s’en prévaloir, à savoir dans les une à deux semaines après la connaissance du préjudice (consid. 5).

Art. 261 CPC, art. 262 CPC, art. 74 LBI

En matière de propriété intellectuelle – et non seulement de brevets – des mesures provisionnelles ne peuvent pas être obtenues pour faire constater l’existence d’un droit. L’art. 262 CPC prévoit une liste non exhaustive de mesures provisionnelles qui peuvent être ordonnées par le juge. La constatation de l’existence d’un droit de propriété intellectuelle n’étant pas mentionnée dans cette liste, la question se pose de savoir si elle peut être ordonnée par un juge. Le TFB, suivant la majorité des auteurs qui se sont prononcés sur la question, répond à cette question par la négative, argumentant qu’une telle constatation ne peut être faite pour une période limitée dans le temps puisque, en tout cas dans le domaine de la propriété intellectuelle, elle a un caractère définitif (consid. 11.1). La cour rappelle également que, lorsqu’une mesure provisionnelle est demandée, le requérant doit justifier de son intérêt à intenter l’action (cf. art. 74 LBI) ; de plus, il doit rendre vraisemblable qu’une prétention dont il est titulaire est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 CPC, consid. 12.1).

Art. 183 al. 3 CPC, art. 261 CPC, art. 1 LBI

Selon l’art. 261 CPC le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu’une prétention dont il est titulaire est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être (lit. a) et lorsque cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (lit. b). Pour qu’une allégation soit considérée comme vraisemblable, il n’est pas nécessaire, que le juge soit totalement convaincu de sa véracité, mais il suffit qu’il la considère comme foncièrement véridique, même si tout doute n’est pas écarté (ATF 130 III 321, consid. 3.3). Pour acquérir cette conviction, le tribunal peut se fonder sur les connaissances spéciales de l’un de ses membres (art 183 al. 3 CPC, consid. 4.3).

Art. 66 LBI, art. 72 LBI, art. 32 LTFB, art. 4 FP-TFB, art. 5 FP-TFB, art. 8 FP-TFB, art. 9 FP-TFB

Le juge de formation technique n’est pas appelé à répondre à la question de savoir si l’état de fait est constitutif d’une violation de brevet, mais seulement si l’état de fait constaté correspond à celui que décrit le dispositif. Cela requiert que les conclusions (et ensuite également le dispositif) décrivent de façon concrète quelle caractéristique de l’objet de l’atteinte doit être considérée comme une exécution de la règle technique (ATF 131 III 70). Cette exigence du droit fédéral requiert dans un premier temps une analyse détaillée des caractéristiques de la revendication sur laquelle se fonde la conclusion. Dans un deuxième temps, l’exécution technique concrète de chacune des caractéristiques de la revendication dans la forme d’exécution reprochée doit être constatée et reprise dans la conclusion (consid. 9).

Art. 27 LTFB, art. 10 al. 2 et 3 Directives procédurales du TFB du 28 novembre 2011, art. 183 CPC, art. 229 CPC, art. 404 al. 1 CPC, § 171 ZPO ZH

Selon l’art. 27 LTFB, la procédure devant le TFB se déroule selon le CPC dans la mesure où la LBI ou la LTFB ne prévoit pas autre chose. L’art. 10 al. 2 des Directives procédurales du TFB du 28 novembre 2011, prévoit à titre transitoire que les procédures déjà initiées avant l’entrée en vigueur de la LTFB se poursuivent selon le CPC (consid. 9). L’art. 27 LTFB n’est pas une disposition de droit transitoire. L’art. 404 al. 1 CPC, auquel renvoie l’art. 27 LTFB, ne s’applique pas aux procédures transférées au TFB mais déjà introduites avant l’entrée en vigueur du CPC, en particulier parce que même si le TFB est saisi directement, il n’est pas une autorité de même instance que les autorités de première instance cantonales ; et aussi parce que le TFB pourrait sinon devoir être amené à appliquer 26 procédures cantonales différentes avec le risque de décisions contradictoires que cela pourrait comporter (consid. 9.1-9.4). Les dispositions procédurales de la LTFB, ainsi que la création du Tribunal fédéral des brevets lui-même, ont pour but, comme l’introduction du CPC, de régler de manière uniforme la procédure dans les causes civiles pour l’ensemble de la Suisse et de supprimer ainsi le morcellement horizontal du droit (« horizontale Rechtszersplitterung »). C’est un élément déterminant pour admettre que même pendant une période transitoire, le TFB n’a pas à appliquer 26 droits cantonaux de procédure, mais seulement le CPC (consid. 9.5). Les dispositions de procédure de la LTFB sont dès le départ, et le cas échéant en dérogation au droit cantonal de procédure, applicables à toutes les procédures devant le TFB. C’est aussi un élément qui permet de retenir que pour toutes les procédures pendantes devant le TFB, le CPC doit être appliqué à côté des dispositions procédurales immédiatement applicables de la LTFB pour assurer l’unité de la procédure et l’égalité de traitement des parties dans les différents procès en cours (consid. 9.6). L’application immédiate de ces nouvelles dispositions procédurales ne doit toutefois pas avoir pour effet de péjorer la position d’une partie dans la procédure menée jusque là. C’est pourquoi l’art. 10 al. 3 des Directives procédurales du TFB prévoit que la possibilité doit être offerte aux parties de faire valoir ce qu’elles n’avaient, en application de leur droit cantonal de procédure, pas encore pu ou dû invoquer jusque là (consid. 9.7).

Art. 46a LBI, art. 47 LBI

Le délai de deux mois prévu à l’art. 47 al. 2 LBI commence à courir avec la fin de l’empêchement, c’est-à-dire avec la connaissance de l’omission par le titulaire du brevet ou son représentant – en général, au plus tard, avec la réception de l’avis de radiation du brevet adressé par l’IPI (consid. 4.2). En l’espèce, il convient de considérer que l’avis de radiation du brevet n’a pas été reçu par le recourant, l’IPI (qui ne l’avait pas envoyé par courrier recommandé) ne pouvant pas prouver son envoi (consid. 4.4). Est en principe imputable au titulaire du brevet la faute de son auxiliaire (consid. 4.3). Vu les délais très courts, l’entreprise qui a omis de procéder au paiement de la 6e annuité du brevet européen en cause – alors que l’agent de brevet du recourant l’avait chargée de le faire de manière urgente – a failli à son devoir de diligence ; cette faute doit être imputée au recourant. C’est dès lors à juste titre que la demande de réintégration en l’état antérieur (art. 47 LBI) déposée par le recourant a été rejetée par l’IPI (consid. 4.3, 4.6.1 et 4.6.2 in fine). Vu l’exigence de la sécurité du droit et l’intérêt public à la libre utilisation des inventions, le délai absolu de six mois prévu par l’art. 46a al. 2 LBI pour déposer une requête de poursuite de la procédure (art. 46a LBI), qui arrivait en l’espèce à échéance le 31 mai 2009, doit être considéré comme un délai de péremption au-delà duquel une telle requête est exclue (consid. 3.2, 5.1, 5.3 et 5.4). Le recourant – qui a reçu, le 29 mai 2009, par l’intermédiaire de ses mandataires, la communication de l’IPI selon laquelle le brevet avait été radié – a dès lors agi tardivement en ne déposant sa requête de poursuite de la procédure (art. 46a LBI) que le 13 juillet 2009 (consid. 5.2 et 5.4).

Art. 107 CPC, art. 148 CPC, art. 242 CPC

Lorsque l’avance des frais a été effectuée par la demanderesse, mais que le TFB n’en tient pas compte et n’entre, par erreur, pas en matière, le délai pour introduire l’action est restitué.