Droit de la famille

Les dispositions concernant la protection de l’enfant et de l’adulte relèvent en principe du droit public, mais sont édictées sur la base de la compétence de la Confédération en matière de droit civil, dont l’organisation judiciaire et son administration demeurent du ressort des cantons, sauf disposition contraire de la loi. Procédant à l’examen des différentes interprétations (littérale, historique, téléologique et systématique) d’une norme légale et tenant compte de l’avis de la doctrine, le TF examine la question de savoir si, au regard du droit fédéral, des mesures provisionnelles retirant le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et prononçant son placement sur la base des art. 310 al. 1 CC et 445 al. 1 CC peuvent être rendues par un·e membre unique de l’APEA (art. 440 CC). A mesure que ces thèmes relèvent du domaine central du droit de la protection de l’enfant et portent en général une atteinte grave à des droits fondamentaux de l’enfant, le TF arrive à la conclusion qu’il est nécessaire d’avoir la compétence d’une autorité collégiale pour rendre de telles mesures.

L’enfant est directement concerné·e par la règlementation de l’autorité parentale. Sans être partie au procès des parents, sa position procédurale particulière lui permet de participer à la procédure. Par conséquent, l’enfant est entendu·e dans la procédure, à moins que son âge ou d’autres justes motifs ne s’y opposent. Pour des enfants d’un âge plus avancé, l’aspect « droit de la personnalité est prépondérant » et fonde un droit de participation propre (cf. ATF 146 III 203/JdT 2021 II 77). Pour des enfants plus jeunes, l’audition doit être comprise comme un moyen de preuve. La capacité de se déterminer sur la question de l’attribution de l’autorité parentale est en principe admise à l’âge de 12 ans. La détermination d’un conflit de loyauté et son impact sont des questions de psychologie de l’enfant auxquelles on ne peut répondre que par des connaissances spécialisées.

ATF 148 III 21 (d)

2021-2022

Conséquences du non-paiement de la provisio ad litem. L’obligation d’un·e conjoint·e d’assister l’autre en cas de litige par le versement d’une provisio ad litem découle du devoir d’entretien et du devoir d’assistance entre personnes mariées. Sur la question de savoir si l’obligation de verser une provisio ad litem pourrait être qualifiée d’acte de procédure, le TF retient que, faute de base légale, l’exécution de cette obligation ne saurait être érigée en condition de recevabilité de la demande de divorce, pas même par le biais des règles applicables en cas de défaut d’une partie.

Le principe de la publicité de la justice garantit un droit fondamental à la consultation de tous les jugements après leur prononcé, même s’ils ont été prononcés il y a longtemps et peu importe que la demande concerne un jugement individuel ou un nombre important de jugements. Néanmoins, ce travail ne doit pas représenter une charge excessive pour l’autorité judiciaire. Ce droit n’est pas absolu et peut être restreint, de manière conforme au principe de proportionnalité, pour protéger la vie privée des parties au procès. S’agissant des procédures du droit des familles, elles ne sont pas publiques, selon l’art. 54 al. 4 CPC. Cette disposition fournit une base légale formelle pour l’exclusion du public des audiences du tribunal et du prononcé des jugements, mais cela ne s’applique pas au jugement écrit ou à la motivation de celui-ci. Ainsi, l’exclusion du public selon cette disposition ne modifie pas le caractère public de la décision. En l’espèce, le TF a considéré comme inadmissible que les instances inférieures aient refusé au recourant l’accès aux jugements rendus depuis 2015 dans le canton de Zoug en matière de droit des familles. Le recours est dès lors fondé.

Rappel du principe de reconvention en matière de divorce. La reconvention est une action introduite par la partie défenderesse contre la partie demanderesse dans un procès pendant. Lorsqu’une partie conclut également au prononcé du divorce et prend ses propres conclusions quant aux effets accessoires, elle dispose d’un droit propre à ce que l’autorité judiciaire statue sur le divorce.

Voie de droit applicable à une décision de rejet d’une requête d’interprétation d’un jugement qui homologue une convention de divorce. La voie de droit contre une décision rejetant ou déclarant irrecevable la demande d’interprétation est le recours (art. 334 al. 3 cum art. 319 ss CPC). En revanche, si l’autorité judiciaire interprète la convention au sens de l’art. 334 CPC, le recourant doit déposer un appel ou un recours (consid. 4.2.2).

Art. 134 CC, Art. 287 CC al. 1, Art. 298 CC, Art. 308 CC, Art. 315 CC, Art. 304 CPC al. 2

Délimitation de la compétence matérielle entre l’APEA et un tribunal. L’APEA est en principe, et particulièrement dans le cas de parents non mariés, l’autorité compétente pour réglementer les questions relatives aux enfants et les mesures de protection de l’enfant, à moins qu’un tribunal n’ait déjà traité lesdites questions. La question de l’entretien est exclue de cette compétence générale extrajudiciaire. Dans le cadre de la révision du droit de l’entretien de l’enfant (en vigueur le 1er janvier 2017), le législateur a clarifié la question de la compétence au moyen de règles de coordination, en complétant les art. 298b al. 3 et 298d al. 3 CC et en créant le nouvel art. 304 al. 2 CPC.

Art. 8 CEDH, Art. 10 Cst. al. 2, Art. 13 Cst., Art. 235 CPP

Restriction à la liberté d’une prévenue en détention provisoire durant sa grossesse en raison d’un risque de collusion. Examen de la restriction aux droits de visite et au droit d’assister à un accouchement, au regard des droits fondamentaux et de la procédure pénale.

Art. 8 CEDH, Art. 10 Cst. al. 2, Art. 13 Cst., Art. 235 CPP

Restriction à la liberté d’une prévenue en détention provisoire durant sa grossesse en raison d’un risque de collusion. Examen de la restriction aux droits de visite et au droit d’assister à un accouchement, au regard des droits fondamentaux et de la procédure pénale.

TF 5A_481/2017 (d)

2017-2018

Art. 4 par. 1, 8 par. 1 CLaH73 ; 10 CLaH70 ; 29 al. 3 LDIP

Droit applicable aux obligations alimentaires et reconnaissance d’un jugement de divorce. Selon l’art. 4 par. 1 CLaH73, la loi de la résidence habituelle du créancier d’aliments régit les obligations alimentaires qui entrent dans le domaine de la convention. Par dérogation, la loi appliquée au divorce (droit applicable) régit les obligations alimentaires entre époux divorcés et la révision de celles-ci (art. 8 par. 1 CLaH73). Ainsi, cette disposition s’applique lorsque l’entretien est demandé dans le cadre du règlement des effets du divorce ou que la modification est litigieuse. À l’inverse, dans le cadre de MPUC, la loi de la résidence habituelle du créancier d’aliments est applicable. Par ailleurs, le principe de l’unité du jugement de divorce ne fait pas partie de l’ordre public suisse, ainsi le fait que les effets accessoires du divorce n’ont pas été réglés dans le jugement étranger ne s’oppose pas à la reconnaissance (art. 10 CLaH70).

Art. 12 CEDH, 14 Cst. et 283 CPC

Décision partielle sur le principe du divorce et pesée des intérêts. L’art. 283 al. 1 CPC prévoit que le tribunal règle également les effets du divorce dans la décision sur le divorce. Pour de justes motifs, la liquidation du régime matrimonial peut être tranchée dans une procédure séparée (al. 2) ; le partage des prétentions de prévoyance professionnelle également, si des prétentions à l’étranger sont concernées et si une décision relative au partage de celles-ci peut être obtenue dans l’Etat en question (al. 3). Le principe de l’unité du jugement de divorce ne s’oppose pas à une décision partielle sur le principe du divorce. Lorsque l’une des parties ne s’oppose pas au divorce, mais à la décision partielle sur le principe, il faut effectuer une pesée entre les intérêts des parties. À cet égard, le droit fondamental au mariage, qui comprend le droit au remariage (art. 14 Cst. et 12 CEDH), plaide en faveur d’une décision séparée sur le principe du divorce quand les faits sont clairs et que le litige sur les effets accessoires se prolonge fortement. Ce d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, l’intéressé est relativement âgé.

Art. 260a al. 1 et 260b al. 1 CC ; 59 al. 2 let. a et 296 CPC

Qualité pour agir des collectivités publiques  en contestation de la reconnaissance d’un enfant ; admissibilité et conditions de l’exécution coercitive d’une expertise ADN ordonnée par le juge. Dans une affaire de mariage fictif impliquant une reconnaissance de complaisance, ce n’est pas la question de la qualité pour agir qui est déterminante pour l’issue du litige, mais bien la pesée des intérêts entre l’enfant et ceux de la commune d’origine ou de domicile de l’auteur de la reconnaissance. L’intérêt de l’enfant réside dans le maintien de la relation père-enfant. L’intérêt de la commune d’origine ou de domicile de l’auteur de la reconnaissance ou d’une autre collectivité publique doit être digne de protection et prépondérant. L’intérêt de la collectivité publique à combattre les abus dans le domaine migratoire et le versement indu de prestations sociales l’emporte en l’espèce sur un lien de filiation paternelle « plutôt relâché ». Concernant le caractère obligatoire d’une expertise ADN, le droit de l’enfant de connaître ses origines prime sur l’atteinte minime à la personnalité de l’homme en cause. Dans le respect du principe de proportionnalité, le père juridique peut donc se voir également imposer un test ADN.

Art. 317 al. 1 CPC

Faits et moyens de preuves nouveaux en cas de maxime inquisitoire. Les faits et moyens de preuves nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu’ils soient invoqués ou produits sans retard et qu’ils n’aient pas pu l’être en première instance, bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise. En l’espèce, le TF considère que l’application stricte de l’art. 317 al. 1 CPC n’est pas justifiée en cas de maxime inquisitoire illimitée. Il y a donc lieu d’admettre que les parties peuvent dans un tel cas présenter des nova en appel même si les conditions de l’art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies.

Art. 176 CC

Modification de mesures protectrices de l’union conjugale ou des mesures provisionnelles fondées sur une convention. Une telle modification n’est possible qu’en cas de changements effectifs importants relatifs à des éléments de l’état de fait qui avaient été considérés comme établis au moment de la conclusion de la convention. Il n’y a en revanche pas lieu de procéder à une adaptation suite à un changement important ou durable de la situation lorsqu’il s’agit de faits qui ont été réglés dans le cadre d’une transaction afin de mettre fin à une situation incertaine.

Art. 318 al. 2 CPC

Décision sur appel. La décision de l’instance d’appel peut être communiquée par l’envoi d’un dispositif séparé et motivée ultérieurement. Le juge est dessaisi de la cause à partir du moment où il a rendu son jugement, en ce sens qu’il ne peut plus le modifier. La remise d’un dispositif écrit vaut communication ; celle-ci n’est pas reportée à la remise d’une expédition motivée (chapeau d’arrêt).

Art. 114 CC

Accord sur le principe du divorce. Lorsque les époux concluent à la dissolution de leur mariage, indépendamment l’un de l’autre mais de façon concordante et pour le même motif et que le tribunal prononce le divorce, un époux ne peut déposer appel dans le seul but de retirer sa demande en divorce (chapeau d’arrêt).

 

Art. 439 al. 1 CC

Compétence de l’APEA. L’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) du canton de Thurgovie est un tribunal au sens des art. 30 al. 1 Cst., 6 par. 1 et art. 5 par. 4 CEDH, ainsi que de l’art. 439 al. 1 CC. Composition de l’APEA en qualité d’autorité qui rend une décision et comme instance selon l’art. 439 al. 1 CC (chapeau d’arrêt).

Art. 437 al. 2 CC

Recours contre une décision au sens de l’art. 437 al. 2 CC. Le recours contre une décision de dernière instance cantonale portant sur des mesures ambulatoires prises à l’encontre de la personne placée à des fins d’assistance à sa sortie de l’institution est sujette à un recours en matière civile au Tribunal fédéral.

Art 301a CC

Transfert du lieu de résidence de l’enfant à l’étranger. La compétence des autorités suisses pour statuer sur le transfert du lieu de résidence de l’enfant cesse au moment où cette résidence habituelle est déplacée dans un autre Etat partie à la CLaH 96. Lorsque l’urgence le commande, l’effet suspensif peut être retiré au recours interjeté contre la décision qui autorise le transfert de la résidence de l’enfant (extrait du chapeau d’arrêt).

ATF 143 III 42 (d)

2016-2017

Art. 9 Cst. ; 179 al. 1 CC ; 317 al. 1 CPC

Faits nouveaux dans la procédure d’appel. La partie qui allègue des moyens nouveaux recevables dans la procédure d’appel ne peut être renvoyée à les invoquer dans une procédure de modification ultérieure ; une décision cantonale soutenant cette thèse est arbitraire.

Art. 106 et 107 al. 1 CPC

Le TF résout une question juridique de principe (consid. 1). Les frais sont à la charge de la partie qui se désiste (art. 107 CPC), respectivement à celle de la partie qui acquiesce (art. 106 CPC). L’art. 107 CPC étant une « Kannvorschrift», l’art. 106 al. 1 CPC s’applique en cas de retrait de la demande, y compris dans les affaires de droit de la famille, notamment en cas de désistement de la demande en divorce (consid. 3). Ainsi, le juge ne peut pas partager les frais judiciaires par moitié et compenser les dépens ; le demandeur qui se désiste de sa demande en divorce supporte les frais judiciaires et doit être condamné à verser une indemnité complète de dépens (commentaire dans la newsletter d’octobre 2013).

Art. 292 al. 1 CPC

En introduisant une procédure unilatérale en divorce quelques jours après le délai de séparation de deux ans (art. 114 CC), après que son épouse a déposé sa propre demande unilatérale en divorce avant l’échéance de ce délai, le mari consent au principe du divorce. En effet, l’art. 292 al. 1 let. b CPC ne requiert aucun consentement formel. Partant, la procédure ouverte par l’épouse se poursuit conformément aux dispositions du divorce sur requête commune (commentaire dans la newsletter de décembre 2013).

Art. 75 LTF

L’audition des parties suite à des mesures superprovisionnelles constitue une voie de droit permettant à celles-ci d’obtenir une modification de la décision initiale. Pareille audition en dernière instance cantonale remplit donc la condition de l’art. 75 LTF, selon laquelle un recours en matière civile au Tribunal fédéral est recevable contre les décisions de tribunaux supérieurs de dernière instance cantonale (consid. 1.1).

TF 5A_909/2013 (d)

2013-2014

Art. 157, 160 et 164 CPC

L’article 164 CPC ne précise pas dans quelle mesure le juge tient compte d’un refus injustifié de collaborer (art. 160 CPC). Il ne doit pas nécessairement considérer toutes les allégations de l’adverse partie comme véridiques, car ce type de refus constitue uniquement un élément parmi d’autres dans la libre appréciation des preuves (art. 157 CPC). La contestation de la prise en compte d’un tel refus implique de démontrer le caractère arbitraire de l’appréciation des preuves. Une simple critique du résultat ne suffit pas (art. 97 LTF) (consid. 2.3).

Art. 101 CPC, 62 LTF

La situation de la partie qui requiert une provisio ad litem de la part de son conjoint est comparable à celle d’une personne demandant l’assistance judiciaire, de sorte que les principes gouvernant cette dernière institution régissent également la provisio ad litem. La requête de provisio ad litem, de la même manière que celle d’assistance judiciaire, suspend le délai de paiement de l’avance des frais judiciaires (art. 101 al. 3 CPC et 62 al. 3 LTF). Le rejet de la requête implique la prolongation du délai pour payer cette avance (consid. 4.2.1). L’arrêt rappelle en outre la méthode de calcul du minimum vital élargi avec répartition de l’excédent pour la fixation des contributions d’entretien (consid. 5.1).

Art. 229 et 313 CPC

L’expression « jusqu’aux délibérations » de l’art. 229 al. 3 CPC vise le même moment de la procédure que celle « avant le début des délibérations » utilisée à l’art. 313 al. 2 let. c CPC car la procédure d’appel comporte également des débats principaux (art. 316 al. 1 CPC), qui permettent l’administration de preuves (art. 316 al. 3 CPC). Les délibérations constituent une étape procédurale distincte ne pouvant débuter qu’après la clôture des débats principaux (consid. 4.2). Le retrait de l’appel principal est possible jusqu’à la clôture des débats principaux, phase qui est suivie du début des délibérations. Le retrait valable de l’appel principal empêche le tribunal d’entrer en matière sur l’appel joint (consid. 4.5) (commentaire dans la newsletter de janvier 2013).