Propriété intellectuelle

Art. 52, 56 CBE ; 29 al. 2 Cst. ; 95, 97 al. 1, 105 al. 1, 106 al. 2 LTF ; 53 al. 1 CPC

Les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle, en vertu de l’art. 52 CBE. Selon l’art. 56 CBE, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour l’homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique. La notion de non-évidence est une notion objective. Ce ne sont ni les efforts déployés personnellement par l’inventeur, ni ses connaissances subjectives qui importent à cet égard, mais uniquement l’écart mesurable entre le résultat de l’invention et l’état de la technique. Font partie de l’état de la technique toutes les données accessibles au public, à la date de dépôt ou de priorité. L’examen de l’activité inventive suppose que l’on considère l’état de la technique dans sa globalité, telle une mosaïque. Pour ce faire, on commencera, en règle générale, par rechercher le document comportant le plus grand nombre de caractéristiques techniques en commun avec l’invention. On comparera ensuite l’invention avec l’état de la technique pertinent afin de déterminer les différences structurelles et fonctionnelles et, sur cette base, le problème technique que l’invention cherche à résoudre. Enfin, on examinera les pas que l’homme de métier devait effectuer afin de parvenir, en partant de l’état de la technique, au même résultat que l’invention conformément au principe de l’approche « problème-solution » (consid. 3.1.2 et réf. cit.). Toutes les données accessibles au public, y compris les documents particulièrement anciens, font partie de l’état de la technique. Ecarter un document de ceux que consulterait l’homme de métier en raison de son ancienneté reviendrait à priver les brevets ayant dépassé un certain âge de toute valeur dans le cadre de l’analyse de l’effet inventif. Une telle pratique ne saurait être déduite de l’art. 56 CBE. Le facteur temporel peut néanmoins jouer un rôle dans le cadre de l’analyse de l’activité inventive. L’exigence d’un besoin insatisfait depuis longtemps peut ainsi faire partie des indices suggérant une activité inventive digne de protection (consid. 3.1.3). L’âge des documents n’est pas à lui seul décisif dans le cadre de la détermination de l’état de la technique. L’élément déterminant est plutôt l’obsolescence ou la désuétude d’une technique faisant l’objet d’un document ancien, ce qui exclut sa prise en considération par l’homme de métier (consid. 3.1.4.2).

Art. 8 CC ; 1 al. 2, 7 al. 2 LBI ; selon l’art. 7 al. 2 LBI

Selon l’art. 7 al. 2 LBI, l’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt ou de priorité par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. L’état de la technique constitue la base à partir de laquelle sont examinées les exigences tant de nouveauté que d’activité inventive. Les documents qui constituent l’état de la technique doivent être interprétés en fonction de la compréhension de l’homme du métier déterminant au moment du jour du dépôt de la demande de brevet ou de celui du droit de priorité. La lettre même d’un document n’est pas seule déterminante. Doivent également être prises en compte les solutions qui sont présentes dans l’état de la technique et que l’homme du métier peut déduire de manière évidente de ce qui a déjà été publié ; il convient de tenir compte du contenu tout entier d’un document imprimé. C’est en particulier la connaissance technique générale d’une équipe de professionnels de la branche qu’il convient de considérer, telle qu’elle est accessible dans les ouvrages de référence du domaine technique concerné. Des connaissances internes, comme par exemple des résultats de tests ou d’expériences, ne font par contre pas partie de l’état de la technique (consid. 2.2). L’approche « problème-solution » est un procédé structuré d’examen de l’activité inventive qui est basé sur le fait que toute invention consiste en un problème (Aufgabe) technique et sa solution. Le problème objectif résolu par l’invention revendiquée est tout d’abord examiné en partant de cette invention par la détermination du (seul) document de l’état de la technique dont l’invention revendiquée est la plus proche. Cet état de la technique le plus proche est ensuite comparé à l’invention revendiquée et les différences structurelles ou fonctionnelles sont listées une à une, pour formuler sur cette base le problème technique objectif que l’invention revendiquée résout. Immédiatement ensuite, il est déterminé quels pas l’homme du métier déterminant aurait dû entreprendre à partir de l’état de la technique le plus proche pour apporter une solution au problème technique individualisé, et si le procédé a permis d’individualiser, comme état de la technique le plus proche, un seul document qui révèle une solution technique de manière si précise et complète qu’un homme du métier puisse l’exécuter (consid. 2.2.1). Une solution technique est exécutable lorsque l’homme du métier dispose d’une indication si précise et complète que sur la base de celle-ci et de ses connaissances professionnelles il est à même d’atteindre la solution proposée par l’enseignement technique d’une manière sûre et répétable. Une invention n’est ainsi brevetable que lorsque la solution technique recherchée peut être atteinte avec certitude et pas seulement par hasard. Le fascicule du brevet doit décrire l’enseignement technique de façon suffisante et l’invention y être présentée de manière à ce que l’homme du métier puisse l’exécuter. Il s’agit là de conditions de validité du brevet (art. 26 al. 1 lit. b LBI). Les éléments techniques évidents dans le domaine n’ont pas à être exposés. Que le fascicule de brevet comporte des erreurs ou des lacunes ne compromet pas l’exécution de l’invention si l’homme du métier est en mesure de les identifier et de les surmonter sur la base de ses connaissances professionnelles générales sans avoir à fournir un effort qui ne puisse pas être attendu de lui. Cela vaut aussi lorsque les indications fournies sont si limitées que l’homme du métier doit prendre un certain temps pour réussir à réaliser l’invention, ou même trouver une solution qui lui soit propre. Une invention n’est toutefois pas exécutable pour l’homme du métier lorsque l’effort à fournir pour l’atteindre dépasse ce qui peut être attendu de lui ou exige qu’il fasse preuve d’activité inventive. La publication d’au moins un mode de réalisation en particulier est exigée et est suffisante, si elle permet l’exécution de l’invention dans l’ensemble du domaine revendiqué. Ce qui compte est le fait que l’homme du métier soit mis en situation de réaliser pour l’essentiel tous les modes d’exécution entrant dans le champ de protection des revendications (consid. 2.2.2). Un enseignement technique ne consiste pas seulement en un problème mais aussi en sa solution. Si seul le problème est exposé, et pas sa solution, on n’est pas en présence d’un enseignement technique, sauf dans le cas exceptionnel où le fait de poser le problème découle d’une activité inventive. Lorsqu’une solution technique n’est pas expressément exposée, il faut apporter la preuve que l’homme du métier déterminant, le cas échéant une équipe de professionnels de la branche, aurait trouvé sur la base des indications figurant dans le document et de ses connaissances professionnelles générales, en fournissant un effort pouvant raisonnablement être attendu de lui, au moins une solution concrète au problème technique (consid. 2.2.3). L’« exécutabilité » d’un document appartenant à l’état de la technique ne peut pas être présumée, en tout cas lorsque cet état de la technique n’est pas un fascicule de brevet mais la description d’expériences (consid. 2.2.5). Un document qui ne décrit qu’un problème sans proposer de solution ne peut pas être considéré comme constituant l’état de la technique la plus proche, lorsque l’examen de l’activité inventive se base sur l’approche « problème-solution » (consid. 2.3.2).

Art. 54 al. 1, 54 al. 2 CBE 2000 ; 1 al. 1, 7, 7 al. 2 LBI

Après avoir rappelé sa jurisprudence antérieure (ATF 117 II 480, consid. 1a) concernant les notions de nouveauté et de divulgation susceptibles de la ruiner (consid. 2), le TF examine la question de l’existence d’une éventuelle obligation tacite de confidentialité entre les parties (consid. 3.5). Il souligne préalablement, à propos de l’exigence de nouveauté, qu’il n’est pas nécessaire que la divulgation d’une invention intervienne à l’attention d’un cercle indéterminé de personnes pour qu’elle en ruine la nouveauté. Il suffit que la transmission de l’invention en dehors du cercle des personnes tenues au secret vis-à-vis de l’inventeur et par là même son accessibilité au public, ne puisse pas être exclue. Une seule vente ou une seule présentation de l’objet qui matérialise ou comporte l’information provoque sa divulgation. En cas d’annonce à un ou à quelque(s) destinataire(s) particulier(s) déterminé(s), il convient donc de se demander si, au vu des circonstances, il doit être compté avec le fait qu’une diffusion ultérieure suivra, ou si au contraire elle devrait être exclue en vertu par exemple d’une obligation tacite de confidentialité qui se déduirait des circonstances particulières du cas d’espèce (consid. 2). En présence d’une invention antérieure réalisée de manière indépendante, la question consiste à déterminer s’il n’existe aucune publication, respectivement aucune anticipation (« Vorwegnahme ») susceptible de ruiner la nouveauté parce que toutes les personnes qui avaient connaissance de l’enseignement technique souhaitaient le conserver secret ou étaient tenues de le faire et que par conséquent sa divulgation ultérieure apparaît comme exclue. Cela implique au minimum de prouver qu’un intérêt au maintien du secret existait effectivement et que la confidentialité était assurée de telle manière qu’en pratique une divulgation antérieure de l’enseignement technique apparaît comme exclue. Le fait que les personnes ayant eu connaissance de l’enseignement technique avant la date de priorité menaient ensemble des activités de développement ne permet pas à lui seul de conclure qu’une transmission, et par là même une publication de l’enseignement technique, était exclue. Même le fait établi d’une collaboration en matière de développement des personnes qui ont eu connaissance de l’enseignement technique avant la date de priorité ne permet pas de conclure que la connaissance antérieure de l’enseignement technique par des tiers non-parties à cette collaboration ne constituerait pas une divulgation ruinant la nouveauté (consid. 3.5). Dans le cas d’espèce, l’autorité précédente a considéré que la collaboration en matière de développement invoquée entre les parties n’était pas suffisante pour permettre de conclure que l’enseignement technique n’avait pas fait l’objet d’une divulgation détruisant la nouveauté dans le cadre de la correspondance antérieure de près de deux ans et demi à la date de priorité du brevet contesté (consid. 3.5).

Art. 56, 54 al. 2 CBE 2000 ; 1 al. 2, 7 al. 2 LBI

Selon l’article 56 CBE, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique. L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. Les mêmes principes s’appliquent en droit suisse (respectivement art. 1 al. 2 LBI et 7 al. 2 LBI). On ne peut exclure arbitrairement un document de l’état de la technique. Le terme de « naheliegend » utilisé en allemand peut prêter à confusion. En effet, il peut sans autre y avoir deux ou plusieurs documents qui se distinguent par des caractéristiques différentes de l’objet revendiqué, tout en s’écartant de la même façon de l’invention. Il convient toutefois de faire attention lorsque la fonction objective est formulée dans des documents dont la problématique et le but ne correspondent pas à ceux du brevet objet de la procédure. Dans de telles situations et afin d’éviter une approche rétrospective, la fonction de l’invention ne peut pas être reprise telle quelle ; il convient alors, le cas échéant, de reformuler la fonction formulée dans ces documents. Afin d’éviter une approche rétrospective et pour dénier l’existence d’une activité inventive, il ne suffit pas que l’homme de métier puisse (« could ») arriver à la solution proposée dans le brevet sur la base d’un document appartenant à l’état de la technique. Il faut bien plus démontrer qu’il serait effectivement arrivé à ladite solution (« would »). La question centrale dans ce contexte est de savoir quel critère appliquer pour évaluer le degré de succès nécessaire à admettre une activité inventive. Comme dans la jurisprudence de l’Office européen des brevets, la barre est placée haut ; il doit s’agir d’une possibilité raisonnable de succès (« reasonable or fair expectation of success »). Un simple espoir de réussite ne suffit pas. Une chance raisonnable de succès ne doit pas uniquement être admise lorsque l’homme de métier est quasi sûr que l’invention fonctionnera. Une certaine incertitude demeure et un risque d’échec ne peut totalement être écarté, même en cas de chance raisonnable de succès. L’évaluation de cette dernière dépendra toujours des circonstances du cas d’espèce.

Art. 1 al. 1, 26 al. 1 lit. a, 35 al. 1, 35 al. 2 LBI

Selon la jurisprudence de l’OEB, la communication d’une information technique à un client n’est pas à considérer comme confidentielle. Dans le cadre d’une relation commerciale usuelle et sans indication expresse que l’information technique transmise doit être conservée secrète et la partie communiquant l’information peut admettre que l’information transmise fait partie du domaine public, et le bénéficiaire de l’information compter avec le fait qu’il n’existe aucune limitation concernant l’utilisation de cette information et sa communication à des tiers. Une obligation de confidentialité implicite peut résulter des circonstances dans lesquelles la communication de l’information concernée est intervenue. Elle peut par exemple résulter d’une collaboration à des travaux de recherche et de développement lorsqu’un intérêt commun au maintien de la confidentialité découle clairement de la nature de cette collaboration. L’existence d’une telle obligation implicite de confidentialité ne saurait toutefois être admise à la légère. Elle constitue plutôt l’exception et doit s’imposer comme découlant sans doute possible des circonstances. Il incombe à la partie qui se prévaut de l’existence d’une telle obligation implicite de confidentialité de l’alléguer et de l’établir.

En l’absence d’un intérêt tant unilatéral que commun au maintien de la confidentialité d’une information transmise sans réserve, l’existence d’une obligation tacite de confidentialité ne saurait être admise. Le fait que l’information ne soit pas communiquée uniquement à un partenaire commercial potentiel, mais également à des tiers parle contre l’existence d’une obligation tacite de confidentialité qui résulterait de la nature particulière de la relation commerciale nouée avec ce partenaire potentiel. Ce d’autant plus lorsque les indications techniques fournies sont si détaillées qu’elles mettent le professionnel, sous réserve de quelques adaptations et modifications usuelles, en situation de réaliser l’objet technique décrit. Lorsque les informations transmises ne consistent pas en un concept au contenu général qui ne pourrait être réalisé que moyennant un important effort de développement, elles ne sauraient avoir été fournies justement en vue d’un tel développement qui comporterait une obligation implicite de confidentialité. Lorsque la communication n’est pas intervenue dans le cadre d’un contrat de mandat, mais en réponse à un appel d’offres, les informations transmises n’ont pas à être conservées secrètes (consid. 4.7.4). Le brevet délivré est donc nul faute de nouveauté au sens de l’art. 26 al. 1 lit. a LBI en relation avec l’art. 1 al. 1 LBI (consid. 4.8).

Art. 26 al. 1 lit. a, 26 al. 4, 41 LTFB ; 10 des Directives procédurales du TFB du 28.11.2011 ; 8 CC ; 26 al. 1 lit. a, 26 al. 1 lit. d, 26 al. 1 lit. c, 51 al. 1, 58 al. 2, 66 lit. a, 66 lit. b, 72, 125 al. 1 LBI ; 3 lit. b LCD

Est réputée constituer une extension allant au-delà du contenu des pièces initialement déposées, une modification qui n’est pas divulguée à la date pertinente (de dépôt ou d’un éventuel report au sens de l’art. 58 aLBI), soit un enrichissement technique du contenu de la demande et donc un apport d’informations de nature technique qui ne se déduit pas – directement et sans ambiguïté – de l’intégralité du contenu technique – explicite ou implicite – soumis à la date pertinente. Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral, l’art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve auquel correspond, en principe, le fardeau de l’allégation et, partant, les conséquences de l’absence de preuve ou d’allégation. La partie qui entend se prévaloir d’un motif de nullité d’un brevet supporte le fardeau de la preuve, à moins que la loi n’en dispose autrement, conformément à l’art. 8 CC. Un état de fait qui n’a pas été allégué par la partie qui en supporte le fardeau ne peut pas être admis par le juge et, si en raison d’un défaut d’allégation, un état de fait ne peut pas être pris en considération ou demeure incertain, le juge doit se prononcer en vertu de l’art. 8 CC en défaveur de la partie qui supporte le fardeau de la preuve. Dès lors que la partie qui souhaite se prévaloir du motif de nullité découlant d’une extension illicite de l’art. 26 al. 1 lit. c LBI supporte le fardeau de la preuve de cette extension illicite et doit alléguer de façon détaillée d’une part la modification en cause et d’autre part la détermination de l’homme du métier et l’étendue de ses connaissances à la date pertinente (date de dépôt ou de report). Le même principe d’allégation détaillée relative à l’homme du métier et à ses connaissances s’applique à la question de l’activité inventive et à la suffisance de description au sens des art. 26 al. 1 lit. a (en relation avec l’art. 1 al. 2) et 26 al. 1 lit. b LBI. Il ne suffit dès lors pas de simplement alléguer qu’une modification particulière ne serait pas explicitée dans le contenu des pièces initialement déposées (à la date de dépôt ou de report). Encore faut-il identifier l’homme du métier (typiquement par sa profession et/ou sa formation) et ses connaissances générales (typiquement les sujets techniques qu’il doit maîtriser en sa qualité d’homme du métier déterminé) à la date pertinente et expliquer pour quels motifs une telle modification ne se déduirait pas du contenu explicite des pièces initialement déposées à l’aide des connaissances de l’homme du métier (consid. 19). Tel n’a pas été le cas en l’espèce. La Cour a retenu en outre qu’il résultait de l’examen des pièces modifiées en cours de procédure d’enregistrement qu’aucune extension illicite n’était intervenue (consid. 20 et consid. 21-23). Concernant la nouveauté, la Cour rappelle qu’une combinaison avec d’autres documents n’est pas admissible et considère qu’il convient dès lors d’admettre la nouveauté de l’invention revendiquée par rapport aux deux antériorités invoquées (consid. 26). Une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si pour l’homme du métier elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique. L’homme du métier joue ainsi un rôle décisif dans l’appréciation de l’activité inventive. À l’instar de la question de l’examen de l’extension illicite, l’appréciation de l’activité inventive présuppose une allégation détaillée quant à la détermination de l’homme du métier et ses connaissances à la date pertinente par la partie qui souhaite se prévaloir du motif de nullité correspondant au sens de l’art. 26 al. 1 lit. a (en relation avec l’art. 1 al. 2 lit. b. ) Cette information est nécessaire afin de déterminer si ses connaissances générales auraient incité et permis à l’homme du métier de combler une lacune entre une ou plusieurs antériorités déterminées (par exemple une ou plusieurs publications et/ou usages publics antérieurs) et l’invention revendiquée. Une telle allégation détaillée est également nécessaire afin de déterminer si ses connaissances générales auraient permis à l’homme du métier de combiner les enseignements contenus dans des antériorités différentes afin de les réduire en un mode d’exécution combinée (réelle) couvert par l’invention revendiquée. Le défaut d’une allégation détaillée en ce sens contraint en principe le juge a rejeté le motif de nullité invoqué, ainsi que cela a été fait en l’espèce, la demanderesse ayant présenté l’homme du métier uniquement comme un « praticien du domaine technologique normalement qualifié qui possède des connaissances générales dans le domaine concerné et qui est censé avoir eu accès à tous les éléments de l’état de la technique » (consid. 32). Selon l’art. 125 al. 1 LBI, dans la mesure où, pour la même invention, un brevet suisse et un brevet européen ayant effet en Suisse ont été délivrés au même inventeur ou à son ayant cause avec la même date de dépôt ou de priorité, le brevet suisse ne porte plus effet dès la date à laquelle le délai pour former opposition au brevet européen est échu, ou la procédure d’opposition a définitivement abouti au maintien en vigueur du brevet européen. Dans le contexte de la LBI, une invention se comprend comme une règle de comportement technique portant sur l’utilisation des éléments naturels ou des forces de la nature et aboutissant à un résultat déterminé. L’invention est définie dans une ou plusieurs revendications du brevet (art. 51 al. 1 LBI). En l’espèce, la revendication 1 du brevet suisse concerné ne définit pas la même invention que celle de la revendication 1 du brevet européen. Le brevet suisse définit ainsi une règle différente de celle du brevet européen. Par conséquent, les deux brevets ne protègent pas « la même invention » et les conditions d’application de l’art. 125 LBI ne sont pas réalisées (consid. 37).

Art. 123 al. 2 CBE 2000 ; 1 al. 1, 7 al. 1, 7 al. 2, 8 al. 1, 8 al. 2, 26 al. 1 lit. a, 26 al. 1 lit. c, 51, 58 al. 2, 66 lit. a, 72, 73 al. 1 LBI ; 55 al. 1, 56, 57, 125 lit. a, 133 lit. e, 237 CPC

L’homme du métier n’est pas un individu réel, mais une fiction juridique. Il a reçu une formation classique dans le domaine technique en cause et il est doté de compétences et de connaissances moyennes dans ce même domaine. Il n’est pas exempt des idées habituellement préconçues dans ledit domaine. L’homme du métier est typiquement le professionnel appelé à réaliser l’objet décrit dans le brevet ou chargé de résoudre le problème correspondant.

Aux termes de l’art. 56 CPC, le tribunal interpelle les parties lorsque leurs actes ou déclarations sont peu clairs, contradictoires, imprécis ou manifestement incomplets. Il leur donne l’occasion de les clarifier et de les compléter. Il incombe au tribunal d’élucider la situation juridique sur la base des faits régulièrement établis dans le procès. Le tribunal doit statuer selon les règles de répartition du fardeau de la preuve lorsque des faits importants n’ont pas été régulièrement allégués puis prouvés. Il n’est pas autorisé à se prononcer sur la conséquence juridique de faits autres que ceux dûment établis et il doit s’abstenir de spéculer sur l’issue de la cause dans l’hypothèse où les parties auraient procédé différemment. Il ne peut rendre aucun jugement grevé de réserves ou fondé sur des conjectures.

En se référant dans le cas d’espèce au rapport de deux experts, dont les connaissances et les aptitudes personnelles permettent de présumer qu’ils se sont référés aux connaissances et aptitudes typiques d’un professionnel appelé à réaliser l’objet décrit dans le brevet ou chargé de résoudre le problème correspondant, le TFB a, implicitement au moins, recouru à la notion d’homme du métier telle qu’elle est décrite ci-dessus. Comme le procès civil est soumis à la maxime des débats selon l’art. 55 al. 1 CPC, et qu’aucune dérogation n’est prévue en matière de brevet d’invention, il appartenait aux parties d’alléguer et de prouver, le cas échéant, que des connaissances particulières et inhabituelles, différentes de celles des deux experts, auraient été nécessaires pour apprécier la validité et la portée du brevet concerné (consid. 5).

Art. 123 al. 2 CBE 2000 ; 1 al. 1, 7, 8, 26, 51, 58 al. 2, 66 lit. a, 72, 73 al. 1 LBI

La nouveauté d’une invention n’est détruite que lorsque toutes ses caractéristiques ont été rendues accessibles au public avant le dépôt de la demande de brevet. L’examen de la nouveauté consiste dans une comparaison individuelle entre chaque solution déjà divulguée et l’invention en cause. La nouveauté de cette invention n’est détruite que lorsqu’une antériorité en présente identiquement toutes les caractéristiques. Il est suffisant, mais nécessaire que l’enseignement technique revendiqué soit déjà apporté à l’homme du métier par une solution connue.

Il appartient à la partie qui invoque l’absence de nouveauté de la prouver. Tel n’est pas le cas lorsque trois caractéristiques du brevet dont la validité est contestée ne se retrouvent pas dans le brevet antérieur qui lui est opposé au titre d’antériorité détruisant la nouveauté (consid. 6). Pour qu’une invention soit brevetable, l’objet du brevet doit être le résultat d’une activité inventive, car la protection légale n’est pas accordée à ce que l’homme du métier peut logiquement développer sur la base de la connaissance de l’état de la technique et par la simple mise en œuvre de compétences moyennes ; l’invention brevetable est le résultat d’une sagacité plus considérable. L’activité inventive doit être appréciée d’après ce qui était objectivement réalisable à la date déterminante.

À la différence du critère relatif à la nouveauté de l’invention, l’appréciation de l’activité inventive nécessite d’appréhender l’état de la technique dans sa globalité. Tous les enseignements et toutes les antériorités accessibles au public constituent dans leur ensemble le patrimoine technique dont un homme du métier, doté de capacités de combinaison normales, dispose librement pour aborder le problème à résoudre. Il faut examiner si l’état de la technique a suggéré une combinaison évidente d’éléments distincts, compte tenu de leur fonction au sein de l’ensemble ; il importe toutefois de ne pas considérer de manière erronée et artificielle, dans une approche rétrospective issue de la connaissance de la solution en cause, une combinaison comme résultant à l’évidence de l’état de la technique (consid. 7).

Art. 183 al. 3 CPC, art. 261 CPC, art. 1 LBI

Afin d’examiner l’activité inventive, il faut dans un premier temps évaluer l’état de la technique relevant. Dans un deuxième temps, il s’agit de déterminer le problème technique objectif à résoudre. À cet effet, on détermine d’abord les différences entre l’état de la technique et l’invention revendiquée relativement aux caractéristiques déterminantes. Enfin, on se demande si l’homme de métier, partant de l’état de la technique et de la problématique technique à résoudre, aurait non seulement pu développer l’invention, mais également la développer sans effort particulier. Tel est le cas en l’espèce, de sorte que la condition de l’activité inventive n’est pas remplie (consid. 4.4, 4.6 et 4.7).