Propriété intellectuelle

Art. 6quinquies B ch. 2 CUP ; 5 ch. 1, 5 ch. 2, 9sexies ch. 1 lit. a PAM ; 8 al. 1 Cst. ; 2 al. 1 lit. a LPM

En dépit de la graphie particulière du signe « Ce’Real », qui peut, abstraitement, être compris de différentes manières, il faut admettre que, pour les consommateurs moyens, la marque ne diffère pas suffisamment du mot anglais « cereal » ou du mot français « céréale » sur les plans auditifs et visuels. Le signe « Ce’Real » est donc descriptif pour des denrées alimentaires (consid. 2.2-2.3). Lorsque le déposant invoque le grief de la violation du principe de l’égalité de traitement, il ne doit pas seulement présenter les signes par rapport auxquels il estime être discriminé, mais également démontrer en quoi ces situations étaient similaires, notamment au regard des produits et services enregistrés. Dans le cadre de l’examen de la violation du principe de l’égalité de traitement, une marque combinée ne peut pas être comparée à une marque verbale (consid. 2.3). L’IPI et le TAF ayant jugé que le signe était descriptif, il ne s’agit pas d’un cas limite (consid. 2.4). Le recours est rejeté dans la mesure où il peut être entré en matière (consid. 3).

TF 4A_38/2014 (d)

2013-2014

Art. 26, 190 Cst. ; 944 al. 1 CO ; 2 lit. a, 52 LPM ; 2, 3 al. 1 lit. d LCD

Pour les services financiers et les produits technologiques qui leur sont liés, le cercle des destinataires pertinent est composé des spécialistes du domaine financier, ainsi que des consommateurs moyens (consid. 3.3). Les critères régissant l’inscription d’une raison sociale au registre du commerce diffèrent de ceux employés pour l’inscription d’un signe au registre des marques. Il n’y a donc pas de violation du droit d’être entendu lorsqu’une autorité n’applique pas les conclusions d’une décision antérieure rendue en matière de registre du commerce à l’examen de la validité d’une marque similaire à la raison sociale. Cependant, rien ne s’oppose à prendre en considération cette décision dans un souci de cohérence (consid. 3.5). Le mot anglais « trader » est compris par le cercle des destinataires pertinent comme « Börsen- oder Wertpapierhändler ». Ce terme est donc descriptif des services financiers dans les classes 09, 36, 38 et 42 (consid. 3.5.1). La demanderesse a produit devant l’instance précédente une enquête démoscopique qui établit que seuls 2 % des personnes interrogées rapprochent le seul mot anglais « key » des notions de « haupt- », « wichtig ». Cependant, l’autorité précédente n’a pas constaté les faits de manière manifestement erronée lorsqu’elle retient que le cercle des destinataires pertinents comprendra le signe « KEYTRADER » dans le sens de « besonders wichtigen Händlers bzw. Wertpapierhändlers ». En effet, les résultats de l’enquête démoscopique n’excluent pas qu’une majorité des destinataires des services financiers en classe 36, 38 et 42 comprennent le terme anglais « key » en combinaison avec un autre mot, dans le sens de « haupt- », « wichtig » (consid. 3.5.2). L’autorité précédente viole le droit d’être entendu et procède à une constatation inexacte des faits lorsqu’elle rejette l’affirmation de la recourante, selon laquelle le signe « KEYTRADER » n’est pas un mot qui fait partie du vocabulaire anglais, sur la base des résultats de ses propres recherches, sans donner l’occasion aux parties de se prononcer sur ces éléments (consid. 3.5.3). Cependant, le fait que le signe « KEYTRADER » ne corresponde pas à un terme existant du vocabulaire anglais ne diminue pas le caractère descriptif de ces deux éléments. Le mot anglais « key » combiné à un substantif sert à renforcer l’importance de ce mot, tout comme c’est le cas pour le mot allemand « Schlüssel ». Il faut donc considérer que l’utilisation du mot anglais « key » en combinaison avec un substantif, est comprise par le cercle des destinataires comme un renforcement de l’importance de ce mot. Le signe « KEYTRADER » est donc compris par le cercle des destinataires pertinent comme désignant des « besonders wichtigen Händlers bzw. Wertpapierhändlers ». La marque est donc descriptive des produits et services financiers en classe 36, 38 et 42 (consid. 3.5.4). L’usage de la marque doit être établi pour le cercle des destinataires potentiels des produits et services visés et non seulement pour le cercle des clients effectifs (consid. 4.4). Le risque de confusion au sens de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD doit être étudié concrètement et non abstraitement sur la base de critères d’évaluation établie pour le même signe, mais au regard du droit des marques (consid. 7.2.2).

Art. 72 al. 2 lit. b ch. 2, 76 al. 2, 90 LTF ; 2 lit. a LPM

Les signes dont le contenu significatif donne des indications sur les qualités des produits ou services auxquels ils se rapportent ou qui les vante ou les décrit d’une autre manière sont dépourvus de force distinctive. Un néologisme peut aussi être dépourvu de force distinctive si le cercle des destinataires suisses pertinent en comprend la signification sans effort d’imagination particulier. C’est l’impression d’ensemble que dégage le signe telle qu’elle restera marquée dans le souvenir du consommateur qui est déterminante pour juger de sa force distinctive (consid. 5.1). Le terme « post » est un élément du langage courant compris par le public suisse dans deux acceptions différentes, d’une part les services postaux eux-mêmes, d’autre part l’entreprise qui les fournit (consid. 5.2.1.1). L’ajout de la lettre « e » ‑ précédant le terme « post » ‑ sera compris par le public comme faisant référence de manière évidente à la « poste électronique », qu’un tiret sépare ou non les deux éléments (consid. 5.2.1.1.1). Le consommateur moyen comprend la signification de « select » déjà en raison de sa similitude avec les termes allemands « Selektion, selektionieren » ou français « élection, sélectionner ». Dans sa signification de « choisi, trié », « select » est aussi perçu comme ayant un caractère laudatif compris comme tel par le public déterminant (consid. 5.2.1.2). Le néologisme « ePostSelect » peut être facilement compris dans un sens large comme faisant référence à des services postaux électroniques de haute qualité ou à l’entreprise qui dispense de tels services, lesquels comprennent aussi la fourniture d’informations et le développement de services en matière financière (consid. 5.2.1.3). La dénomination « ePostSelect » est descriptive des produits ou services revendiqués et dépourvue de force distinctive les concernant. Elle appartient ainsi au domaine public sans que sa présentation graphique, dominée par l’élément verbal et une revendication de couleur jaune sans plus de précision, lui confère une force distinctive originaire (consid. 5.2.3). Ce d’autant que les caractères utilisés pour l’élément verbal et sa couleur noire sont usuels et peu frappants. L’absence de tiret entre le « e » et le concept de « Post » qui suit n’y change rien, tout comme non plus le fait que « Select » soit mentionné en gras (consid. 5.2.3). Contrairement à ce que le TAF a considéré, la conclusion subsidiaire faisant référence à un jaune « RAL 1004 Pantone C116/109U » ne permet pas non plus de conférer une force distinctive originaire à l’ensemble (consid. 5.3 et consid. 5.3.1), en particulier parce qu’elle ne change pas la perception qu’en aura le cercle des destinataires pertinent. Ceci même si le jaune en question s’est imposé comme marque pour certains des services (financiers et postaux) de la requérante, et est donc plus distinctif que la couleur jaune indéterminée revendiquée initialement. En vertu du principe de la maxime des débats, le TAF n’aurait dû examiner si une imposition par l’usage entrait en ligne de compte que si la requérante l’avait invoqué et revendiqué une protection du fait d’une telle imposition. Ce qui n’a pas été le cas en l’espèce. Le TAF n’aurait ainsi pas dû se demander si la nuance de jaune (RAL 1004 Pantone C116/109U) s’était imposée par l’usage, et aurait dû procéder à un examen abstrait de l’éventuelle force distinctive originaire de la marque telle que déposée (sans précision quant au type de jaune revendiqué) (consid. 5.3.2). Le recours est admis.

Art. 2 al. 1 lit. a LPM

Sont exclus de la protection du droit des marques, en raison de leur appartenance au domaine public au sens de l’art. 2 al. 1 lit. a LPM, les signes qui décrivent les caractéristiques, les formes, les propriétés, la quantité, la qualité, les références ou d’autres caractéristiques des produits pour lesquels la protection de la marque est revendiquée et qui ne contribuent ainsi en rien à leur identification ou à leur différenciation. Le caractère descriptif de telles indications doit être immédiatement reconnaissable par le public concerné sans effort de réflexion ou d’imagination particulier. Un slogan est ainsi exclu de la protection en tant que marque lorsqu’il correspond à une indication sur la qualité du produit pour lequel la protection est revendiquée, et que le caractère descriptif du slogan n’a pas besoin d’une fantaisie particulière pour être compris. Le TF examine librement la façon de délimiter le cercle déterminant des destinataires des produits ou services pour lesquels la protection de la marque est revendiquée. Il s’agit là d’une question de droit, comme l’est celle de savoir, dans le cas de biens de consommation courante, de quelle façon les destinataires appréhendent le signe sur la base du degré d’attention attendu (consid. 2.1). Le slogan EIN STÜCK SCHWEIZ, en relation avec les produits de classe 29 pour lesquels la protection est revendiquée (fromage de l’Emmental) ne peut pas être considéré comme ayant plusieurs significations; en relation avec les produits revendiqués, l’évocation de la tradition suisse – et les attentes en termes de qualité qui en découlent – dominent par rapport à d’autres significations possibles et ce, sans effort d’imagination particulier pour le destinataire moyen (consid. 2.3.1). Il n’est pas déterminant de savoir si le signe provoque immédiatement une association d’idées avec le produit en question. En l’espèce, le slogan EIN STÜCK SCHWEIZ fait directement référence au fait que le produit pour lequel la protection de la marque est revendiquée est un produit traditionnel, typiquement suisse. Le fait qu’il vante directement les qualités du produit est immédiatement et facilement reconnaissable, sans qu’un effort ou une imagination particulière, ou plusieurs étapes de raisonnement ne soient nécessaires (consid. 2.3.2). La « suissitude » du produit ne joue aucun rôle à cet effet (consid. 2.3.3). L’expression EIN STÜCK suivie d’un nom de pays est apparentée à la tournure de phrase EIN STÜCK HEIMAT (un morceau de patrie) et fait ainsi partie du langage général. Il s’ensuit que l’utilisation du slogan EIN STÜCK SCHWEIZ est immédiatement comprise comme étant descriptive par le cercle déterminant des destinataires. N’étant pas particulièrement originale, elle n’est pas non plus apte à rester dans la mémoire du public déterminant comme étant particulièrement propre à individualiser un produit. Enfin, en tant que tournure de langage usuelle, la suite de mots EIN STÜCK SCHWEIZ doit être laissée à la libre disposition du public (consid. 2.3.4).