Art. 62 LEI al. 2, Art. 66ass CP
Cet arrêt porte sur les aspects temporels régissant la relation entre la révocation d’une autorisation par une autorité migratoire d’un côté et l’expulsion pénale de l’autre. En vertu de l’art. 62 al. 2 LEI, une révocation prononcée en vertu de la législation sur les étrangers est illicite si elle est fondée uniquement sur une infraction pour laquelle un tribunal pénal a déjà prononcé une sanction mais aucune expulsion. Le but est d’éviter que différentes autorités statuent différemment sur un même état de fait. Dans le cas d’espèce, l’autorité migratoire a fondé la révocation du titre de séjour du requérant sur le viol pour lequel ce dernier a été jugé en avril 2016. En raison de la date de commission de l’infraction, les art. 66a ss CP (en vigueur depuis le 1er octobre 2016) n’ont pas pu être appliqués par le juge pénal. Ainsi, l’art. 62 al. 2 LEI ne s’oppose pas à la révocation du titre de séjour par l’autorité migratoire car ladite révocation n’est pas « fondée uniquement sur des infractions pour lesquelles un juge pénal a déjà prononcé une peine ou une mesure mais a renoncé à prononcer une expulsion » (art. 62 al. 2 LEI) mais, au contraire, sur la commission d’un crime pour lequel les art. 66a ss CP n’ont pas pu être appliqués. Partant, le recours est rejeté.
Hugo Pérez, Minh Son Nguyen
Art. 66a CP al. 2, Art. 8 CEDH
Le présent arrêt précise la notion de cas de rigueur, découlant de l’art. 66a al. 2 CP, en ce qui concerne les étrangers qui sont nés ou ont grandi en Suisse. Il s’agit d’une notion que le TF n’a pas encore circonscrite, c’est-à-dire qu’il n’est pas clair quand est-ce qu’une personne doit être considérée comme ayant grandi en Suisse et dans quelle mesure cette circonstance doit être prise en compte dans l’évaluation prévue à l’alinéa 2 de la disposition topique. Les dispositions de la LEI relatives au regroupement familial, qui prévoient que les enfants de moins de douze ans ont droit à une autorisation d’établissement (par exemple l’art. 42 al. 4 LEI), sont particulièrement pertinentes dans le cadre de l’interprétation de l’art. 66a al. 2 CP. En effet, la règle des 12 ans a pour but de garantir qu’un enfant passe au moins la moitié de sa scolarité obligatoire en Suisse, favorisant ainsi son intégration et l’acquisition de compétences linguistiques. Or, le degré d’intégration est précisément un facteur clé dans le cadre de l’art. 66a
al. 2 CP. Il semble toutefois que le législateur n’a pas voulu inclure de limite d’âge précise dans la disposition du CP. A cet égard, le TF rappelle qu’il a déjà jugé qu’un séjour de longue durée en Suisse ne permet pas de conclure de façon automatique à un bon niveau d’intégration. Il sied donc d’analyser les critères d’intégration usuels au cas par cas et, dans ce cadre, la durée du séjour de l’étranger en Suisse a tendance à indiquer une plus forte intégration et, par conséquent, un intérêt plus important à rester en Suisse. Dans le cas d’espèce, il n’y a pas d’intérêts personnels suffisamment importants bien que le requérant séjourne en Suisse depuis l’âge de treize ans ; et ce en raison du manque d’obstacles importants s’opposant à son retour au Chili (maîtrise de l’espagnol, moitié de la scolarité passée au Chili, relation intacte avec son père, qui vit au Chili, carrière professionnelle en Suisse instable et possibilités de s’insérer sur le marché du travail chilien).
Hugo Pérez, Minh Son Nguyen