Droit de la famille

ATF 150 III 49 (d)

2023-2024

Tant que les relations personnelles ne sont pas réglées par les autorités, ce n’est pas l’autorité de protection de l’enfant qui en décide, mais la mère, seule détentrice de l’autorité parentale et du droit de garde en vertu de l’art. 275 al. 3 CC. Avant que le droit aux relations personnelles n’ait été fixé, l’art. 273 al. 2 CC ne peut donc pas être utilisé comme base légale pour donner une instruction à la mère, i.c. d’informer un enfant au sujet de son père incarcéré. En l’espèce, une telle mesure ne pouvait pas non plus se fonder sur l’art. 307 al. 3 CC, les conditions posées par cette disposition n’étant pas remplies.

Droit au respect de la vie familiale ; retrait de la garde dans l’intérêt des enfants en dépit de l’acquittement du père pour abus sexuel. Soumettre une condamnation pénale à un niveau de preuve élevé et interpréter tout doute en faveur de la partie défenderesse s’inscrit dans la Convention et la tradition juridique européenne. Toutefois, cette exigence ne s’applique en principe pas, et dans certains cas, ne devrait pas s’appliquer, en dehors des procédures pénales. En matière de protection de l’enfance, les services d’aide à l’enfance ont pour tâche d’évaluer de manière prospective les risques d’atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant, et non des éléments de culpabilité pénale. Pour justifier des mesures de protection, les autorités ne devraient pas être tenues d’apporter la preuve, au-delà de tout doute raisonnable, d’une négligence pénalement répréhensible ou d’une mise en danger. Retenir l’inverse reviendrait à compromettre sérieusement la capacité des autorités à protéger la vie et le bien-être des enfants. En l’espèce, tenir compte de l’ensemble des faits dans le but d’agir dans l’intérêt des enfants était une décision raisonnable. Un manquement à leurs devoirs aurait pu être retenu à l’encontre des autorités si elles avaient agi autrement. Non-violation de l’art. 8 CEDH.

Droit au respect de la vie familiale ; enfants contraints, pendant trois ans, aux rencontres avec leur père violent dans un environnement non protecteur (nonobstant la décision du tribunal et plusieurs signalements) et suspension de l’autorité parentale de la mère hostile à celles-ci. La Cour partage les inquiétudes du GREVIO quant à la pratique, très répandue parmi les tribunaux civils, consistant à considérer les femmes comme des parents « non coopératifs » et donc des « mères inaptes » méritant une sanction lorsqu’elles invoquent des faits de violence domestique pour refuser de prendre part aux rencontres de leurs enfants avec leur ex-conjoint·e et s’opposer à une garde partagée ou à un droit de visite. Violation de l’art. 8 CEDH dans le chef des enfants et de la mère retenue.

L’auteur doit agir de façon répétée ou violer durablement son devoir d’éducation de manière à mettre en danger le développement physique ou psychique de la personne mineure (confirmation de jurisprudence). Le TF retient qu’il s’agit d’une unité juridique d’actions. Partant, la prescription ne commencera à courir qu’à partir du jour où le dernier acte a été commis (art. 98 al. 1 let. b CP). En cas de délit continu commis à cheval sous l’ancien et le nouveau droit, le nouveau droit de la prescription s’applique à l’ensemble de l’infraction.

Droit à la vie privée et familiale. Les deux affaires portent sur des décisions de placement d’enfant, avec restriction du droit de visite dans le premier cas et autorisation d’adoption dans le second cas. Dans la première affaire, les juridictions internes prévoyaient dans l’ordonnance de placement que l’enfant devait être élevé dans une famille d’accueil, mais sans tenter de faciliter le rapprochement de la famille (réglementation de contact très restrictive). Dans la seconde affaire, la décision d’autorisation d’adoption qui suivait le placement était justifiée au vu de la gravité du risque auquel les enfants étaient exposés (négligences graves, violences physiques et abus sexuels, forte exposition médiatique par la mère).

Composition de l’APEA pour une décision de placement par mesures provisionnelles portant sur le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et son placement. Les interprétations littérale et systématique de la loi laissent penser à une grande liberté des cantons, néanmoins les interprétations (prépondérantes) historique et téléologique mettent en évidence que l’autorité législative n’a pas voulu donner un blanc-seing aux cantons. Elle a imposé le principe d’interdisciplinarité de l’autorité. Elle a exclu une compétence individuelle pour des mesures impliquant un pouvoir d’appréciation important ou portant gravement atteinte à la liberté personnelle. Le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et son placement relèvent du domaine central du droit de la protection de l’enfant. La mesure, même provisionnelle, porte en général une atteinte grave à des droits fondamentaux de l’enfant, de sorte qu’il convient de conférer une importance particulière aux principes d’interdisciplinarité et de collégialité : l’exigence d’une compétence décisionnelle collégiale n’apparaît en outre pas impraticable.