Propriété intellectuelle

Art. 41, 49, 423 CO ; 11 al. 1, al. 2, 25, 61, 62 al. 1 lit. a, al. 2, al. 3, 66 LDA

La mise en œuvre de droits à rémunération s’avère en général difficile dans le domaine du droit d’auteur. Si l’action en constatation était subsidiaire par rapport à l’action en exécution d’une prestation, il y aurait en l’espèce un risque important qu’elle soit irrecevable faute d’intérêt et que l’action en remise du gain soit rejetée en raison de l’inexistence d’un gain, quand bien même il y a apparemment une violation du droit d’auteur. De plus, la jurisprudence sur la subsidiarité de l’action en constatation a pour but d’éviter plusieurs procès successifs, d’abord en constatation puis en exécution. En l’espèce, ces considérations d’économie de la procédure ne valent pas puisque les demandeurs font valoir les deux actions dans le même procès. Enfin, la constatation peut offrir une protection juridique d’une autre nature ou supplémentaire par rapport à l’action en exécution. Il y a donc en l’espèce un intérêt à la constatation (consid. 2.1). L’action en constatation n’est pas liée à la titularité du droit invoqué, mais à la preuve d’un intérêt. Elle est normalement à disposition du licencié exclusif lorsque son droit relatif dépend du droit d’auteur à constater. S’agissant de l’action en exécution d’une prestation, la qualité pour agir du licencié exclusif résulte de l’art. 62 al. 3 LDA (consid. 2.2). Une citation au sens de l’art. 25 LDA doit servir de commentaire, de référence ou d’illustration. Elle ne doit pas avoir un but autonome, mais une fonction de justification. Il doit exister, d’une part, un rapport matériel entre l’œuvre citée et la représentation propre ; d’autre part, la citation doit être d’importance subordonnée. Si le texte cité suscite un intérêt principal, l’art. 25 LDA n’est pas applicable (consid. 3.2). En l’espèce, les conditions d’application de l’art. 25 LDA ne sont pas remplies (consid. 3.3). Le doit à l’intégrité de l’œuvre vaut aussi bien pour les petites modifications que pour les grandes. Il est violé par toute modification non autorisée. En l’espèce, il n’est donc pas nécessaire de déterminer si les modifications sont seulement marginales, comme le prétend la défenderesse (consid. 4.2). Une citation falsifiée, ou sortie de son contexte de sorte à présenter l’auteur sous un autre jour, est inadmissible au même titre qu’une utilisation de l’œuvre dans un contexte rejeté par l’auteur. Une altération portant atteinte à la personnalité, au sens de l’art. 11 al. 2 LDA, ne sera reconnue que pour les modifications importantes ayant des conséquences négatives, et cela de manière restrictive. Il s’agira alors d’une forme de détérioration particulièrement grave, d’une falsification flagrante du contenu de l’expression intellectuelle, cette dernière se manifestant dans l’œuvre en tant qu’émanation de la personnalité de l’auteur. Il n’y a pas une telle altération en l’espèce (consid. 4.3). L’action en interdiction de l’art. 62 al. 1 lit. a LDA suppose un intérêt à la protection actuel et suffisant. Celui-ci existera en cas de mise en danger concrète du droit, c’est-à-dire lorsqu’une violation future est sérieusement à craindre. Les conclusions en interdiction doivent viser des actes concrets réservés à l’auteur d’après l’art. 10 LDA et elles doivent être rédigées précisément, de sorte que les actes interdits soient sans autre reconnaissables pour la partie défenderesse et les autorités d’exécution (consid. 5.2). Etant donné que la défenderesse conteste l’illicéité de son comportement, il y a un risque de récidive donc un intérêt actuel et suffisant pour demander l’interdiction (consid. 5.3). La fonction première d’une publication du jugement est de mettre fin à la violation du droit d’auteur. Pour l’ordonner, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il devra peser les intérêts divergents des parties et s’orienter sur le principe de la proportionnalité. Les demandeurs devront avoir un intérêt à la publication, par exemple le besoin d’informer un cercle de personnes dépassant leurs proches des violations constatées du droit d’auteur, afin de mettre fin au trouble ou à la confusion sur le marché. Une publication pourra être opportune lorsque la partie violant les droits conteste l’illicéité de son comportement, de sorte que d’autres atteintes sont à craindre. En revanche, on pourra renoncer à la publication si les violations datent déjà de quelque temps ou qu’elles n’ont pas eu de retentissement, ni chez les professionnels ni dans le public (consid. 6). Comme il n’y a aucune altération au sens de l’art. 11 al. 2 LDA, l’atteinte à l’intégrité de l’œuvre n’est pas suffisamment grave pour fonder une indemnité pour tort moral selon l’art. 49 al. 1 CO (consid. 7). Un droit à la remise du gain selon l’art. 423 CO suppose qu’une personne s’approprie une affaire, c’est-à-dire intervienne dans la sphère juridique d’autrui et en retire un gain de manière causale. La personne doit également agir de mauvaise foi. C’est le gain net qui est pris en considération, c’est-à-dire que les frais du gérant sont déduits du montant brut. Ce dernier devra être prouvé par le lésé, tandis que le gérant supportera le fardeau de la preuve de ses frais. Dans la présente affaire, l’action en remise de gain serait justifiée, si bien que le titulaire du droit d’auteur doit être renseigné par la défenderesse sur les éventuels gains qu’elle a réalisés. Ce droit n’appartient pas au licencié exclusif, qui n’est pas habilité à demander la remise du gain (consid. 8.2). La fixation du dommage selon la méthode de l’analogie avec la licence nécessite que le titulaire du droit d’auteur ait été prêt à autoriser l’utilisation de l’œuvre. Elle ne dispense pas le demandeur de prouver l’existence d’un dommage. Il faut donc encore examiner si le demandeur aurait été prêt à conclure un contrat de licence (consid. 8.3).

Art. 5 al. 1 lit. a, lit. c, 6 al. 4 lit. a, 243 CPC

L’instauration d’une instance cantonale unique en propriété intellectuelle a pour but de concentrer les connaissances juridiques et spécialisées auprès d’un seul tribunal. La valeur litigieuse ne joue aucun rôle, sauf pour les litiges concernant la LCD selon l’art. 5 al. 1 lit. d CPC. Pour ceux-ci, la procédure simplifiée selon les art. 243 ss CPC est applicable lorsque la valeur litigieuse est inférieure à CHF 30’000.- (consid. 3.1). Si le législateur avait voulu que la procédure simplifiée influence la compétence matérielle de l’instance cantonale unique, il aurait été inutile de prévoir une valeur litigieuse minimale pour les litiges relevant de la LCD (consid. 3.2). Devant l’instance cantonale unique, la procédure simplifiée est inapplicable d’après l’art. 243 al. 3 CPC. Les litiges sont soumis à la procédure ordinaire, aussi pour une valeur litigieuse inférieure à CHF 30’000.-. La compétence matérielle de l’instance cantonale unique l’emporte ainsi sur la règle de procédure générale de l’art. 243 al. 1 CPC, aussi lorsque c’est le Tribunal de commerce qui fonctionne comme instance cantonale unique (consid. 3.3). La jurisprudence du TF selon laquelle les règles sur le type de procédure l’emportent sur la compétence matérielle du tribunal de commerce n’est pas applicable (consid. 3.4 et 3.5).

Art. 42 al. 2 CO

La fixation du dommage selon la méthode de l’analogie avec la licence nécessite aussi la preuve d’un dommage. Le demandeur ne peut pas se borner à alléguer l’utilisation sans licence de son logiciel et l’obtention du prix catalogue par le défendeur (consid. 5.1). Quelle que soit la méthode de détermination du dommage, l’art. 42 al. 2 CO ne dispense pas le demandeur d’alléguer tous les éléments qui lui sont accessibles et qui permettront au juge d’évaluer le dommage (consid. 5.2).

Art. 11bis CB ; 8 WCT ; 6 WPPT ; 8 Cst. ; 42, 71, 93 al. 3, 95, 97, 105, 106, 107 al. 2 LTF ; 10 al. 2 lit. e, lit. f, 19 al. 1 lit. a, 22, 46, 59, 60, 83 al. 2 LDA ; 24 PCF

Les recours concernent le même jugement, ils contiennent pour l’essentiel les mêmes conclusions et ils soulèvent des questions juridiques identiques. Il se justifie donc de joindre les procédures (consid. 1.1). Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif par la CAF, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (consid. 1.2). Le TF revoit l’interprétation du droit fédéral et des traités internationaux avec un plein pouvoir de cognition. Il base sa décision sur l’état de fait constaté par l’autorité inférieure, mais il peut le rectifier ou le compléter s’il apparaît manifestement inexact ou s’il a été établi en violation du droit au sens de l’art. 95 LTF (consid. 1.3). Le TF applique le droit d’office et n’est pas lié par les arguments des parties ou par les considérants de la décision attaquée (consid. 1.4). Les motifs du recours doivent exposer succinctement en quoi l’acte attaqué viole le droit. Cela implique que le recourant doit se pencher au moins brièvement sur ses considérants. En matière de violation des droits fondamentaux et de violation du droit cantonal ou intercantonal, il existe un devoir de motivation qualifié : le grief doit être invoqué et motivé précisément d’après l’art. 106 al. 2 LTF (consid. 1.5).

Art. 42 al. 2, 74 al. 2 lit. b, 75 al. 2 lit. a LTF ; 45 al. 1, 46, 53 al. 1, 55, 59 al. 3, 74 al. 1 LDA

Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable quelle que soit la valeur litigieuse selon l’art. 74 al. 2 lit. b LTF ; de plus, le tribunal supérieur n’a pas à statuer sur recours d’après l’art. 75 al. 2 lit. a LTF (consid. 1.2). En cas de recours en matière civile, le TF n’est pas lié par l’argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits, mais il s’en tient d’ordinaire aux questions juridiques que la partie recourante a soulevées (consid. 1.3).

Art. 544 al. 3 CO

dans le cas d’une société simple comme dans celui d’une société en nom collectif, les associés répondent personnellement et solidairement des dettes de la société (consid. 1). En l’espèce, on peut laisser ouverte la question de savoir si des personnes exploitant ensemble un club forment une société simple ou une société en nom collectif (consid. 2). B. a signé le contrat de bail d’un local désigné comme « disco » et « débit de boissons » ; il était également responsable de l’approvisionnement en boissons, lesquelles étaient payées par sa mère, et il a été considéré par un témoin comme coresponsable de l’exploitation du club ; il a enfin fait enregistrer le nom de domaine du club. Dans ces circonstances, il apparaît comme membre de la société simple exploitant le club. Le fait qu’il n’ait pas organisé lui-même les événements musicaux n’exclut pas sa responsabilité également dans ce domaine d’activité de la société simple. Il est donc responsable solidairement du paiement des redevances de droit d’auteur (consid. 4).

Art. 10 al. 2, 16 LDA ; 115, 118 al. 1, 121 CPP

La recourante, la société de gestion SUISA, n’est pas la titulaire originaire des droits d’auteur énumérés à l’art. 10 al. 2 LDA, dès lors que ce sont les auteurs qui ont cette qualité. Toutefois, ces droits sont cessibles d’après l’art. 16 LDA. Lorsqu’une telle cession a été convenue, l’acquéreur devient titulaire des droits avec effet erga omnes. Cela vaut aussi dans le cas d’une cession à titre fiduciaire à une société de gestion. C’est alors cette société qui est directement lésée par une infraction aux droits d’auteur, pour autant qu’au moment de l’infraction elle ait déjà été titulaire desdits droits. En revanche, il est douteux que la société de gestion puisse avoir la qualité de lésée pour des auteurs étrangers qui ne lui ont pas cédé leurs droits, mais les auraient cédés à une société sœur étrangère. C’est alors cette dernière qui serait formellement partie plaignante, la société suisse en étant la représentante (consid. 2.6). Celui qui succède à une partie lésée dans ses droits n’est qu’indirectement atteint et ne peut pas, sous réserve des cas prévus à l’art. 121 al. 1 et 2 CPP, se voir reconnaître la qualité de partie plaignante. Il faut examiner au moment de la commission des faits qui était titulaire des biens juridiques ou des droits patrimoniaux auxquels il a été porté atteinte. Celui qui est atteint de la sorte dans ses droits est directement lésé par l’infraction. En revanche, si cette personne est ultérieurement absorbée par voie de fusion, le successeur en droit n’a pas cette qualité. Or, en l’espèce, la recourante était titulaire des droits d’auteur au moment de l’infraction alléguée. Elle est donc directement atteinte et a qualité pour se constituer partie plaignante en application de l’art. 118 al. 1 en relation avec l’art. 115 CPP (consid. 2.7).

Art. 62 al. 1 lit. a-c LDA ; 55 al. 1 CPC

Dans les procédures soumises à la maxime des débats, les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produire les preuves s’y rapportant (art. 55 al. 1 CPC). Les parties supportent ainsi le fardeau de l’allégation. Elles doivent alléguer tous les éléments de l’état de fait qui fondent leurs prétentions du point de vue du droit matériel. Un renvoi global à des pièces déposées ne satisfait pas à l’obligation d’alléguer et de prouver les faits décisifs qui doivent, lorsqu’ils sont contestés, non plus être présentés de manière générale, mais analysés dans l’état de fait de façon si claire et si complète qu’une preuve ou une contre-preuve puisse être apportée à l’appui de chacun d’eux (consid. 2.1).

Il ressort de la lettre même de l’art. 62 LDA que le fait de subir ou de risquer de subir une violation du droit d’auteur ou des droits voisins constitue une condition d’application de cette disposition et des prétentions qui peuvent être déduites non seulement de ses lit. a et lit. b, mais aussi de sa lit. c. Celui qui souhaite obtenir les informations sur les objets confectionnés ou mis en circulation de manière illicite prévues par l’art. 62 al. 1 lit. c LDA ne doit ainsi pas seulement établir être titulaire des droits d’auteur sur les œuvres concernées, mais aussi qu’il subit ou risque de subir une violation de ses droits. Le droit à l’information ne permet pas d’obtenir des indications sur de supposées violations du droit d’auteur par les défenderesses. Une violation, ou au moins une mise en danger d’un droit d’auteur doit en tant que condition décisive aux prétentions déduites de l’art. 62 al. 1 lit. a LDA, y compris à celles en fourniture d’informations selon l’art. 62 al. 1 lit. c LDA, être alléguée et prouvée en cas de contestation (consid. 2.3). Une interprétation historique de l’introduction de l’art. 62 al. 1 lit. c LDA (le 23 novembre 2005 dans le cadre de la révision de la LBI) confirme que la vérification de l’existence d’un acte illicite est une condition de la prétention en fourniture de renseignements qui ne saurait avoir de portée allant au-delà de la lettre de cette disposition et s’appliquer également en cas de violation présumée, avec cette conséquence que les défenderesses auraient en quelque sorte une obligation générale de rendre compte de l’utilisation des photographies réalisées par la demanderesse (consid. 2.4). La recourante (et demanderesse) ne prétend pas avoir établi une violation ou une mise en danger de ses droits d’auteur par les défenderesses, respectivement par l’une ou l’autre d’entre elles. La preuve que la demanderesse est titulaire de droits d’auteur sur les photographies qu’elle a réalisées ne suffit donc pas à fonder ses conclusions en interdiction, en cessation, en dommages et intérêts et en réparation du tort moral (consid. 2.6).